C’est rassurant de voir qu’il existe encore des groupes capable de signer de si bons débuts. Certes, le Hard Rock des Italiens résulte d’une belle combinaison d’influences bien assimilées, mais il conjugue classicisme et modernité sur un fond de Blues savamment dosé. Musicalement costaud, WILL O’DUSK affiche beaucoup de confiance et d’envie. Entre riffs racés et une rythmique intense, les Transalpins peuvent également compter sur un frontman caméléon, qui offre à « The Long Lasting Dusk » une saveur particulière.
WILL O’DUSK
« The Long Lasting Dusk »
(Diotima Records)
Même s’il n’a que deux ans d’existence, WILL O’DUSK affiche beaucoup de maturité sur son premier album et si plusieurs courants traversent « The Long Lasting Dusk », il y règne une belle unité. Ainsi, Riccardo Barchiesi (chant), Danilo Casali (guitare), Stefano Grossi (basse) et Luca Gambazza (batterie) se sont forgés un style bien à eux et semblent y avoir injecté l’ensemble de leurs références musicales. Cela dit, loin de s’y perdre, les quatre musiciens affichent au contraire beaucoup de cohésion et de force.
En jouant sur les contrastes et la dualité dans ses textes, WILL O’DUSK s’ouvre aussi de multiples horizons sonores. Globalement Hard Rock, « The Long Lasting Dusk » se fonde aussi sur des racines Classic Rock et un brin de Southern, une sorte de croisement entre Led Zeppelin, The Black Crowes avec un soupçon de Cinderella et son côté bluesy. La recette est belle et le résultat l’est tout autant. Les Milanais maîtrisent parfaitement leur sujet et cela s’entend dans la structure des morceaux, qui sont assez complexes à l’occasion.
Grâce à un chanteur aux vastes capacités vocales, WILL O’DUSK surfe sur les émotions et cette première réalisation se distingue par sa construction en deux faces assez distinctes. L’ouverture est plus sombre avec des titres comme « Break In Case Of Emergency », « Crossroads » ou « Lucifer’s Tears ». Le quatuor se fait ensuite plus lumineux, mais sans perdre de son impact (« Let It All Explode », « Slowmo », « Last Drop »). De la pénombre à la clarté, « The Long Lasting Dusk » garde cette atmosphère à la fois véloce et apaisante.
Les éléments se déchaînent du côté de Glasgow et la tornade a un nom : VELVETBOMB. Avec « Vengeance Slayer », son deuxième format court en près d’une décennie, le duo est forcément nourri d’une certaine urgence. Les riffs sont racés et tranchants, les parties de batterie massives et musclées et le chant enveloppe l’ensemble avec force et conviction, tout en restant au service des mélodies. Formidablement ciselé, ce six-titres est franchement palpitant et irrésistible.
VELVETBOMB
« Vengeance Slayer »
(Independant)
Contrairement à certaines formations françaises évoluant dans la même configuration (des noms ?), VELVELBOMB n’est pas là pour jouer les marioles ! Nos deux Ecossais ont le Rock, très Heavy, dans le sang et « Vengeance Slayer » est un brûlot incandescent balancé en pleine tête, sans retenue et avec un évident malin plaisir. Un peu ce qu’il manque chez nous finalement… Ici, ça tabasse, ça envoie du bois et on est littéralement submergé par ce son plein et entier qui terrasse tout sur son passage. Un groupe hors-norme et implacable !
Pourtant autoproduit, c’est la production qui impression dès les premières notes du morceau-titre. L’équilibre entre la batterie, la guitare et le chant est solide et VELVETBOMB livre ses compos avec puissance et précision. Il faut préciser que l’ardent combo a déjà sorti un premier EP éponyme, et exclusivement en vinyle, en 2016 et a aussi écumé l’essentiel des salles de son pays. Il est donc parfaitement rôdé, son écriture plus affûtée que jamais et son jeu furieusement redoutable, en plus d’être entêtant.
Après une entrée en matière fracassante, Rob (chant, guitare) et Dac (batterie) ne lèvent pas pour autant le pied et enchaînent avec « Devil In Me » et « Unforgiven ». Accrocheur et percutant, le style de VELVETBOMB oscille entre Rock et Metal avec une touche Hard Rock et une dynamique post-Grunge. Sombre et racé, ce nouvel opus révèle le côté massif du tandem (« Schizoid Queen », « Run For Your Life »), ainsi qu’une facette plus épurée comme sur la très bonne ballade « My Dark Angel ». L’inspiration est brute et le résultat décapant.
Trois ans après « Ghost Light », le quintet fait son retour avec de nouvelles intentions et surtout un line-up dont les lignes ont bougé avec l’arrivée d’un nouveau membre, notamment. Toujours aussi mélodique et épique dans son approche, OLD NIGHT présente un Doom aux teintes très Heavy et où les atmosphères sont captivantes. Grâce à des riffs soignés, des chorus bien sentis et des solos millimétrés, « Mediterranean Melancoly » varie autant dans les tempos que dans les parties vocales, pour mieux édifier ces ambiances qui leur sont si personnelles. Luka Petrović, fondateur, compositeur, bassiste et chanteur de la formation croate, revient sur les changements au sein du groupe et la création de ce quatrième album, qui se présente comme une véritable odyssée.
– Sur ce quatrième album, il y a quelques changements suite au départ de Matej Hanžek, votre ancien chanteur et guitariste. Cela a donné lieu à une sorte de jeu de chaises musicales au sein du groupe, et Rafael Cvitković vous a aussi rejoint. Comment avez-vous abordé cette transition ?
Rafael est un ami de longue date, qui a d’ailleurs souvent joué de la guitare lors des balances et nous a même aidés avec le merchandising. Alors, quand Matej a quitté le groupe, nous avons décidé d’intégrer un troisième guitariste pour le remplacer et prendre le temps de trouver un chanteur. Rafael était le seul candidat. Comme il appréciait déjà notre musique et connaissait la plupart de nos morceaux par cœur, la décision a été facile. Ensuite, nous avons répété la setlist de base pendant deux semaines. En revanche, changer de chanteur s’est avéré bien plus compliqué. Ivan était notre premier choix, mais il était réticent au départ. Il se considérait avant tout comme notre guitariste et ne souhaitait pas se concentrer principalement sur le chant. Après avoir contacté plusieurs chanteurs potentiels, nous avons vite compris que nous ne trouverions personne de ce calibre dans la région. Par ailleurs, les autres options étaient soit trop éloignées, ce qui aurait rendu les répétitions au complet quasiment impossibles, soit elles ne correspondaient tout simplement pas à ce que nous recherchions. Finalement, nous avons convenu de faire une répétition avec Ivan au chant, et à la moitié de la première chanson, nous nous sommes regardés et nous avons su que c’était lui, et que nous avions notre nouveau chanteur.
