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Rock Hard

Cassidy Paris : rockin’ lady

Même si elle n’était déjà plus une débutante, CASSIDY PARIS avait réalisé une belle entrée en matière avec « New Sensation » il y a deux ans. Le plus difficile est toujours de confirmer et avec « Bittersweet », la mission de la jeune artiste est accomplie. Se référant aux pionnières du Rock, tout autant qu’à la scène Hard Rock 80’s, ainsi qu’à certaines tendances plus modernes, la musicienne réussit le tour de force d’actualiser un registre qui a fait ses preuves et auquel elle apporte sa personnalité avec beaucoup d’impact et de conviction.

CASSIDY PARIS

« Bittersweet »

(Frontiers Music)

Du haut de ses 23 ans, CASSIDY PARIS compte déjà deux EPs (« Broken Hearted » et « Flirt ») et un premier album, « New Sensation » sorti en 2023 et très bien accueilli. La jeune chanteuse et guitariste continue sur sa lancée et livre aujourd’hui « Bittersweet », où elle marque certaines intentions de manière très claire. Tout d’abord, elle a grandi bien sûr et sa musique aussi. Dans un Rock musclé tirant sur le Hard Rock et très inspiré par la scène américaine avec des groupes comme Bon Jovi ou Warrant notamment, elle emprunte aussi à ces consœurs une fougue féminine à la fois sexy et débridée, façon Pink et Avril Lavigne.

Toujours entourée de son complice Paul Laine, ainsi que Steve Brown, CASSIDY PARIS s’affirme enfin, là où « New Sensation » versait peut-être dans des mélodies faciles. La frontwoman durcit le ton, impose sa voix qui a aussi gagné en puissance et surtout présente des parties de guitares nettement plus convaincantes. L’australienne a mûri et cette maturité s’en ressent dans ses compositions. Egalement compositrice, elle raconte ici sa vie de jeune femme sans détour et s’adresse directement à ses fans qui la suivent aux quatre coins du monde. Sincère et convaincante, elle roule pour un Rock Hard fédérateur.

Sur une production très moderne, « Bittersweet » est accrocheur, bardé de riffs costauds, de solos bien sentis et de chœurs qui apportent ce souffle ‘Power Pop’ très rassembleur. Si elle sait se faire plus douce sur des titres mid-tempos parfois touchants (« Can’t Let Go »), CASSIDY PARIS révèle son caractère sur des morceaux plus pêchus et entraînants, où elle se montre vocalement très sûre d’elle (« Butterfly », « Stronger », « Wannabe », « Undecided », « Brand New Day », « Is Anybody Out There »). Si certaines influences sont toujours très présentes, une personnalité émerge vraiment et on ne parle plus ici d’épiphénomène.   

Photo : Ian Ritter

Retrouvez son interview à l’occasion de la sortie de « New Sensation » :

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Rock Progressif

Airbag : la beauté et l’élégance

Aérienne et immersive, deux adjectifs qui reviennent régulièrement et de manière inévitable qualifier la musique d’AIRBAG. Pleine d’émotion et hors du temps, elle possède ce don de transcender un Rock Progressif qui, s’il ne manque pas de références, a su les gommer au fil des disques pour devenir parfaitement identifiable. Le combo possède un son et une élégance inimitable qu’il parvient à restituer en concert, grâce à un répertoire pointu et d’une sophistication non-exagérée. « Dysphoria (Live In The Netherlands) » vient couronner et se faire le témoin d’une dernière tournée qu’il fallait immortaliser.

AIRBAG

« Dysphoria (Live In The Netherlands) »

(Karisma Records)

Un peu plus de 20 ans après leur première invitation en format court, « Come On In », AIRBAG est devenu incontournable dans le petit monde du Rock Progressif. Alors qu’on les retrouve souvent à cinq sur scène, c’est surtout le trio composé d’Asle Tostrup (chant, claviers, programmation), Henrik Bergan Fossum (batterie) et Bjørn Riis (guitare, basse, claviers et chant) qui œuvrent à la création. Cette fois au complet, c’est au Poppodium Boerderij de Zoetemer au Pays-Bas, qu’ils ont capté l’une de leurs prestations et le plaisir s’étend ici sur près d’une heure quarante pour un voyage aux paysages captivants.

