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Amy Montgomery : l’âme d’une guerrière [Interview]

Originaire de Belfast en Irlande du Nord, AMY MONTGOMERY a une personnalité très forte qui ne peut laisser indifférent. Musicalement, son registre est vaste et même s’il tourne autour d’un Rock efficace et direct, les émotions qu’il véhicule sont tout aussi saisissantes. Indépendante, la chanteuse et multi-instrumentiste vient de livrer un nouveau single, « Change Change », accrocheur et doté d’une énergie incroyable. Nul doute qu’AMY MONTGOMERY ne tardera pas à fouler les scènes françaises. Alors, avant de la découvrir en concert, entretien avec une artiste hors-norme et très attachante.  

– Ce qui m’a le plus surpris lorsque je t’ai écouté pour la première fois, c’est cette force qui émane de toi et bien sûr de ta voix. Est-ce que c’est quelque chose que tu as toujours eu en toi ?

J’avais huit ans quand j’ai commencé à jouer sur scène et à l’époque, ma voix était vraiment chétive ! Ma force vocale est venue après des années de pratique, de concerts et d’apprentissage. Après quelques expériences de vie difficiles aussi, je peux vraiment dire qu’elles m’ont aidée à devenir une femme très résiliente. La performance me donne de la force dans la vie et la vie me donne de la force dans la performance.

– Sans revenir sur les drames que tu as traversés adolescente, j’ai aussi l’impression que tu te nourris de cette douleur pour en faire quelque chose de très positif. C’est cette démarche que tu suis à travers ta musique aujourd’hui ?

Oui, absolument. Parfois, je l’exprime dans une chanson très directe, parfois dans une ballade au piano déchirante, parfois dans une chanson Rock aux riffs lourds comme « Change Change ». C’est toujours différent. Mais oui, beaucoup de mes intentions dans l’écriture viennent de mes expériences de vie d’enfant et d’adolescente, ainsi que de choses qui se passent dans le monde et aussi dans ma vie à un moment donné.

– Avant de parler de ton nouveau single « Change Change », j’aimerais que tu me dises un mot au sujet de tes prestations scéniques. Tu te présentes avec un maquillage très guerrier et des tenues assez provocantes. C’est un personnage que tu endosses pour te préserver, ou c’est la véritable AMY MONTGOMERY ?

Ah !!! Eh bien, nous devons d’abord nous demander ce qu’est le ‘vrai’ dans chaque chose, non ? Le personnage que j’incarne sur scène est bien sûr la vraie AMY MONTGOMERY, mais peut-être juste en version un peu exagérée. Je pense que la plupart des gens sont toujours agréablement surpris lorsqu’ils discutent avec moi après un concert. Je ne suis pas aussi effrayante ou féroce que ce que j’ai l’air sur scène. Pour moi, la scène est un lieu où je peux m’exprimer librement, à travers le mouvement, la musique, le chant et bien sûr visuellement à travers les vêtements. Enfiler mes tenues un peu dingues et ma peinture de guerre est un rituel. Cela me rappelle ma force et, à son tour, rappelle au public sa propre force aussi.

– Ce qui est étonnant, c’est que tu es très jeune et pourtant tu as déjà sorti plusieurs singles, EP et un mini-album « Alterations ». Et tu as également tourné dans le Royaume-Uni, bien sûr, mais aussi en Allemagne, en Suisse et même en Australie. Tout semble s’enchainer très rapidement… 

Oui, j’ai été très chanceuse avec les opportunités qui se sont présentées à moi très jeune. A 18 ans, j’avais signé un contrat de management et à 20 ans, j’avais signé avec une agence de booking. J’ai toujours su que la musique était ma passion la plus profonde et je pense que si vous aimez suffisamment quelque chose, vous ne laissez rien vous empêcher de la réaliser. J’ai travaillé, et je travaille toujours extrêmement dur, sur ma carrière musicale. J’ai fabriqué moi-même tout le merchandising et les bénéfices ont financé des tournées complètes, et en groupe, au Royaume-Uni, en Irlande et en Allemagne. J’avais même tout booké moi-même avant même d’avoir un tourneur ! Il a fallu six ans pour arriver au niveau où je suis maintenant et il y a encore un sacré chemin à parcourir ! C’est un voyage d’apprentissage constant et je l’aime !

– Parlons de « Change Change », ton nouveau single qui vient de sortir. Il propose une production très ample et puissante et tu sembles musicalement franchir un cap avec une énergie incroyable. Au regard de tes précédents morceaux, on dirait qu’il annonce et amorce un nouveau départ. C’est le cas ?

« Change Change » est définitivement plus lourd avec un ton légèrement différent de mes morceaux précédents, mais je pense qu’il y a toujours un même sentiment qui s’en dégage. J’ai toujours été influencé par la musique Rock en grandissant avec des groupes comme Black Sabbath, AC/DC et Eagles, donc c’est vraiment génial de sortir une chanson qui se penche davantage sur mes influences classiques et solides. Il s’agit d’un processus constant plutôt que d’un nouveau départ.

– J’imagine qu’un album va suivre. Est-ce que peux nous en dire un peu plus ? Est-il déjà entièrement composé et as-tu commencé à enregistrer quelques morceaux ?

En octobre, je vais sortir un EP qui inclura « Change Change ». 2024 sera l’année de la sortie de mon premier album. Je coproduis mes chansons avec mon partenaire Michael Mormecha et nous avons notre propre studio, donc il y a toujours des chansons en cours d’enregistrement. Et nous aurons beaucoup de chansons et d’idées dans lesquelles piocher pour l’album !

– En écoutant tes morceaux depuis tes débuts jusqu’à aujourd’hui, il y a une grande évolution et une belle maturité, tant dans l’écriture que dans l’interprétation. Quelles sont les étapes franchies et est-ce que tu as le sentiment qu’avec « Change Change », tu livres enfin la musique que tu as toujours voulu écrire et chanter ?

Quand j’ai sorti mon premier single « Dangerous », c’était la musique que j’avais toujours voulu écrire. Quand « Intangible » est sorti, c’était encore la musique que j’avais toujours voulu écrire. Aujourd’hui, je joue rarement « Dangerous » en live, parce que je ne le ressens plus comme avant. C’est peut-être parce que je l’ai tellement joué, et aussi parce que le temps passe et mes goûts et mes envies changent. Je pense que beaucoup d’artistes diraient la même chose… C’est un peu comme aimer porter un t-shirt pendant un moment, puis vouloir porter autre chose après. Parfois, vous retournez dans votre garde-robe et vous sortez un vêtement que vous avez oublié. En ce moment, j’aime vraiment mélanger des guitares massives avec des synthés. J’adore « Change Change », mais je suis sûr que dans un an ou deux, j’aurai envie de faire à nouveau un style de musique différent. C’est la nature et la beauté de la créativité. Et comme je le dis souvent : « On ne peut pas aller contre le changement ! » (Sourires)

– Tu es d’ailleurs une songwriter accomplie et ton écriture est de plus en plus efficace. De quelle manière travailles-tu tes chansons ? On a l’impression que c’est le texte qui sert de guide…

Mon processus d’écriture est toujours différent, mais la plupart du temps, la musique est écrite en premier, puis c’est presque comme si les paroles et la mélodie vocale en découlaient toutes seules. J’ai écrit « Change Change » au piano et les paroles et la mélodie des couplets et du refrain sont venues très rapidement et naturellement. Pourtant, je n’ai écrit le pont que deux ans plus tard. Musicalement, la chanson sonne complètement différemment de la première mouture. Je l’ai remanié en studio avec les talents magiques de multi-instrumentiste de Michael Mormecha. Nous l’avons reconstruite autour du riff de guitare que vous entendez maintenant. J’adore discuter de l’évolution d’une chanson. Certaines s’étalent dans le temps plus que d’autres. J’ai d’ailleurs une nouvelle page Patreon, où je partage tous ces ‘coulisses’ de ma vie et de l’écriture des chansons pour tous ceux qui souhaitent s’abonner !

– Si on écoute attentivement « Change Change » d’un côté et des chansons comme « Old Photographs » ou « Dangerous » de l’autre, on peut y entendre nettement les influences d’Alanis Morissette et de Beth Hart notamment. Ce sont deux artistes qui semblent t’avoir beaucoup marqué, non ?

Alanis Morissette a définitivement eu un énorme impact sur moi. Non seulement elle est une compositrice et une interprète fantastique, mais c’est aussi une femme très intelligente émotionnellement, ce qui est super inspirant. Ma sœur a 14 ans de plus que moi et c’est elle qui m’a vraiment fait découvrir Alanis Morissette, alors que je n’avais que neuf ans. J’admire aussi profondément Beth Hart, mais je n’ai découvert sa musique qu’il y a quelques années. Je l’ai vue en concert pour la première fois il y a quelques semaines à peine. J’ai vraiment frissonné très profondément grâce sa performance très expressive, sa voix et son écriture incroyables !

– J’aimerais aussi que tu me dises un mot de ta reprise de Sharon Van Etten, « Jupiter 4 », qui est vraiment magnifique. Pourquoi ce choix et est-elle aussi une chanteuse qui t’inspire ?

En 2019, j’ai découvert Sharon Van Etten au ‘Festival de Glastonbury’, la veille de mon passage. C’était une artiste dont je n’avais jamais entendu parler et la découvrir à ce spectacle a été vraiment époustouflant. Je ne pouvais pas croire que je n’avais jamais entendu parler de sa musique auparavant ! « Jupiter 4 » a explosé en moi en live à travers le son et aussi avec la présence venue d’ailleurs de Sharon Van Etten. Ca m’a rendu accro. Le désir dans sa voix sur cette chanson m’a amené à vouloir la reprendre. Sur ma reprise, je joue d’ailleurs de tous les instruments : batterie, basse, piano et chant !

– Un mot aussi sur tes prestations scéniques qui sont explosives et pleines d’énergie. A te voir, on a vraiment l’impression que c’est là que tu peux t’exprimer le mieux et te libérer à travers des morceaux parfois écorchés mais surtout, une fois encore, d’une grande force. Tu vois et abordes tes concerts comme le but et l’objectif ultime de ton travail d’artiste ?

En ce moment, oui ! Le live est ce qui compte le plus pour moi. Je pense que les gens ont besoin de voir me voir en live pour bien comprendre ce que je fais artistiquement. J’ai cependant beaucoup d’idées créatives et à l’avenir, je pense d’ailleurs que je sortirai de la musique sous un nom d’artiste différent, uniquement pour l’écouter et sans intention de la jouer sur scène.

– Chose étonnante encore, tu produis ta musique en indépendante. Est-ce que des labels se sont déjà manifestés, ou préfères-tu conserver une totale liberté sur la musique, du moins pour le moment ?