– On peut aussi de dire que le renouvellement dans un groupe apporte un regain de créativité, un nouveau souffle, notamment dans ces changements de rôles pour vous. Est-ce que cela a été le cas et cela vous a-t-il ouvert de nouvelles perspectives ?
Absolument ! Même si la perte de notre chanteur principal a été un choc au départ, elle nous a en réalité rapprochés et nous a peut-être même permis d’apprécier davantage les choses. D’une certaine manière, nous avons dû repartir de zéro, du moins vocalement. Ivan avait toujours chanté dans OLD NIGHT, mais surtout en tant que choriste, et son style est assez différent de celui de Matej. Nous avons donc décidé de miser sur cette différence et de l’exploiter au maximum. Cela nous a sans aucun doute apporté un regard neuf et ouvert de nouvelles perspectives.
– Sur « Mediterranean Melancoly », OLD NIGHT se présente donc avec trois guitaristes, dont un nouveau. Est-ce que ce nouvel équilibre s’est fait naturellement et est-ce que vos rôles ont été définis rapidement ?
Nous avons toujours eu trois guitares, puisque Matej jouait aussi la rythmique. Mais oui, comme tu l’as justement remarqué, cet album est clairement plus axé sur la guitare. C’était en partie un choix délibéré, et aussi en partie dû aux influences musicales de Rafael. Il est plutôt branché Funeral Doom, Death Doom et Death Metal. Le seul ajustement que nous avons dû faire a été de réarranger certaines sections, car il était devenu trop difficile pour Ivan de chanter et de gérer tous les solos en même temps.
– Ce nouvel album est donc tourné, plus que les précédents, vers la guitare. Pour autant, votre Doom n’est pas techniquement plus démonstratif. Avez-vous profité de cette nouvelle configuration pour justement travailler plutôt sur les atmosphères, comme cela s’entend, puisque de nouvelles possibilités sont apparues ?
Les possibilités offertes par trois guitaristes sont quasi illimitées. On peut simplifier les parties et les arranger de façon à donner plus d’ampleur et de richesse au son. Il ne s’agit pas forcément de faire jouer chacun un solo différent en même temps. Quand j’ai commencé le Metal, j’écoutais Iron Maiden, Judas Priest et Blind Guardian. Voir ces groupes en concert m’a fait réaliser à quel point l’absence de cette troisième guitare, audible sur les albums, me manquait, notamment lors des solos à deux. Et bien sûr, comme tu l’as dit, on utilise aussi cette configuration pour les passages atmosphériques, car elle nous offre une multitude d’options.
– On a parlé du côté guitaristique de « Mediterranean Melancoly », mais la dimension vocale n’est pas en reste et OLD NIGHT cultive cette dualité entre le growl et le chant clair. Comment procédez-vous au moment de composer pour distinguer les deux aspects ? Et d’ailleurs, est-ce que chacun écrit et interprète sa propre partie ?
Je suis le principal compositeur du groupe et je m’efforce de finaliser au maximum les morceaux. En général, j’écris au moins deux parties de guitare et la basse. Je compose aussi la plupart des mélodies. Ensuite, le batteur et moi préparons les morceaux et les présentons au reste du groupe. Puis, nous travaillons ensemble sur les arrangements et, bien sûr, sur le peaufinage des parties de guitare. Je n’écris pas leurs solos, car je ne suis pas guitariste à proprement parler. Si j’ai des idées, je les partage, mais je leur laisse le soin de prendre les décisions finales, car ils sont bien meilleurs que moi dans ce domaine. Pour ce qui est des parties vocales, c’est principalement le travail du chanteur. J’essaie simplement de donner quelques indications et de signaler où chanter, mais je n’interviens pas beaucoup. Et les growls viennent en dernier. Je les considère surtout comme un élément d’accompagnement et nous ne les utilisons que lorsque les paroles le justifient vraiment, pour accentuer des moments précis.
– Votre Doom s’inscrit dans l’esprit Old School du genre avec également un élan épique et un jeu clairement Heavy Metal, assez éloigné du Death malgré les growls. Est-ce par désir de rester proches des fondamentaux et d’une certaine tradition, ou parce que vous ne vous reconnaissez pas dans l’approche moderne du genre ?
Quand j’ai commencé à écouter du Doom Metal, c’était surtout ce qu’on appelle aujourd’hui du Death Doom, et beaucoup de ces groupes font encore partie de mes préférés. Mais c’était surtout parce qu’un ami, qui me prêtait des cassettes, écoutait ce genre de musique. Je me souviens encore de ma première écoute de Solitude Aeturnus, j’ai été complètement époustouflé. C’était au début des années 90, et Internet tel qu’on le connaît aujourd’hui, n’existait pas. Je ne savais même pas que le Doom avec du chant clair était possible. Beaucoup de mes groupes préférés ont fini par adopter le chant clair, ou du moins à l’intégrer davantage. Les autres membres sont plus branché Heavy Metal traditionnel. Et je pense que le mélange de toutes ces influences a posé les bases de notre son. Je ne suis pas vraiment fan de Death Metal classique, donc même les parties les plus lourdes qu’on compose ne sont pas ancrées dans l’agressivité ou l’esthétique Death Metal. Ce sont juste des riffs bien lourds.
– J’aimerais que l’on parle du concept de l’album, qui contient cinq morceaux qui s’étendent de plus de sept minutes à près de dix. Les avez-vous composé un par un, ou est-ce la structure en elle-même du disque qui a guidé la tracklist ?
