Pour son 17ème album, celle qui compte sept Blues Music Awards dont le fameux BB King remis par la légende elle-même, nous plonge à la découverte de quelques trésors qu’elle a le don de régénérer en intériorisant les chansons pour les faire siennes. JANIVA MAGNESS est une interprète hors-norme et cette facilité à les personnaliser confère à ses reprises une authenticité toute flamboyante. Et si l’on ajoute le fait que « Back For Me » ait été enregistré en condition live, on constate que la blueswoman s’est à nouveau surpassée.
JANIVA MAGNESS
« Back For Me »
(Blue Élan Records)
Originaire de Detroit, Michigan, JANIVA MAGNESS est ce que l’on pourrait qualifier de diva (au bon sens du terme !), tant elle parvient à chaque nouvel album à fusionner le Blues, la Soul et l’Americana avec une grâce que l’on n’entend que très rarement. Avec sa voix rauque et puissante, elle reste toujours incroyablement captivante et, en un peu plus de 30 ans de carrière, ne déçoit jamais. Pourtant, l’Américaine est également une grande spécialiste des reprises qui, à chaque fois, sortent brillamment de l’ordinaire par leur choix.
Non que JANIVA MAGNESS ne soit pas une très bonne songwriter, bien au contraire, mais elle excelle dans l’art de magnifier les morceaux des autres en les transformant au point d’en faire de véritables déclarations personnelles. Et c’est encore le cas sur « Back For Me », où elle se montre à même de se les approprier avec un charisme incroyable pour leur offrir une nouvelle vie. Et comme cela ne paraît pas suffire, elle a même convié Joe Bonamassa (encore lui !), Sue Foley et l’électrique Jesse Dayton à la fête.
Une autre des multiples particularités de la chanteuse est aussi de dénicher des pépites méconnues d’artistes aux horizons divers. Et cette fois, c’est chez Bill Withers, Ray LaMontagne, Allen Toussaint, Doyle Bramhall II, Tracy Nelson et Irma Thomas que JANIVA MAGNESS a trouvé l’inspiration. Toujours produit par son ami Dave Darling, « Back For Me » balaie un large éventail de sonorités et de terroirs Blues et Soul, qui vibrent à l’unisson sur une dynamique brûlante entre émotions fortes et rythmes effrénés. Sompteux !
Elle chante depuis sa tendre enfance et, aujourd’hui, la force et la puissance qu’elle dégage est au service d’un Blues emprunt de Soul, de R&B, de Funk et d’Americana. Avec « August Moon », ALLISON AUGUST multiplie les écarts, passant d’un registre à l’autre avec une totale maîtrise. D’une belle authenticité et avec une sincérité très perceptible, elle interprète de manière limpide des chansons qu’elle a écrites ou co-écrites et où elle brille en offrant une sensation très familière et proche. Un moment de vie sur une musique très élégante.
ALLISON AUGUST
« August Moon »
(MoMojo Records)
Elle a le soleil dans la voix et neuf longues années après « Holy Water », elle signe enfin son retour avec un nouvel album auquel elle se consacre depuis quelques années. Et si la Californienne affiche déjà un beau parcours, ce nouvel opus vient sonner en quelque sorte l’heure d’une certaine consécration artistique pour elle. En effet, ALISSON AUGUST a fait appel au grand et awardisé Tony Braunagel, batteur auprès des plus grands noms du Blues et de la Soul, et sur plusieurs titres du disque, ainsi que metteur en son pour Eric Burdon, Mike Zito, Taj Mahal ou Coco Montoya pour ne citer qu’eux.
Autant dire que la voix de l’Américaine résonne de la plus belle des manières sur ce « August Moon », qui nous transporte sur des ambiances variées et qui, dans un écrin Blues Americana, laisse échapper des styles qui la porte depuis toujours comme le Jazz, le R&B, la Country-Soul ou la Funk. C’est d’ailleurs le cas sur « I Won’t Say No » qu’elle interprète magistralement en duo Sugaray Rayford, autre monument électrisant de la scène Soul Blues. Deux personnalités qui se complètent à merveille sur ce titre qui vient confirmer qu’ALLISON AUGUST mène sa barque avec une folle énergie.
Tendre ou survoltée, la chanteuse passe par toutes les émotions sur un groove de chaque instant, magnifiquement orchestré par un groupe qui met toute son expérience au service d’un feeling implacable. Soutenue par un trio de chœurs vibrants et chaleureux, elle enchaîne des morceaux au songwriting efficace et elle laisse respirer les chansons tout en évoquant des sujets souvent très personnels, traités avec délicatesse. ALLISON AUGUST livre ici l’une de ses plus belles performances sur album et on se délecte de chaque instant (« Blue Eye Boy », « Blues Is My Religion », « I Ain’t Lyin’ »). Somptueux !
Brut de décoffrage, le registre rocailleux des transalpins prend ici une toute autre direction musicale, même si leur touche reste intacte et leur esprit rebelle plus que vivace. Provocateur et irrévérencieux à souhait, THE DEVILS s’offre une virée dans les marécages avec un opus Stoner fait de Blues et de Soul, qui prend les traits d’un Heavy Blues sauvage au son primal et direct, façonné par un Alain Johannes des grands jours. « Devil’s Got It » traquent les décibels dans une séduisante et chaotique mixité. Magistral !
THE DEVILS
« Devil’s Got It »
(Go Down Records)
Survolté et électrisant, l’explosif duo napolitain fête ses dix ans d’existence avec un sixième album, dont le contenu paraît surprenant, mais dont le résultat colle terriblement à son image. Rock’n’Roll jusqu’au bout des doigts, Erika Switchblade (batterie, chant) et Gianni Blacula (guitare, chant) ont toujours mené leur carrière sans concession œuvrant dans un style hyper-roots entre Stoner et Garage. Epais et organique, THE DEVILS est d’une féroce authenticité et elle en est même devenue sa marque de fabrique. Une chaleur qui se répand délicieusement.
