Réellement investie, la formation viennoise se présente avec « Fast Lane », un deuxième effort qui vient confirmer le potentiel aperçu à ses débuts. Sur de solides fondations Hard Rock, les musiciennes savent se faire Heavy, Glam aussi à l’occasion et laissent même échapper quelques gimmicks Punk. Bien produite, polyvalente et survoltée, cette nouvelle réalisation est intense, rafraîchissante et assure à VULVARINE une nouvelle stature dans l’univers Heavy Rock européen qu’elles s’apprêtent à conquérir armées d’un farouche caractère.
VULVARINE
« Fast Lane »
(Napalm Records)
En l’espace de cinq ans, on a pu assister en temps reel à la métamorphose, du moins à la saisissante progression, de VULVARINE. Depuis « Unleashed » en 2020, suivi de l’EP « Witches Brew » fin 2023, les Autrichiennes ont peaufiné leur style, resserré leur jeu et gagné en efficacité. Les compos sont plus racées, leur débordante énergie canalisée et avec « Fast Lane », elles franchissent un nouveau cap. Toujours aussi fougueuses, leur Hard Rock trouve son identité dans un élan Heavy, teinté de Punk et de Glam. Sexy & Raw au final !
Certes, il y a du Girlschool, une touche de Joan Jett dans l’attitude aussi et un brin de The Runaways chez VULVARINE, qui s’inscrit dans la lignée des groupes 100% féminin à l’ADN hyper-Rock’n’Roll. Mais sans compromis, ce deuxième album est explosif et vivifiant avec un côté sauvage qui sert parfaitement des refrains très accrocheurs. Même si elles évoluent dans un registre assez classique, « Fast Lane » est résolument moderne et impactant. Fruit d’une collaboration entre trois producteurs, l’ensemble est très homogène et costaud.
Avec une approche féministe et volontaire, VULVARINE affirme ses convictions et ses valeurs, tout en libérant une bonne dose d’adrénaline. Brut et rentre-dedans, le quatuor affiche puissance et détermination, et met en avant des mélodies bien ciselées (« The Drugs, The Love And The Pain », « Demons », « Alright Tonight », « Equal, Not The Same », « Polly The Trucker » et l’acoustique « She’ll Come Around »). Au final, « Fast Lane » ne renverse pas la table, mais y pose comme il faut tous les ingrédients d’un avenir serein. La scène sera révélatrice.
Pour son 17ème album, celle qui compte sept Blues Music Awards dont le fameux BB King remis par la légende elle-même, nous plonge à la découverte de quelques trésors qu’elle a le don de régénérer en intériorisant les chansons pour les faire siennes. JANIVA MAGNESS est une interprète hors-norme et cette facilité à les personnaliser confère à ses reprises une authenticité toute flamboyante. Et si l’on ajoute le fait que « Back For Me » ait été enregistré en condition live, on constate que la blueswoman s’est à nouveau surpassée.
JANIVA MAGNESS
« Back For Me »
(Blue Élan Records)
Originaire de Detroit, Michigan, JANIVA MAGNESS est ce que l’on pourrait qualifier de diva (au bon sens du terme !), tant elle parvient à chaque nouvel album à fusionner le Blues, la Soul et l’Americana avec une grâce que l’on n’entend que très rarement. Avec sa voix rauque et puissante, elle reste toujours incroyablement captivante et, en un peu plus de 30 ans de carrière, ne déçoit jamais. Pourtant, l’Américaine est également une grande spécialiste des reprises qui, à chaque fois, sortent brillamment de l’ordinaire par leur choix.
Non que JANIVA MAGNESS ne soit pas une très bonne songwriter, bien au contraire, mais elle excelle dans l’art de magnifier les morceaux des autres en les transformant au point d’en faire de véritables déclarations personnelles. Et c’est encore le cas sur « Back For Me », où elle se montre à même de se les approprier avec un charisme incroyable pour leur offrir une nouvelle vie. Et comme cela ne paraît pas suffire, elle a même convié Joe Bonamassa (encore lui !), Sue Foley et l’électrique Jesse Dayton à la fête.