En fait, je compose d’abord la dernière chanson de l’album. Je l’avais déjà fait pour notre premier album et c’est devenu une habitude. Ce n’est pas forcément intentionnel, mais je ne suis pas vraiment tranquille tant que je ne connais pas la fin de l’album. Ensuite, je compose la première chanson, le début de l’histoire. Comme j’écris toujours les paroles avant la musique, celle-ci est composée spécifiquement pour ces mots. Je n’ai pas de règle stricte, mais je travaille généralement sur plusieurs chansons à la fois. Je ne suis pas un compositeur prolifique, alors j’essaie d’écrire très régulièrement. Cela me donne un large choix de riffs et de parties mélodiques pour les morceaux. Tout ne convient pas forcément à une chanson en particulier, ni même à l’album, ni parfois même au groupe, mais cette méthode de travail m’évite d’être obligé d’utiliser quelque chose qui ne colle pas à l’ensemble.
L’autre chose que nous faisons bien à l’avance, c’est commander la pochette. Nous aimons qu’elle soit terminée pendant que nous sommes encore plongés dans l’écriture, car elle devient une source d’inspiration. Cet album parle de notre maison, une sorte d’ode à l’endroit où nous vivons, mais c’est aussi une lamentation. Cela a indéniablement influencé l’atmosphère de l’album, car certaines mélodies et lignes vocales ont une sonorité résolument méditerranéenne. Quant à la durée des morceaux, j’essaie de les garder aussi courts que possible, même s’il m’arrive de couper des paroles pour réduire un peu l’ensemble. Bien sûr, ce qui nous paraît ‘vraiment long’ et ce que l’auditeur lambda perçoit ne sont pas toujours les mêmes. Notre façon de composer engendre naturellement des passages plus longs, parfois presque cinématographiques. Alors, les morceaux s’étirent simplement parce que c’est l’histoire qui veut ça.
– Enfin, ce qui est assez étonnant avec le Doom d’OLD NIGHT, c’est une certaine légèreté dans votre jeu et dans les atmosphères, qui donnent parfois même une sensation apaisante. L’idée est-elle d’aller un peu à contre-courant de l’image sombre et ténébreuse du style ?
J’ai toujours perçu nos chansons comme des récits et la musique comme un véritable voyage. Nous explorons une multitude d’émotions au sein d’un même morceau, et il est parfois nécessaire de créer cette sensation d’apaisement pour bien raconter l’histoire. Il ne s’agit donc pas de s’opposer à l’image sombre et lugubre du genre, mais plutôt de suivre le chemin émotionnel que la chanson exige. Bien sûr, ces moments plus doux et paisibles rendent les passages plus intenses d’autant plus percutants, créant un contraste naturel. Je pense que cet équilibre est l’un des éléments qui nous distinguent des autres groupes du genre, ce qui donne à notre Doom une profondeur et un dynamisme uniques.
Le nouvel album d’OLD NIGHT, « Mediterranean Melancoly », est disponible chez Meuse Music Records.
Caractérisé par une élégance de chaque instant, que ce soit à la guitare ou au chant, GREG NAGY fait partie de ces bluesmen pour qui le temps semble n’avoir aucune importance. Entouré d’un groupe brillant, et avec même la participation de Bobby Murray, six-cordiste attitré d’Etta James depuis un bon moment, il marie un Blues très contemporain dans un esprit Soul, alternant avec une puissance très bien contenue et un feeling tout en délicatesse et d’une grande finesse. Très intense dans l’interprétation, il fait preuve sur « Just A Little Morte Time » d’une profondeur et d’une sincérité pleine d’émotion.
GREG NAGY
« Just A Little More Time »
(Independant)
Après s’être forgé une solide réputation avec le groupe Root Doctor il y a quelques années en tant que lead guitariste, GREG NAGY s’est légitimement lancé dans une carrière solo. Songwriter aguerri, il donne livre court à ses inspirations et « Just A Little More Time » est déjà son cinquième album sous son nom, depuis « Walk Than Thin Line », sorti en 2009. Solidement ancré dans son époque, l’Américain ne tourne pas pour autant le dos à la tradition et il conjugue Blues, Soul, Rock et R&B avec beaucoup d’authenticité et la même intensité.
Toujours très bien entouré par des musiciens aussi chevronnés que reconnus, GREG NAGY distille avec passion un Blues aux multiples facettes, qu’il va piocher dans des registres assez opposés. Avec sa voix de velours et son jeu fluide et limpide, il se livre à un double exercice sur « Just A Little More Time », à savoir mêler des reprises triées sur le volet, et parfois étonnantes, avec ses propres compositions. Et enregistré avec un groupe hors-norme, dont une section cuivre chaleureuse et d’une grande précision, l’ensemble est rayonnant.
Avec beaucoup de personnalité, GREG NAGY s’approprie des morceaux que l’on redécouvre sous un nouveau jour. Que ce soit « Rainy Night In Georgia » de Tony Joe White (1969), « I’m The Moon » de John Lee Hooker (1951) ou l’inattendu « Only Women Bleed » d’Alice Cooper (1975), le chanteur et guitariste leur offre une impulsion lumineuse sur des arrangements de grande classe. Et il régale aussi et surtout sur ses propres compositions (« Breaking Me », « Between The Darkness And The Light », le morceau-titre et « Big City »). Splendide !
Vigoureux et précis dans son jeu, le groupe de l’Ontario a toujours affiché beaucoup de fraîcheur et de liberté à travers ses disques, et « Leo Rising » ne vient pas trahir l’ADN du combo. Intense et bien charpenté, ce nouvel opus est aussi fougueux que groovy et, comme toujours, DANKO JONES est sûr de sa force, se montre également sleazy à l’occasion et surtout, il semble mettre un point d’honneur à ne pas sombrer dans des sonorités actuelles fadasses et stéréotypées.
DANKO JONES
« Leo Rising »
(Perception)
Après une trentaine d’année de carrière, DANKO JONES fait toujours figure d’électron libre. Un pied dans l’underground malgré une reconnaissance mondiale, il ne dévie pas d’un iota de sa trajectoire musicale. Comme toujours, « Leo Rising » percute d’entrée de jeu et les Canadiens ne lèvent pas le pied un seul instant. Imperturbables, ils balancent leur Hard Rock brut et tendu, délivrant au passage une énergie communicative. A priori franchement rude, ce douzième album est surtout une invitation au partage. En effet, il y a toujours cette envie très perceptible, qui transpire de ses morceaux et leur offre cette vélocité particulière.