Dès le début de l’aventure, les complicités ont été aussi évidentes que redoutables. Sur les deux premiers efforts, c’est Jim Diamond (The White Stripes, The Sonics) qui s’est chargé de la production, avant que le grand Alain Johannes (QOTSA, Chris Cornell, …) ne prenne le relais. Solidement forgé par deux personnalités aussi singulières, le son de THE DEVILS a pris corps et s’est pleinement affirmé entre de si bonnes mains. Et alors que l’on pouvait s’attendre à un déferlement sonore dans les règles, c’est le Blues et la Soul qui sont ici à l’honneur.
Avec l’ardent désir de rendre hommage à une scène qui les inspire depuis toujours, les Italiens sont allés puiser dans les moindres recoins, souvent reculés mais toujours très pertinents, de ce style d’une magique intemporalité. Après un traitement de choc en bonne et due forme, les morceaux de Reverend Charlie Jackson, Freddie Scott, Robert Wilkins, Muddy Waters, Magic Slam, Z.Z. Hill ou encore William Bell reprennent vie comme s’ils avaient vu le diable en personne. Une jouissive frénésie que THE DEVILS distille sans retenue. Encore !
A mi-chemin entre Rock, Pop, Blues, Folk et Americana, NINA ATTAL trace sa route depuis plus d’une quinzaine d’année et elle semble avoir trouvé une belle allure de croisière. A quelques jours de la sortie de son cinquième album, « Tales Of A Guitar Woman », la guitariste et chanteuse affiche la sérénité d’une artiste accomplie et toujours en quête de renouveau et de découverte. Ce nouvel opus en est le parfait exemple, puisqu’il parcourt les styles qu’elle affectionne en mettant en lumière son instrument de prédilection avec beaucoup de délicatesse et une fougue jamais très loin. Entretien avec une musicienne passionnée, sincère et qui fait fi des frontières musicales pour mieux suivre sa voie.
– Comme son titre l’indique, « Tales Of A Guitar Woman » est un album de guitariste, mais où tu te mets véritablement au service des chansons. On est loin de quelque chose de démonstratif et tu alternes l’électrique et l’acoustique avec du dobro, de la slide, une guitare 12 cordes, etc… Musicalement, l’idée première était-elle de jouer le plus large éventail possible ?
C’est exactement ça, j’avais envie de mettre mon instrument au centre de l’album. J’ai voulu élargir la palette sonore de la guitare, d’autant que depuis quelques années, leur nombre a bien augmenté chez moi. L’idée était de montrer un peu tout ça. Et c’est très joliment dit quand tu dis que je me suis mise au service des chansons, car c’est vraiment mon instrument qui m’inspire. Je me laisse toujours guidé par ce que j’ai en main. Je suis entourée de toutes mes guitares et lorsque j’en prends une, cela peut être le dobro, la douze cordes ou une autre et je me laisse un peu mener par l’instrument. Les chansons se fondent dans ce côté guitaristique. Et puis, j’aime bien chiader un peu mes parties, que ce soit un peu complexe, sans que ce soit forcément très technique, mais aller au-delà de trois accords. Je suis guitariste avant tout. J’aime aussi me dire que je me challenge à jouer mes parties en même temps que de chanter et que tout cela forme une jolie chanson avec des aspects plus Pop, plus Folk ou Rock, selon les envies.
– Chacun de tes albums est différent dans son approche, même si tous se baladent autour du Blues et on te reconnaît immédiatement. Est-ce que tu considères chaque disque comme une sorte de défi à travers lequel tu te dévoiles un peu plus à chaque fois ?
Oui et c’est vrai qu’un album est toujours un morceau de vie, car l’idée est aussi de partir en tournée avec ensuite. Ça te caractérise à l’instant où tu le fais. Il y a toujours un challenge, même si à la base, tu fais de la musique pour qu’elle soit écoutée. Ce n’est pas une question d’ego-trip, même si certains sont là-dedans. Mais, pas moi. (Rires) Tu as toujours envie de faire mieux que ce soit dans la guitare, dans le chant ou le songwriting. Au final, je me suis aperçue au fil du temps que j’avais de moins en moins besoin et envie de fioritures. J’ai le désir d’être plus brute et authentique dans ma manière de m’exprimer et c’est ce que j’essaie de faire. C’est vrai que maintenant, je compose guitare-voix, seule et mes chansons sortent comme ça. Cela m’aide à concrétiser ma musique dans une forme plus épurée vers laquelle je tends de plus en plus.
– Même si « Tales Of A Guitar Woman » traite de sujets parfois douloureux, je le trouve d’une grande douceur avec ses moments plus fougueux aussi. Il dégage beaucoup de sérénité. Est-il le reflet de ton état d’esprit actuel, ou du moins de celui qui t’animait lors de sa composition ? Je le trouve presque zen dans ses sonorités…
Oui, c’est ça. Tu sais, on vieillit. Maintenant, j’ai 33 ans et, forcément, je suis plus sereine et plus en adéquation avec moi-même. Ma vie va aussi dans ce sens. Là, on parle et je suis devant les montagnes en Suisse. Il y a aussi une forme de sérénité là-dedans, même si les sujets de l’album sont très intimes. C’est ce que j’aime faire dans mes chansons : raconter des choses à la fois très personnelles et qui fassent aussi écho en chacun de nous pour que l’auditeur puisse également s’y retrouver. L’album est en adéquation avec des questionnements que tout le monde peut avoir aujourd’hui sur l’état du monde. Cela peut être l’environnement, les guerres qui se déroulent autour de nous ou des choses plus immédiates comme la maladie d’un proche, par exemple. Je ne voulais pas, non plus, que cela soit déprimant, car il y a toujours une lueur d’espoir. C’est d’ailleurs pour ça qu’on fait de la musique. Et tout ça est aussi représentatif de la personne que je suis aujourd’hui.
