Grâce à un travail remarquable sur les voix et la percussion des morceaux, GALLIC HAMMER offre un voyage captivant au cœur de l’univers du Black Metal. En traversant le genre depuis son format originel, agressif, puissant et épique, vers des ambiances flirtant avec un post-Black plus harmonieux et mélodique, son créateur helvète marie une forme classique avec une interprétation très actuelle et fluide. « Echoes Of Ancestral Battles » dispatche des éléments mystiques, qui viennent se fondre dans une matière souvent violente, qui finit par nous happer.
GALLIC HAMMER
« Echoes Of Ancestral Battles »
(Orko Productions)
Malgré les apparences, le Black Metal regroupe en son sein un grand nombre de courants, ainsi que des line-ups assez différents. Aussi, le one-man-band est un exercice à part entière qui est souvent le fruit de multi-instrumentistes estampillés underground, désireux de mettre leur expérience de groupe en stand-by, voire de s’en éloigner. Parmi eux, on peut citer les plus influents comme Burzum, Vinterriket, Nortt, Arckanum, Satanic Warmaster ou Nattefrost. Mais celui qui nous intéresse ici est GALLIC HAMMER, originaire de Suisse.
Aux commandes du projet, on retrouve Katurix (Samuel Tissot) qui l’a initialisé en 2019 et a sorti une première démo avant de se mettre sur pause. 2024 est donc l’heure du renouveau pour GALLIC HAMMER, qui entend apporter sa contribution à l’esprit Black Metal 90’s, tout en lui insufflant de la modernité notamment au niveau du son. En ce sens, « Echoes Of Ancestral Battles » bénéficie d’une bonne production, d’un mix bien équilibré et surtout d’une volonté franche d’éclectisme dans l’approche des six titres de ce nouvel EP.
GALLIC HAMMER semble vouloir passer en revue ce qui fait l’essence-même du style en plongeant dans des narrations épiques héritées de la mouvance viking, des récits guerriers issus d’un registre traditionnel brutal, ainsi que des passages plus éthérés et atmosphériques qui laissent place à d’audacieuses orchestrations. Dévastateur souvent, raffiné aussi, « Echos Of The Ancestral Battles » est la réalisation mature et très convaincante d’un musicien expérimenté (« Winter Moon », « Taïga », « Fall Of The Warrior King » et le morceau-titre).
En quelques années seulement, HARLEM LAKE est parvenu grâce à une identité musicale forte à sortir bien au-delà de ses frontières. Les Hollandais s’étaient déjà fait remarquer avec un premier opus particulièrement abouti. Puis, le quintet a récidivé avec un Live étonnant d’énergie et de puissance avant d’entrer à nouveau en studio pour y enregistrer l’excellent « The Mirrored Mask », récemment sorti. D’ailleurs, depuis la sortie de ce deuxième album, le génial Sonny Ray à la guitare a quitté le groupe et les concerts sont désormais assurés par Wick Hayen. Le bassiste Kjelt Ostendorf, ainsi que la frontwoman Janne Timmer, reviennent sur l’incroyable accélération prise par le quintet.
– Quand je repense à notre première interview il y a près de trois ans lors de la sortie de « A Fool Paradise Vol.1 », j’avais vraiment été séduit par la grande qualité de l’album et de vos compositions. Il s’est passé beaucoup de choses depuis, et nous y reviendrons, mais tout d’abord, comment va HARLEM LAKE et quel regard portez-vous sur ces débuts plus que prometteurs ?
Kjelt : Merci ! Nous venons juste de sortir notre deuxième album studio, « The Mirrored Mask », et nous sommes actuellement en tournée où nous interprétons des chansons de cet album avec nos préférés de « A Fool’s Paradise ». A côté de ça, nous nous efforçons d’être meilleurs dans tous les domaines, que ce soit musicalement et sur l’aspect professionnel également. A mesure que nous grandissons et que nous gagnons en expérience, et avec des budgets plus importants aussi, nous pouvons aujourd’hui investir plus de temps en studio et faire appel à des personnes expérimentées de l’extérieur. Nous avons également signé cet album avec le label Jazzhaus et nous avons désormais des bookers dans plusieurs pays. De nombreux professionnels sont donc impliqués pour nous soutenir maintenant.
– L’an dernier, vous avez sorti « Volition Live », alors qu’on vous attendait avec un deuxième album studio. C’est très surprenant de voir un groupe, qui démarre comme vous, sortir ce genre d’album aussi vite dans sa discographie. C’était une question d’opportunité, qui s’est présentée lors du ‘Culemborg Blues Festival’, que de pouvoir enregistrer ce concert ?
Kjelt : En fait, nous enregistrons presque tous nos concerts. On ne sait jamais si cela peut nous être utile plus tard. Et nous avons eu une occasion unique de faire deux concerts consécutifs dans notre formation XXL, c’est-à-dire avec trois cuivres et deux choristes. Et en sortant ce live, nous voulions aussi offrir quelque chose de spécial à nos fans, sachant qu’il faudrait attendre un certain temps avant la sortie du prochain album studio. Personnellement, j’adore les albums live. Il y a quelque chose de magique dans le fait de capturer un moment unique et avec un minimum de montage. C’est brut, réel et c’est ce qui nous caractérise vraiment.
– Un mot aussi sur cette belle récompense aux ‘European Blues Challenge’, juste après le premier album. J’imagine que c’est une très belle reconnaissance et aussi une grande source de motivation pour la suite, non ?
Kjelt : C’est vrai ! Cela nous a aussi permis de faire des tournées à travers l’Europe, car de nombreux promoteurs de festivals étaient présents et nous ont programmés l’année suivante, ce qui nous a ouvert toutes sortes d’opportunités internationales.