Et la première chose que DANKO JONES a à partager, c’est son puissant Rock virevoltant et incisif. Coriace et sans compromis, « Leo Rising » ne manque pourtant pas d’humour et d’ironie, et avance au pas de charge. Le power trio se fait plaisir et la bonne production signée Erik Ratz ferait presque oublier que les chansons ont été enregistrées à distance, le bassiste John Calabrese étant en Finlande. Cependant, il y a une réelle cohésion et un bel esprit de corps, et cela se sent sur ces onze bâtons de dynamite. L’alchimie fait le reste et on peut compter l’implication de chacun d’entre eux pour faire parler la poudre.
Il y a aussi ce côté évident chez les Nord-Américains. L’aspect direct et frontal de leur musique y est pour beaucoup, tant le rythme est effréné et la succession de riffs tranchants efficace (« Diamond In The Rough » avec un solo de Marty Friedman, « Everyday Is Saturday Night », « Hot Fox », « Gotta Let In Go », « I ‘m Going Blind », « Pretty Stuff »). Tout en diffusant des titres costauds, DANKO JONES n’élude pas une certaine légèreté, et reste fidèle à une ligne de conduite très Rock’n’Roll. Taillée pour la scène, cette nouvelle réalisation s’inscrit dans une belle et robuste continuité et sans renier sa ligne de conduite.
Photo : Ole Martin Wold
Retrouvez l’interview du groupe à l’occasion de la sortie de « Power Trio » en 2021 et la chronique de l’album :
Nombreux sont ceux qui gardent un souvenir ému de la sortie de « Wicked Sensation » en 1990, première réalisation du génial George Lynch en groupe après son départ de Dokken. Ce fut le début d’une belle envolée solo qui, si elle n’a jamais atteint le sommet des charts, aura été un formidable laboratoire pour un six-cordiste toujours en quête d’exploration et particulièrement doué. Avec un sens unique du riff et des solos plein de panache, il aura guidé LYNCH MOB pendant plus de deux décennies. Avec ce dernier « Dancing With The Devil », il affiche sa reconnaissance pour ses fans, loin de signer un lugubre chant du cygne.
LYNCH MOB
« Dancing With The Devil »
(Frontiers Music)
Clap de fin pour LYNCH MOB après 25 ans d’une belle aventure, qui se termine avec un neuvième album en forme de baroud d’honneur. Si le groupe demeure le plus emblématique de la carrière post-Dokken du guitariste, il reste un homme de projet et nul doute qu’il ne tardera pas à refaire surface. Alors pour cet ultime opus, il a reconduit le line-up présent sur « Babylon », sorti en 2023. On le retrouve donc aux côtés de Gabriel Colón au chant, Jaron Gulino à la basse et Jimmy D’Andra derrière les fûts, histoire d’œuvrer une dernière fois dans la continuité et la ligne artistique établie du combo.
L’une des dernières formations iconiques du Hard Rock américain tourne donc la page et même si de nombreux musiciens s’y sont succédé, la touche de LYNCH MOB reste tellement identifiable. Cependant, le musicien a su moderniser son approche au fil du temps, tout en conservant ce chaleureux côté bluesy qui le suit. Comme toujours « Dancing With The Devil » sonne juste, le songwriting est irréprochable, l’interprétation du combo remarquable et le jeu de George Lynch fait encore des étincelles. Technique, mais sans tomber de trop dans la démonstration, il laisse parler son feeling… ainsi que sa virtuosité.
Avec l’assurance et la technicité qu’on lui connaît, le Californien distille un Hard Rock toujours élégant et efficace. S’il ne prend pas le moindre risque, il joue sur les contrastes avec un groove éclatant et démontre qu’il reste un maître en la matière (« Dancing With The Devil », « Pictures Of The Dead », « Saints And Sinners », « Lift Up Your Soul », « Follow My Down »). Avec ce dernier effort, le guitar-hero semble aussi poser un regard satisfait sur ce pan de sa carrière et se contente même de beaucoup de sobriété sur l’instrumental « Golden Mirrors ». Et LYNCH MOB ferme même la parenthèse avec « Somewhere », uniquement présent sur l’édition européenne. Merci pour tout Monsieur !
Entièrement féminin, le combo transalpin vient s’inscrire dans cette lignée d’artistes qui revitalisent la scène Heavy Rock avec un Stoner occulte aux effluves Doom. Si elles ne sont pas sans rappeler High Priestess ou Alunah, leur sens du Fuzz et de la mélodie diffuse un groove massif et ensorceleur. Teinté d’un esprit Desert Rock qui lui offre de la hauteur et du relief, « Ice Age Desert » intronise brillamment DUNE AURORA avec un premier long format à la fois conquérant, abouti et bien produit.
DUNE AURORA
« Ice Age Desert »
(Octopus Rising)
Après avoir émergé sur la scène underground turinoise en 2022 avec son premier EP « Lonely Town », DUNE AURORA passe à l’échelon supérieur avec « Ice Age Desert », un album aussi attendu que réussi. Ginny Wagon (chant, guitare), Roberta Finiguerra (basse, chœurs) et Serena Bodratto (batterie, choeurs) proposent un univers Stoner Fuzz aussi glacial que lumineux et se montrent ambitieuses et particulièrement sûres de leur force. Entre Heavy Rock et une impression Désert envoûtante, leur disque est captivant.
L’un des atouts d’« Ice Age Desert » est la succession d’atmosphères qui traversent les neuf titres. En intégrant des sonorités Doom, Sludge, Psych, Grunge et même Alternative, DUNE AURORA fait preuve de beaucoup de diversité, tout en parvenant à une solide unité musicale. Très bien enregistré et mixé par Davide Donvito et masterisé par James Plotkin (Isis, Pelican, Earth), qui vient y apporter une belle brillance, ce premier opus conserve aussi une saveur vintage, que l’on doit sûrement au voile occulte posé sur ces compositions.
Avec beaucoup de fluidité, DUNE AURORA libère sa pleine puissance et laisse aussi la place à de la finesse. Très fusionnel, le power trio déroule son Stoner brut, efficace et le travail sur les choeurs apporte du relief et même un peu de chaleur. Et si elles ne s’en laissent pas compter, les Italiennes déploient créativité et fraîcheur sur des morceaux très bien ciselés (« Gateway », « Tundra », « Crocodile », « Sunless Queen », la version étendue de leur single « Fire » sorti l’an dernier et « Se Ponga El Sol » dans leur langue natale). Solide !