Les fans apprécieront, d’autant que malgré une discographie de six albums, les Scandinaves n’avaient pas encore enregistré d’album live. C’est donc chose faite avec « Dysphoria (Live In The Netherlands) », doublement fourni et qui, en plus de proposer l’intégralité du dernier opus studio « The Century Of The Self », rassemble leurs désormais classiques. Afin de retrouver toute la finesse et la précision de leur travail en studio, c’est leur ingénieur du son de longue date, Vegard Kleftås Sleipnes, qui s’est chargé de restituer la couleur et la brillance du répertoire d’AIRBAG. Un travail minutieux et exemplaire en tous points.

Artistiquement, les Norvégiens sont probablement à leur apogée, tant leurs dernières productions sont d’une créativité toujours renouvelées et c’est cette énergie forte combinée à une beauté très délicate qui transparaît sur ce live. Amples et cinématographiques, les morceaux prennent ici une dimension supplémentaire pour livrer des moments assez époustouflants (« Machines And Men », Redemption », « Dysphoria », « Erase », « Tear It Down » et ses 16 minutes, ou encore « Homesick » qui clot le concert sur plus de 20 minutes). AIRBAG confirme qu’il est aussi un véritable groupe de scène à l’intensité rare.

Photo : Anne-Marie Forker

Retrouvez les dernières chroniques et interviews du groupe, ainsi que celles des albums solo de Bjørn Riis :

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Classic Rock Heavy Blues International

Tapeworm Electric : une profondeur intemporelle [Interview]

Très instinctif, malgré un ancrage profond dans un Classic Rock très anglais, TAPEWORM ELECTRIC sort son épingle du jeu et frappe fort avec un premier album très réussi. Le quintet hellène semble même avoir trouvé son allure de croisière et livre un Heavy Blues percutant, basculant à l’envie vers un Hard Rock brûlant. Grâce à une chanteuse dont la voix est aussi puissante qu’envoûtante, la formation athénienne sonne très live et la spontané dont elle fait preuve la rend encore plus accrocheuse. Le groupe revient sur la sortie, toute récente, de son premier opus « Moonshine ».

– A la sortie de votre premier EP, « Fire » en 2019, vous aviez déjà fait forte impression et les quatre singles sortis en 2021 et 2022 avaient confirmé votre potentiel. Vous sortez votre premier album après huit ans d’existence. L’attente est finalement assez longue. Aviez-vous besoin de certitudes sur vos morceaux et votre jeu ?

La principale raison de ce retard vient de la stabilité du line-up. Lorsque nous nous sommes sentis en confiance en tant que groupe, nous avons commencé à travailler sur la création de cet album. Pet parmi les autres raisons, on peut citer la baisse d’activité pendant la période du Covid et des difficultés personnelles que nous avons aussi pu rencontrer individuellement.

– Vous avez aussi récemment signé chez Pitch Black Records. Cela faisait-il également partie des conditions pour sortir « Moonshine », d’avoir le support d’un label ?

Oui, le soutien et les conseils d’un label, qui se soucie réellement de la musique et du groupe, ont grandement facilité la sortie de l’album. Pitch Black Records s’est chargé de toute la distribution, du pressage des CD, de la promotion, etc… Nous avons ainsi pu nous concentrer pleinement sur la création des morceaux.

– « Moonshine » est particulièrement abouti pour un premier album, grâce à des morceaux très accrocheurs et aussi une production très soignée. On a vraiment l’impression que TAPEWORM ELECTRIC est passé à la vitesse supérieure. Comment s’est passé l’enregistrement et quelles ont été vos priorités afin d’obtenir ce son si organique, chaleureux et authentique ?

C’est un grand compliment pour nous, merci beaucoup. En effet, nous avons pris le temps de présenter nos idées et nous avons gardé celles qui nous semblaient justes. Nous sommes ensuite passés à la préproduction : nous avons enregistré les morceaux, les avons écoutés et apporté quelques modifications, avant d’entrer en studio pour finaliser l’album. On privilégie toujours l’expressivité des chansons, sans en faire trop. Nous nous concentrons sur les mélodies, des performances solides et l’énergie live du groupe. Au niveau de la production audio, on a surtout cherché à conserver un son aussi naturel que possible. Sur le disque, vous entendez de la vraie batterie, de vraies guitares et il n’y a aucun traitement par IA sur les voix.