– Vous êtes tous assez jeunes au sein de HARLEM LAKE et les choses sont allées très vite pour vous en peu de temps. Est-ce qu’au niveau de l’expérience acquise et de la confiance en soi, vous avez aussi le sentiment d’avoir fait un grand bond en avant ?
Kjelt : Nous avons acquis de l’expérience, c’est sûr. Depuis la sortie de « A Fool’s Paradise », nous avons donné plus de 100 concerts, dont un grand nombre à l’étranger. Chaque prestation nous apprend quelque chose, que ce soit sur scène ou en coulisses. Nous avons appris à nous adapter à différents types de scènes, à surmonter les barrières linguistiques, à gérer les longs trajets en van, les hôtels… Nous avons également dû apprendre les tenants et aboutissants des contrats d’enregistrement, des réservations, des vols, etc… Et bien sûr, nous continuons encore d’apprendre.
Janne : C’est certain. Je pense que j’ai beaucoup grandi en tant que chanteuse, mais surtout en tant qu’artiste de scène. Je me sens forte et confiante aujourd’hui et je suis plus libre de m’exprimer ! Il y a cinq ans, j’étais beaucoup plus modeste et réservée en concert. Maintenant, je me sens plus assurée, non seulement pour m’exprimer à travers le chant, mais aussi avec mon corps, en dansant et en faisant le show !
– Parlons de ce nouvel album. Là encore, on vous attendait avec le volume 2 de « A Fool Paradise ». Or, vous sortez « The Mirrored Mask ». C’est vrai qu’il est artistiquement assez différent. Est-ce pour cette raison, et peut-être compte tenu des textes, que vous ne voyiez pas en lui la suite du premier ?
Kjelt : Oui, je peux imaginer que tu as pu être surpris en apprenant que ce n’était pas le volume 2. Au départ, nous avions prévu que ce soit le cas. Mais en cours de route, il a évolué de lui-même. Il peut se passer beaucoup de choses en deux ou trois ans. Nous avons changé notre section rythmique et nous nous sommes développés dans plusieurs domaines. « The Mirrored Mask » sonne très différemment de « A Fool’s Paradise », à tel point qu’il n’était plus logique de les regrouper dans ce contexte. Sur le plan thématique, cependant, il y a une certaine continuité. En fait, quelques chansons de « The Mirrored Mask » ont été écrites pendant la même période que « A Fool’s Paradise ».
– D’ailleurs, en parlant des textes, ils sont toujours plein d’émotion avec un aspect très Soul dans l’interprétation et plutôt Americana dans la narration. On peut y percevoir aussi un côté très personnel et intime. Est-ce qu’il est important pour toi, Janne, d’avoir un certain vécu pour pouvoir exprimer des sentiments avec autant de vérité ?
Janne : Mon style d’écriture est très lyrique à la base. J’aime exprimer mes émotions de manière imagée. Je trouve important d’être honnête, mais bien sûr, je romance ou j’amplifie certaines émotions. Les sentiments donnent la voie, mais les expériences qui les provoquent peuvent être à la fois les miennes et celles des autres. C’est plus facile si je les ai vécues bien sûr, car cela me permet d’intégrer des événements réels, ou de les utiliser comme métaphores. Je pense que les paroles de « Crying In A Desert » en sont un bon exemple. J’ai imaginé un cow-boy marchant dans un désert post-apocalyptique, sans cheval, juste lui et son arme. Toute sa situation sert de métaphore de la solitude et du désespoir.
– Une petite chose m’avait aussi intrigué en écoutant « The Mirrored Mask », car j’ai eu la chance de pouvoir le découvrir il y a quelques semaines déjà grâce à vous. J’avais noté les deux très beaux interludes instrumentaux : « Prelude To Mirrored Mask » et « Crying In A Desert Outro ». Pour quelle raison, ce dernier a-t-il disparu de la version finale du disque ?
Kjelt : Il n’a pas disparu ! En fait, c’est l’un de nos préférées. Nous l’avons simplement intégré à « Crying In A Desert », car ils vont vraiment ensemble. Mais ceux qui écouteront le CD verront qu’il y a une plage supplémentaire. Nous avons donné à cette outro, que nous avons surnommée en plaisantant « The Dessert », sa propre piste cachée, afin que les amateurs de guitare puissent passer directement au solo. Vous ne la verrez pas sur la pochette de l’album, mais si vous parcourez le CD, vous la trouverez.
– Vous avez beaucoup tourné depuis la création du groupe et participé à de nombreux festivals. Est-ce que cette proximité avec le public a pu modifier votre manière de composer pour être encore plus efficace et accrocheur dans la composition de vos morceaux ?
Kjelt : Eh bien, oui et non. Nous jouons souvent de nouvelles chansons en concert avant de les enregistrer pour évaluer la réaction du public. D’un autre côté, les performances en live et les enregistrements en studio peuvent donner l’impression que ce sont deux mondes différents. Les gens écoutent différemment la musique lors d’un concert et à la maison, et cela influence la façon dont nous composons et nous enregistrons, c’est certain. En concert, nous pouvons prendre plus de temps et faire quelques expérimentations, car le public est pleinement impliqué dans le moment. En studio, on a tendance à être plus directs et plus précis.
– La complicité entre Sonny Ray à la guitare et Dave Warmerdam aux claviers était déjà très perceptible sur le premier album et surtout sur le ‘Live’. Là, elle prend encore une autre dimension, tout comme cette rythmique irrésistible. On sent un réel élan commun, un esprit de groupe très fort. Vous composez et peaufiner tous les morceaux ensemble ?
Kjelt : Composer, pas nécessairement, mais peaufiner, oui ! Parfois, on part d’un fragment de mélodie, de quelques mots, d’un feeling ou de quelques accords. D’autres fois, la chanson arrive presque terminée. Et même là, on cherche encore ce qui fera qu’elle sonnera comme du HARLEM LAKE, et peu importe qui a eu l’idée initiale.