Si les Parisiens se réinventent, ou plutôt précisent leurs intentions, cela ne doit rien au hasard. En faisant un retour aussi surprenant que réussi avec une belle refonte de leur deuxième album, « Lost In The World Rebirth », le quatuor explore son précédent effort dans une formule clairement cinématique, avec un nouveau chanteur également et surtout un concept visuel et musical plus profond et très travaillé. Hybride ou Alternatif, le Rock/Metal de NOTHING BUT REAL est plus captivant que jamais, porté par une production ample et solide, qui offre à ses morceaux la brillance qui leur manquait peut-être un peu précédemment. Histoire d’en savoir un peu plus, retour auprès de Tom l’un des principaux architectes de ce projet, dont les racines se sont considérablement étendues…
– Trois ans après « Lost In The World », il y a du changement chez NOTHING BUT REAL, puisque vous faites votre retour avec… le même album, ou presque ! Blague à part, et nous y reviendrons, c’est d’abord le line-up qui a bougé avec l’arrivée d’un nouveau chanteur. De qui est constitué le groupe aujourd’hui ?
Le groupe est constitué de quatre membres sur scène, même si je considère que c’est bien plus que cela avec l’équipe derrière. Il y a ‘Infini’ à la guitare, ‘Eveil’ à la basse, ‘Vérité Absolue’ à la batterie et l’’Oracle’ au chant et à la guitare, par moment. En coulisses, et c’est tout aussi important, il y a notre ingénieur du son Clément, notre chargée de production Néa, notre webmaster Quentin, Christine qui gère l’association ‘Coire Ernmae’ pour porter nos évènements, Flow pour les créations et illustrations qu’on travaille en collaboration, Bertrand au mix, mastering et post-production, moi-même sur la partie administrative, la direction artistique, la gestion de notre nouveau label Soundload Production et tous les trucs relous à faire pour le groupe. (Sourires)
– Justement, dans cette refonte de votre album précédent, le passage du chant féminin au masculin a-t-il nécessité une nouvelle approche et présenté quelques difficultés d’adaptation, ou d’ajustements plus précisément ?
Oui, il a fallu passer du temps pour se détacher de l’existant qui, pour moi, était au final plus une démo. Il y avait cette petite voix intérieure qui me répétait par moment que ce n’était pas abouti, qu’on aurait pu mieux faire, comme ce que j’avais imaginé en rêve. Donc, il a fallu réécrire, réarranger, réimaginer et enregistrer ce qui manquait. L’approche était claire, car NOTHING BUT REAL a toujours eu vocation à avoir un son pour de la performance live. Fusionner les genres avec une approche orchestrale comme les bandes sonores de films, d’animés, … c’est ça l’ADN du groupe. Donc, il a fallu passer beaucoup de temps, autant sur le côté technique pour reprendre les bandes et corriger, que d’enregistrer de nouvelles choses pour ramener la couleur souhaitée et coller avec le nouveau chant et l’esthétique. J’espère qu’on a réussi cet exercice, qui a pris du temps, et que cet album plaira aux créatures qui vont l’écouter en entier pour voyager.
– « Rebirth » est donc une sorte de version 2.0 de « Lost In The World ». Tout d’abord, un mot sur la production que vous avez confié à Bertrand Poncet (Landmvrks, Storm Orchestra), car c’est une vraie métamorphose. Où se situaient vos priorités et surtout avez-vous réenregistré l’ensemble de l’album ? Ou un gros lifting en dehors des voix, a-t-il été suffisant ?
Un très gros lifting pour parler mode ! (Rires) Je considère que la version 2022 est une version bêta, et que « Lost in the World Rebirth » est le véritable album. Il correspond à la vision que j’en avais et que j’ai toujours eue de NOTHING BUT REAL. Pour l’anecdote j’ai rencontré Bertrand et Clément en même temps au studio de l’Orangerie au début de l’année 2024. C’était pour la suite et avec l’ancien line-up. Un gros projet… Je voulais faire un enregistrement, qui allie la force de vrais instruments avec celle du numérique. C’est aussi ça l’hybride pour moi quand je dis qu’on fait du ’Rock Hybride Cinématographique’. Et on venait de finir d’enregistrer tous les instruments en studio. Malheureusement, le processus d’écriture des voix et des paroles n’a pas été au bout. Quelque chose ne fonctionnait plus. Donc, avec Hanta l’ancienne chanteuse, on a préféré stopper l’aventure. A partir de là, comme la version de 2022 ne correspondait pas à ce que j’avais en tête initialement, j’ai annoncé à l’été 2024 qu’on referait l’album, ainsi que le chant pour enclencher cette renaissance.
– On redécouvre les morceaux sous un angle nouveau et certaines choses émergent aussi. Ainsi, « Rebirth » semble plus cinématographique et atmosphérique que dans sa première mouture. Un voile semble levé. Vous a-t-il fallu aérer certains titres pour laisser éclore une substance plus profonde ?
Alors déjà, ça fait plaisir que tu en parles en ces termes, car c’est exactement la sensation que j’avais. Dès le travail en studio sur le premier titre avec Bertrand, je savais que c’était la bonne personne avec qui j’aurai dû bosser depuis les débuts du groupe. Ma vision et sa compréhension étaient parfaitement alignées. Les choses se sont faites naturellement. On a calé nos agendas et on a déroulé. Tout n’était pas si simple, car il y a des passages harmoniques un peu façon Tricky sur nos titres. Il a fallu décortiquer quelques passages de morceaux comme « Behind the Door » ou « Strike », par exemple, justement pour que ce soit orchestral, un peu Electro et profond. Bref, créer un voyage sonore pour cet album avec des touches de multiples influences, qui ont maturé dans notre inconscient.
– Pour celles et ceux qui vous découvrent avec ce nouvel album, j’aimerais que vous nous parliez de l’univers musical de NOTHING BUT REAL, fait de contrastes assez saisissants. D’ailleurs, est-ce que cette nouvelle production vous a aussi permis d’apporter plus de liant entre les morceaux ?