J’aime produire ma musique de manière indépendante, mais je pense également qu’il est vraiment avantageux d’être sur un label pour obtenir la promotion nécessaire. J’ai des labels en tête avec lesquels j’aimerais travailler, mais aucun ne m’a encore approché. C’est un long chemin. Mais pour l’instant, je suis contente de continuer à me produire de manière indépendante, car cela a aussi de nombreux avantages !

– Belfast est une ville de contrastes, où beaucoup de combats très variés sont menés. Est-ce qu’à travers ta musique, il y a certains messages que tu souhaites faire passer et certains combats que tu peux peut-être aussi mener parallèlement, car on te sent très engagée ?

Oui, définitivement ! Dans ma musique, il y a à la fois une bataille constante et un message d’acceptation. Je pense que c’est le reflet de la vie en elle-même… ou de la vie telle que je la vois en tout cas. Nous rencontrons des difficultés comme la perte et le chagrin, mais nous éprouvons aussi de la joie et nous surmontons des obstacles. J’aime présenter ces dualités dans ma musique, sachant que nous avons tous besoin de lutter pour savoir ce qu’est la liberté. Enveloppez tout ça de riffs rock, de tenues folles et de peintures de guerre et l’écriture et la performance deviennent un rituel en soi !

Retrouvez le nouveau single d’AMY MONTGOREMY, « Change Change », et toute son actualité sur son site :

https://www.amymontgomery.me/

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Alternative Metal Alternative Rock International

Empyre : révélation alternative [Interview]

Avec leur deuxième album, « Relentless », les Anglais affichent beaucoup d’ambition et se présentent surtout avec une réalisation très aboutie, tant au niveau des morceaux que de la production. Volumineux et massif, le jeu d’EMPYRE navigue entre Metal et Rock, en courant alternatif et avec beaucoup d’émotion, et dans des sphères très atmosphériques voire progressives. Le groupe londonien a de la suite dans les idées et entend bien poursuivre son ascension sans attendre. Entretien avec Henrik Steenholdt, chanteur et guitariste du quatuor.

Photo : Rob Blackham

– Je vous avais découvert à l’été 2019 avec « Self Aware » où vous affichiez déjà de belles intentions. Vous voici maintenant chez Kscope pour votre deuxième album. Vu le catalogue du label, cela peut étonner un peu. Comment s’est fait le rapprochement qui a mené à cette signature ?

Au départ, nous ne cherchions pas et nous ne nous attendions pas à avoir de label pour la sortie de l’album. Nous l’avons donc abordé comme nous l’avions fait avec « Self Aware » et « The Other Side », dans le sens où nous avons payé nous-mêmes l’enregistrement, le mixage et le mastering. L’album était déjà prêt avant que Kscope n’ait jamais entendu parler de nous. Notre manager travaillait avec un autre groupe sur le label sœur de Kscope, Peaceville, et a suggéré d’envoyer l’album aux patrons des deux labels. Ils l’ont entendu et l’ont suffisamment aimé pour commencer à discuter d’un contrat.

– Avant de parler de « Relentless », j’aimerais qu’on dise aussi un mot sur la réalisation Unplugged qui le précède. On constate que votre musique se prête aussi très bien à un style acoustique. Est-ce que c’est d’ailleurs de cette façon que vous composez ?

Il y avait des compositions acoustiques sur « Self Aware » et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons fait cette adaptation, qui est devenu l’album « The Other Side ». Nous composions souvent avec deux guitares acoustiques, et plus précisément je jouais de l’acoustique et Did (le lead guitariste – NDR) de l’électrique. Beaucoup de ces chansons se prêtaient donc à des réinterprétations acoustiques complètes, et nous nous sommes inspirés de la série des ‘MTV Unplugged’ des années 90. On voulait faire quelque chose de similaire avec cette ambiance.

Photo : Rob Blackham

– Revenons à ce nouvel album qui dénote de « Self Aware », notamment grâce à une production vraiment incroyable. Avec « Relentless », vos morceaux prennent une toute autre ampleur. Est-ce que c’est l’élément qui manquait à EMPYRE pour prendre le volume affiché aujourd’hui ?

L’une des raisons vient d’un changement dans l’approche de l’écriture et plus précisément dans la diversité de composition des chansons. Certaines idées commencent avec une guitare acoustique, d’autres avec une électrique et progressivement les chansons que j’écris aujourd’hui naissent sur un clavier, un piano, un synthé ou même un orchestre. A l’époque de « Self Aware », nous n’avions pas accès aux outils que nous avons découverts au cours des dernières années et donc les arrangements sont généralement plus simples et pas aussi variés. Cette fois, nous avons également passé beaucoup de temps à analyser individuellement les parties de basse, de batterie et de guitare.

– Vous avez enregistré l’album durant la période de pandémie. Est-ce que la noirceur et la mélancolie que l’on retrouve sur les morceaux viennent de ces moments compliqués, ou c’était déjà l’intention de départ ?

Pour moi, la pandémie a globalement été une expérience vraiment agréable et positive à bien des égards. Si on ne tient pas compte du fait que ce fut une période frustrante du point de vue de ne pas pouvoir jouer en concert, de n’avoir pas pu avancer autant qu’on l’aurait souhaité sur le groupe, tout le reste a été super. J’ai vu la pandémie comme une opportunité et en plus la première année il faisait beau et j’avais plus de temps pour me consacrer à la musique. J’ai découvert l’orchestration et la possibilité d’utiliser un tas de choses sur mon ordinateur pour composer pour EMPYRE et aussi pour mon plaisir personnel. Et puis, nous avions déjà beaucoup de choses prêtes. On avait déjà enregistré « The Other Side » et plusieurs vidéos. Nous sommes donc entrés en confinement et on a quand même réussi à sortir 7 singles, 15 clips et un album acoustique en 2020/2021, tout en écrivant et en commençant à enregistrer « Relentless ».

Photo : Rob Blackham

– Au-delà de l’aspect massif et ample de la production, vous avez aussi apporté un soin tout particulier aux arrangements. De quelle manière avez-vous procédé ? Vous avez décidé de beaucoup de choses au moment du mix ?

La plupart des parties jouées par le groupe, ainsi que l’orchestration et les synthés, ont été décidés avant l’étape du mixage. Cependant, nous avons beaucoup travaillé sur le mix. C’était un travail difficile, car il a fallu faire de la place à pour inclure tout ce que nous voulions. On a également essayé différents mixages pour certaines chansons, principalement sur les niveaux entre les guitares et les voix. Il y a même quelques pistes avec deux lignes de basse. Tout ça a pris beaucoup de temps.

– Si on retrouve également certaines sonorités Hard Rock sur l’album, il y a ce côté très atmosphérique et moderne, et parfois même progressif, qui domine l’ensemble. EMPYRE joue beaucoup sur l’émotion dans toute sa diversité. Vous êtes assez inclassables finalement ?

Nous n’essayons pas d’être classés sous quelque étiquette que ce soit, mais juste comme du Rock. Pourtant, c’est peut-être une faiblesse pour un groupe peu connu de ne pas être facilement identifiable, car cela veut aussi dire que certains supports peuvent ne pas nous juger assez lourds pour le Metal, ou pas assez Prog pour le Prog. Nous avons le même problème avec des plateformes comme Spotify. Ils ont des milliers de genres disponibles, mais nous ne sommes pas sûrs qu’ils nous aient encore vraiment cernés ! Avec le temps, on espère que cela deviendra une force et nous aidera à franchir les frontières du Rock et à plaire à un plus large éventail de personnes.

Photo : Rob Blackham

– Enfin, maintenant que vous êtes soutenus par un label de renom avec ce colossal « Relentless », quelle est la prochaine étape ? Vous préparez une tournée plus conséquente ?

Notre objectif depuis le départ est d’atteindre au moins de jouer dans les plus grands festivals de Rock d’Europe. Nous espérons aussi que sur ce chemin, nous pourrons faire de grandes tournées qui nous emmèneront en dehors du Royaume-Uni. Pour l’instant, jusqu’à ce que ces opportunités se présentent, nous nous concentrons sur la construction de notre base de fans européenne en diffusant notre musique et en faisant passer le mot via des relais médiatiques comme que le vôtre, qui font un travail inestimable pour des groupes comme nous qui essaient de se faire connaître. On espère que cela ne prendra pas trop de temps avant de pouvoir tourner à l’étranger en tant que soutien à un groupe plus connu, ou de constituer suffisamment de fans pour être viables nous-mêmes.

Le nouvel album d’EMPYRE, « Relentless », sort le 31 mars prochain chez Kscope.

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Heavy metal International

Night Demon : un classicisme éclatant [Interview]

Passe de trois pour le combo formé en 2011 à Ventura en Californie, qui surgit avec « Outsider », sorte de madeleine de Proust métallique. Conceptuel, l’album des Américains s’inscrit en effet dans la veine de la NWOBHM, soutenue cependant par une production très actuelle. Egalement bassiste du mythique Cirith Ungol depuis 2016, Jarvis Leatherby, frontman du power trio, revient sur la création de ce nouvel opus, l’évolution du groupe et sur son amour de la scène. Entretien.

– Tout d’abord et malgré ces dernières années compliquées pour tout le monde, on sent avec ce nouvel album que NIGHT DEMON est en pleine forme et très créatif. Vous en avez profité pour réfléchir sur le groupe et peut-être aussi lui donner de nouveaux objectifs ?

Oui, c’est vrai que cette pandémie a impacté l’ensemble de la société. Nous l’avons assez mal pris, parce que cela nous a empêché de tourner… et nous adorons tourner ! Depuis 2016, nous avons fait plus de 600 concerts. Cela dit, ça a été une bonne chose d’avoir un peut de temps pour pouvoir travailler sur ce nouvel album, c’est vrai. Mais je suis content que ce soit terminé, même si cela a été intéressant pour plusieurs raisons.

– En un peu plus de dix ans, vous comptez trois albums et même une compilation. Ce qui étonne aussi, c’est la sortie de neuf singles en plus de votre premier EP et d’un Live. Pourquoi autant de singles, c’est pourtant assez rare dans le Heavy Metal traditionnel ?

Oui, c’est vrai qu’on a sorti pas mal de singles. Nos albums sont très différents les uns des autres et finalement, c’était une bonne solution. On a fait ça en 2020 surtout. C’était juste histoire de changer un peu notre fonctionnement et d’essayer autre chose. Mais nous préférons bien sûr sortir des albums complets.

– Vous revenez donc avec « Outsider », qui est sans doute votre album le plus abouti, notamment au niveau de sa composition. En intégrant des passages plus lents et mélodiques, l’objectif était-il de peaufiner votre son et votre style ?