– Cette fois aussi, tu renoues avec des chansons en français (« L’hiver », « Jimmy » et « Pas La Peine »), ce qui était aussi le cas sur ton EP « Verso » en 2016, ainsi que sur l’album « Jump » deux ans plus tard. Quel est a été le déclic ? Un désir de retrouver d’anciennes sensations, ou plus simplement de t’exprimer dans ta langue maternelle ?
Il y a un peu de tout ça. J’ai une relation très simple avec le français. Quand je compose un morceau, j’entends la sonorité des mots et quand mon instinct me mène vers le français, je le fais. Je ne me pose pas trop de questions à ce niveau-là, quant à savoir s’il faut que l’album soit en français, en anglais ou moitié-moitié. Est-ce que ça va marcher, ou pas… Je pense que si tu ne le fais pas naturellement, ça ne fonctionne pas. En fait, je me pose avec ma guitare et certaines sont venues en français. Et puis, utiliser sa langue maternelle permet aussi de parler d’autre chose avec peut-être moins de filtres et de barrières. Je suis contente de ça. J’ai aussi une relation plus fusionnelle avec l’anglais, car mon compagnon ne parle pas français et ma langue du quotidien est devenue l’anglais depuis cinq ans. Je développe une relation plus intime avec l’anglais.
– D’ailleurs, qu’est-ce qui change dans le processus d’écriture ? Est-il le même en français et en anglais ? Ou est-ce que l’approche est assez éloignée, car les mots sonnent différemment également ?
Je ne saurais pas trop t’expliquer. Je pense que ça vient beaucoup des accords que tu choisis et de ta mélodie. On a tous une oreille musicale et je pense que certaines sonorités nous amènent inconsciemment vers des choses que l’on connait comme la chanson française, par exemple, qui sont en nous et qu’on a entendues dans notre vie. Quand je chante en français, j’essaie de ne pas trop me rapprocher de ces ‘clichés’, car ce n’est pas vraiment ma musique. Et puis, je pense aussi que ça marche, parce que la musique peut avoir des sonorités plus Americana, ou même Country, et qui vont aller à l’encontre de ce qu’on peut attendre d’une chanson en français. C’est ma vision de la chose ! (Sourires)
– Tu as écrit et composé seule l’ensemble de ce nouvel album. C’est important pour toi de rester seule aux commandes, même si Gunnar Ellwanger et Mathieu Gramoli qui le co-produit avec toi ont participé à son élaboration finale ?
C’est déjà ce que j’avais fait pour « Pieces Of Soul » en 2021 et c’est quelque chose sur laquelle je ne reviendrai pas. C’est hyper-important que je commence le processus de composition seule, parce que c’est comme ça que je me sens libre de m’exprimer et d’être aussi la plus authentique possible dans ce que je fais. C’est ce que je vais proposer aux gens et il faut que ce soit 100% moi. Et c’est la meilleure manière de l’être. En général, je compose la chanson en guitare-voix jusqu’à ce qu’elle fonctionne comme telle. Ensuite, je fais une maquette sur ordinateur où j’ajoute la batterie, la basse et les claviers. Puis, le processus d’arrangement est très important avec les musiciens, car ils le font beaucoup mieux que moi. Il faut que les morceaux les inspirent pour qu’ils amènent leur propre touche. Mon objectif est que ce soit suffisamment bien composé pour que ce soit évident pour tout le monde dans la manière dont la chanson doit être jouée. Gunnar m’aide aussi pour les paroles, même si j’ai déjà les thèmes et les grandes lignes. Il peaufine un peu les paroles pour exprimer au mieux ce que j’ai à dire. Avec Mathieu, nous avons co-produit l’album ensemble et là, il s’agit d’enregistrement des instruments, du son et globalement de ce vers quoi on va aller. J’arrive avec des références et on essaie de développer tout ça ensemble pour que ça fasse une belle unité et un bel album. C’est important d’avoir des gens qui ont un peu plus de recul que moi.
– Lorsque l’on prend « Tales Of A Guitar Woman » titre par titre, on constate qu’il s’articule autour de 13 histoires différentes. C’est un schéma que l’on retrouve aussi dans l’Americana. C’est un registre qui a été une source d’inspiration cette fois, au moins dans les structures des morceaux ?
Oui, c’est une idée qui était assez claire dans ma tête depuis le départ. Je voulais vraiment que chaque chanson raconte l’histoire d’un personnage. Elle contienne d’ailleurs toutes le nom d’un personnage que ce soit Ben ou Suzy, par exemple. C’est à travers eux que je raconte des histoires personnelles. C’est une source d’inspiration que l’on retrouve aussi chez Lou Reed, Bob Dylan, David Bowie, Billy Joel et beaucoup d’autres. C’est une façon de raconter des histoires à travers les chansons. Ce processus m’a toujours beaucoup inspiré et je voulais le retranscrire dans cet album.
– Autre nouveauté sur l’album, on te retrouve en duo à deux reprises avec Victor Mechanick sur « Missed Something » et « Pas La Peine ». Même si tu es une habituée des collaborations, c’est plus inédit sur tes albums. Comment sont nées ces chansons avec cette envie d’en partager le chant ?