– J’aimerais aussi qu’on dise un mot sur la version XXL de HARLEM LAKE, qui était d’ailleurs à l’œuvre sur « Volition Live » et qui apportait un volume incroyable. Vous n’avez pas souhaité renouveler l’expérience sur « The Mirrored Mask », car les cuivres sont beaucoup plus discrets ?
Kjelt : Je ne pense pas que nous ayons vraiment abordé le sujet, en fait. Nous voulions simplement faire ce qui nous semblait le mieux pour les chansons. « Volition Live » visait davantage à capturer l’énergie, alors que cet album est davantage axé sur la narration d’une histoire.
– Un mot aussi sur la pochette de l’album, qui s’inscrit dans la continuité artistique des deux autres. Outre le fait de présenter une personnalité musicale très identifiable, c’est important qu’elle se prolonge aussi visuellement ?
Kjelt : Oui ! En fait, chaque élément qu’on peut contrôler fait partie de notre identité. Tout cela fait partie de l’expérience dont dispose l’auditeur avec la musique que nous créons. La représentation visuelle à elle seule peut déjà créer l’ambiance, c’est pourquoi elle est très importante pour nous, en effet.
– Enfin, comment cela se fait-il qu’un groupe comme HARLEM LAKE ne soit pas signé sur un label digne de ce nom, même si Jazzhaus sort celui-ci ? Vous tenez absolument à conserver votre indépendance et donc la liberté artistique qu’elle procure ?
Kjelt : Oui, nous avons signé cet album avec le label allemand Jazzhaus. Mais nous l’avons fait une fois l’album terminé, ce qui nous a permis de conserver une liberté artistique totale. Pour les prochains disques, nous signerons peut-être avant, mais nous privilégierons toujours notre indépendance artistique. Nous exprimer de manière honnête est la principale raison pour laquelle nous faisons tout cela.
Le nouvel album de HARLEM LAKE, « The Mirrored Mask », est disponible chez Jazzhaus et sur le site du groupe : https://harlemlake.com/
Retrouvez la (déjà) longue et première interview du groupe à l’occasion de son premier album…
Enregistré le 7 avril 2022 à la salle ‘Le Liberté’ de Rennes, ce double-album était aussi attendu par son interprète que par son fidèle public. Accompagné par l’ONB, le célèbre harpiste breton revient en quelque sorte à sa formation première, la musique classique, et c’est lui-même qui a orchestré ce rapprochement. Preuve en est que la musique celtique est universelle, originale et profonde et sait s’adapter à tous les environnements. Le défi que s’était lancé ALAN STIVELL est très largement relevé et le relief que prennent ses compositions est saisissant.
ALAN STIVELL
« Roazhon – Liberté »
(Verycords)
La Musique bretonne telle qu’on la connait aujourd’hui lui doit presque tout. Et pourtant, si le chanteur et multi-instrumentiste donne l’impression d’avoir fait le tour de la question, il n’en est rien. A l’occasion Rock, Folk, World, électrique ou acoustique, ALAN STIVELL a fait vibrer la Bretagne de toutes les façons. Et cette fois, c’est avec l’Orchestre National justement, l’ONB, qu’il offre une partition symphonique d’emblématiques morceaux de son répertoire, ainsi que d’autres moins connus. Et la magie opère encore et toujours.
Malgré une carrière qui s’étend sur des décennies et qui a bercé plusieurs générations, ALAN STIVELL ne manque ni d’envie, ni de fraîcheur. « Roazhon – Liberté », titre où l’on peut d’ailleurs imaginer un double-sens qui rappelle son combat originel, parcourt en l’espace de 20 temps forts savamment choisis ce qui résonne comme un héritage plus vivant que jamais. La fusion entre la musique traditionnelle et classique est assez naturelle et l’ensemble offre presqu’un aspect ‘moderne’ à un registre intemporel.
On peut voir ici certaines similitudes avec le « Fest-Noz Symphonique », initialisé en 2017 par l’Orchestre Symphonique de Bretagne avec le duo Hamon-Martin et Annie Ebrel, qui donnait déjà ce type de lecture à notre musique traditionnelle. Sauf qu’ici, ALAN STIVELL revisite sa célèbre « Symphonie Celtique » parue en 1979 en la pâmant de nouvelles couleurs, tout comme sur « Ys », « Brian Boru », « Pop-Plinn », « Tri Martolod » bien sûr et le « Bro Gozh », doté d’un esthétisme nouveau et même d’un couplet supplémentaire. Sublime !
Avec autant d’énergie et de créativité, « Crimes Of The City », deuxième opus des Canadiens, a de quoi séduire les amoureux de Rock direct et sans concession. Outre l’expérience des membres du IAN BLURTON’S FUTURE NOW, c’est une même vision qui est ici distillée avec une intensité sans limite, mélangeant des courants comme le Stoner, le Psych, le Hard Rock 70’s avec une dose de Heavy Metal à l’ancienne. Pourtant pointilleux dans sa conception, cette nouvelle réalisation donne un coup de pied dans la fourmilière Rock, tout en ménageant l’institution. Une saveur assez unique.
IAN BLURTON’S FUTURE NOW
« Crimes Of The City »
(Pajama Party Records)
Bien que né dans l’Illinois, IAN BLURTON est une figure incontournable au Canada, et notamment en Ontario, où il a fait l’essentiel de sa carrière. Guitariste, songwriter et producteur, il a fait les belles heures de son premier groupe, Change Of Heart de 1987 à 1997, avant de se consacrer à la scène Rock indépendante à laquelle il a fortement contribué à poser les fondations. Et c’est il y a un peu plus de deux ans qu’il monte le projet FUTURE NOW, destiné dans un premier temps à des prestations live, qui lui ont forgé une solide réputation et qui l’ont mené à un premier album, « Second Skin », déjà électrisant.