En fait, on ne voulait surtout pas se répéter. Tous nos albums ont toujours été un peu progressifs et on voulait revenir au son et au style beaucoup plus classique du Heavy Metal. On essaie de se renouveler à chaque album et on se pose toujours la question de savoir dans quelle direction nous allons aller. On voulait un son frais. Nous ne sommes pas un groupe comme AC/DC, par exemple, nous sommes incapables de faire ça. On a besoin de changer à chaque fois et c’est précisément ça qui nous intéresse et nous motive. 

– Même si l’on retrouve toujours l’influence de la NWOBHM, on a aussi le sentiment que votre style s’est également beaucoup américanisé. Tu le vois comme une sorte d’émancipation ?

Je ne sais pas trop. Je pense que les choses arrivent naturellement. Ce n’est pas quelque chose de conscient, ni de calculé. On essaie de sonner comme nous le ressentons sans trop prêter d’attention à ce qui nous entoure. C’est une question intéressante, je n’y avais jamais vraiment pensé auparavant. Il y a peut-être plus d’influences américaines sur ce nouvel album, mais je ne pense pas que nous sommes vraiment identifiables comme étant typiquement américain dans le son. Et il y a tellement de très bons groupes de chaque côté de l’Atlantique.

Jarvis Leatherby

– Pour la première fois, NIGHT DEMON se présente avec un album-concept. C’est quelque chose que tu avais en tête depuis longtemps, ou cela s’est finalement imposé assez spontanément ?

Oui, on avait ça en tête depuis un moment, mais c’est très compliqué à réaliser. On a déjà enregistré des albums qui contenaient deux-trois morceaux qui tenaient sur la même histoire. Cette fois, j’avais plus de temps pour me poser et écrire, car l’exercice n’est pas facile. Ecrire une histoire est comme écrire le scripte d’un film. J’ai toujours eu envie de le faire. Et cette fois, j’ai enfin pu le réaliser.

– Il y a un aspect très cinématographique et narratif justement sur « Outsider ». Selon toi, c’est le résultat d’un travail plus pointilleux sur les riffs, ou ce sont plutôt les textes qui ont donné le ton et la dynamique ?

Je pense que c’est surtout le fil de l’histoire qui donne cette dynamique. Il faut ensuite trouver la bonne musique qui va venir se poser dessus. On a vu ça comme un nouveau challenge et on a vraiment trouvé ça très cool à faire.

– La force et la particularité de NIGHT DEMON sont aussi d’évoluer en power trio. Et on a l’impression qu’il ne peut en être autrement. C’est aussi ton avis ?

En fait, on ne l’a pas fait exprès ! (Rires) Nous sommes vraiment très investis dans ce que nous faisons. C’est même assez saisissant ! On pourrait avoir un deuxième guitariste, mais je ne sais pas ce qu’il ferait. Cela apporterait sûrement un plus gros son, mais être à trois est vraiment quelque chose qui nous pousse encore plus et nous sommes heureux du résultat. On a déjà eu un second guitariste, mais bon… C’était un peu le bordel ! (Rires)

– Plusieurs passages plus lents de ce nouvel album débouchent aussi sur des aspects plus progressifs et même Doom par rapport à vos précédentes réalisations. C’est le fait de plus prendre le temps de poser certaines atmosphères qui vous y a conduit ?

En fait, c’est vraiment l’histoire qui nous guide et nous conduit à ces types de sonorités et d’ambiances. L’album s’écoute en entier et il est difficile de prendre les morceaux séparément. Il y a un réel fil conducteur. La partie Doom correspond aux passages plus sombres et pesants de l’histoire, alors que d’autres seront plus dans l’émotion. On a essayé de jouer la musique qui correspondait le mieux aux paroles. Ce sont les textes qui te disent où aller. On ne se pose pas de milites, nous ne sommes ce genre de groupe.

– Comme souvent chez NIGHT DEMON, les moments épiques ne manquent pas sur « Outsider » avec un côté sombre et aussi des passages accrocheurs et très speed. L’album étant assez narratif, votre intention est-elle de le jouer dans son intégralité et chronologiquement sur scène ?

Oui, absolument, à 100% ! Il y a beaucoup de groupes qui composent des morceaux très longs de 20 minutes. « Outsider » dure 35 minutes et nous avons choisi d’écrire des chansons assez courtes. On peut le jouer dans son intégralité, même s’il manquera quelques ‘classiques’ aux fans. (Rires) Mais oui, c’est notre objectif avec ce nouvel album.

– Enfin, si les groupes références sont toujours très nombreux dans le Heavy Metal, ils se font aussi vieillissants. N’est-ce pas l’heure pour NIGHT DEMON de s’imposer enfin, d’autant que vous êtes soutenus par le solide label qu’est Century Media ?

Ce n’est pas à nous de décider de ça, mais bien sûr que c’est notre volonté. Il y a beaucoup de groupes qui sont dans notre position et qui sont très bons. Mais c’est vrai que lorsque tu as déjà cinq ou six albums derrière toi, tu es en droit de te dire que c’est ton tour. C’est aussi la responsabilité des fans, des festivals et de la presse également. C’est aux festivals de mettre de jeunes groupes un peu plus haut sur l’affiche. Si les groupes sont bons, alors c’est leur place ! Et c’est l’occasion de montrer au public à quel point ils sont bons et qu’il faut les soutenir. Et si cela n’arrive pas très vite, il va y avoir un problème, parce que le fossé entre les anciens et les nouveaux va encore plus se creuser. Et si on n’arrête pas tout ça rapidement, ça va être la fin de beaucoup de choses. Il ne restera plus que des vieux groupes et des Tribute bands et donc, au final, la même musique tout le temps !

« Outsider » est disponible depuis le 17 mars chez Century Media Records.

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International Symphonic Metal

Delain : un ADN intacte [Interview]

Avec « Dark Waters », les Hollandais de DELAIN signent leur septième album et accueillent surtout en leur sein la chanteuse Diana Leah, en lieu et place de Charlotte Wessels. Si le challenge pouvait paraître énorme, le quintet le remporte haut la main, grâce aussi à des compositions plus frontales et moins Pop et Electro que sur « Apocalypse & Chill », sorti en 2019. Martijn Westerholt, fondateur, claviériste et principal compositeur du groupe, revient sur ce nouvel opus où il renoue avec le Metal Symphonique qui a forgé la réputation de DELAIN. Entretien.

Photo : Andreas Falaschi

– Il y a moins de deux ans, tout le monde pensait à la disparition de DELAIN après 15 ans d’une belle carrière. Finalement te revoici avec un nouveau line-up et surtout un nouvel album. Pour « Dark Waters », tu as rappelé batteur Sander Zoer ainsi que le guitariste Ronald Landa. C’était important pour toi de ressouder DELAIN en faisant appel à d’anciens membres pour créer une solide union autour de ce nouvel album ?

Oui, c’est exactement ça et j’en suis très heureux. La seule manière dont je voulais que DELAIN continue était que l’ADN du groupe soit toujours présent. Sinon, ça n’aurait eu aucun sens de poursuivre l’aventure sous le même nom. C’était pour moi la principale condition. Nous sommes restés en contact, on se connait très bien et pour nous tous, cela a été presqu’automatique, comme un réflexe. C’est pour cette raison que je leur ai demandé de me rejoindre. 

– La grande nouveauté de l’album est bien sûr l’arrivée au chant de Diana Leah. Bien sûr, on ne lui demande pas de nous faire oublier Charlotte Wessels, mais elle doit avoir beaucoup de pression pour son arrivée chez DELAIN, non ?

Oui bien sûr, elle a eu beaucoup de pression. Elle a très bien compris que le costume qu’elle devait endosser était très grand. Je lui ai posé la question et, en fait, Diana a beaucoup de personnalité et elle est très forte. On en a parlé tous les deux évidemment et aujourd’hui, j’ai une très grande confiance en elle.

Diana Leah

– D’ailleurs, tu l’as découverte sur YouTube et tout est ensuite allé très vite. Ce réseau est-il devenu un nouveau lieu de casting ?

(Rires) Oui, c’est vrai ! En fait, tu peux voir beaucoup de choses au sujet des personnes. Tu peux observer des traits de leur comportement, comment elles s’expriment et aussi ce qu’elles pensent.

– L’autre façon d’ouvrir un nouveau chapitre pour le groupe aurait aussi été de prendre un chanteur, ce qui aurait aussi pu ouvrir d’autres voix musicales. Tu y as pensé ?

Très bonne question ! Oui, j’y ai pensé et je l’ai vraiment considéré comme une option sérieuse. La principale condition pour moi était que la nouvelle personne au chant, peu importe que ce soit une femme ou un homme, se fonde parfaitement dans la musique et se mette réellement à son service. Et finalement, le sexe n’avait pas vraiment d’importance. Mais en fin de compte, la voix de Diana m’a définitivement convaincu et j’en suis très heureux. Et puis, elle est capable de chanter l’ensemble du répertoire de DELAIN et d’assumer les tournées également. Avec un homme, cela aurait été très différent par rapport aux morceaux plus anciens notamment.

– Avec « Dark Waters » et malgré tous ces changements, on retrouve le son et la personnalité de DELAIN, ce qui a dû aussi rassurer les fans. On se dit que malgré tout et peu importe les musiciens, le groupe reste l’entité première avec un son qui fait son ADN. C’est aussi ton point de vue ?

Merci beaucoup pour ce beau compliment ! (et en français, svp ! – NDR) J’en suis vraiment content et je suis d’accord avec toi. C’est vrai que c’était très important. Dès le départ, on a décidé de conserver les bases du son de DELAIN et le style. Malgré le départ de Charlotte, je voulais que rien ne change à ce niveau-là et aussi que cela soit mis en avant. Nous sommes restés dans notre bulle en quelque sorte. Et c’est également très agréable que les gens me fassent la remarque.

Martijn Westerholt

– Alors qu’auparavant, c’était Charlotte qui écrivait les textes, c’est ta femme Robin, qui les signe cette fois et de très belle manière. Tu n’as pas eu envie de t’essayer toi-même à l’écriture ?

Non, pas pour les paroles, cela n’aurait sûrement pas ravi les gens ! (Rires) En fait, ça n’a jamais été une option, même auparavant. J’ai la chance d’avoir une femme dont l’anglais est la langue maternelle et qui, de plus, est poétesse. C’est vrai que cela a été très facile pour moi de lui demander.

– Une fois encore, « Dark Waters » fait la part belle aux arrangements, qui restent symphoniques et pourtant l’album demeure musclé et solide. On a le sentiment que tu es resté très focalisé sur le songwriting, comme si tu voulais mettre tous les problèmes rencontrés de côté. C’est le cas ?

En fait, mon objectif premier a été de composer des morceaux efficaces et peut-être aussi plus directs, c’est vrai. J’avais besoin de paix et de tranquillité pour le faire. Alors, je me suis simplement dit : « Continue à faire ce que tu sais faire et ce que tu fais de mieux ». Et finalement, tout s’est passé le plus simplement du monde.