Une autre des multiples particularités de la chanteuse est aussi de dénicher des pépites méconnues d’artistes aux horizons divers. Et cette fois, c’est chez Bill Withers, Ray LaMontagne, Allen Toussaint, Doyle Bramhall II, Tracy Nelson et Irma Thomas que JANIVA MAGNESS a trouvé l’inspiration. Toujours produit par son ami Dave Darling, « Back For Me » balaie un large éventail de sonorités et de terroirs Blues et Soul, qui vibrent à l’unisson sur une dynamique brûlante entre émotions fortes et rythmes effrénés. Sompteux !
Elle chante depuis sa tendre enfance et, aujourd’hui, la force et la puissance qu’elle dégage est au service d’un Blues emprunt de Soul, de R&B, de Funk et d’Americana. Avec « August Moon », ALLISON AUGUST multiplie les écarts, passant d’un registre à l’autre avec une totale maîtrise. D’une belle authenticité et avec une sincérité très perceptible, elle interprète de manière limpide des chansons qu’elle a écrites ou co-écrites et où elle brille en offrant une sensation très familière et proche. Un moment de vie sur une musique très élégante.
ALLISON AUGUST
« August Moon »
(MoMojo Records)
Elle a le soleil dans la voix et neuf longues années après « Holy Water », elle signe enfin son retour avec un nouvel album auquel elle se consacre depuis quelques années. Et si la Californienne affiche déjà un beau parcours, ce nouvel opus vient sonner en quelque sorte l’heure d’une certaine consécration artistique pour elle. En effet, ALISSON AUGUST a fait appel au grand et awardisé Tony Braunagel, batteur auprès des plus grands noms du Blues et de la Soul, et sur plusieurs titres du disque, ainsi que metteur en son pour Eric Burdon, Mike Zito, Taj Mahal ou Coco Montoya pour ne citer qu’eux.
Autant dire que la voix de l’Américaine résonne de la plus belle des manières sur ce « August Moon », qui nous transporte sur des ambiances variées et qui, dans un écrin Blues Americana, laisse échapper des styles qui la porte depuis toujours comme le Jazz, le R&B, la Country-Soul ou la Funk. C’est d’ailleurs le cas sur « I Won’t Say No » qu’elle interprète magistralement en duo Sugaray Rayford, autre monument électrisant de la scène Soul Blues. Deux personnalités qui se complètent à merveille sur ce titre qui vient confirmer qu’ALLISON AUGUST mène sa barque avec une folle énergie.
Tendre ou survoltée, la chanteuse passe par toutes les émotions sur un groove de chaque instant, magnifiquement orchestré par un groupe qui met toute son expérience au service d’un feeling implacable. Soutenue par un trio de chœurs vibrants et chaleureux, elle enchaîne des morceaux au songwriting efficace et elle laisse respirer les chansons tout en évoquant des sujets souvent très personnels, traités avec délicatesse. ALLISON AUGUST livre ici l’une de ses plus belles performances sur album et on se délecte de chaque instant (« Blue Eye Boy », « Blues Is My Religion », « I Ain’t Lyin’ »). Somptueux !
La voix est toujours savoureusement rauque, les guitares affûtées, les claviers ravageurs et le propos emprunt d’une terreur toute amicale. LORDI est un combo de grands enfants, qui n’essaie même plus d’effrayer, mais plutôt de rallier à sa cause, celle d’un Hard’n Heavy mélodique, un brin moqueur, nostalgique et terriblement efficace. « Limited Deadition » fait une fois encore une place de choix à des refrains entêtants et fédérateurs, le tout sur une belle et solide dynamique. Toujours aussi espiègles dans le propos, les Scandinaves n’ont pas leur pareil pour asséner avec vigueur un registre hyper-maîtrisé.