Pour te donner un peu de perspective et repartir un peu en arrière, dans l’univers narratif de NOTHING BUT REAL, il y a une recherche d’équilibre entre ombre et lumière, bien et mal… que j’ai appelé le ‘Nothing’, assimilable au rêve, au côté irréel. Et il y a le ‘Real’, qui est le côté terre à terre, les musiciens, un son, quelque chose de palpable, nos vies quotidiennes, … Dans le ‘Nothing’, Sakar (l’avatar) tire en partie sa force de trois symboles, qui sont les Sentinelles, trois entités ayant la possibilité de s’incarner physiquement. Les trois symboles forment un tout, qui est le logo du groupe. Ces trois sentinelles, que j’aime appeler ‘Sentries’, car c’est plus cool, sont ‘Eveil’, ‘Vérité Absolue’ et ‘Infini’, et elles forment le Triumvirat. Elles confèrent à Sakar une puissance énorme, bien plus que tous les personnages des univers que l’on connait. Je suis un gamin, donc je me suis fait un kiffe en créant mon personnage, qui défonce tous les autres ! (Rires) Les sentinelles l’accompagnent dans sa quête pour nous comprendre pauvres humains que nous sommes, avec nos démons et nos vices. Tout cela est incarné par des Vilains, qui sont en chacun de nous. Du liant ? Je pense que maintenant, c’est surtout vraiment assumé.
– Et il y a le côté visuel que vous avez toujours beaucoup travaillé et qui est encore très présent cette fois-ci. Plus que jamais, aujourd’hui, l’image et le son vous paraissent-ils vraiment indissociables ?
Complètement. Si tu devais retenir trois mots de NOTHING BUT REAL, au-delà du Rock aux influences multiples, ce serait : cinéma, dualité et énergie.
– Par ailleurs, on retrouve votre personnage principal, Sakar. En avez-vous profité pour lui offrir plus de place à travers quelques petites modifications dans les textes, par exemple ?
Oui, il a une place prépondérante et il aura un rôle sur scène, ou dans les events pour rencontrer le public. Nous l’avons déjà fait dans un festival et les enfants l’adorent. Dans les textes forcément aussi, car j’ai repris naturellement toute l’écriture, ce qui fait sens pour créer des histoires et tout connecter. Le tout étant de ne pas se perdre ! (Rires)
– Sur « Scars And Burdens », il y a également ce passage en français, qui se fond parfaitement dans le morceau. Avez-vous songé un instant avec votre nouveau chanteur, jouer un peu plus sur ce bilinguisme ?
Ce n’était vraiment pas prévu et pour l’anecdote, je bloquais sur ce passage en termes d’écriture. Et je me suis dit qu’en fait ce serait vraiment cool en français. Je ne fais pas de Slam ou de Rap, donc j’ai essayé de faire quelque chose, qui s’imbrique sur ce passage narratif intense. Les autres l’ont trouvé efficace et touchant, alors nous l’avons gardé. C’est un titre qui plait beaucoup au groupe et qui nous parle, je pense.
– D’ailleurs, comment considérez-vous « Lost In The Wolrd Rebirth » ? Est-ce votre véritable troisième album ? Ou un deux et demi ? Ou encore un interlude ou une mise au point ?
Tu sais, c’est la mode du Multiverse… C’est peut-être l’un des rares retours en arrière possible, quand tu y penses. Je ne regrette pas le passé, mais la version de l’album de 2022 ne reflète pas ce que j’avais en tête. Au sens propre, on pourrait parler de réédition, mais pour moi, c’est la concrétisation d’une vision. C’est bien plus que cela, car il nous a fallu près d’un an à tout reprendre avec un fil conducteur plus clair dans la narration, pour la suite… Et une sorte de mise au point aussi, pourquoi pas… (Sourires)
– Enfin, comme cet album est une espèce de renaissance pour NOTHING BUT REAL, pourquoi n’êtes-vous pas repartis d’une page blanche, d’autant qu’un nouveau chanteur aurait peut-être eu des choses à dire ? Et puis, à l’instar d’un tableau, on peut réarranger àl’infini… C’est sans fin, non ?
Ce n’est pas une ‘espère’, c’en est une, crois-moi. Il n’y aura pas d’autre retour, même si je t’avoue que dans l’album de 2020, il y a deux ou trois titres qui me titillent. Mais il faut avancer et c’est déjà le cas, car nous avons enregistré un nouvel EP dans le cadre du prochain projet que je dévoilerai en 2026. Le nouveau chanteur a des choses à dire, oui… (Sourires) Alors, rendez vous l’année prochaine et sur scène.
Changement de label et de batteur, il n’en fallait pas plus à la formation de Richmond dans l’Indiana pour retrouver toute sa vigueur, et même un nouveau souffle, et livrer « Wizard’s Light », probablement sa meilleure réalisation depuis la première en 2018. Epais et robuste, le Stoner du combo ne manque de précision, ni d’impact. Et sans négliger l’aspect mélodique et accrocheur, WOLFTOOTH se montre intense et terrassant, oscillant avec habileté entre un Metal racé et un Rock musclé.
WOLFTOOTH
« Wizard’s Light »
(Ripple Music)
Ce quatrième album de WOLFTOOTH marque le retour au bercail, chez Ripple Music où tout a commencé, après une surprenante embardée chez Napalm Records. Depuis « Blood & Iron » sorti il y a quatre ans, il a également changé deux fois de batteur et c’est désormais Shane Shook qui œuvre derrière les fûts, après l’intermède de deux ans assuré par Casey Wainright. Les Américains sont aujourd’hui en ordre de marche avec Chris Sullivan (chant, guiatre), Jeff Cole (guitare), Jeremy Lovins (guitare) et Terry McDaniel (basse). Un line-up qui a fière allure… même à quatre sur la photo.
« Wizard’s Light » confirme de bonnes intentions sans doute nées de tous ces changements et WOLFTOOTH semble même plus aguerris que jamais. Pourtant, pas de bouleversements musicaux, le Stoner Metal du groupe est toujours aussi puissant et incisif, et c’est surtout dans la volonté et la créativité que tout se joue. Les références lorgnent encore vers la NWOBHM, un Hard Rock très 70’s et bien sûr le Black Sabbath de la première période, notamment dans le chant de son frontman. Captivant dans sa narration également, les guitares résonnent fort et juste sur ce nouvel opus.