Photo : Andrea Falaschi

– Il y a une question que je me pose, car c’est un phénomène que l’on rencontre beaucoup aujourd’hui dans les groupes qui ont une chanteuse. Justement, loin de remettre en question le talent de Diana qui est incontestable, pourquoi le bassiste Ludovico (Cioffi de The Modern Age Slavery – NDR) vient y poser du growl ? Est-ce vraiment nécessaire et utile lorsqu’on a une frontwoman de ce niveau ?     

Rien n’est nécessaire, c’est vrai. C’est juste que j’adore son growl ! (Rires) Il est très brutal et j’avais dans l’idée de réaliser une sorte de comparaison entre ‘la belle et la bête’. Je l’adore vraiment et d’ailleurs, nous avions déjà tenté l’expérience auparavant. Et puis maintenant, nous avons aussi ce choix-là et c’est une très bonne chose.

– Enfin, lorsque l’on voit la très grande qualité, et même la prédominance des groupes hollandais sur la scène mondiale du Metal Symphonique avec Within Temptation, Epica, Delain, bien sûr, et quelques autres, et sans oublier Nightwish en Finlande, comment expliques-tu l’importance du style en Europe du Nord ? Parlerais-tu de ‘grande famille’ ?

Tu sais, c’est une question que je me pose depuis déjà une vingtaine d’années. Et cela reste une très bonne question ! Je n’ai jamais réussi à expliquer pourquoi il y avait autant de groupes de Metal Symphonique en Hollande. C’est une énigme et elle grossit de plus en plus chaque année. Et je considère les membres des autres groupes comme une famille, au même titre que Nightwish d’ailleurs. C’est vrai que c’est assez incroyable ! (Rires)

« Dark Waters » est disponible depuis le 10 février chez Napalm Records.

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Americana Blues Rock Classic Rock International

Bourbon House : le Rock à pleine gorgée [Interview]

Qualifier la musique de BOURBON HOUSE uniquement de Blues Rock serait bien trop réducteur. Sur un groove irrésistible, le quatuor du Wisconsin alimente son style de touches d’Americana et de Classic Rock, porté par la voix chaude et puissante de Lacey Crowe. A quelques semaines de la sortie du troisième album du groupe, la chanteuse fait les présentations et nous en dit un peu plus sur la démarche de BOURBON HOUSE qui, je l’espère, ne tardera pas à séduire le public français. Entretien.

Photo : Jocelyne Berumen

– J’avoue vous avoir découvert récemment et un peu par hasard. En poussant un peu des recherches, je me suis aperçu que depuis 2017, vous aviez déjà sorti un EP, deux albums et plusieurs singles ces derniers mois. Est-ce que le fait que BOURBON HOUSE soit si prolifique tient d’une certaine urgence à composer et à jouer ?

Oui, parce qu’on a toujours envie de travailler sur quelque chose de nouveau. Je pense qu’en musique, il est difficile d’attendre, car il y a tellement de choses à faire entre l’écriture et l’enregistrement, ainsi qu’avec les tournées, les tournages de clips, etc… Créer de nouvelles choses est toujours quelque chose de très excitant.

– Votre premier EP éponyme était déjà annonciateur de votre Blues Rock si particulier. On a le sentiment que vous saviez dès le départ qu’elle était la voie à suivre. C’est le cas ?

Quand Jason (Clark, guitare – NDR) et moi avons commencé à écrire des chansons ensemble, il était plus qu’évident que nous étions sur la même longueur d’onde. Je pense que notre signature sonore a à voir avec notre combinaison en tant qu’auteurs-compositeurs. Ça tient aussi du fait que nous complétons très bien nos créations respectives. Je ne pense pas que je pourrais écrire ce genre de musique avec quelqu’un d’autre.

Photo Jocelyne Berumen

– D’ailleurs, BOURBON HOUSE a conservé le même line-up, je crois. Cette unité entre vous se ressent aussi à travers vos morceaux qui sont très spontanés et qui sonnent aussi très live sur disque. C’est important pour vous de garder cet aspect très direct ?

En fait, il y a eu quelques fluctuations en ce qui concerne notre section rythmique. Mais Jason et moi avons toujours été les auteurs-compositeurs, c’est pourquoi ça sonne toujours comme du BOURBON HOUSE. Le son ‘live’ auquel tu fais référence est un peu intentionnel même s’il est également assez inconscient. Nous avons beaucoup grandi en ce qui concerne l’enregistrement depuis notre premier EP, donc nos productions sont bien meilleures. Mais, nous apprécions toujours autant l’authenticité. Nous ne surproduisons pas, nous n’éditons pas, nous ne quantifions pas, nous ne corrigeons pas la hauteur, etc… Donc si un morceau nécessite cent prises pour être bon, c’est ce qu’il faut faire. Il est important pour nous que l’humain ne soit pas supprimé de la chanson pendant la production. Les petites imperfections sont belles aussi.

– Vu d’Europe, la musique du groupe faite de Blues, de Rock, d’Americana et de quelques sonorités Southern apparaît comme très roots. Est-ce que vous vous sentez un peu dépositaires et surtout héritiers d’un style typiquement américain ?

Je pense que tout est lié. Nous n’aimons pas nécessairement nous enfermer dans un style et nous utilisons des éléments de différents types de musique, mais au cœur des chansons de BOURBON HOUSE se trouvent les sons roots du Blues, de l’Americana et du Rock’n’Roll qui, je pense, influencent tant d’autres genres de toutes les régions du monde aussi.

Photo : Che Correa Photography

– Ce qui ressort aussi de votre discographie, c’est que vos compositions et votre jeu s’affinent au fil de vos réalisations, même si « Into The Red » est beaucoup plus Rock que les autres. On a presque l’impression que chaque album est une nouvelle page blanche. C’est aussi comme ça que vous le percevez et l’appréhendez ?

Oui, absolument. Nous n’avons aucun intérêt à créer des variations d’une même chanson. Et même si nous avons une signature sonore à défendre et que nous écrirons toujours ces chansons Blues Rock solides et efficaces pour nos fans, nous avons toujours le désir de composer en allant encore plus loin et approfondir chaque morceau.

– Depuis juillet dernier, vous avez sorti quatre singles (« Resonate », « Out For Blood », « High Road Gypsy » et « Blue Magic »). Pourquoi ce choix et est-ce que ces chansons se retrouveront sur un album à venir prochainement ?

Oui ! En fait, nous en sommes maintenant à cinq singles depuis un an, si on inclue le dernier, « 20 to Life ». Il est tout simplement plus facile de commercialiser un album, lorsque tu as déjà sorti cinq singles. En fait, on travaille dessus depuis la sortie de « Resonate ». Notre quatrième album sortira au printemps et comprendra les cinq singles, deux versions acoustiques et quatre titres inédits.

– J’aimerais aussi que l’on parle de ta voix, Lacey, qui est aussi puissante que délicate. Est-ce que tu écris tes textes, car on te sent réellement habitée et très investie dans leur interprétation ?

Merci ! J’écris les paroles, oui. Non seulement parce que cela m’aide à transmettre le message à un niveau personnel, mais il est également important pour moi sur le plan sonore que les mots sonnent bien de la façon dont je les chante.

– D’ailleurs, la complicité qu’il y a entre ta voix et les riffs de Jason est très souvent explosives. De quelle manière travaillez-vous ce bel équilibre entre la voix et la guitare ?

En fait, si tu écoutes bien les riffs, il n’y a aucune raison pour que je les couvre avec ma voix. Pourquoi le ferai-je d’ailleurs ? C’est aussi une question de respect mutuel. Aucun de nous n’a un énorme ego et on croit toujours que tout ce qui est bon pour la chanson est ce qui doit être fait. Les voix et les guitares doivent se compléter et ne pas se concurrencer ou s’opposer.

– Enfin, il y a une chose qui me laisse un peu perplexe. Comment un groupe comme BOURBON HOUSE n’a-t-il pas encore signé sur un label ? C’est un désir d’indépendance et de pleine liberté ? Ou un manque d’opportunité ?

Je suppose que c’est un peu des deux. Nous avons eu des offres et avons même été signés brièvement. Nous voulons garder le contrôle et nous ne savons pas vraiment ce qu’un label pourrait faire de plus pour nous. L’industrie de la musique est si différente maintenant que les labels ne sont plus nécessaires pour réussir. En bref, nous ne cherchons pas à être signés. Mais si un gros label nous proposait la bonne offre, nous l’étudierions bien sûr.

Retrouvez BOURBON HOUSE et toute son actualité sur son site :

https://www.bourbonhouserocks.com/

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Blues Rock International

Eamonn McCormack : Irish vibes [Interview]

De par son style et ses sonorités, le Blues irlandais a toujours tenu une place particulière grâce, notamment, à ses deux piliers que sont Rory Gallagher et le nordiste Gary Moore. Tout en perpétuant la tradition, le guitariste et chanteur EAMONN McCORMACK impose une touche très personnelle à son Blues Rock. Le natif de Dublin livre un huitième album éponyme puissant et profond. Entretien avec un songwriter et un bluesman de son temps.

– On t’avait quitté il y a trois ans avec « Storyteller », un album lumineux emprunt d’une belle touche irlandaise. Avec ce nouvel album, ton jeu et surtout les morceaux sont beaucoup plus sombres et bruts. La différence d’ambiance et d’atmosphère est grande et manifeste. Que s’est-il passé ? On te sent un peu moins enjoué…

En effet, l’album laisse peut-être paraître ça, mais c’est juste ma façon d’être honnête et c’est aussi ce que je ressens. Avec les années Covid, puis la guerre en Ukraine, la société via Internet est aussi devenue très sombre. Il me fallait écrire avec mon cœur et je savais que certaines chansons ne seraient pas pour les timides. Je n’ai jamais été formaté. Donc, si je ressens le besoin d’écrire sur des sujets qui dérangent, j’ai du mal à me retenir et personnellement, j’ai toujours cru que c’était ce qui caractérise l’art également. Mais si on regarde le bon côté des choses, je suis en fait une personne positive, même si beaucoup de choses sont difficiles et dingues dans le monde d’aujourd’hui. Mais avec le temps, je crois que des changements apparaîtront et que nous, ou la prochaine génération, vivrons dans un monde meilleur et plus sûr.

– Tu ouvres l’album avec « Living Hell », long de huit minutes, au tempo assez lent et à la noirceur dominante. C’est assez inédit que démarrer un disque avec un titre d’une aussi grande émotion. C’est un choix très fort. Qu’est-ce qui t’a décidé à placer cette chanson en début plutôt qu’un titre plus entraînant et joyeux, et quel est son thème principal ?