LORDI
« Limited Deadition »
(Reigning Phoenix Music)
Il faut remonter à 1992 pour entendre LORDI faire parler de lui pour la première fois. Trois décennies donc au service du Hard Rock, du Heavy Metal et du Metal en général, et rien ne lui résiste. Pour preuve, « Lordiversity », un coffret de sept albums sorti en 2021 et qui souligne à quel point sa tête pensante, Mr Lordi, aka Tomi Petteri Putaansuu, est une encyclopédie débordante de références forcément, mais aussi et surtout d’une créativité assez unique. Alors pour ce 19ème album, la première attente était de savoir dans quel style il allait cette fois évoluer sur ce « Limited Deadition », son univers étant si vaste et sans limite.
Et comme il y a toujours un thème sur chaque production de LORDI, un sorte de concept à lui tout seul, c’est dans le monde des jouets des 80’s qu’on le retrouve cette fois. Dans une espèce de magasin, dont on aurait sciemment fermé les portes pour laisser place au jeu… façon horrifique, bien entendu ! Et la bande-son de ce nouveau divertissement nous propulse il y a quarante ans, entre Hard Rock, Heavy Metal et Hard FM avec des refrains addictifs. Finalement, ne serait-ce pas là le véritable terrain de jeu des Finlandais ? D’une manière ou d’une autre, ils y reviennent toujours et s’y sentent tellement à leur aise.
Toujours très cinématographique, LORDI ne déroge pas à sa propre règle en parsemant ce nouvel opus de quelques interludes, qui viennent narrer ponctuellement ce nouveau scénario. Musicalement, on le retrouve dans un registre qu’il affectionne tellement et qui est même devenu sa marque de fabrique. L’ombre d’Alice Cooper plane toujours, même si petit à petit elle s’estompe un peu. De « Legends Are Made Of Clichés » à « Skelephant In The Room » en passant par « Killharmonic Orchestra », « Fangoria », « Retropolis » et le morceau-titre, les mélodies dominent entre riffs tranchants et solos voltigeurs.
Retrouvez l’interview de LORDI à l’occasion de la sortie du coffret « Lordiversity » :
Après avoir quitté la Californie pour Seattle, SERPENT RIDER a vu son line-up presque totalement remanié. Mais ce premier effort vient confirmer que sa volonté n’a pas changé et que c’est toujours dans un Heavy Metal vintage et épique chevillé au corps qu’il évolue avec de plus en plus d’assurance. Grâce à une chanteuse qui sort des habituelles prestations féminines du genre, le quintet ne vient pas révolutionner le style, mais y apporte tout de même une touche d’originalité tout en perpétuant un héritage bien assimilé.
SERPENT RIDER
« The Ichor Of Chimaera »
(No Remorse Records)
Tout d’abord sous la bannière de Skyway Corsair en 2015, la formation américaine a du se réinventer au fil des années et surtout suite à un déménagement de son fondateur de Los Angeles pour Seattle il y a quatre ans. Dès lors, le leader et guitariste rythmique Brandon Corsair s’est mis en quête de nouveaux musiciens qu’il n’a d’ailleurs pas mis très longtemps à trouver. Cette nouvelle mouture de SERPENT RIDER (petit hommage à Manilla Road) sort aujourd’hui dans un registre entre un Heavy Metal assez épique et un Doom langoureux.
Désormais complété par R. Villar au chant, Brian Verderber à la basse, Drake Graves derrière les fûts et le dernier arrivé Paul Gelbach à la lead guitare, le groupe est au complet et « The Ichor Of Chimaera » est un premier album solide, gorgé de références multiples, bien mené et délivrant une saveur Old School directement inspirée des années 80. Cela dit, ce bond dans le temps n’empêche nullement SERPENT RIDER de se montrer original et d’avoir le mérite d’avoir son propre univers, bien aidé en cela par sa frontwoman.
Car elle est justement l’une des forces du quintet, grâce à une prestation vocale surprenante. Pas franchement Metal, mais plutôt Rock et très aérienne, elle parvient à nous guider dans les méandres de cet opus, où sa voix se fait même fantomatique sur certains titres. Une belle polyvalence qui permet à SERPENT RIDER de se mouvoir dans des ambiances variées. Outre un morceau-titre audacieux, on retiendra « Steel Is The Answer », « Matri Deorum », « Tyrant’s March » et le très sinueux « In Spring ». Une belle première !