On se connaît depuis longtemps avec Victor. On s’est souvent croisé sur la scène parisienne avec nos amis Yarol Poupaud, Raoul Chichin et quelques autres. J’aime beaucoup ce qu’il fait sur son projet personnel. Cela faisait longtemps que l’idée me trottait dans la tête. Quand j’ai fini l’album avec Mathieu, nous nous sommes dit que ce serait sympa qu’il partage le titre « Missed Something » avec moi. La chanson était déjà composée et il est venu la chanter en studio. C’était cool et on s’est dit que c’était dommage qu’on n’écrive pas un titre ensemble. On a pris nos guitares en essayant d’écrire quelque chose et voir ce que cela donnait. On est parti sur une grille d’accords, puis sur des idées différentes et cela s’est fait assez rapidement. Ensuite, on s’est chacun mis dans un coin de la pièce pour écrire nos paroles, je faisais le couplet et lui le refrain. Et ce qui est drôle, c’est que nous ne nous sommes pas du tout concertés, ni donné de thème, de mot ou de champ lexical, et pourtant on avait pris la même direction. On a gardé la chanson, on n’a rien touché et on l’a enregistré comme ça. Et c’est devenu « Pas La Peine ». Ca fait partie des petits moments magiques en studio, c’est très sympa ! (Sourires)
– Un petit mot également au sujet de l’aventure ‘Electric Ladyland’. En t’écoutant attentivement, on perçoit facilement l’empreinte de Jimi Hendrix sur ton jeu, mais ce qui rend unique ce projet, c’est que le groupe est entièrement féminin. C’est important pour toi de faire vivre cette belle sororité sur scène ? Même si le mot est aujourd’hui un peu galvaudé…
Oui et ce qui était important pour nous, c’était de faire une sorte de pied de nez pour dire qu’il y a beaucoup de femmes qui savent très bien jouer du Rock’n’Roll en France. Et le projet hommage à Jimi Hendrix est aussi un challenge en soi, car c’est l’un des plus grands guitar-heros. Ca peut faire peur et il n’y en a d’ailleurs pas beaucoup qui s’y frottent ! (Rires) Techniquement et musicalement, ce n’est pas évident. On connaît toutes les chansons et on a toutes essayé de les jouer adolescentes. Alors aujourd’hui, les jouer sur scène et rendre un bel hommage à Jimi est quelque chose qui nous rend fières. En ce qui concerne ce groupe entièrement féminin, c’est quelque chose qui nous tenait vraiment à cœur, car on souhaitait mettre les femmes en avant, les femmes talentueuses. Et c’était aussi l’occasion de mettre en lumière des musiciennes qui n’ont pas forcément leur projet à elles en tant que lead, qui sont accompagnatrices, pour les mettre au centre d’un projet. Il y a Antonella Mazza à la basse, Laëza Massa à la batterie, Léa Worms aux claviers, … Ce sont de super musiciennes et c’était important qu’elles soient très centrales, d’autant qu’elles ont une belle carrière. Alors, même si le côté ‘femmes sur scène’ est un concept en soi, l’idée est quand même de venir nous voir en concert et de vite oublier ça ! L’essentiel est de kiffer la musique et de trouver que c’est un bel hommage à Hendrix. En tout cas, on s’amuse beaucoup sur scène, on tourne toujours et n’hésitez surtout pas à venir nous voir !
– Enfin, ce qui peut paraître étonnant, c’est que tu ne sois pas signée sur un label. On a d’ailleurs de plus en plus le sentiment que beaucoup d’artistes souhaitent évoluer en marge de l’industrie musicale traditionnelle. C’est vrai aussi que les plateformes ont bouleversé la donne, et pas forcément en bien. Cela dit, l’indépendance est-elle le salut pour de nombreux musiciens comme toi ?
Vaste sujet ! Je pourrais t’en parler des heures. Tout d’abord, cet album est co-produit par mon batteur Mathieu Gramoli et il sort sur son label LVCO, qui est indépendant. J’ai pu avoir des rendez-vous avec des gros labels ou des gens intéressés par le passé. Malheureusement, ce sont toujours des gens qui veulent te changer, te façonner à une image qui n’est pas la tienne. Cela fait 16 ans que je fais ce métier avec des valeurs et des choses auxquelles je crois. Donc, répondre à certaines attentes dans ce milieu n’est même imaginable pour moi. On essaie de vivre, parfois même de survivre, on ne va pas sentir, dans cette industrie qui est bien chargée. Se faire une place sur les plateformes est très difficile vu le nombre de sorties quotidiennes. Alors, je joue le jeu en sortant des singles en streaming, car on ne peut pas aller non plus à l’encontre du système. Mais je pense que si mon projet dure depuis si longtemps, c’est parce que tout ça est ailleurs et notamment chez ma fan-base, les vrais gens qui me suivent depuis 16 ans. D’ailleurs, on a co-produit l’album avec Mathieu, mais il a aussi été soutenu par les KissKissbankers via un financement participatif. Je me suis vraiment rendu compte à quel point les gens me suivaient et étaient au rendez-vous quand il fallait l’être. Ça m’a beaucoup ému et touché. La vraie vie se passe sur scène, sur la route et c’est là que tu vois à quel point ton projet peut durer dans le temps. On essaie de construire les choses sur la durée et pas en créant le buzz. Mais on doit aussi s’adapter pour suivre une certaine cadence. Et il faut continuer ce métier avec passion et en se faisant plaisir aussi. Et la démarche de sortir un album complet est également une chose très importante à laquelle je tiens beaucoup, même si ça peut paraître aujourd’hui un peu obsolète. L’idée est vraiment de fédérer des gens autour de la musique et ça, c’est cool et plutôt gratifiant.
L’album de NINA ATTAL, « Tales Of A Woman Guitar », sera disponible le 28 mars chez LVCO et vous pouvez précommander le vinyle et le CD en suivant les liens ci-dessous :
Très feutrée et avec une légèreté singulière, la musique de THE DELINES est une sorte de nectar reposant dans un écrin brillant de mille feux. Quand la technique se met au service du talent et de l’intelligence du songwriting, ce sont les mélodies qui jaillissent comme un ravissement. Porté par la voix incroyable d’Amy Boone, les Américains sont les artisans d’une Soul très variée, qui se nourrit de nombreux courants. Et dans le domaine, le quintet excelle avec un naturel déconcertant.
THE DELINES
« Mr. Luck & Ms. Doom »
(Decor Records)
Il y a des rencontres qui sont aussi évidentes que nécessaires. Et celle entre la chanteuse Amy Boone et l’auteur-compositeur et guitariste Willy Vlautin fait partie de ces unions musicales qui débouchent sur de très belles choses. Remarquablement complété par Sean Oldman (batterie), Freddy Trujillo (basse) et Cory Gray (claviers, trompette), THE DELINES évolue dans un registre assez unique, où l’Americana rejoint la Soul, la Folk avec un léger voile d’Alt-Country et le tout dans une finesse inouïe.