Je me souviens qu’une fois que les dix chansons étaient prêtes, j’ai tout de suite pensé que « Living Hell » ouvrirait l’album. J’avais l’idée dans un coin de la tête dès le départ. En plus, c’était une des premières chansons, sinon la première, composée pour l’album. Je me suis donc habitué à ce qu’elle le soit avant même que nous ayons commencé l’enregistrement. Pendant un moment, j’ai également pensé qu’elle serait sans doute trop sombre pour démarrer. Mais je me suis immédiatement repris ! Bon sang, c’est un sujet profond sur lequel je me sens très légitime. Toute l’activité et cette industrie corrompue des armes à feu profitent directement, ou indirectement, aux gangs de rue et se propagent aussi dans des fusillades dans les écoles, dans les guerres de la drogue, dans les armées d’enfants et finalement attisent la guerre elle-même dans sa globalité.

– Au fil de l’album, on retrouve toujours ce Blues Rock très brut et délicat aussi, notamment dans les solos de guitare. S’il est toujours aussi survolté, c’est l’un de tes disques le plus pesant et le plus lourd dans le propos également. Il reflète peut-être plus notre société et notre monde d’aujourd’hui. C’est ce que tu as voulu dépeindre ?

Oui, je voulais relayer mes sentiments et projeter mes émotions dans les chansons, surtout qu’il s’agit de l’actualité du monde qui nous entoure aujourd’hui. Je joue toujours de la guitare en pensant d’abord à la chanson. C’est très important. Par conséquent, une chanson sur la guerre contre la drogue, ou la guerre nucléaire, ne sonnerait pas avec une ambiance douce. Donc ça devient sacrément lourd par endroit, mais c’est quelque chose de très naturel pour moi. Je n’y pense pas vraiment en tant que tel, c’est une sorte d’approche en pilote automatique. Je comprends tout de suite quelle guitare et le son qui fonctionneront pour chaque chanson. J’ai tendance à jouer très lourd, mais sans franchir cette frontière avec le Metal. Ma façon de jouer me permet de le faire tout en conservant cette sensation de Blues. C’est juste mon jeu qui est ainsi.

– Il règne cet esprit irlandais avec une morale finalement assez présente sur beaucoup de morceaux comme « Letter To My Son » ou « Angel Of Love ». Sans donner de leçon, il y a un côté protecteur et prévoyant. C’est assez rare de voir cet aspect assez engagé dans ta discographie. C’était important pour toi de livrer certains messages cette fois-ci ?

Bien sûr, je pense que la paternité change beaucoup votre point de vue sur la façon dont vous voyez les choses. Et oui, il y a toujours un élément de conseil irlandais, qui vient de notre culture. Il y a un prédicateur craignant Dieu et qui est ancré dans le cœur, l’âme et le corps, lorsque vous venez d’Irlande. C’est difficile à changer. Mais pour moi, « Letter To My Son » et « Angel Of Love » sont des chansons d’espoir. Avouons-le, il y a assez de cupidité, de haine et de racisme dans le monde et c’est donc aux parents d’éduquer leurs enfants à l’amour. Nous pouvons le changer pour le mieux, mais beaucoup de travail reste à faire. Dans « Angel Of Love », je demande qu’un ange d’amour soit envoyé, mais en fait, ce n’est qu’un portrait, une vision romane. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’un véritable Sauveur qui serait capable un jour, dans un avenir pas trop lointain, de rassembler toutes les grandes et petites puissances nucléaires et les amener à s’asseoir à une même table pour discutez de l’avenir, parce que nous savons que la guerre nucléaire sera dévastatrice pour tous.

– Et en marge, on retrouve ton style en power trio avec des morceaux beaucoup plus festifs comme « Rock’n’Roll Bogie Shoes » et « Social Media Blues », qui sont très dansants et beaucoup plus fun. Ce sont d’ailleurs des respirations très bienvenues sur l’album. C’est aussi comme ça que tu as souhaité qu’on les perçoive ?

C’est assez inconscient finalement. Ces deux chansons se prêtent à des sujets amusants et plus légers. Je me souviens les avoir joué sur ma guitare acoustique, assis dans une chambre d’hôtel et avoir pensé : « Génial ! Quelques chansons plus fun pour équilibrer un peu l’album » et cela pourra aussi empêcher l’auditeur de prendre du Prozac ! (Rires)

– Souvent, lorsqu’on sort un album éponyme, c’est pour affirmer son identité. La tienne est multiple avec des influences du Delta, Southern, parfois funky, Metal et celtique, bien sûr. Et ensuite, très moderne dans son graphisme, la pochette en dit long aussi. Comment l’as-tu imaginé ?

Tout a commencé autour de mon propre logo celtique, qui était l’idée de mon management. Mes initiales, ‘E-Mc-C’, sont y cachées ! Une fois les chansons écrites, et aussi diverses soient-elles, il y avait cet entremêlement qui me représente tellement. Donc, à peu près au même moment avec mon management, nous nous sommes dit que l’album était fidèle à ce que je suis, à mon style et à mon écriture. Alors, pourquoi ne pas en faire un album éponyme et avec mon nouveau logo ? Et nous nous y sommes tenus…

– Après une écoute attentive de l’album, on y décèle beaucoup de nuances avec un gros travail effectué sur les arrangements notamment. Où et dans quelles conditions a-t-il été enregistré ? Je trouve qu’il sonne légèrement différemment des précédents…

Il a été enregistré dans le même studio que « Storyteller » en Allemagne et de manière similaire, c’est-à-dire en live autant que possible. Les morceaux ont été répétés pour la plupart sur la magnifique île de Texel aux Pays-Bas. La grande différence sur cet album est que j’ai finalement pu développer le son de ma guitare exactement là où je le voulais. Et je l’ai fait sous la direction et avec l’aide de Hoovi, qui est un arrangeur et designer sonore autrichien. De plus, Arne Wiegand est un producteur fantastique et il a également ajouté sa magie au mix final.

– J’aimerais que tu nous dises un mot de ces deux chansons que tu as dédié à Lemmy de Motörhead et à l’aviatrice Amelia Mary Earhart, appelée également Lady Lindy (« Hats off to Lemmy » et « Lady Lindy »). Si je vois bien le lien avec Lemmy, le second est plus étonnant. On sent une grande marque de respect et presque de remerciement, c’est le cas ?

Oui, « Hats Off To Lemmy » est exactement ça. C’est un hommage au Hell Raiser sans compromis qu’était Lemmy. Je crois qu’il était le rockeur le plus authentique de tous les temps. Il était vraiment entier et il a vécu sa vie à fond.

Et c’est vrai que les pionniers de l’aviation m’ont toujours fasciné : des frère Wright, Alcock et Brown à Charles Lindburgh et Amelia Earhart. Quand j’étais jeune, mon père m’a montré sur la plage de Galway, où Alcock et Brown ont débarqué. Mais l’histoire d’Amelia a toujours été la plus intéressante pour moi. C’était une vraie pionnière. Elle vivait à une époque où les femmes ne mettaient pas de pantalon, sans parler de piloter son propre avion. Elle était en avance sur son temps. J’ai également écrit une chanson sur l’album au sujet du grand chef apache Geronimo et le sort des tribus indigènes. Son histoire est à la fois incroyable et tragique.

– Enfin, depuis huit albums maintenant, on t’a vu et considéré à juste titre comme la relève du Blues Rock irlandais, qui vit toujours dans le souvenir de Rory Gallagher et aussi du nordiste Gary Moore. Quel regard portes-tu sur la scène de ton pays, dont on entend finalement assez peu parler ?

C’est vrai que je suis très heureux de jouer, d’enregistrer, de faire des tournées et de perpétuer à ma manière une tradition unique de Blues Rock celtique. J’ai eu le plaisir de jouer et d’enregistrer avec Rory et Gary, et  j’étais conscient de cette chance. Il y a pas mal de groupes ‘Tribute’ à Rory et Gary et c’est cool. Mais j’aimerais voir plus de jeunes Irlandais écrire et interpréter leur propre Blues Rock. Il y en a quelques-uns, mais très peu et c’est dommage, car les artistes de Blues Rock irlandais apportent quelque chose de très différent et de spécial dans leur jeu. Il y a une grande scène Rock chez nous et nous avons aussi le ‘Rory Gallagher International Tribute Festival’ à Ballyshannon dans le Donegal. Les médias nationaux et grand public ne soutiennent pas le Blues et le Rock autant qu’ils le devraient en Irlande. Ils l’ignorent presque et c’est dommage.

Le nouvel album d’EAMONN McCORMACK est disponible sur le site du musicien :

https://eamonnmccormack.net/

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Blues Rock Hard 70's International Proto-Metal

Buffalo Revisited : reloaded [Interview]

Resté dans l’ombre des groupes Rock, Blues Rock et Hard Rock ayant réussi à percer au-delà de leur Australie natale, Buffalo, devenu BUFFALO REVISITED, est pourtant à l’origine de l’élaboration d’un style qui a depuis fait ses preuves. Entre Metal, Blues et Rock et bardé de grosses guitares et d’une lourde rythmique, le groupe a ressurgit il y a quelques mois à l’occasion de la sortie de « Volcanic Rock Live », la version en public de son album le plus vendu. Dave Tice, leader et chanteur de la formation originelle, revient pour nous sur quatre décennies de musique et l’histoire peu commune d’un combo pas banal.  

– Dave, avant de parler de cet album, j’aimerais savoir pourquoi tu as ajouté ’Revisited’, alors que le groupe s’appelle à l’origine BUFFALO ?

Pour deux raisons et je tiens vraiment à dire la vérité. Ce n’est pas le groupe original et je voulais m’assurer que tout le monde le comprenne. Ca m’ennuie toujours quand des groupes font des concerts en prétendant être quelque chose qu’ils ne sont pas. Pour moi, c’est contraire à l’éthique. Et ce n’est pas parce qu’il y a un membre originel que c’est le véritable groupe. Ce serait un mensonge… et pas très cool.

Ensuite, certains membres originels du groupe n’étaient pas très contents que je décide de faire tout ça. Ils ont tout essayé pour m’arrêter, même s’ils n’avaient pas joué depuis plus de 40 ans et qu’ils ne le faisaient pas non plus de leur côté. Ils m’ont menacé par des injonctions et ont même appelé les promoteurs en les menaçant également. Je n’aime pas qu’on me dise ce que je peux, ou ne peux pas, faire et je ne voulais pas passer ma vie dans les salles d’audience. Un ex-membre a même essayé de déposer le nom ‘Revisited’ juste pour m’arrêter.

– Tu es le chanteur et leader du groupe depuis ses débuts, ainsi que le dernier membre de la formation de départ. Alors que tu menais une carrière solo depuis de nombreuses années, qu’est-ce qui t’a poussé à faire revivre et ressusciter BUFFALO ?