POPA CHUBBY a une telle culture du Blues, et même de tous les Blues, qu’il paraît presqu’étonnant qu’il n’y soit pas allé plus tôt de son hommage au grand Freddie King. Mais c’est dorénavant chose faite… et très bien faite ! Et la fête n’en est que plus belle, puisqu’en plus d’un groupe exceptionnel, il a fait appel à quelques amis. Et quand ils s’appellent Joe Bonamassa, Albert Castiglia, Christone ‘Kingfish’ Ingram, Mike Zito, Eric Gales ou Arthur Nielson, l’ensemble prend forcément une toute autre dimension. Tous l’ont clamé haut et fort et « I Love Freddie King » résonne comme l’une des plus belles marques de respect adressée au légendaire ‘Texas Cannonball’. Entretien avec le guitariste et chanteur new-yorkais, qui reprend des forces et livre l’un de ses plus beaux disques.
– Avant de parler de ce bel hommage que tu rends à Freddie King, j’aimerais tout d’abord prendre de tes nouvelles. Tu as été touché par une maladie rare de la colonne vertébrale, dont tu te remets depuis quelques mois. Comment vas-tu aujourd’hui ? C’est définitivement derrière toi, ou pas encore ?
Eh bien, ce n’est pas une réponse facile. Merci de t’en inquiéter. La convalescence après mon opération prendra au moins deux ans, car j’ai subi une grave lésion au bras et à la colonne vertébrale. Mais je marche, je joue de la guitare et je fais de nouveau des concerts, donc tout va bien. Je pratique actuellement le vaudou et je fais des cérémonies, mais je suis à court de cellules souches. Ces deux techniques sont légales aux Etats-Unis. Et puis, j’ai hâte aussi de rentrer en France pour retrouver mes frères et sœurs africains, algériens et marocains.
– Tu es resté immobilisé un certain temps, alors que tu avais déjà commencé l’enregistrement de l’album. Est-ce que, d’une manière ou d’une autre, tu dois à Freddie King et à son Blues une partie de ta guérison ?
Absolument, le pouvoir de cette musique m’a aidée à guérir et continue de le faire. Quant à l’aide directe que Freddie King a pu apporter à ma santé, il est mort à la quarantaine (à 42 ans en 1976 des suites d’un ulcère de l’estomac – NDR), faute d’avoir soigné la sienne. Il n’est donc peut-être pas le meilleur modèle à suivre. Mais musicalement, en tant que musicien qui travaille depuis aussi longtemps comme moi, j’ai arrêté de le suivre et je me concentre sur une approche plus équilibrée.
– On te sait d’un naturel très combatif et surtout un grand amoureux de musique. Comment est-ce qu’un musicien comme toi qui ne cesse de jouer, d’enregistrer et de tourner a-t-il vécu cette période ? L’objectif a été de reprendre ta guitare le plus vite possible ?
Ça a été extrêmement difficile. Mais je suis resté motivé et j’ai constamment progressé. Au début, je ne pouvais même pas jouer de la guitare, mais maintenant, je retrouve de la motivation. Franchement, chaque jour est un combat. Alors qu’avant, je réussissais facilement à faire les choses, je dois maintenant y réfléchir en faisant beaucoup d’efforts, mais ce n’est pas grave. Je ne m’apitoie pas sur mon sort. Je continue d’avancer. Et rien ne m’arrêtera.
– Parlons maintenant de ce bel album. Tu l’as enregistré à Long Island au G. Bluey’s Juke Joint avec des musiciens que tu as toi-même choisi. Quels étaient tes critères, outre une connaissance assidue de Freddie King ? C’est votre complicité qui a primé ?
Les critères étaient de couvrir plusieurs aspects de la carrière du bluesman et d’intégrer quelques uns des meilleurs musiciens du genre, et qui sont tous mes amis. Concernant le studio, l’un de mes meilleurs amis, un de mes anciens élèves, a ouvert un incroyable studio à New-York et m’a autorisé à y enregistrer. C’est vraiment époustouflant, avec une vue imprenable sur les gratte-ciels de New-York. L’enregistrement a été réalisé en deux jours pour les morceaux de base, comme ce qui était prévu. Les musiciens étaient préparés et le matériel était excellent, donc c’était assez facile. J’ai donc pu l’enregistrer correctement.