Deux ans après « The Sea Drift », la formation de Portland dans l’Oregon qui a fait émerger tant d’artistes de renom, livre son quatrième album complet et sa sixième réalisation au total. Littéralement happé par la voix envoûtante de sa frontwoman, THE DELINES dépeint une vision de l’Amérique plutôt douce amère. Tout en émotion et avec beaucoup de délicatesse, « Mr. Luck & Mrs. Doom » dresse autant de tableaux souvent désespérés, mais dans lesquels la douceur des cuivres se fait lumineuse.
Ecrivain reconnu avec sept romans à son actif, dont trois ont été portés à l’écran, et auteur de onze albums avec Richmond Fontaine, Willy Vlautin a trouvé en Amy Boone l’interprète parfaite pour ses chansons qui sont de véritables mini-scénarios. Et c’est vrai que l’aspect narratif à l’œuvre chez THE DELINES est franchement saisissant (« Her Ponyboy », « There’s Nothing Down The Highway », « Don’t Miss Your Bus Lorraine », « Left Hook Like Fraizer », « Maureen’s Gone Missing »). Un disque d’une beauté renversante.
Un pied dans un Blues très actuel et l’autre dans un Classic Rock intemporel, ELLIS MANO BAND continue sa belle aventure en se dévoilant un peu plus sur ce quatrième opus, où il semble avoir digéré les nombreuses références qui rassemblent les cinq musiciens. Et le style n’en est pas plus resserré pour autant. Au contraire, « Morph » montre un visage aux multiples facettes, tout en se faisant très rassembleur et sans perdre le sens très affiné et raffiné de son jeu. Les disques de ce calibre se font rares et lorsqu’ils montrent autant de facilité et d’évidence dans le jeu, cela devient une réelle gourmandise, dont on dévore chaque miette.
ELLIS MANO BAND
« Morph »
(SPV Recordings)
Après un somptueux album live en mars de l’année dernière (« Access All Areas »), ELLIS MANO BAND est cette fois retourné en studio pour y enregistrer son quatrième album. Et la formation internationale y a encore fait des merveilles. Très inspirés, les cinq musiciens font parler l’expérience et se présentent avec dix nouveaux titres, plus un morceau enregistré en public, « The Fight For Peace », petit chef d’œuvre de sept minutes. Et les surprises se succèdent, tant le groupe du chanteur Chris Ellis et du guitariste Edis Mano sort de son habituel Blues Rock. Une façon aussi de franchir certaines frontières musicales et de se faire plaisir sans rien se refuser. Et avec autant de talent, tout paraît si simple et spontané.
Car si ELLIS MANO BAND œuvre pour l’essentiel dans un Blues très contemporain sur « Morph », il n’hésite pas très longtemps à prendre le parti d’un Classic Rock solide et enlevé, histoire aussi d’appuyer son propos comme sur le génial « For All I Care » ou « Countdown To Nothing ». Les Suisses montrent une incroyable variété dans les ambiances, et ce n’est pas pour déplaire à leur frontman, qui livre une prestation entre émotion et pleine puissance (« Scars », « Virtually Love »). Le jeu d’Edis Mano est, quant à lui, toujours aussi virtuose. Le six-cordiste reste d’une dextérité et d’une fluidité absolue et se garde bien de ne pas tomber dans le démonstratif, malgré une technique souvent très impressionnante.
Toujours justes et jamais superflus, les claviers portent les mélodies, tandis que la rythmique élève un peu plus ces nouvelles compositions, comme sur « Madness And Tears » qui n’est pas sans rappeler un certain David Bowie, preuve s’il en est qu’ELLIS MANO BAND est à son aise dans des registres où on ne l’attend pas forcément. Il est question de délicatesse aussi, bien sûr, quand le quintet se fait plus Blues (« Count Me In », « 20 Years », « Stray »). Un mot aussi de la très belle production de « Morph » qui, parfaitement équilibrée, dévoile au fil des écoutes des arrangements d’une grande finesse et des variations sonores assez stupéfiantes. Les Helvètes placent la barre toujours plus haut avec beaucoup de naturel.
Photo : Tabea Hüberli
Retrouvez la chronique de leur précédent album live :
Rarement un groupe aura laissé échapper autant de liberté et de joie sur un même album. Pour RED BEANS & PEPPER SAUCE, c’est un huitième opus haut en couleur qui vient marquer une nouvelle étape dans la carrière des Montpelliérains. Si l’esprit de corps dominait déjà dans le son et faisait la force du groupe, avec « Supernova », il prend une incroyable dimension. Autour de sa charismatique chanteuse, le quintet a fait un peu de place pour accueillir pas moins de neuf invités, français comme étrangers. Une très belle célébration de son Classic Rock teinté de Soul et de Blues, dont Laurent Galichon, le guitariste et principal compositeur, nous parle avec autant de fierté que d’émotion.
– Avant de parler de « Supernova », j’aimerais qu’on revienne un instant sur votre parcours. Huit albums studio et un live en 14 ans, le tout ponctué de tournées bien fournies, est un rythme vraiment effréné. Ca vous arrive quand même de prendre quelques pauses ?
Je trouve que c’est dur de se remettre au travail après une pause, j’ai pu le constater quand il a fallu s’y remettre après la pandémie de Covid. Alors je préfère éviter les pauses et battre le fer tant qu’il est chaud.
– Justement avec un tel rythme, toi qui signes l’ensemble des morceaux hormis « I Want To Take You Higher » de Sly & The Family Stone datant de 1969, quand prends-tu le temps de te poser pour composer ? Tu le fais aussi en tournée, ou tu t’imposes des moments dédiés ?