L’intro « Hymn Of Belgarath » plante le décor et sert de rampe de lancement pour « Sightless Archer », qui vient déjà tout bousculer. Sur un rythme effréné, WOLFTOOTH est totalement libéré et son Stoner débridé laisse le charme agir. La rythmique est brute et aussi lourde que rapide, tandis que les guitares font le show entre riffs tranchants, twin-guitares relevées et solos plein de feeling (« Darkness Path », « Wizard’s Light », « Armor Of Steel », « War Brigade », « Bloodline »). Le quintet poursuit l’aventure avec beaucoup d’assurance et fait cohabiter Heavy Metal et Hard Rock dans un Stoner rutilant.
Alors qu’elle commençait à se faire un nom, Amy Montgomery a fait le pari d’en changer et de s’afficher en groupe : une belle preuve de ce qui l’unit à ses musiciens depuis le début. Pour autant, PREYRS est la suite logique de l’aventure menée par la chanteuse irlandaise depuis quelques années déjà et dont Rock’n Force s’est fait l’écho dès le début. Le quatuor prend également une autre dimension avec sa récente signature chez Pelagic Records et la sortie de son premier album, « The Wounded Healer ». Légèrement plus sombre et plus massif encore, c’est dans un Alternative Rock peut-être aussi plus arrangé que la frontwoman et ses musiciens œuvrent désormais et ce cap franchi vient confirmer tout le potentiel entrevu notamment sur « Astil » il y a deux ans. L’occasion de faire le point avec une artiste passionnée, enthousiaste, positive et heureuse de la trajectoire prise par son combo.
– Tu t’en doutes, ma première question concerne ce passage d’AMY MONTGOMERY à PREYRS. Au moment où ton nom commence à être connu et reconnu dans le milieu, c’est un choix très audacieux. Pourquoi ce changement et de qui est aujourd’hui composé le groupe ? Avez-vous gardé le même line-up ?
Pendant l’écriture de l’album, nous avons constaté un changement radical dans le style des paroles et de la musique. C’était plus sombre, plus intense, comme un nouveau chapitre. Nous avons alors décidé que cette liberté d’explorer et d’expérimenter de nouveaux horizons musicaux et textuels était essentielle pour nous. Il était donc temps de donner un nom au groupe. Cela nous permet aussi de mieux définir notre identité musicale, tout en me laissant la possibilité de créer et de sortir de la musique sous mon nom à l’avenir. Désormais, nous avons des axes clairs : plus de musique, plus de concerts et plus de variété ! La formation reste la même, à l’exception du bassiste, Ciarán McGreevy, qui a rejoint le groupe cette année. Je m’occupe de l’écriture et du chant, Michael Mormecha de la composition, de la production et de la batterie, Nolan Donnelly de la guitare et donc Ciarán de la basse.
– Alors que tu avais sorti « Astil » et un live enregistré chez toi à Belfast sous ton nom, la création de PREYRS correspond à votre signature chez Pelagic Records. Est-ce que cela a été l’une des conditions du contrat, ou au contraire l’occasion pour toi de passer à la formation de groupe et de repartir, peut-être pas de zéro, mais en tout cas avec beaucoup de choses à reconstruire ?
Non, ce n’était absolument pas une condition du contrat. C’était un choix entièrement et vraiment personnel. Nous avions prévu de sortir cet album en indépendant, à tel point que nous avions déjà mis en ligne le premier single. Nous avons ensuite contacté Pelagic et avons rapidement sorti le premier single de PREYRS, réorganisé notre planning et préparé l’annonce de la signature avec le groupe. Nous devons reconstruire beaucoup de choses, c’est certain, mais les bases sont solides, tout comme notre vision pour PREYRS. Nous connaissons précisément nos objectifs et nos intentions pour ce projet, ce qui en fait une aventure passionnante ! C’était également incroyablement courageux de la part de Pelagic de nous prendre sous son aile alors que nous étions un projet quasiment nouveau et eux aussi ont perçu notre potentiel ! (Sourires)
– Toujours au sujet de cette signature chez Pelagic Records, est-ce que le fait de beaucoup tourner en Allemagne et d’y passer beaucoup de temps a-t-il joué en votre faveur ? D’ailleurs, êtes-vous dorénavant installés là-bas ?
Je pense que nos nombreuses tournées en Allemagne nous ont d’une certaine manière menés à Pelagic, car toutes les expériences de la vie sont liées. Tourner beaucoup, où que ce soit, et remplir les salles, ou avoir déjà une petite base de fans fidèles, c’est toujours un atout. On a construit quelque chose de vraiment spécial ici en Allemagne, grâce à un travail acharné ces dernières années. Comme je le disais, c’est petit, mais c’est une base très solide car on a une excellente relation avec ceux qui nous soutiennent. Ça joue toujours en notre faveur. Aujourd’hui, je partage mon temps entre l’Allemagne et l’Irlande… une double vie, en quelque sorte ! (Sourires) Et pour que les tournées fonctionnent, on a deux installations ici et là-bas.
– Parlons de « The Wounded Healer », un premier album où l’on retrouve bien sûr ton style. Et si mes souvenirs sont bons, tu étais partie au Canada en Ontario pour travailler sur ces nouveaux morceaux. Comment s’était passé ce séjour et cette expérience ? Et pourquoi partir si loin ?
C’est exact ! Michael avait reçu un coup de fil de Chris Brown, notre ami musicien et producteur canadien, pour enregistrer des parties de batterie sur un album qu’il produisait. Nous lui avons expliqué que nous avions prévu d’écrire et d’enregistrer ce mois-là en Irlande, et l’idée de réunir nos projets respectifs a rapidement germé. Deux semaines plus tard, nous nous sommes envolés pour Toronto, puis nous avons rejoint Wolfe Island, où Chris avait transformé tout le rez-de-chaussée de l’hôtel en studio improvisé. Nous y avons passé un mois entier, en plein hiver et dans un froid glacial ! (Sourires) C’était comme une retraite d’écriture. Une expérience totalement inédite. Le changement d’environnement, de matériel et d’approche a indéniablement influencé notre musique. Se lever à six heures tous les jours à cause du décalage horaire et se mettre directement à composer… Ce fut un mois de création magnifique, intense, introspectif et rigoureux. Nous avons ensuite repris les démos que nous avions réalisées, conservé quelques pistes originales enregistrées au Canada et celles que nous souhaitions réenregistrer, et nous l’avons terminé en Irlande en février.
– Une Irlandaise de Belfast qui enregistre un album au Canada pour le sortir sur un label allemand n’est pas banal du tout. Quel est l’endroit où tu te sens le mieux et où ta créativité s’exprime pleinement aujourd’hui ? Ca reste l’Irlande ?