– Et puis, il y a le choix des morceaux, qui sont pour l’essentiel des classiques de Freddie King. Tu aurais pu aussi choisir des chansons moins connues. Comment as-tu procédé, et y avait-t-il aussi le désir de livrer ta propre version, sachant que beaucoup de chansons ont déjà été reprises ?
Il y a eu trois périodes distinctes dans la carrière de Freddie : les premiers morceaux instrumentaux à la guitare, les morceaux funky avec Mike Vernon sur l’album « Burglar » en 1974 et ceux avec Leon Russell. Il était important de tous les couvrir. Il y a tellement de gens dans la carrière de Freddie, qui ont joué un rôle sur son côté instrumental. Cela va du producteur Mike Vernon, qui a produit l’album « Burglar », et aussi John May Bino avec Eric Clapton jusqu’à Leon Russell, Don Nix et Duck Dunn avec des chansons comme « Going Down », qui est vraiment axée sur le piano.
– Freddie King utilisait des onglets à la main droite, en plastique pour le pouce et en métal pour l’index, et il portait sa bandoulière de manière inhabituelle pour un droitier, à savoir sur l’épaule droite. Est-ce que, même pour t’amuser, tu t’es déjà essayé à cette drôle de position ?
Tu sais, on réalise tout de suite qu’on ne pourra jamais reproduire le style de Freddie, alors on essaie d’en reprendre et de retrouver l’ambiance et l’énergie, comme je l’ai fait avec des gens comme Hendrix aussi. On essaie simplement de capter cette énergie, c’est le plus important. Et puis, c’est vraiment un truc texan et des gens comme Gatemouth, Brown, Anson Funderburgh et Omar Dykes, ainsi que Jimmie Vaughan, en sont tous des adeptes.
– Reprendre un maître du Blues comme Freddie King peut aussi déclencher beaucoup de questions : est-ce qu’il faut toucher l’œuvre originale le moins possible et la respecter au mieux, ou alors se l’approprier complètement et en donner sa propre vision. Même si j’ai ma petite idée, dans quelle posture t’es-tu mise ? Et est-ce que cela a été plutôt une délivrance, ou une petite crispation avec une légère appréhension ?
Tout en restant fidèles aux arrangements originaux, qui sont tous géniaux, nous avons essayé d’y apporter notre approche et notre propre sensibilité. Certains morceaux sont vraiment exceptionnels. Il y avait de nombreux sommets sur cet album qui devaient être atteints, notamment « Hideaway Another Being », qui l’une des chansons les plus marquantes et enthousiasmantes du genre. Ensuite, c’était une évidence d’avoir Joe Bonamassa sur le projet. Et je tenais absolument à jouer « Hideaway » avec Arthur Neilson.
– Sur l’album, il y a trois chansons datant de 1961 et les autres datent de 1971 à 1974. Ce qui est fascinant en écoutant le disque, c’est qu’elles auraient toutes aussi pu être composées de nos jours. Est-ce que cette intemporalité te séduit encore aujourd’hui chez Freddie King au-delà de son jeu ?
J’ai toujours dit que Freddie King était le chaînon manquant. On ne lui a jamais attribué le mérite qui lui était dû vu sa virtuosité musicale, tous les genres abordés et les différentes époques dans sa discographie. Alors, nous avons fait de notre mieux pour en couvrir l’essentiel et j’espère vraiment que nous avons contribué à lui rendre hommage.
– Comme tu le clames : tu aimes Freddie King. Et tu n’es pas le seul, puisque Mike Zito a aussi été partie prenante dans cette belle aventure. Quel a été son rôle en tant que producteur exécutif ?
Mike Zito a joué un rôle déterminant dans la réalisation de cet album. Il n’aurait pas pu voir le jour sans lui et je lui en suis très reconnaissant. C’est un type bien. Toute l’équipe de Gulf Coast Records m’a apporté un soutien incroyable. Je lui en suis très reconnaissant.