Dès que j’ai une idée, je l’enregistre sur mon smartphone, parfois même en voiture où je chante simplement la mélodie ou le riff pour archiver. Et quand vient le moment de travailler des morceaux, alors je pioche dans le tiroir à idée. Mais c’est vrai que quand on se retrouve à moins de six mois de la deadline pour envoyer le master au pressage, le travail s’intensifie et à chaque fois les derniers mois de production sont très intenses.
– « Supernova » est l’un de vos disques le plus direct et le plus clairement axé sur le Classic Rock, parfois Hard, avec toujours un côté Bluesy et Soul. Est-ce qu’il y a une envie cette fois-ci de prendre les morceaux plus à bras-le-corps et d’aller vers quelque chose de plus essentiel et de dense ?
Oui, tout à fait. Bien avant de commencer le travail, quand on parlait de ce nouvel album avec Niko Sarran (également batteur du groupe – NDR) qui les réalise, on avait en tête d’aller vers plus d’efficacité avec des titres plus courts et plus directs. Quand on attaque un nouvel album, on a souvent des discussions en amont, souvent dans le van en tournée, où on cherche des axes de travail, de nouvelles directions pour continuer d’évoluer et rester créatif.
– D’ailleurs, est-ce qu’au moment de commencer l’écriture d’un tel album, tu avais une sorte de ligne directrice ou une intention en tout cas de faire émerger une atmosphère et une énergie différente, plus massive ?
L’album précédent, « 7 », était très axé sur le Classic Rock et cette fois-ci, il y avait une envie de revenir à un équilibre entre Rock et Soul, mais toujours avec des riffs qui viennent du Blues. En fait, on essaie de faire des albums qui auraient pu sortir dans les 70’s et cette fois-ci, on a essayé de mettre du groove dans le Rock et inversement. Et puis, Niko a fourni un véritable travail d’orfèvre sur le son de l’album. Il y a passé quasiment deux fois plus de temps que sur les précédents.
– L’une des caractéristiques de « Supernova » est bien sûr le nombre d’invités, qui sont tout de même au nombre de neuf, ce qui fait beaucoup sur un même disque. Comment cela se décide-t-il, car c’est assez rare ? Tu as composé certaines chansons en fonction d’eux, ou les choses se sont faites plus naturellement en laissant une petite place à l’improvisation ?
Inviter des musiciens faisait partie de ces axes qu’on se donne avant de commencer la production. On a donc laissé sur certains titres des plages pour permettre à nos invités de s’exprimer, mais sans savoir à l’avance de qui il s’agirait. Et c’est quand on se rapprochait de l’arrangement définitif qu’on prenait le temps de réfléchir à qui le proposer. Parfois, on est resté dans le style de l’invité comme avec Rabie Houti qui à l’habitude de jouer son violon arabo-andalou sur des rythmiques Rock, ou avec Johnny Gallagher sur une ballade Blues Rock. D’autres fois, on s’en est un peu éloigné comme avec Fred Chapellier qui nous rejoint sur un titre très Classic Rock avec un riff de guitare très ‘fat’, ou avec Sax Gordon qui vient jouer sur un titre vraiment très funky et plus éloigné de son Rocking Blues.
– Il est beaucoup question de ‘fusion’ sur cet album, et dans tous les sens du terme. En y prêtant bien l’oreille, on note le soin apporté aux arrangements notamment, tout comme à la production plus largement. « Supernova » a nécessité six mois de travail en studio. Vous êtes-vous laissés quelques respirations, histoire peut-être de prendre parfois un peu de recul, ou au contraire, les choses étaient déjà clairement définies dans ce que vous souhaitiez obtenir ?
C’est un travail de longue haleine, plus un marathon qu’un 100 mètres. Certains titres fonctionnent immédiatement, mais d’autres doivent passer par plusieurs étapes avant que nous soyons satisfaits du résultat. Et le travail continue même après la sortie de l’album, car certains morceaux doivent être repensés pour la scène. C’est un peu comme bâtir une maison : on passe des fondations à un bâtiment couvert très rapidement, mais les finitions, elles, prennent beaucoup plus de temps, car on entre dans les détails.
– Un mot sur les guests en commençant par les artistes français où l’on retrouve Manu Lanvin, Fred Chapellier, Yarol Poupaud ou encore le violoniste Rabie Houti. Ce sont tous des musiciens avec lesquels vous avez déjà joué sur scène. Ces rencontres se sont-elles transformées en collaborations que vous teniez vraiment à réaliser depuis un moment déjà ?
Ce sont surtout des rencontres marquantes qui ont lieu parfois en tournée avec tout le groupe, ou alors par un seul d’entre nous en dehors. Mais dans tous les cas, elles sont si importantes qu’elles donnent l’envie de faire de la musique ensemble. Et on a été ravi que tout le monde nous réponde ‘Oui’ ! Certains enregistrements ont dû être faits à distance à cause de l’éloignement et des emplois du temps, et d’autres ont donné lieu à des séances en studios qui nous ont marqué. J’ai kiffé de passer du temps avec Boney Fields dans le studio de Niko à Montpellier, ou avec Manu Lanvin dans son studio à Paris. Des belles sessions, où tu sens qu’il se passe quelque chose.
– Et puis, il y a l’aspect ‘international’ de l’album avec les présences du Camerounais Emmanuel Pi Djob, des Américains Boney Fields, Fred Wesley et Sax Gordon, sans oublier l’Irlandais Johnny Gallagher. Là encore, le casting est époustouflant. Est-ce que chacun d’entre-eux avait une partition à respecter, ou est-ce qu’on laisse plus facilement des talents comme les leurs s’exprimer librement avec une sorte de carte blanche ?