Accompagné par des musiciens chevronnés qui possèdent exactement le même état d’esprit et partagent une vision du Rock commune, IAN BLURTON’S FUTURE NOW compte donc dans ses rangs Glenn Milchem à la batterie et aux chœurs, la bassiste Anna Ruddick et Aaron Goldstein à la guitare. Ici, point de bidouillages, de fioritures, d’overdubs et autres coquetteries, le quatuor ne jure que sur ses amplis à lampe, des riffs percutants, des voix presque solaires et un sens de la mélodie aussi délicat que rugueux, qui le rend addictif.
Pas de faux-semblant, donc. Alors, si « Crimes Of The City » résonne globalement comme du Classic Hard Rock, il ne faudrait surtout pas oublier les touches Stoner et psychédéliques qui viennent compléter ce beau tableau. Les parties de guitares rayonnent, le travail sur les voix est exemplaire et si la production conserve un aspect très brut, elle n’en demeure pas moins soignée. La force du IAN BLURTON’S FUTURE NOW est certainement sa sincérité et sa spontanéité et on se délecte de cet album si humain et authentique. Un régal !
Efficace et déterminée, la formation basée (en partie) à Angers nous aura fait languir une décennie avant de nous offrir sa troisième réalisation. Faisant abstraction des modes et en évitant soigneusement l’uniformité bien réelle du registre, ARCANIA s’appuie sur des morceaux bien ciselés, un frontman imperturbable, un duo basse/batterie fusionnel et deux guitaristes dont la complicité est magnifiée par des solos virtuoses. Sur « Lost Generation », le groupe oscille entre hargne et des parties mélodiques très fédératrices : une maturité qui rend son Thrash Metal implacable et féroce.
ARCANIA
« Lost Generation »
(Independant)
Les aléas de la vie, les projets de chacun et d’autres avortés, puis la pandémie ont émaillé les dix dernières années d’ARCANIA et ont retardé la sortie de son troisième album. Mais « Lost Generation » est bel et bien là et le quatuor frappe très fort. Enregistré et mixé au Dome Studio près d’Angers par David Potvin, on y retrouve le Thrash Metal auquel il nous avait déjà habitués sur « Sweet Angel Dust » et « Dreams Are Dead ». A mi-chemin entre des fondations Old School estampillées Bay Area et une approche très moderne, le compromis est parfaitement à l’équilibre.
Elaborées entre 2016 et 2019, les compositions de « Lost Generation » ne souffrent d’aucun jet lag. Bien au contraire, elles sonnent très actuelles et la puissance de la production les rend intemporelles et modernes. ARCANIA ne triche pas et cela décuple sa force. Avec des musiciens de ce calibre, il est même surprenant, et dommage surtout, que le combo ne soit pas plus reconnu au regard notamment de l’actuelle scène hexagonale. Très travaillés et d’une fluidité inflexible, les dix titres varient dans les ambiances comme dans les tempos avec beaucoup de finesse.
Sur des riffs acérés, les deux guitaristes ouvrent les hostilités avec le morceau-titre, soutenus par une rythmique massive et groovy. Très véloce, ARCANIA assène un Thrash Metal dense, tout en soignant également ses accroches vocales (« Hope Won’t Last », dont on retrouve un écho intelligemment placé sur « What Will Remain »). Et si la seconde partie du disque est légèrement moins musclée, mais tout aussi technique, elle est peut-être la plus intéressante (« The Void », « Social Suicide », « Harder You Fall » et le magistral « Now The Sun Won’t Shine »). Une leçon avec les formes.
Toujours aussi précis dans la structure de ses morceaux, WIRE EDGE se présente avec un format court après des débuts enthousiasmants en 2020. Loin des stéréotypes, le groupe affiche beaucoup de liberté et d’audace sur ce « Salt Of The Earth » assez surprenant. Sur 25 minutes intenses, on évolue dans un Metal Progressif tout en variation, inspiré et aussi plus chaleureux que précédemment. Les Français ont pris du volume, de l’expérience et cela s’entend.
WIRE EDGE
« Salt Of The Earth »
Apparu il y a quatre ans avec un premier album convaincant, « Workhorse Empire », une petite année seulement après sa création, WIRE EDGE donne enfin une suite à son aventure. Cependant, pas de deuxième opus pour le moment, mais un EP de quatre titres encore une fois très prometteur et à la direction musicale quelque peu différente. Les aspects plus Dark se sont dissipés au profit d’un Metal Progressif plus resserré et, de fait, plus efficace dans le songwriting, tout en restant très élaboré et subtil.
Techniquement, WIRE EDGE montre toujours la même facilité d’interprétation, malgré des compositions parfois tortueuses. Avec beaucoup de maîtrise et une personnalité qui s’affine, le quatuor s’est concentré sur quatre morceaux aux durées variées et dont les atmosphères ont cette fois un aspect peut-être plus abordable. C’est « Hollow places » qui ouvre le bal et qui fait un peu figure de longue intro sur un rythme posé et sans batterie, où le travail sur les voix, qui rappellera Metallica à certains, est particulièrement soigné.
Trois petites minutes plus tard et sur un enchaînement parfait, c’est le morceau-titre qui semble libérer les Parisiens, tant l’édifice se met à trembler pour s’étendre sur plus de huit minutes. C’est d’ailleurs aussi le cas sur « Cities Of None », sorte de titre jumeau où le côté Metal de WIRE EDGE prend le dessus entrecoupé de quelques passages aériens bien sentis. Enfin, sur « Towers », le combo se livre sur un format plus ‘classique’ et accrocheur. « Salt Of The Earth » est finalement très complet… mais bien trop court !