– D’ailleurs, j’aimerais savoir si des artistes comme Joe Bonamassa, Albert Castiglia, Christone ‘Kingfish’ Ingram et les autres ont pu choisi leur morceau, ou est-ce toi qui le leur as imposé ? Parce qu’il peut y avoir aussi une petite question de goût ou d’ego…
Il n’y a eu aucune question d’ego, vraiment. Tout le monde a apporté sa contribution et m’a aidé. Je suis tellement fier de tous mes amis, parmi les meilleurs guitaristes du genre et probablement du monde entier. Ma gratitude est éternelle. Mais j’avais aussi des idées précises sur qui jouerait quel morceau, et notamment Joe Bonamassa sur « I’m Going Down ».
– La technologie permet aujourd’hui beaucoup de choses, notamment de faire des albums à distance. Avez-vous tous pu vous rencontrer, car l’ensemble sonne terriblement live ? On vous imagine facilement tous dans la même pièce…
Seulement un ou deux morceaux ont été réalisés en présence de tous les musiciens. Les autres ont été envoyés par Internet. C’est comme ça que ça se passe maintenant, tu sais, avec nos agendas chargés et les tournées de chacun.
– Une dernière question plus personnelle et moins musicale pour conclure. Trump a été réélu pour une seconde fois. On te sait farouche opposant à sa politique et les choses prennent même une tournure assez dangereuse. Au-delà de ses idées que tu as toujours combattues, est-ce que tu penses que, tôt ou tard, le monde de la musique pourrait en être affecté aux Etats-Unis ?
Je pense que le monde entier est touché et la musique aussi forcément, mais il existe une résistance à la tyrannie et au fascisme et j’ai l’intention d’être à l’avant-garde, aux premiers postes. Je continuerai à résister grâce à des chansons de protestation et à utiliser mon influence pour prêcher le bien et uniquement le bien. Nous ne pouvons pas laisser le fascisme prendre le contrôle du monde.
L’album POPA CHUBBY & FRIENDS, «I Love Freddie King», sera disponible chez Gulf Coast Records le 28 mars.
Photos : Nelson D’Onfrio (4) et Photo Phillip Ducap (3, 6)
Retrouvez l’interview de Popa Chubby à l’occasion de la sortie de « Tinfoil Hat », sorti en pleine pandémie :
Après deux formats courts, les Transalpins passent enfin à la vitesse supérieure et après des années de travail durant lesquelles ils ont investi les Marsala Studios de leur ville de Gênes, voici « Shaping The Chaos ». Mêlant Heavy Stoner Psych et post-Rock progressif, IKITAN se fait très original et paraît avoir minutieusement assemblé ses nouvelles compos en prenant soin de chaque détail. Sur une production parfois rugueuse, mais lumineuse et organique, l’ensemble est fluide et très dynamique.
IKITAN
« Shaping The Chaos »
(Taxi Driver Records)
Découvert il y a cinq ans à l’occasion d’un EP audacieux, « Twenty-Twenty », constitué d’un seul titre de 20 minutes et 20 secondes, IKITAN avait ensuite récidivé l’année suivante avec « Darvaza y Brinicle », sorti en cassette à une poignée d’exemplaires. On retrouve d’ailleurs ces deux titres sur ce premier album que les Italiens travaillent depuis 2021. Ils y ont peaufiné leur Heavy Stoner Psych aux teintes post-Rock et progressives, et comme « Shaping The Chaos » est entièrement instrumental, il est franchement hypnotique.