Pour chacun d’entre eux, c’était carte blanche. Mais forcément, il y avait des échanges. Parfois, notre invité avait une idée très précise, parfois, il hésitait entre plusieurs. Alors, on discute, on échange, on essaye des choses. Par exemple, c’était vraiment génial de passer du temps avec Manu et de le voir proposer tellement de choses avec la générosité qu’on lui connaît. Mais surtout, ils nous ont tous offert ce qu’on attendait, c’est-à-dire le meilleur d’eux-mêmes. On peut entendre la voix incroyable et le groove d’Emmanuel Pi Djob, l’explosivité et le ‘fonk’ de Yarol, le toucher tout en finesse de Fred Chapellier, la générosité et la puissance de Manu Lanvin, le groove qui claque de Boney Fields, l’énergie de dingue de Sax Gordon, la maîtrise et le son envoûtant de Rabie Houti et le feeling de Johnny Gallagher. Et puis, il y a eu la session avec Fred Wesley. J’étais là quand il a commencé à jouer dans le studio : c’était un voyage dans le temps. J’entendais le « Doing It To Death » de James Brown que j’écoutais en boucle plus jeune. C’est un moment précieux que je garderai en moi toute ma vie. Il fait partie des gens qui ont inventé cette musique. En deux notes, tu sais qui est dans la pièce. Tous ces musiciens exceptionnels ont été d’une grande générosité avec nous. Ils ont élevé chacun des titres auxquels ils ont participé à un niveau supérieur, et nous leur en sommes éternellement reconnaissants.
– J’aimerais qu’on dise un mot sur cette reprise de Sly & The Family Stone sur laquelle il y a du beau monde et où le line-up de RED BEANS & PEPPER SAUCE est le plus élargi de l’album. Comment est-ce qu’on tient tout le monde dans ce cas-là, car il règne un esprit jam manifeste ? Et par ailleurs, pourquoi avoir choisi ce morceau-là en particulier ?
J’ai plutôt l’impression que c’est ce morceau qui m’a choisi, car j’ai une histoire particulière avec lui. Je l’ai découvert au début des années 90 à la télévision, en voyant des musiciens que je ne connaissais pas le jouer sur une énorme scène, devant des milliers de spectateurs aux États-Unis. Il s’agissait en fait de George Clinton et de Funkadelic/Parliament, avec Larry Graham et d’autres invités. Ce titre m’a transpercé et j’ai adoré le fait qu’il soit interprété par autant de musiciens sur scène : tout le monde dansait, tout le monde chantait, c’était la grosse teuf. J’ai ensuite découvert qu’il s’agissait d’un morceau de Sly & the Family Stone, et l’album « Stand » fut une nouvelle claque. A la même époque, d’autres artistes que je ne connaissais pas se sont produits à Béziers : FFF, puis les JB’s avec Maceo Parker, Fred Wesley et Pee Wee Ellis. Ces trois découvertes, en quelques mois, ont été ma porte d’entrée vers la Soul Music : James Brown, la Stax (avec les disques d’Otis Redding de mon père), la Motown, etc… Alors qu’à l’époque, j’écoutais plutôt du Rock des années 60/70 comme Led Zeppelin, Jimi Hendrix, Deep Purple… Cette période a complètement bouleversé mon orientation musicale. Alors aujourd’hui, enregistrer ce morceau avec Yarol de FFF et Fred Wesley des JB’s qui ont également participé à ce changement, dans une version avec un groupe élargi en mode ‘jam’ comme dans la version de George Clinton, c’est une histoire complètement folle.
– Enfin, « Supernova » est probablement aussi votre album le plus varié avec des aspects Southern, Heavy Rock, Blues, Funky et plus largement très Rock’n’Roll. RED BEANS & PEPPER SAUCE devient de plus en plus inclassable et c’est une très bonne chose. Est-ce une façon aussi de vous débarrasser peut-être de certaines cases dans lesquelles on a pu vous mettre auparavant, ou plus simplement un signe de maturité qui se traduit par beaucoup plus de liberté affichée ?
Ce n’est pas vraiment calculé. Tout le monde dans le groupe a des influences diverses et variées et c’est l’association de nos personnalités musicales qui fait ce qu’est RED BEANS & PEPPER SAUCE. Je ne suis même pas sûr qu’on puisse y changer quoi que ce soit. On peut seulement l’encadrer en se donnant quelques directions, mais au final on sonne comme on sonne et il me semble qu’on reste cohérent d’un album à un autre.
Le nouvel album de RED BEANS & PEPPER SAUCE, « Supernova », est disponible chez Crossroads/Socadisc.
Photos : Cristina Gomes Morgadinho (1), Thierry Wakx (2, 3, 5) et Monsieur Mind (4).
Retrouvez aussi l’interview du groupe à l’occasion de la sortie de l’album « 7 » :
Le titre de cette nouvelle production de TOMMY CASTRO & THE PAINKILLERS résume à lui seul l’intention du maestro : revenir à l’essence-même du Blues, en parcourant ses différents courants et en s’y collant au plus près. Pari amplement remporté, ce qui n’est pas vraiment une surprise lorsque l’on connaît le sens de la musique qui l’habite. En ne proposant que trois petits inédits, c’est surtout vers des morceaux qui le font vibrer que le musicien s’est penché et « Closer To The Bone » côtoie les sommets.
TOMMY CASTRO & THE PAINKILLERS
« Closer To The Bone »
(Alligator Records)
En un peu plus de trois décennies, TOMMY CASTRO avoisine la vingtaine d’albums, une dizaine de Blues Music Awards et surtout un feeling qui va grandissant. Avec ses PAINKILLERS, c’est un disque un peu spécial que le natif de San José en Californie propose, puisque celui-ci ne comprend que trois chansons originales (« Can’t Catch A Break », « Crazy Woman Blues » et « Ain’t Worth The Heartache »), auxquelles il faut ajouter tout de même onze reprises, et pas n’importe lesquelles. Lui qui a exploré à peu près tous les registres, passant du R’n B à la Soul ou au Rock, s’offre le loisir de se faire plaisir… et nous avec !