« Salt Of The Earth » de WIRE EDGE est disponible sur toutes les plateformes.
Face à une industrie musicale et une scène Metal internationale plus formatées que jamais, où tout finit par se ressembler peu à peu, DESERT SONG prend tout le monde à revers pour faire un bond dans le temps. Si renouer avec la créativité du siècle passé n’est pas une mince affaire, recréer l’atmosphère avec un son organique et chaleureux est encore possible. Et le Hard Rock transgénérationnel et cette ambiance Old School dénotent avec brio des réalisations fadasses et bidouillées d’aujourd’hui.
DESERT SONG
« Desert Song »
(Sleaszy Rider Records)
Prenez trois musiciens chevronnés issus d’Ensiferum, Spiritus Mortis, Amoth, Celesty et d’autres encore, mettez-les ensemble en studio et laissez-les se faire plaisir. C’est très précisément ce qu’ont fait Pekka Montin (chant, claviers), Kimmo Perämäki (guitare, chant) et Vesa Vinhavirta (batterie) pour donner naissance à DESERT SONG, power trio affûté, qui a décidé de retrouver la saveur du Hard Rock et du Heavy Metal des années 70 et 80. Et cette couleur très rétro se développe même jusque sur la pochette.
L’ambition première des Finlandais est de faire la musique dont ils ont envie depuis des années et de bien le faire. Pari réussi pour DESERT SONG avec ce premier album éponyme, qui nous renvoie aux belles heures de Blue Öyster Cult, Uhiah Heep et Deep Purple avec une pincée du Michael Schenker des débuts et de Rainbow. Sont injectés aussi quelques passages Doom, progressifs et AOR distillés dans des morceaux très bien écrits, aux structures solides et dont la production-maison est exemplaire et très naturelle.
En marge de leurs groupes respectifs, le combo se rassemble autour d’influences communes et intemporelles. Allant jusqu’à enregistrer sur du matériel vintage, les Scandinaves se partagent aussi le chant et trouvent un parfait équilibre musical. On imagine facilement que DESERT SONG n’a pas souhaité faire dans le clinquant au niveau du son et ce parfum de nostalgie n’en est que plus prégnant (« Desert Flame », « Rain In Paradise », « Another Time », « The Most Terrible Crime », « Cottage »). Un bain de jouvence !
Désormais incontournable sur la scène progressive française, Rock ou Metal d’ailleurs, KLONE livre un dixième album à la fois surprenant et très complet. Comme si le groupe tenait à parcourir les 25 ans d’une carrière riche et productive, « The Unseen » nous embarque dans un climat plus organique, légèrement plus abordable aussi, et nettement plus Rock. Sans faire pour autant l’impasse sur l’aspect massif de son registre, les morceaux sont ici presque plus intimes jouant sur une proximité très palpable. Malgré une fin de contrat quelque peu houleuse avec leur label, les Poitevins réalisent un disque chaleureux aussi aérien qu’accrocheur. Guillaume Bernard, guitariste et compositeur du sextet, revient sur cette nouvelle production et livre ses ambitions pour l’avenir de la formation.
– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on revienne sur cette interview que tu as donnée cet été au Hellfest durant laquelle tu n’as pas ménagé le patron de Pelagic. Il se trouve que « The Unseen » est le dernier disque que vous deviez honorer contractuellement au label. Quel était le nœud du problème ?
En fait, cette interview, comme d’autres aussi, ont disparu du Net. Et je n’ai pas le droit d’en reparler avant un petit moment, c’est-à-dire pas avant que la sortie du disque soit terminée. C’est un peu délicat, je ne peux pas revenir sur le sujet. Mais d’ici quelques mois, je pourrais le faire. J’aurais à nouveau le droit d’en parler, car j’ai reçu des menaces et je suis contrait de me taire.
– Pour faire court et en évitant toute polémique, c’est un problème personnel ou c’est au niveau de la structure du label ?
C’est un problème du groupe avec la personne qui gère le label. Cela concerne aussi d’autres formations comme la nôtre, qui ont eu les mêmes soucis. Mais globalement, c’est relationnel, oui.
– J’imagine que la situation n’est pas des plus agréables pour vous, d’autant que « The Unseen » est un excellent album, peut-être même votre meilleur. Est-ce qu’on parvient malgré tout à faire facilement abstraction de tout ça pour composer d’abord, et ensuite pour le défendre au mieux et surtout sereinement ?
De toute façon, il y a tout intérêt à faire abstraction de cette histoire. Même si cela nous a occupés pas mal de temps, on s’est vite replongé dans l’album. On a avancé sur la musique de notre mieux et cela ne va pas nous empêcher de bien défendre le disque. On a d’ailleurs déjà beaucoup communiqué en France et à l’étranger. L’an prochain, on sera sur scène. En soi, ça n’a pas d’influence particulière à part quelques sauts d’humeur parfois quand tu reçois certains mails et messages. Ca devient un peu compliqué. Maintenant, on sait que c’est comme ça. Alors, on va à la fin de notre contrat avec ce label et on en retire aussi des enseignements pour que ce genre de situation ne se reproduise pas à l’avenir.