Comme tu le dis, j’ai eu beaucoup d’autres projets depuis l’époque de BUFFALO, dont trois albums au Royaume-Uni avec The Count Bishops, suivis de trois ans à la tête du groupe britannique The Cobras. Je suis retourné en Australie en 1984 et j’ai tourné avec un certain nombre de groupes aussi. J’en ai formé quelques-uns moi-même et j’ai enregistré plusieurs albums. Actuellement, je chante, je joue de la guitare et de l’harmonica dans mon trio, The Dave Tice Trio. En fait, je n’ai jamais eu l’intention d’interpréter à nouveau les chansons de BUFFALO. J’aime aller de l’avant, mais pendant des années, on m’a demandé de faire des spectacles ‘revisitant’ ces chansons et on m’a finalement proposé quelque chose que je ne pouvais pas refuser. Ce que je pensais être un simple spectacle en 2013 s’est transformé en un succès les années suivantes. Ca a été une surprise pour moi que tant de gens conservent une grande affection pour les chansons du groupe. Je suis un musicien qui ne regarde derrière lui, car je sens qu’il est de mon devoir d’évoluer et d’explorer de nouveaux territoires. Après avoir fait le premier concert en co-tête d’affiche d’un festival de Sydney, j’ai découvert un amour renouvelé pour ces vieilles chansons et j’en suis très heureux.

– Aujourd’hui, qui compose BUFFALO REVISITED et comment as-tu choisi les musiciens qui t’accompagnent ?

Choisir des musiciens pour recréer le son de BUFFALO n’a pas été facile et, en fait, il y a eu trois line-up différents pour finalement arriver au groupe sur l’album live. Ils ont tous été bons mais, comme tu t’en doutes, ce sont de grands musiciens qui sont eux-mêmes impliqués dans d’autres projets et qui ne peuvent pas s’engager dans quelque chose qui ne se produit qu’occasionnellement. Je dois dire que l’ensemble de l’album live possède le meilleur line-up avec Troy Vod à la guitare, Steve Lorkin à la basse et Marcus Fraser à la batterie. Ils ont parfaitement su capter les sensations et la puissance de BUFFALO comme on peut l’entendre sur le disque.

– « Volcanic Rock » est l’album le plus emblématique du groupe et mis à part le fait qu’il s’est bien vendu à l’époque et qu’il a fêté ses 45 ans, qu’est-ce qui t’a donné envie de l’interpréter en entier pour sortir ce tout premier album live de BUFFALO REVISITED ?

Le spectacle où cela a été enregistré était une célébration du 45ème anniversaire de la sortie de « Volcanic Rock ». Ca semblait approprié de le faire et de satisfaire la demande constante des fans. Je n’ai jamais eu l’intention de faire un album live, mais j’avais demandé à l’ingénieur du son sur place de l’enregistrer comme souvenir pour les membres du groupe. Je ne m’attendais pas à ce que cela débouche sur une sortie commerciale. Ce n’est même pas du multipiste, juste un sous-mixage quatre pistes directement sorti de la console, ce qui prouve d’ailleurs la force du groupe et le talent du preneur de son. Ensuite, j’ai été contacté par Todd Severin de Ripple Music, qui est fan de BUFFALO, et il voulait savoir s’il y avait des trucs qu’il pourrait sortir aux Etats-Unis via son label. Je lui ai envoyé une copie approximative des chansons en direct et à ma grande surprise, il était très désireux de le sortir. Je dois remercier Todd et son équipe de m’avoir fait réaliser que notre musique est toujours appréciée bien au-delà des côtes australiennes.

– En écoutant « Volcanic Rock Live », on se rend compte que les morceaux restent intemporels et surtout que, 45 ans après, la puissance de ton chant est intacte. As-tu des regrets que l’aventure n’ait pas duré plus longtemps à l’époque ?

En fait, mon aventure a toujours continué, mais sur des routes nouvelles et différentes. Bien sûr, cela aurait été bien d’avoir plus de reconnaissance avec BUFFALO et de l’emmener partout dans le monde, mais ce n’était pas possible à l’époque. Mais je n’ai aucun regret. En fait, je pense que c’est même mieux. Trop de groupes ont du mal à se dépasser pour finalement dévaloriser ce qu’ils ont créé à l’origine. Toutes les choses ont une fin et rien ne dure éternellement. Si nous restons immobiles, nous stagnons et nous devenons des caricatures. Ce que nous avons fait à l’époque semble avoir résisté à l’épreuve de temps et nous ne devrions jamais gâcher cela en faisant quelque chose de nul. Et je te remercie pour le compliment sur mon chant et ce qu’il en reste. C’est simplement parce que je reste enthousiaste et que j’aime ce que je fais. Je ne suis ni lassé, blasé ou cynique.

– BUFFALO a montré la voie à de nombreux groupes australiens, et pas seulement, et on l’oublie un peu. Es-tu conscient de l’énorme héritage laissé par le groupe ?

Je suppose que j’en ai conscience, mais ce n’est pas quelque chose sur laquelle je m’attarde. A l’époque, on croyait en ce que nous faisions malgré le fait d’être ignoré par la radio et le ‘business’. Et maintenant nous voyons la reconnaissance, l’estime et l’amour des fans près de 50 ans plus tard et c’est pour moi plus précieux que de rester quelques semaines dans les charts. Je ne me soucie pas vraiment de la célébrité et de la taille des comptes bancaires, j’adore faire de la musique et j’ai eu la chance de pouvoir passer ma vie à le faire à ma manière, et sans l’interférence ou les manipulations de comptables et de managers. Il ne nous est jamais venu à l’esprit que nous allions influencer d’autres groupes, nous avons juste continué notre truc. Si nous l’avons fait, c’est un bonus supplémentaire.

– Le Rock très proto-Metal de BUFFALO a influencé de nombreux courants musicaux comme le Hard Rock, le Heavy Metal, le Stoner ou le Doom tout en gardant une touche très Blues Rock et Pub Rock. Actuellement, de quels styles et groupes te sens-tu le plus proche artistiquement ?

 Je dois avouer que je ne fais pas beaucoup attention à ce que font les autres groupes, je me concentre sur mon propre travail. Cela dit, je ne vois personne que je décrirais comme proche de BUFFALO sur le plan artistique. D’après ce que j’ai entendu des groupes de Heavy Rock les plus récents, ils semblent tous avoir le même son avec des guitares saturées et floues, un million de notes dans chaque mesure et des voix grondantes que je ne peux pas distinguer. Cela semble être devenu une formule très restreinte.

– « Volcanic Rock Live » est donc votre seul album live. Il a été enregistré à Sydney devant quelques chanceux. Dans quelles conditions s’est déroulé le concert et comment est née cette collaboration avec Kent Stump de Wo Fat ?

Comme tu le dis, c’est notre seul album live et je suis heureux que cela se soit réellement produit. Le concert a eu lieu au ‘Crow Bar’ à Sydney devant un public limité, autour de 250 personnes. Et c’est quelque chose dont je suis fier. Quant à la ‘collaboration’ avec Kent, elle est née parce que Ripple lui a demandé de concevoir la pochette de l’album et je dois dire qu’il a fait un travail remarquable. En dehors d’échanges d’e-mails pour finaliser le design, je ne connais pas vraiment Kent, mais j’admire son travail.

– Enfin, ces quelques concerts et surtout la sortie de cet album t’ont-ils donné envie de continuer l’aventure, et pourquoi pas de composer de nouveaux morceaux pour donner une seconde vie à BUFFALO ?

Je ne dis jamais non, mais ce n’est pas dans mes plans de continuer les concerts avec BUFFALO REVISITED. Ripple Music a de quoi sortir un autre album de ce dernier concert et il peut choisir de le sortir dans le futur. Nous n’avons pas encore finalisé d’accord à ce sujet. Quant à écrire de nouvelles chansons, qui sait de quoi demain sera fait? Je ne m’attendais pas à sortir un album live via Ripple, mais c’est arrivé ! Le monde est un endroit étrange et merveilleux.

« Volcanic Rock Live » est disponible chez Ripple Music.

Retrouvez la chronique de l’album :

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Heavy metal Heavy Psych Rock International Proto-Metal

Warlung : une question d’équilibre [Interview]

Au croisement entre le Psych et le vintage, WARLUNG présente une Heavy Metal tranchant et mélodique. Bardé de solos enflammés, de chorus très NWOBHM et d’un travail très précis sur les voix, le style des Texans repose sur autant de traditions que sur un aspect visionnaire où l’esprit et le son du Doom a laissé une forte empreinte. Sorti en novembre dernier, le quatrième album du quatuor embrasse les générations avec malice et puissance. Entretien avec un combo ravit de venir poser ses valises en Europe le mois prochain pour quelques dates.  

– Dès 2017 avec « Sleepwalker », vous avez conquis la scène underground Heavy Rock, et moins de six ans après, WARLUNG en est déjà à son quatrième album. Vous imaginiez que les choses iraient aussi vite ?

Eh bien, je ne suis pas sûr que nous ayons encore conquis la scène underground, mais nous y travaillons ! Le projet a commencé par une jam amusante et c’est vrai que nous n’aurions jamais pensé faire quatre albums. Heureusement, nous avons des fans géniaux et avec l’aide de Heavy Psych Sounds Records, nous nous sentons plus inspirés que jamais. L’écriture peut être rapide même si, pour nous, nous sommes toujours impatients de travailler sur de nouveaux morceaux. Et malgré ce nouveau disque tout juste sorti, nous discutons déjà des prochains et de tournées.

– Avec « Optical Delusions », vous aviez déjà placé la barre très haut et sur « Vulture’s Paradise », vous vous surpassez à nouveau. Dans quel état d’esprit étiez-vous au moment de la composition ? Vous sentiez que vous aviez un nouveau challenge à relever ?

Il peut être à la fois effrayant et inspirant de se fixer un objectif. D’un côté, nous nous inquiétons de la façon dont nous sommes censés améliorer les choses, mais de l’autre, nous nous disons : « Qui s’en soucie ? Faisons simplement la musique que nous voulons entendre ! ». À chaque enregistrement, nous regardons en arrière et discutons de ce que nous avons bien fait et de ce que nous pourrions mieux faire. En théorie, tout devrait être plus élaboré. Que cela se produise, ou pas, dépend aussi de nos auditeurs. Mais quand on compose, c’est avant tout pour s’amuser.

– En réécoutant votre précédent album, j’ai trouvé que « Vulture’s Paradise » se présentait comme une suite logique. Vous semblez ne pas avoir tout dit sur « Optical Delusions », c’est le cas ?