– Passé « Interlude », l’intro basée sur une slide très épurée, on pourrait s’attendre à ce que « Moonshine » tende plutôt vers le Blues et pourtant, c’est le côté Heavy Rock qui prend le dessus. Votre Classic Rock est très intemporel, même s’il sonne actuel. Est-ce que votre intention est de perpétuer cet héritage Rock et comment cela se traduit-il dans votre écriture ?

Le blues n’est-elle pas la mère de toute la musique contemporaine ? Par ailleurs, c’est vrai qu’on adore le son du Heavy Blues britannique et ensuite son évolution vers le Hard Rock. On a grandi en écoutant Led Zeppelin, Deep Purple et Uriah Heep. Ces héros nous inspirent beaucoup, mais notre écriture est spontanée. On essaie de composer pour exprimer ce qu’on ressent et créer une musique qui nous parle.

– Cela dit, il y a toujours un fond bluesy chez TAPEWORM ELECTRIC, comme s’il était un peu la base de votre musique. Le percevez-vous comme le socle de votre style, celui qui vient propulser ensuite une dimension clairement Rock et très 70’s aussi ?

Cette influence bluesy est innée, elle coule vraiment dans nos veines. Notre style repose avant tout sur nos influences, et notamment sur tous ces grands groupes de Rock des années 70 inspirés par le Blues donc, mais aussi par des formations qui vont de Fleetwood Mac à Black Sabbath.

– Pour celles et ceux qui vous suivent depuis vos débuts, il y a une grande similitude entre le morceau qui ouvrait « Fire », c’est-à-dire « Worms », et « Moonshine », qui figure sur l’album. S’en est même bluffant, c’est une sorte de signature ?

Le seul point commun entre « Worms » et « Moonshine », c’est leur intro très Blues. « Worms » est un morceau Hard Rock Shuffle qui parle de la société actuelle, tandis que « Moonshine » est une chanson d’amour aux guitares saturées. Les tempos et les structures d’accords sont également différents. Pourtant, c’est vrai qu’il existe une formule que nous avons tendance à utiliser régulièrement dans notre approche des riffs et l’architecture des morceaux. Si c’est notre signature, alors il est difficile de s’en défaire.

– L’une des choses qui frappe à l’écoute de votre musique, c’est bien sûr la puissance et la luminosité de ta voix, Argyro. D’ailleurs, c’est l’un des atouts majeurs de TAPEWORM ELECTRIC. De quelle manière qualifieriez-vous cette évolution assez incroyable entre « Fire » et « Moonshine » sur ces six dernières années ? C’est un travail constant et une plus grande confiance en soi ?

Argyro est une chanteuse et une professeure de chant exceptionnelle. A nos débuts, elle était, et elle l’est toujours, passionnée par la Soul. Elle n’avait pas l’habitude de chanter des morceaux plus Rock, mais elle avait déjà cette énergie en elle. C’est vrai qu’elle a travaillé dur sur ses performances et elle a aussi commencé à écouter aussi des musiques plus Rock. Cela dit, elle évolue constamment et elle se dépasse sans cesse et cela s’entend clairement sur l’album.

– George Kasapidis, votre bassiste, prend aussi le lead vocal sur deux morceaux : « Right Reasons » et « Turn Into Black ». Est-ce que chacun chante ses propres textes, ou il s’agit plus simplement pour apporter de la diversité ?

Tous les membres du groupe ne chantent pas leurs propres textes, mais si l’un d’entre-eux ressent le besoin de prendre le micro et de s’exprimer, il en a la possibilité. « Right Reasons » et « Turn Into Black » sont des chansons très personnelles et il semblait tout simplement naturel que ce soit George qui les interprète.

– Enfin, j’aimerais que vous me disiez un mot de « Hold On », long de sept minutes et qui possède un réel esprit jam. C’est un titre très varié avec une atmosphère qui passe de sonorités à la Black Sabbath à un chant qui rappelle Heart, et qui peut même donner quelques frissons. Vous l’avez voulu comme une sortie d’hommage, ou un instant de plaisir simple et de partage ?