– Comme je le disais, « The Unseen » est probablement l’un des albums le plus abouti de KLONE. Comment se sont passés la composition et l’enregistrement dans un tel climat, car on vous sent tous très investis et épanouis, sans parler des morceaux qui dégagent une atmosphère très libre et positive. Vous auriez aussi pu y aller à reculons et c’est finalement tout le contraire…
Merci beaucoup, mais tu sais, on a travaillé dessus comme on l’a toujours fait sur les autres albums. Il faut savoir quand même que c’est un disque un peu particulier dans le sens où il y a des compositions qui datent d’un certain temps. La base vient de morceaux que je n’avais pas eu le temps de terminer. Il y en a même qui ont dix ans. En ce qui concerne la batterie, par exemple, cela aurait pu sortir au moment de « Here Comes The Sun » (2015 – NDR). En fait, à un moment donné, on avait tellement de morceaux qu’on n’avait pas pu tout finir et on voulait bosser sur du neuf. On a donc remis le nez dedans. Il n’y avait pas de lignes de basse, pas de guitares ou d’arrangements de sax, d’ambiances, etc… Et même pas de voix, ni de textes. Le socle était bien fixé et puis, ce sont aussi des morceaux qui nous tiennent à cœur. Pour l’anecdote, nous sommes même plus fiers de ces morceaux que ceux de « Meanwhile », par exemple. Ces titres auraient dû sortir et cela nous fait vraiment plaisir de le faire aujourd’hui.
– Et ça montre aussi une belle intemporalité de votre musique…
Oui, c’est vrai. Mais en soi, ça tient à l’adaptation des titres. Et puis, chaque morceau de KLONE a une histoire particulière. Souvent entre le début du travail et le moment de la sortie, il y a des espaces temps assez fous. C’est un peu comme si on avait mis des bouteilles de vin à la cave, et qu’on les ressortait. Et puis, on a eu le temps de les finir et d’obtenir un résultat certainement meilleur qu’il ne l’aurait été à l’époque et c’est ça qui est chouette. On a un regard nouveau dessus, avec de la fraîcheur, et cela nous permet de les fignoler comme on l’entend. Et là, avec des morceaux, c’est idéalement ce qu’on peut faire de mieux.
– Une fois que l’aventure Pelagic sera derrière vous, KLONE sera bien sûr en quête d’un nouveau label. Vous en avez déjà fait pas mal et non des moindres. Est-ce que vous avez déjà des pistes, voire déjà des pourparlers ? Et sinon, est-ce que la perspective de sortir le prochain album en indépendant est aussi une possibilité ?
C’est exactement notre questionnement d’aujourd’hui ! Du fait de nos expériences passées avec certains, et aussi sur le côté économique de la chose, on pense que nous serions capable d’investir ce que les labels ont pu investir sur nous. Ils se sont faits de l’argent sur le groupe, alors que nous n’avons quasiment rien perçu. On ne gagne même pas un Euro par disque vendus et c’est pareil pour le streaming. En fait, si on gagnait cet argent, ce ne serait pas pour acheter des maisons avec piscine, cela nous servirait à réinvestir dans le projet pour le faire grossir encore plus. On pourrait être beaucoup plus ambitieux sur pas mal de choses et mieux les faire. Je pense aux concerts, aux lights, à différents packagings, … à plein de petites choses en fait. Et aujourd’hui, on ne peut pas parce qu’on a ces contraintes financières qui sont là. Mais cela a toujours été le cas dans le milieu de la musique. Et comme on arrive à vendre pas mal de disques, on est à un stade où on se dit qu’on pourrait faire tout un tas de choses.
On sait aussi les domaines sur lesquels on peut être autonome et ceux où l’on peut éventuellement déléguer, à savoir la distribution, la mise en bac et même le travail de relation presse où on peut vite être débordé. Il y a du partage de tâches à faire avec des gens à payer pour l’entreprendre. En tout cas, ce qui est cool, c’est que nous avons cette option de l’indépendance et aussi celle de retravailler avec Kscope, par exemple. Season Of Mist serait aussi intéressé, on a eu également de belles accroches avec InsideOut Music, qui possède un très beau catalogue. Et il y a aussi d’autres labels, qui pourraient encore être intéressés. Après, dans le milieu, ce n’est pas une histoire de qualité musicale qui va faire pencher la balance, même si cela a son importance. Mais globalement, à partir du moment où tu vends un certain nombre de disques, tu peux être sûr que les labels vont être à l’affût, car ils vont pouvoir gagner de l’argent. Et ils sont aussi là pour ça, c’est vrai. Cela fait partie du jeu. En tout cas, on n’est pas en mauvaise position et on serait même en position de force pour négocier un contrat, qui irait dans le sens de KLONE. Et si on ne parvient pas à avoir ce que l’on veut, faire un mix entre l’indépendance et travailler avec certaines structures solides est envisageable et nous permettrait de franchir des étapes.
– « The Unseen » est également plus Rock que ses prédécesseurs et notamment que « Meanwhile ». J’ai pu lire que vous le définissiez comme de l’Art-Rock Progressif. KLONE a toujours eu cette approche, même si elle était plus marquée Metal. C’est un élan que vous entendez poursuivre ?
Ce qui est sûr, c’est que ces morceaux sont plus Rock, en effet, et c’est aussi là-dedans que nous nous épanouissons le plus. Aujourd’hui, on l’assume complètement et nous sommes vraiment l’aise avec ça. Même si on a pris du plaisir à faire « Meanwhile », on sent qu’on est plus proche des titres de « The Unseen ». Ensuite, pour ce qui est du terme ‘Art-Rock Progressif’, c’est l’appellation du label et c’est rigolo, mais ça reste du Rock au sens large avec des éléments progressifs qu’on retrouve dans des morceaux, qui peuvent être plus longs. Une chose est sûre, il n’y aura jamais de compromis dans notre musique. Si on continue à avoir des idées dans ce style, je pense qu’on continuera dans ce sens. On va essayer de faire de bonnes chansons. On pourra peut-être nous dire qu’on tourne en rond, puisque c’est ça aussi la musique de KLONE. Mais on ne va pas passer du coq à l’âne, non plus. Ca restera toujours progressif avec un côté plus aventureux peut-être dans les arrangements notamment, ou avec l’apparition d’autres instruments de musique aussi. L’optique de développement du projet se situe plutôt dans cette voie-là.