Excellente question ! La créativité se manifeste de bien des façons. Personnellement, je suis particulièrement inspirée par les expériences inédites, ce qui explique mon intérêt précoce pour les voyages et la découverte de différentes cultures. Mais ce qui est irremplaçable, c’est l’esprit irlandais, ou ce fameux ‘craic’ (que l’on peut traduire par passer du bon temps de manière très expressive ! – NDR), comme on dit chez nous. Je ne le retrouve nulle part ailleurs, et c’est un réconfort qui me donne envie de revenir chez moi. En matière de créativité, il suffit d’avoir l’espace et la permission de s’exprimer librement et de laisser voguer ses idées. Avec cet espace, la créativité peut s’épanouir partout. Il est cependant essentiel de se nourrir d’expériences enrichissantes, et pour cela, il faut être pleinement présent. C’est ainsi que l’inspiration peut surgir au moment et à l’endroit propices.
– La première chose qui s’impose sur « The Wounded Healer », c’est cette évolution vers un Alternative Rock plus marqué et massif. Est-ce le registre que tu souhaitais obtenir dès le départ ?
Quand on compose, on utilise une guitare acoustique, un piano ou un synthé. Dès la composition, la chanson peut prendre n’importe quelle direction en termes de production. On avait clairement en tête de donner à cette musique une ambiance et une ampleur similaires à celles de « Change Change », par exemple. De ce point de vue, c’était peut-être un peu préconçu. Mais au final, notre objectif principal était d’écrire de bonnes chansons sans les enfermer dans un genre trop tôt. En revanche, pour la production, on voulait absolument un son puissant et ample ! Michael (Morchecha – NDR) a fait un super boulot là-dessus avec Alex Loring au mixage.
– Toutes les chansons de l’album ont aussi été composées avec Michael Mormecha. Est-ce pour cette raison qu’il contient plus de sonorités électroniques, là où ton Rock était précisément plus brut ? C’est une évolution naturelle pour toi ?
J’ai tellement composé avec Michael par le passé que rien n’a vraiment changé de ce côté-là. Parfois, j’ai déjà la structure de base ou l’idée, et Michael lui donne vie musicalement et à la production. C’était déjà le cas pour des morceaux solo, même à l’époque de « Dangerous ». Les influences de Michael sont aussi variées que les miennes. Outre de nombreuses influences Rock, nous avons toujours été inspirés par des groupes comme The Prodigy, Chemical Brothers et Soulwax, et je pense donc qu’il est tout à fait naturel que cela se ressente dans la production. C’est une évolution naturelle, oui ! Mais cela ne veut pas dire que je ne sortirai jamais de morceaux au son plus brut et naturel sous mon nom. Nous sommes très ouverts et l’évolution ne signifie pas forcément l’arrêt définitif d’un certain style.
– Parlons justement de la production de « The Wounded Healer », qui est plus massive et très soignée dans les arrangements avec aussi un aspect plus sombre globalement. Avez-vous changé vos habitudes d’enregistrement et est-ce que l’album a été proposé tel quel à Pelagic Records ?
Comme je te le disais, le changement radical d’environnement a indéniablement influencé nos habitudes d’enregistrement. Nous n’avions plus notre matériel habituel, nous avons donc fini par composer et enregistrer des démos avec beaucoup d’équipement vintage. Je pense néanmoins que nous serons toujours attirés par le son analogique, même en travaillant en numérique. Cette authenticité est toujours présente dans la production, malgré un son légèrement plus lissé. L’album a été soumis tel quel au label. Nous avons toujours été extrêmement indépendants, et l’autoproduction et le fait de disposer de notre propre studio ont toujours été un atout. Et l’album étant terminé, toute la création nous appartient.
– De tes précédents enregistrements, tu as gardé « Change Change », qui est un énorme hit en puissance. Est-ce le genre de chanson dont on ne peut se défaire si facilement ? Et avait-elle besoin d’un petit lifting pour être dans la continuité de l’album, au moins au niveau du son ?
Ah oui ! « Change Change » est vraiment un titre incontournable, un morceau qui, je crois, avait toute sa place avec PREYRS. On est en tournée en ce moment avec New Model Army, et on joue aussi « Astil », un autre titre de mon ancien répertoire, en live. Parce que ça colle parfaitement. D’ailleurs, « Change Change » n’a pas été modifié pour cet album… ironiquement ! Il a été remasterisé pour que les subtilités sonores s’intègrent bien au reste de l’album, mais à part ça, il est identique. C’est ça qui est génial avec la composition : cette liberté. Quand on a créé un morceau, on a le pouvoir de le jouer dans n’importe quel set, n’importe quel projet et comme on veut ! On gagne plein de nouveaux fans, qui ne connaissaient pas ma musique avant, alors pour eux, « Change Change » est un morceau de PREYRS. Question de perception, non ? C’est marrant ! (Sourires)
– Pour toi qui vis littéralement pour la scène, cela a du être un grand moment de partager l’affiche avec New Model Army. Quels sont tes projets de ce côté-là car, dorénavant, l’Europe te tend les bras ?
Absolument ! Nous sommes en route pour jouer ce soir le huitième concert de la tournée New Model Army (Interview réalisée le 12/11 – NDR). On espère vraiment que le public apprécie notre musique ! Les concerts se déroulent à merveille, toutes les salles étant pleines dès le début de nos sets, c’est tout simplement génial. Ça en dit long sur le public de NMA. Ce sont parmi les plus grands concerts que nous ayons jamais donnés, c’est donc un début idéal pour l’aventure PREYRS. Pour ce qui est de développer notre présence en Europe, nous avons deux mois de tournée en tête d’affiche l’année prochaine, avec un focus sur l’Allemagne avec vingt concerts en mars, ainsi qu’une tournée française en avril, dont l’annonce est imminente. Notre objectif est de continuer à progresser, à jouer, à composer et à sortir des albums ! Avec une super équipe autour de nous, on ne voit aucune raison pour que suivre notre cœur et notre passion ne fonctionne pas ! Un pas après l’autre ! (Sourires)
L’album de PREYRS, « The Wounded Healer », est disponible chez Pelagic Records.
Retrouvez également la chronique d’« Astil » et l’interview d’Amy à l’occasion de la sortie du single « Change Change » :