TOMMY CASTRO & THE PAINKILLERS n’élude ici aucun d’entre-eux, sachant se faire tendre, délicat ou explosif et pétillant le morceau suivant. « Closer To The Bone » fait un peu le tour des goûts et des préférences du guitariste-chanteur et il faut bien avouer qu’on ne voit pas le temps passer. L’idée est donc de le réécouter dans la foulée avec la même délectation. Avec comme noyau dur Mike Emerson aux claviers, Randy McDonald à la basse et au chant et Bowen Brown à la batterie, l’ensemble sonne comme une ode au Blues sous toutes ses belles coutures et le talent de chacun fait naître une osmose savoureuse.
Car ce qui surprend aussi sur « Closer To The Bone », c’est l’harmonie qui règne au sein de THE PAINKILLERS, qui n’a jamais aussi bien porté son nom, avec aussi un humour omniprésent. Petite cerise sur le gâteau, TOMMY CASTRO a invité quelques amis et non des moindres. On y croise au fil des titres Chris Cain, Rick Estrin, Christoffer ‘Kid’ Andersen et l’incroyable saxophoniste et chanteuse Deana Bogart sur « Some Moves Me » et « Bloodshot Eyes » pour un duo. Electrique et jouant sur une proximité naturelle, l’Américain livre un opus radieux, optimiste et tout simplement irrésistible. Une vraie gourmandise !
KAT RIGGINS chante le Blues comme elle respire et les notes de Gospel et de Rythm’n Blues, dans lesquelles elle se meut, le rendent encore plus joyeux et pétillant. Sur « Revival », elle confirme la classe dont elle a toujours fait preuve depuis ses débuts. Avec un naturel et une vivacité de chaque instant, le voyage devient vite addictif et on se laisse guider par cette voix chaleureuse et envoûtante. Une magie qui devient très vite évidente et irrésistible.
KAT RIGGINS & HER BLUES REVIVAL
« Revival »
(House Of Berry Productions)
Et de six pour KAT RIGGINS qui, deux ans après l’excellent « Progeny », surgit avec « Revival » qui n’est pas sans rappeler dans son titre son premier effort, « Blues Revival » sorti en 2016. Un réveil qui semble se faire par étape pour la chanteuse et compositrice floridienne, qui en a aussi profité pour quitter le label de Mike Zito, Gulf Coast Records. Après ces deux dernières belles réalisations qui l’auront particulièrement mis en lumière et lui valurent deux nominations aux Blues Music Awards, celle-ci devrait suivre leurs pas…
Paru il y a quelques semaines parmi beaucoup d’autres, « Revival » dénote quelque peu de son prédécesseur. Vocalement, KAT RIGGINS est toujours exceptionnelle de puissance, de polyvalence et de feeling. C’est essentiellement le contenu qui peut peut-être surprendre par son côté plus classique, plus roots aussi et donc moins moderne, mais solidement intemporel. L’Américaine et son groupe montrent une fois encore qu’ils sont à leur aise dans tous les registres et qu’il n’y a pas grand-chose qui leur résiste.
Conçu avec Tim Mulberry qui l’a produit, mixé et masterisé, la frontwoman a co-écrit l’ensemble de « Revival » et les morceaux respirent toujours cet aspect optimiste et positif, dont elle a fait sa marque de fabrique. Malgré un son un peu en dessous et étouffé (à moins que ce ne soit le numérique), KAT RIGGINS est rayonnante et porte aussi ce nouvel opus grâce à des textes enthousiasmants et pertinents (« Lucky », « Revived », « Southern Soul », « Mojo Thief », « Mighty », « Healer »). Brûlant et enjoué, « Revival » réveille les sens.
Avec des débuts fracassants et enthousiasmants, les RED HOT CHILI PEPPERS ont marqué profondément et de manière indélébile le monde du Rock au sens large. Précurseurs d’un registre qui a fait des émules et traversé plusieurs générations, ils sont les plus funky de la côte ouest et ont balisé leur parcours à grands coups de riffs brûlants, de slaps phénoménaux et de hits aussi nombreux qu’incontournables. Fédérateurs et parfois borderlines, les Américains font des étincelles jusque dans cette belle docu-BD.
RED HOT CHILI PEPPERS
B. Figuerola/C. Cordoba/F. Vivaldi/S. Degasne
Editions Petit à Petit
La maison d’édition normande poursuit sa belle série dédiée à la musique et elle s’attaque cette fois à un nouveau monument du Rock mondial. Et c’est du côté de la Californie que l’on suit les aventures des RED HOT CHILI PEPPERS. Fondé sous le soleil de Los Angeles en 1982 par deux amis d’enfance, Anthony Kiedis (chant) et Flea (basse), le groupe prend véritablement forme avec les arrivées en 1988 de Chad Smith (batterie) et Jon Frusciante (guitare), qui stabilisent le combo, malgré deux départs de ce dernier par la suite.
Aujourd’hui, du haut d’une discographie de 13 réalisations studio, les R.H.C.P. approchent les 80 millions d’albums vendus et, pour ceux que ça intéresse, plus de cinq milliards de streams. Autant dire que le quatuor pèse dans l’industrie musicale et ce n’est pas une question de marketing. Non, il est le créateur d’un style et d’un son unique, identifiable entre mille et en quelques secondes. Une touche très personnelle où se mêlent de manière très naturelle Rock, Funk, Metal, Soul, Rap ou Punk dans une harmonie totale.
Cela dit, et avec tout le respect que j’ai pour les R.H.C.P., il faut bien avouer qu’ils se sont éteints à l’aube des années 2000. Si techniquement, ils sont irréprochables, les productions qui ont suivi « Californication », voire même avant, manquent de souffle. D’ailleurs, les puristes affirment que « Mother’s Milk » est même leur dernier joyau. Bref, la bande dessinée, bien documentée, relate l’incroyable succès et les frasques qui ont émaillé la carrière exceptionnelle de quatre musiciens appréciés de tous… d’une manière ou d’une autre.