– La production est également plus légère et aérée et ce n’est pas seulement dû à son aspect plus Rock. Vous avez souhaité apporter des arrangements plus discrets et un spectre aussi moins chargé ? Je me souviens que pour « Meanwhile », tu me disais que vous avez eu du mal à tout faire entrer…
C’était le problème sur « Meanwhile », en effet. On avait mis beaucoup de distorsion sur nos guitares, parce qu’on voulait un son plus gros. Entre les riffs, les arrangements de synthés, de piano et autres, il y avait beaucoup de choses. Là, du fait qu’on voulait quelque chose de plus Rock, on a eu plus de place pour faire ressortir tous les détails. Précédemment, c’est vrai qu’on avait eu un problème pour tout faire entrer dans la machine. Cette fois, il y a plus d’air, le son est plus naturel aussi. On s’y retrouve plus. Il y avait un côté un peu chimique dans « Meanwhile », qui est aussi dû aussi aux codes du Metal. Là, le mix a été beaucoup plus simple. Ca reste quand même chargé en infos, mais chaque élément est plus facilement perceptible. Les lignes de basse, notamment, ressortent mieux et ça va dans le sens qu’on souhaitait.
– C’est vrai que dans l’ensemble « The Unseen » a des sonorités très organiques et assez acoustiques. C’était aussi dans la perspective de la tournée ‘unplugged’ que vous venez de terminer ? L’album se prête à une approche plus épurée en concert ? A moins que vous prévoyez de repartir dans une configuration plus Metal dans les mois qui viennent ?
Le côté ‘Unplugged’ nous sert toujours d’expérience pour tout un tas de choses et notamment pour le travail sur les nuances et la dynamique du son. Pour « The Unseen », on laisse d’abord le disque sortir et les gens s’en imprégner. Ensuite, pour ce qui est prévu pour les prochains concerts début février, on fera bien sûr attention à tout ça, mais ce sera plus Metal dans l’approche que sur le disque. Il y a ce côté rentre-dedans qui ressort toujours en live comme c’était déjà le cas sur « Le Grand Voyage » et « Here Comes The Sun ». Les concerts se prêtent beaucoup plus à ça, notamment pour nous.
– D’ailleurs en 2017, vous aviez déjà sorti « Unplugged », un album live entièrement acoustique. Je sais que les sensations sont opposées, mais quelle disposition est, selon toi, la plus proche de l’identité intrinsèque de KLONE ? Avec du gros son ou dans un registre plus intimiste ?
Un peu des deux, je pense, car cela fait partie de notre identité de groupe. KLONE a toujours été un mélange de subtilité et de choses plus Metal au niveau de la production. On se sent vraiment très à l’aise à jouer ‘unplugged’. On aime le format et aussi la possibilité que cela nous donne de pouvoir jouer dans des lieux très différents. On peut profiter de cadres dans lesquels on n’a pas la chance d’évoluer d’habitude. J’ai l’impression que le côté ‘Unplugged’ de KLONE passe peut-être mieux au niveau de l’émotion qu’en électrique. Après, les gens peuvent être aussi touchés différemment. Mais c’est vrai que si tu veux avoir du gros son avec des grosses distorsions, les grandes salles sont plus adaptées. J’aime bien les deux exercices, car cela nous permet de jouer sans nous lasser avec ces deux formules, avec une approche qui n’est pas la même. Et puis, on prend beaucoup de plaisir à tenter des choses différentes.
– J’aimerais aussi qu’on dise un mot du morceau « Spring », qui vient magnifiquement clore l’album du haut de ses 12 minutes. Forcément, il offre la liberté de produire de longues plages instrumentales. On sent que vous avez vraiment voulu vous faire plaisir. C’est quelque chose que vous affectionnez particulièrement de composer et de jouer des morceaux aussi longs, même si c’est assez courant dans le Prog ?
« Spring » est un morceau assez particulier, et notamment avec cette intro dont on nous parle souvent, qui a été ajoutée. En fait, le morceau a été composé à l’époque de « Here Comes The Sun ». En 1995, on l’avait donc enregistré, mais nous n’avions pas eu le temps de finir le texte et la voix. Comme on ne voulait pas le bâcler, on s’était dit qu’on le finirait plus tard. Et comme la production n’est pas la même, j’ai un peu fait exprès d’ajouter cette longue intro. C’était aussi pour qu’on oublie aussi un peu l’ancienne prod’ et que cela ne se fasse pas sentir à l’écoute. Elle permet d’aller un peu ailleurs et de retrouver le morceau sans se douter de la différence dans le temps. Car il faut aussi savoir que ce n’est pas non plus le même line-up de KLONE sur « Spring ». Ensuite, c’est vrai qu’on a toujours aimé faire des morceaux assez longs, même si celui-ci ne devait pas l’être à la base.
– Enfin, parlons aussi de cette superbe pochette, qui rappelle d’ailleurs un peu celle de « Meanwhile » dans ses couleurs et l’imaginaire auquel elle renvoie. Comment a-t-elle été conçue et avez-vous donné certaines consignes par rapport à ce que vous en attendiez ?