Jusqu’à présent, chaque fois que nous répétons, chaque concert que nous faisons et chaque fois que nous sommes allés en studio, c’était génial. On arrêtera de faire de la musique uniquement quand ça cessera d’être amusant. Je ne peux pas parler pour l’avenir, mais à l’heure actuelle, le puits créatif n’a pas fini d’être exploité. Nous avons toujours plus de matériel, donc il reste beaucoup d’idées. Sur « Vulture’s Paradise », par exemple, nous avions environ 60 minutes de musique et nous n’en avons enregistré que 44. Chaque album est un mélange de morceaux plus anciens et retravaillés avec des choses plus récentes, de sorte que les albums ont tendance à ressembler à une transition naturelle.

– Il y a un côté obsédant dans la musique de WARLUNG, qui vient sûrement de l’ambiance et de l’esprit jam qui règnent sur vos albums. Pourtant, tout semble très écrit malgré tout. A quel moment l’improvisation intervient-elle lors de l’écriture ?

Nous apportons tous nos idées. Parfois, l’un d’entre-nous enregistre un brouillon de quelque chose sur lequel il a travaillé ou le joue simplement lorsque nous sommes ensemble. Qu’il s’agisse d’un riff, d’une mélodie ou simplement de paroles, il y a généralement suffisamment de matériel pour concevoir un morceau. Nous voyons tellement de groupes jouer un riff et rester dessus. C’est agréable de temps en temps, mais ça devient vite fatigant d’entendre ça chanson après chanson, disque après disque, groupe après groupe. Nous préférons concevoir notre musique avec un peu plus d’intention pour la garder intéressante et unique. Cependant, nous avons envisagé d’ajouter de l’improvisation dans nos concerts et sur un futur disque également, alors nous verrons !

– J’aimerais que vous nos disiez aussi un mot sur les textes. Ils traitent souvent de la mort et de la destruction. Vos paroles semblent en totale opposition à la luminosité de votre musique. C’est un contraste sur lequel vous aimez jouer ? Ou c’est par ironie ou une sorte de contre-pied ?

Même si nous ne nous considérons pas comme ‘Doom’, nous aimons toujours explorer les thèmes sombres inhérents à ce type de musique. Nous explorons consciemment des concepts et des récits pour que chaque chanson ait sa propre identité. Nos paroles vont d’événements historiques au psychédélisme ou même de la vente d’organes sur le marché noir, par exemple. Mais finalement, les histoires de création et de destruction sont les plus anciennes jamais racontées. La plupart des religions, des films et de la littérature fait aussi très souvent référence à ce concept, parce qu’il est tellement familier avec l’expérience humaine.

– Par ailleurs, WARLUNG combine un registre basé sur l’héritage de la NWOBHM avec des éléments proto-Doom, Psych et Prog 70’s. Et pourtant, la production de vos albums est très actuelle. Alors que beaucoup de groupes s’immergent dans des réalisations entièrement vintage, WARLUNG joue encore sur le contraste entre la modernité et le passé. Vous semblez aimer toutes formes de dualité finalement. C’est un exercice qui vous plait à ce point-là ?

A un moment donné du processus d’enregistrement, nous avons une conversation avec les ingénieurs du son sur ce point précis. Nous nous efforçons de trouver un juste milieu entre le son vintage et moderne. Les groupes qui font un son totalement vintage sont impressionnants, mais nous n’y arriverons probablement pas. Nous ne sommes pas un groupe basé sur le jam ou le psychédélisme, donc notre musique nécessite une touche moderne. De plus, nous apprécions autant les groupes modernes que les classiques. Nous n’avons donc aucune raison de nous en tenir à l’un ou à l’autre. Nous pouvons faire l’équilibre entre ces deux mondes.

– Enfin, un mot sur la tournée européenne qui se profile en février. Comment l’abordez-vous et qu’en attendez-vous par rapport au public américain que vous connaissez bien maintenant ?

Nous avons été signés chez Heavy Psych Sounds Records pendant la pandémie et comme nous n’avons pas encore pu nous déplacer, nous sommes très, très excités à l’idée d’aller à l’étranger ! Malheureusement, notre section rythmique reste chez nous pour s’occuper d’un souci de santé familial. Même s’ils vont nous manquer, nous croyons en la famille d’abord et soutenons leur décision de rester. Heureusement, nos amis Travis et Austin de Houston’s Kill The Lizard vont nous rejoindre à la basse et à la batterie ! En Amérique, nous pouvons jouer devant deux personnes ou 200, donc nous n’avons aucune attente. Nous sommes simplement heureux d’être là. L’opportunité de jouer devant des gens du monde entier et de voir des endroits où nous ne sommes jamais allés est un rêve absolu. Alors si vous nous voyez dans votre ville, venez partager une bière avec nous !

« Vulture’s Paradise » est disponible chez Heavy Psych Sounds Records.

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Lee Aaron : d’une rare authenticité [Interview]

Revenue brillamment sur le devant de la scène il y a quelques années et saluée par son précédent album, « Radio On! », LEE AARON semble entamer avec un féroce appétit une seconde partie de carrière, qui lui va vraiment très bien. Avec « Elevate », la Canadienne persiste avec son groupe à livrer des chansons toujours aussi Rock et Hard avec ce soupçon si particulier et bluesy dans la voix. Une nouvelle fois, elle vient nous parler de son nouvel opus avec toute la fraîcheur et le côté direct qui la caractérise. 

Photo : Theresa Mitchell

– L’an dernier, lors de notre dernière interview, je t’avais trouvé particulièrement épanouie d’autant que « Radio On! » était un album très réussi. Quel accueil a-t-il reçu et a-t-il été au niveau de tes attentes ?

J’ai reçu d’excellentes critiques et il s’est très bien vendu, alors oui, je dirais que j’ai été comblée. J’étais très contente de cet album et de la qualité des chansons qui contient. Je pense que le groupe est devenu meilleur au niveau de l’écriture. Mais j’essaie de ne pas me fixer d’attentes particulière, parce qu’on ne peut pas faire de la musique en espérant plaire aux autres. Il faut d’abord se faire plaisir. Ensuite, on espère que d’autres l’aimeront aussi. Par exemple, notre album de Noël, « Almost Christmas », n’a pas reçu de critiques élogieuses de la part de la presse Metal, mais le single « It Doesn’t Often Snow At Christmas » a obtenu des dizaines de milliers de streams, donc les gens l’aiment et l’écoutent.

– « Elevate » arrive finalement assez rapidement, et il a été composé durant le confinement. Tu l’as vécu comme une façon de rompre avec l’isolement et peut-être aussi de transformer la situation en source d’inspiration ?

Absolument. Nous avons fait deux émissions pour « Radio On! », puis le monde s’est à nouveau arrêté. Je sentais qu’il était très important de garder le groupe connecté et créatif, alors j’ai décidé que nous devions faire un autre album tout de suite. « Elevate » a été écrit et enregistré entre l’été 2021 et le printemps 2022. C’est un projet qui a permis de garder tout le monde très concentré et positif.

Photo : Theresa Mitchell

– Depuis « Radio On! », tu fais preuve à travers tes morceaux d’une énergie incroyable et cela se traduit par des chansons extrêmement positives. C’est ta manière de travailler qui a changé, ou c’est un regard neuf sur ta démarche artistique ?

Comme je te le disais, je pense que le groupe a atteint un point idéal dans la composition des morceaux et la compréhension de chacun d’entre-vous. Nous avons tous des influences différentes que nous faisons fusionner pour qu’elles se fondent toutes pour créer notre ‘son’. C’est très Rock, c’est costaud et positif. Dave aime vraiment la Power-Pop, Sean aime les classiques des années 80 et j’aime tout de la Pop au Metal en passant par le Punk et le Blues. D’une manière ou d’une autre, tout finit par bien se mélanger et il en ressort du LEE AARON.

– D’ailleurs, et comme son nom l’indique, « Elevate » est une invitation à aller de l’avant dans sa vie et ses projets. Ton objectif était de délivrer un message positif et de transmettre ton côté très volontaire ?

Je ne suis pas sûr d’avoir commencé à écrire « Elevate » dans un ‘but’ précis. Cependant, il était difficile de ne pas être affecté par ce qui se passait dans le monde à l’époque. La pandémie, et le fait de ne plus pouvoir se voir en personne, semblaient faire ressortir le pire des gens en ligne. Les médias sociaux ont la capacité de diviser complètement les bonnes personnes et c’était difficile à regarder. Le thème général de l’album reflète cela, mais il y ajoute : « Hey, soyez intelligents et gentils les uns avec les autres ! »

– Sur « Elevate », on retrouve à nouveau ce côté très live et spontané. Vous enregistrez toujours tous les quatre ensembles ? Et il y aussi quelques arrangements de cordes très bien sentis…

Merci ! Oui, nous avons encore enregistré tous et en direct dans la même pièce aux Armory Studios de Vancouver. C’est notre manière préférée d’enregistrer. Je pense que le plaisir se traduit sur les morceaux quand vous pouvez tous être dans le même espace en train de rire ensemble. Et pour les cordes, j’ai fait tous les arrangements au synthé moi-même à la maison, et le violon (sur « Spitfire Woman ») a été joué et enregistré à Winnipeg par une merveilleuse violoniste nommée Karen Barg.

Photo : Theresa Mitchell

– Ce nouvel album garde toujours ce côté Rock très rafraîchissant et qui est devenu ta signature depuis « Fire And Gazoline » notamment. Finalement, c’est cet aspect brut et direct qui te convient le mieux, je trouve. On te sent en recherche d’efficacité tout en restant très spontanée. Tu ne te reconnais pas dans les grosses productions actuelles, souvent surfaites ?

Je crois que ‘moins’ se traduit par ‘plus’ en matière de production. Nous avons essayé de garder des choses très simples avec seulement deux pistes de guitare sur la plupart des chansons et tous les chœurs sont chantés par tout le groupe. J’ai appris au fil des ans qu’en ajoutant plus de choses, cela ne sonnait pas nécessairement plus gros. Cela rend simplement la production plus épaisse. L’une des choses merveilleuses à propos de mon groupe est que ce sont tous des musiciens fantastiques. Nous n’utilisons jamais de pistes d’accompagnement ou de clics en live et nous n’avons pas besoin d’ordinateurs pour faire un concert. Et je veux que les albums reflètent cela.

– J’aimerais aussi qu’on dise un mot au sujet de ta collaboration avec Mike Fraser. Il semble avoir vraiment saisi l’esprit de ton écriture et l’identité musicale du groupe. Comment se traduit son implication dans la production de l’album ?

Ce sont de très beaux compliments, merci. J’adore vraiment travailler avec Mike. Il est très talentueux et c’est un merveilleux ingénieur et mixeur, de classe mondiale et à tous les niveaux. J’ai produit l’album et géré la sélection finale des chansons et les arrangements qui, selon moi, étaient l’essence de ce que nous essayions de transmettre avec « Elevate ». Mike est un génie des sons de guitare organiques et de batterie. Et c’est là qu’il brille vraiment sur cet album. J’ai beaucoup appris en travaillant avec lui. De plus, c’est également une personne incroyable.