Cette fois, le power trio propose près d’une heure de voyage sonore, où il nous offre sa vision d’évènements naturels ayant secoués la planète à des endroits bien spécifiques, neuf au total. Ainsi, ce concept commence avec « Chicxulud », qui fait office d’intro et livre le ressenti puissant et massif d’IKITAN sur le cratère de l’impact qui a tué les dinosaures. Deux minutes qui imposent « Shaping The Chaos » de belle manière. Et la suite nous mène dans la Vallée de la Mort, au Kenya, en Antarctique et même aux côté d’une baleine…
Toujours aussi progressif, variant les tempos et avec à un beau travail sur les tessitures, le groupe se montre particulièrement accrocheur. IKITAN monte en puissance au fil des morceaux, multipliant les riffs solides, les lignes de basse hyper-groovy et avec un batteur très aérien et parfois aussi assez Metal. D’atmosphères planantes en grondements sauvages, le combo fait preuve de beaucoup de créativité comme sur « Natron », pièce maîtresse du disque où s’invitent percussions et violon, ou encore le génial « 52Hz Whale ». Exaltant !
Retrouvez l’interview du groupe à la sortie de sa première production :
Pas totalement personnel, « Recordings : 2020-2025 » offre un beau panel des goûts et surtout du talent de SIMON McBRIDE et permettra à qui ne le connaîtrait pas vraiment de mieux comprendre pourquoi il a été le choix de Deep Purple pour remplacer Steve Morse. Entre Rock, Classic Rock et Hard Rock, le guitariste a enregistré quelques inédits, en une seule prise et au studio Chameleon à Hambourg en Allemagne, en complément de reprises réinventées, qui ne laissent pas de doute sur ses influences et encore moins sur sa virtuosité.
SIMON McBRIDE
« Recordings : 2020-2025 »
(earMUSIC)
En 2023, la carrière du musicien originaire de Belfast a pris un sacré tournant avec son intronisation au sein de Deep Purple et une implication conséquente sur « =1 », dernier et très bon opus en date de la légendaire formation. Cela dit, le parcours de SIMON McBRIDE est aussi assez éloquent. Compositeur, musicien et producteur, il signe ici son sixième album studio après avoir évolué au sein de Sweet Savage, Snakecharmer et aux côtés de Don Airey. Une carte de visite plus que conséquente et de haut vol.
Cette fois, l’Irlandais revient avec un disque un peu spécial, qui regroupe des enregistrements datant des cinq dernières années et même finalisés juste avant son arrivée chez Deep Purple. Composé de titres originaux et de reprises, « Recordings : 2020-2025 » résume plutôt bien la vision du Rock de SIMON McBRIDE et permet aussi de constater sa facilité à s’approprier à peu près tous les genres avec beaucoup de facilité. Pour autant, pas complètement caméléon, c’est essentiellement sa touche qu’on retrouve ici.
Après « The Fighter » en 2022, c’est donc un panorama plus Rock qu’il propose sur 15 titres, qui montrent une belle homogénéité. La production est assez sobre, mais le toucher est toujours aussi singulier. Nette et avec des accroches souvent Hard Rock, la fluidité de SIMON McBRIDE est un modèle du genre que ce soit sur les riffs ou les solos. Par ailleurs, c’est assez bluffant aussi de constater qu’il s’inscrive à ce point dans des sonorités ‘so british’, dans ses compositions comme dans le choix des reprises. Un bon moment !
Photo : Jim Rakete
Retrouvez la chronique de « The Fighter », celle du dernier album de Deep Purple et du coffret de Snakecharmer :
L’addition de talents ne garantit pas forcément l’enthousiasme, ni un résultat à la hauteur. Et si les exemples sont nombreux, il y a toujours des exceptions qui débouchent sur des albums renversants où l’on touche la perfection. Le grand BOBBY RUSH et l’incontournable KENNY WAYNE SHEPHERD ont mis en commun leur expérience et leur feeling dans une réalisation qui fera date sans aucun doute. « Young Fashioned Ways » incarne un Blues intemporel et majestueux. La classe et le feeling en symbiose.
BOBBY RUSH & KENNY WAYNE SHEPHERD
« Young Fashioned Ways »
(Deep Rush Records)
L’un a 91 ans et l’autre 47. Deux générations les séparent et pourtant, ils ont le même amour et la même passion du Blues. Alors, lorsqu’une légende vivante rencontre une si belle étoile qui incarne à elle seul l’avenir du genre, on ne peut que se réjouir. Il faut bien avouer que BOBBY RUSH et KENNY WAYNE SHEPHERD n’ont pas mis bien longtemps à s’aligner sur la même longueur d’onde. Et ce qui est assez génial sur « Young Fashioned Ways », c’est qu’aucun de ces deux géants du Blues n’a fait de concession dans son jeu. Au contraire, si le respect est palpable, c’est surtout la complicité entre eux qui brille !