En fait, dans notre façon de procéder, on ne va plus demander à un artiste de créer quelque chose à partir d’une idée qu’on peut avoir. On cherche beaucoup de notre côté parmi des visuels qu’on aime bien et des gens dont on apprécie le boulot. Pour « The Unseen », comme pour presque tous les autres albums d’ailleurs, on a trouvé le visuel sur le compte Instagram d’un graphiste qu’on ne connaissait même pas. On l’a contacté, on lui a expliqué les choses pour la pochette et, en fait, il nous a dit qu’il avait travaillé à partir de l’Intelligence Artificielle. Au début, on n’était pas très chaud, mais on aimait beaucoup le visuel. On a fini par bosser avec lui, même si tout ça a été créé par un robot quelque part. Mais on savait qu’on ne retrouverait pas ça ailleurs. Et on avait tellement galéré pour trouver une pochette qui faisait l’unanimité qu’on a choisi celle-ci. On l’a fait passer dans l’entourage du groupe et tout le monde l’a trouvé mortelle ! On a donc fait ce choix d’autant que personne n’avait décelé que qu’elle avait été créée à partir de l’IA. Sur le principe, nous ne sommes pas vraiment pour. On s’était même un peu interdit de le faire, mais nous l’avons tous trouvé superbe et en vinyle, le rendu est magnifique !
L’album de KLONE, « The Unseen », est disponible chez Pelagic Records.
Retrouvez la chronique de « Meanwhile » :
Photos : Benjamin Delacoux (1, 3 & 5), Stephan Tidovar (4 & 6) et Talie Rose Eigeland (2).
On n’en voudra pas à LIONS IN THE STREET d’être allé puiser dans de vieux morceaux pour constituer ce « Moving Along », bien au contraire. Sur une production tonique et vive, le quatuor américano-canadiens annonce la couleur et donne le ton. Rock’n’Roll jusqu’au bout des doigts, parfois bluesy, toujours groovy et avec un petit côté sudiste qui leur confère une saveur légèrement vintage, les lions entrent dans l’arène et ne font pas dans le détail. Réjouissants, imperturbables et honnêtes, les quatre musiciens se révèlent comme les prétendants à une relève très attendue. Un magnifique pavé dans la marre !
LIONS IN THE STREET
« Moving Along »
(Interior Castle Music)
Fondé en 2006, l’histoire de LIONS IN THE STREET a de quoi laisser songeur. Alors que le groupe avait toutes les cartes en main pour mener à bien une belle carrière, il n’en fut rien, même s’il n’est jamais trop tard, bien sûr. Managé par Allen Novac (Mötley Crüe, Blondie), signé chez TVT Records (Nine Inch Nails), puis 604 Records (Nickelback), le quatuor a tout envoyé balader et s’est retrouvé blacklisté par une industrie musicale rancunière. Mais après une longue traversée du désert, le retour est enthousiasmant et sonne comme une belle revanche.
Après deux Eps (« Cat Got Your Tongue » en 2006 et « On The Lam » en 2013), le combo, composé pour moitié de Canadiens de Vancouver et d’Américains de San Diego, a également sorti un premier album, « The Years » en 2016. Mais tout ceci s’est passé relativement dans l’ombre, sous les radars, ne parvenant pas à capter la chaleur des projecteurs pourtant bien méritée. Cette fois, Sean Casey (guitare), Enzo Figliuzzi (basse) et les frères Kinnon (Chris au chant et à la guitare et Jeff à la batterie) font rugir LIONS IN THE STREET pour de bon !
Et le bouleversement à l’œuvre avec l’avènement des plateformes et des réseaux sociaux a aussi bien aidé et ragaillardi la formation, qui fait son retour le couteau entre les dents. Armé d’un Classic Rock musclé et un brin arrogant, elle déroule ce « Moving Along » frais et fougueux avec une volonté exacerbée. Situé quelque part entre les Rolling Stones (même tout près !) et les Black Crows, LIONS IN THE STREET s’affirme à travers des titres entêtants (« Already Gone », « Gold Pour Down », « Shangri La », « Moving Along », « Truer Now ») Intègre !
En s’autorisant à peu près tout, les Scandinaves s’offrent le loisir d’un opus débridé, qui peut légèrement dérouter, mais dont le Hard’n Heavy est aussi costaud que mélodique. « Your Blood » est sans doute l’un des disques les plus libres du genre depuis un moment et c’est en cela qu’il est délectable. Le groupe appuie sur ses points forts et fait ainsi émerger une avalanche de riffs rageurs, des solos bien ciselés et des parties vocales imparables et un brin nostalgiques.
BOMBUS
« Your Blood »
(Black Lodge Records)
Fondé en 2008, le combo de Göteborg n’a malheureusement pas encore reçu la lumière qu’il mérite, mais « YourBlood » pourrait bien changer la donne. Certes, il n’y a pas de grande révolution dans le Hard Rock teinté de Heavy et d’une touche Glam chez BOMBUS, mais la ténacité de son fondateur, chanteur et guitariste Fredrik Berglund, tout comme sa liberté de ton, imposent le respect. Et avec ce quatrième album, les Suédois présentent un nouveau visage et surtout une envie décuplée.
Le départ il y a quatre ans de l’un de ses piliers, le frontman et six-cordiste Matte Saker, a peut-être offert à BOMBUS le sursaut qu’il attendait. En effet, Johan Meiton (chant, guitare) et Simon Salomon (guitare) actent donc leur arrivée. Et oui, les comptes sont bons : il y a bel et bien deux chanteurs en place et un trio de guitaristes, qui se fait aussi vraiment plaisir. Les possibilités sont donc multiples et « Your Blood » est un bon compromis entre un Heavy Old School et une approche plus actuelle.
Vocalement, l’ombre de Lemmy plane sur BOMBUS, mais cela n’entache nullement son identité artistique. Au contraire, il présente des titres variés et accrocheurs (« Killers », « No Rules », « The Beast », « Lo And Behold »). Le duo au chant fonctionne parfaitement, tout comme l’armada de guitaristes (« Take Your Down », « Carmina »). Et si la production peut parfois manquer d’éclat et de relief, le résultat est plus que convaincant et on se laisse sans peine porter par le registre décalé de ce « Your Blood » rondement mené.