Photo : Theresa Mitchell

– Sur « Elevate », tu parles aussi des réseaux sociaux et de leurs dangers. Tu dis qu’il faut en éviter les pièges et je suis entièrement d’accord. Sans faire de leçons de morale, de quelle manière t’en préserves-tu, car on peut aussi en tirer bien des avantages ?

Je suis totalement coupable de passer trop de temps sur Internet comme tout le monde. Cependant, j’ai essayé d’être beaucoup plus consciente de la façon dont j’utilise les médias sociaux au cours des deux dernières années. Pendant le Covid, j’ai eu l’impression qu’il y avait un changement dans le comportement des gens en ligne. Sans interaction humaine et de responsabilité en face à face, les gens sont devenus assez méchants dans leur discours avec les autres. Il y a une polarisation effrayante qui se produit parce que ce que nous voyons que notre ‘flux’ et il est contrôlé par des analyses et des robots. Les gens ne voient vraiment que des informations qui correspondent à leur point de vue. Quand quelqu’un présente un avis différent, il se sent trahi ou choqué par celui-ci. Et la moitié du temps, les informations sont imposées, car il n’y a aucun contrôle en ligne pour empêcher les mensonges de devenir viraux. C’est un problème dangereux et omniprésent. J’espère que les gens prennent le temps de comprendre ce qui se passe, plutôt que de le perdre à faire défiler des vidéos Tik-Tok. Et puis, les médias sociaux peuvent également être mobilisés pour faire beaucoup de bien.

– Enfin, tu es venue jouer en France il y a peu de temps. Comment as-tu trouvé l’accueil du public, et quels souvenirs marquants en gardes-tu ? 

Nous adorons la France ! Le public était incroyable et mes moments préférés ont été de rencontrer les fans après le spectacle. Ils étaient tous si chaleureux et aimables. Beaucoup avaient attendu des années pour nous voir et nous avons vraiment pu partager leur enthousiasme. Les organisateurs du festival étaient de vrais amateurs de musique Hard Rock et leur mission était de faire venir des groupes dont ils étaient fans. Ce genre de passion est vraiment spécial et ce sont mes types de festivals préférés. Et nous avons pu visiter la maison d’enfance d’Arthur Rimbaud qui appartient à Patty Smith, donc c’était génial aussi !

Le nouvel album de LEE AARON, « Elevate », est disponible chez Metalville Records.

Retrouvez également la première interview donnée à Rock’n Force par la chanteuse canadienne :

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Doom International

Candlemass : roots of Doom [Interview]

Ce n’est pas exagéré de dire que « Sweet Evil Sun » est le meilleur album de CANDLEMASS depuis bien longtemps. D’une part parce qu’il légitime enfin Johan Längqvist comme frontman irremplaçable au sein du quintet suédois, mais aussi et surtout car la qualité des morceaux et l’excellente production de Marcus Jidell (d’Avatarium, groupe fondé par Leif Edling) font de ce treizième opus un modèle du genre… le Doom, dont les Scandinaves revendiquent la paternité. Mats ‘Mappe’ Björkman, guitariste et membre fondateur, fait le point sur l’actualité de CANDLEMASS et ce registre qu’il chérit tant.

– Avant de parler de l’album, j’aimerais qu’on dise un mot sur votre nomination aux Grammy Awards. C’est une belle consécration et au-delà de ça, c’est une très bonne chose que le Doom se démocratise enfin, non ?

Oui, c’est fantastique et pas seulement pour nous, même si cela nous appartient. Pour l’ensemble de notre carrière, c’est une énorme marque de respect et nous sommes vraiment ravis. Ce n’est pas quelque chose que nous avons cherché ou attendu. Ce n’était pas un objectif. C’est un sentiment très étrange et c’est aussi une très grande fierté, vraiment.

– Près de 40 ans après leur sortie « Epicus Doomicus Metallicus » et « Nightfall » sont toujours des modèles pour les nouveaux comme les plus anciens groupes de Doom. Même si Black Sabbath avait posé les bases, cela doit être assez incroyable de se dire que l’on est l’un des principaux créateurs d’un style et d’avoir un si bel héritage…

Oui, c’est génial ! Lorsque nous jouons ces morceaux, c’est incroyable de voir que le jeune public les connait presque tous par cœur, alors que ces mêmes fans n’étaient pas nés. C’est quelque chose qui nous rend très fiers. Parfois, j’ai même du mal à y croire. Dès le départ, nous l’avons fait pour eux à l’époque. C’est vrai qu’on peut nous comparer à Black Sabbath, bien sûr. Le style est aussi Metal et leurs premiers albums sont fantastiques. Mais le Doom est arrivé avec nous. Il y avait des prémisses dans les années 70 évidemment avec des tas de styles différents. Et quand nous sommes arrivés, on a commencé à appeler ça le Doom Metal, et c’était juste fantastique ! Bien sûr, Black Sabbath a beaucoup contribué à tout ça avec un jeu très lent. Et ensuite, CANDLEMASS a développé le style et à chaque fois, je suis surpris par l’impact que cela a eu.

– A la sortie de « Sweet Evil Sun », tu as dit qu’il s’agissait d’un retour aux sources pour CANDLEMASS. Or, je n’ai pas l’impression que vous vous en soyez éloignés au fil du temps. Alors qui a-t-il de si différent sur ce nouvel album, selon toi ?

Je pense qu’il représente un condensé de ce qu’est CANDLEMASS. Il n’y rien de nouveau, mais nous allons toujours dans la même voie, celle que nous suivons depuis nos débuts. C’est vrai que nous avons toujours joué le même style, mais nous avons adapté les formats et les sonorités aux époques que nous avons traversées. Peut-être que « Sweet Evil Sun » a des sonorités et des intentions qui se rapprochent plus de nos débuts. Cela dit, ce serait stupide de vouloir refaire les mêmes albums. Nous évoluons en permanence, mais dans une certaine continuité également. L’album est très Heavy avec des mélodies : il y a tout ce qu’est CANDLEMASS. C’est quelque chose dont nous sommes fiers !

– Est-ce que cela a aussi à voir avec le fait que CANDLEMASS retrouve son line-up de 1987, la grande époque du groupe ?

Oui bien sûr, cela a certainement joué, c’est vrai. Nous avons souvent changé de chanteur, mais nous avons toujours fait la même musique. Nous nous sommes dit effectivement que c’était le bon moment pour Johan (Längqvist – NDR) de nous rejoindre. Nous lui avons donc demandé de revenir.

– C’est aussi le deuxième album consécutif avec lui au chant. Finalement, c’est bel et bien le meilleur chanteur que CANDLEMASS ait eu, le plus en phase avec la musique du groupe, non ?

Je pense que dans un certain sens, les autres étaient très bons aussi. Tous ont apporté quelque chose de vraiment bénéfique à CANDLEMASS et de très belle manière. Mais c’est vrai que Johan vit vraiment ce qu’il chante, il est imprégné de Doom. Il est de retour depuis 2016 maintenant et il est le chanteur qui a eu le plus d’impact dans le groupe. C’est certain qu’il est génial pour CANDLEMASS, et il est une partie de nous. Au départ, il ne voulait pas revenir pour des raisons personnelles et il pensait que ce n’était pas non plus le bon moment. Mais maintenant, le timing est parfait pour ce que nous souhaitons faire. Oui, c’est sans conteste le meilleur chanteur de CANDLEMASS, sans aucun doute.

– D’ailleurs, l’ensemble de « Sweet Evil Sun » est très fluide, on sent une réelle unité et une grande complicité entre vous. Avez-vous pris plus de plaisir à l’enregistrement ? Et est-ce que Johan a participé plus activement à l’écriture de son côté ?

Non, pas vraiment… C’est toujours Leif (Edling, bassiste et fondateur – NDR) qui décide de tout ! (Rires) D’ailleurs, il fait presque tout, mais ce n’est pas un dictateur : nous faisons les choses ensemble ! Mais Johan était avec nous en studio, ce qui n’était pas arrivé depuis des années et il a aussi donné ses idées sur les morceaux. Et Leif l’a laissé faire. Il y avait un réel esprit d’équipe, tout le monde a travaillé ensemble sur l’album. Chacun a pu apporter sa pierre à la musique de CANDLEMASS. Nous sommes un groupe vraiment uni, comme des frères. C’est vrai que cela faisait longtemps que Johan n’était pas resté avec nous aussi longtemps et je peux l’entendre sur le disque. Nous sommes une équipe ! 

Mats ‘Mappe’ Björkman lors du Festival « Metallian Birthday Party » célébrant les 30 ans du magazine en mai dernier par Melissa Beugnies Photography.

– Je trouve que « Sweet Evil Sun » est un album sombre, mais aussi très mélodique. Est-ce que tu penses que c’est peut-être aussi l’album le plus accessible de CANDLEMASS ?

Mouais… C’est quelque chose que plusieurs amis m’ont aussi dit. C’est vrai qu’il est très bien produit, il est très Doom aussi, très roots et très ancré dans notre époque également. C’est très difficile de le comparer à d’autres. C’est vrai aussi qu’il a déclenché pas mal de choses comme cette nomination aux Grammy Awards. Et puis, les retours des médias sont très, très bons. Il nous a peut-être permis d’accéder à certaines nouvelles choses, mais cela reste incontestablement du CANDLEMASS !  

– Pour conclure, j’aimerais que tu me donnes ton impression sur la scène Doom actuelle qui s’étend du Metal au Rock en passant par le Stoner. Une fois encore, vous avez fait des émules et dans beaucoup de styles. Ca doit être aussi une grande fierté, j’imagine ?

Oui, bien sûr, et c’est génial ! Je suis très attentif à la scène Doom actuelle, qui va même jusqu’au Black Metal. J’ai beaucoup de respect pour tous ces groupes, car ce qu’ils font est unique. Et la scène Doom est en train de devenir une entité à part entière. Si l’on compare le Doom actuel avec les débuts, elle n’a plus rien à voir. Elle s’est considérablement élargie. Avec Black Sabbath et Trouble, nous sommes à l’origine du Doom Metal et une influence majeure. Les groupes d’aujourd’hui se construisent autour de ça en faisant des choses très différentes. Par exemple, beaucoup d’entre eux jouent très lentement… très, très lentement ! (Rires) Nous, nous sommes un groupe de Metal et c’est vrai que notre empreinte est partout. C’est vraiment fantastique ! 

Le nouvel album de CANDLEMASS, « Sweet Evil Sun », est disponible chez Napalm Records.

Et retrouvez la chronique de l’album :