Bien sûr, le timbre de voix et l’harmonica de BOBBY RUSH est identifiable en quelques secondes seulement et il va sans dire que le toucher et le son de guitare de KENNY WAYNE SHEPHERD ne laissent pas l’ombre d’un doute, non plus. La connexion est instantanée entre l’approche très moderne du Blues de l’un et toute la classe et l’héritage si bien préservé de l’autre. Il faut aussi préciser aussi que notre duo vient de Louisiane et les deux musiciens partagent donc des valeurs et une vision commune du Blues, cette atmosphère si spécifique à cet autre berceau du style. Et c’est pourtant ailleurs qu’ils vont se retrouver.
Entre compostions originales et réinterprétations de classiques de BOBBY RUSH, « Young Fashioned Ways » témoigne aussi de l’amour que les deux hommes ont pour Muddy Waters, comme en témoigne le titre de l’album. Accompagné d’un groupe virtuose, on se laisse littéralement envoûter par cette éclatante célébration de l’Histoire, de la culture et même de l’âme du Blues. Et KENNY WAYNE SHEPHERD navigue sur des tempos et des ambiances différentes avec le talent inouï qu’on lui connait. On peut ici parler de chef-d’œuvre, tant les deux artistes atteignent des sommets, tout en se faisant vraiment plaisir.
Retrouvez la chronique du dernier album solo de BOBBY RUSH…
Alors qu’ils n’ont pas joué aux Etats-Unis depuis le début des années 90, les Suisses de GOTTHARD sont pourtant les plus Américains des représentants européens du Hard Rock. Un son unique inscrit entre Rock US et Hard mélodique, qui fait mouche à chaque album. Avec « Stereo Crush », pas de réel bouleversement, mais justement une belle continuité et une grande fidélité à un style où le groupe livre ce qu’il a de meilleur. Une sorte d’intemporalité entretenue avec talent et respect. Le genre de disque qui fait du bien.
GOTTHARD
« Stereo Crush »
(Reigning Phoenix Music)
L’emblématique formation helvète nous revient cinq ans après « #13 » avec la ferme intention de perpétuer ce Hard Rock mélodique qui fait sa réputation depuis plus de trois décennies maintenant. Même si les fans de son phénoménale guitariste ont pu se rassasier un temps avec les trois albums de CoreLeoni, c’est encore avec GOTTHARD qu’il s’exprime le mieux, où le tandem Freddy Scherer/Leo Leoni fait toujours des étincelles. Et avec un Nic Maeder en grande forme, « Stereo Crush » présente de bien belles choses.
Toujours produit par l’ami de longue date Charlie Bauerfeind (Helloween, Blind Guardian), le quintet ne dévie pas franchement de sa trajectoire habituelle, et on ne saurait s’en plaindre. Si la rythmique est toujours aussi solide, GOTTHARD fait aussi de la place pour des morceaux plus calmes, entre ballades et mid-tempos, un registre qu’il maîtrise parfaitement. Et puis, il y a ces (gros) clins d’œil à un certain Richie Sambora que les amateurs ne mettront pas longtemps à repérer sur « Rusty Rose » et « Boom Boom ».
Ce quatorzième opus confirme encore toute la polyvalence dont il est capable et si l’on met de côté la fadasse reprise de « Drive My Car » aussi insipide que l’originale, il faut bien avouer que GOTTHARD tient son rang et assène avec le même dynamisme quelques compositions bien rentre-dedans (« AI & I », « Shake Shake », « Devil In The Moonlight »). Classique et efficace, « Stereo Crush » compte parmi les très bons albums du combo et c’est toujours un plaisir de constater qu’il reste inspiré et plus que fringuant.