« Hold On » est une chanson qui est restée dans un tiroir pendant plus de 15 ans. Elle parle de rédemption, de l’exorcisme de nos démons intérieurs et de la paix avec soi-même. En fait, il en existait déjà une très courte démo. Alors, lorsque George l’a présentée au groupe, l’idée de la retravailler nous a paru évidente. On y trouve un petit hommage aux groupes qu’on adore à travers l’intro à la batterie, les twin-guitares, les passages psychédéliques… Il y a des références directes, c’est vrai. Par ailleurs, on n’a jamais caché notre amour pour tous ces groupes, mais nous avons surtout essayé de les réinterpréter à la sauce TAPEWORM ELECTRIC.

« Moonshine », le premier album de TAPEWORM ELECTRIC, est disponible chez Pitch Black Records.

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Bluesy Rock International Pop Soul / Funk

Tora Daa : une profonde liberté [Interview]

Multi-instrumentiste, compositrice, chanteuse et productrice, TORA DAA est devenue depuis quelques années maintenant une valeur sûre de la scène norvégienne et elle n’a d’ailleurs pas mis très longtemps à exporter son talent. Avec un style inimitable et un jeu de guitare très personnel, la frontwoman s’est créé un univers aux composantes multiples. Même si elle s’en défend, c’est sur une constante assez Blues que se construit son registre où viennent se mêler Rock, Pop et Funk dans une belle harmonie. Son quatrième album  « Prayer And Pleasure », sorti il y a quelque semaines, libère une sensation de totale liberté dans le jeu et un propos fort et engagée. Rencontre avec une artiste, qui sort des sentiers battus pour exposer une virtuosité à la fois délicate et solide.

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on évoque ton style musical, qui est assez particulier. Il est fait de Rock, de Soul, de Pop, de Funk et même de sonorités psychédéliques. Pourtant, tu reviens aussi toujours au Blues qui reste présent à travers tous tes morceaux. Est-ce que tu le considères comme la pierre angulaire de ton registre, sa base ?

J’adore le Blues, mais je ne peux pas dire que ce soit mon influence principale. Je ne l’ai pas assez écouté, ni étudié pour affirmer qu’il a eu un impact majeur sur ma musique. Mais après tout, le Blues est partout et dans tous les genres. Pour moi, toute la musique que j’ai écoutée fait partie de mon processus de composition.

– Tu as sorti ton premier album « Tora » en 2019, et en quatre réalisations, tu t’es vraiment affirmée, ainsi que sur scène, avec un style qui a aussi évolué. Sur « Prayer And Pleasure », tu sembles atteindre une certaine maturité qui passe par un rapport plus direct et efficace dans ton jeu et la composition. Est-ce aussi un sentiment que tu partages ? 

Oui, je pense que c’est le cas. La composition était quelque chose que je trouvais très difficile au début et je savais que je devais y travailler tous les jours pour m’améliorer. Et c’est ce que j’ai fait et que je continue de faire. Quand je ne suis pas en tournée, je suis au studio tous les jours pendant des heures à essayer de créer quelque chose. Peu importe que ce soit une idée de chanson, un riff de guitare ou une vidéo Instagram. Je crois que le simple fait d’y aller quotidiennement, et de créer même la plus petite chose, permet d’améliorer ses compétences et d’être bénéfique sur le long terme. Alors oui, je pense que « Prayer And Pleasure » est mon meilleur travail à ce jour et j’en suis vraiment fière. D’autant plus que j’ai produit l’album moi-même et que j’ai également enregistré tous les instruments. J’ai demandé à un ami de jouer de la batterie sur quelques morceaux, mais à part ça, tout ce que vous entendez, c’est moi.

– Justement, « Prayer And Pleasure » offre une production, que tu as signée avec Benjamin Giørtz, plus épurée et organique. L’album donne l’impression de vivre un moment que tu as voulu figer. L’objectif était-il d’être la plus spontanée possible et d’être dans une immédiateté très palpable ?

Oui, je voulais que cet album soit plus authentique. C’est pour cela que la plupart des enregistrements de guitare et de voix ont été réalisés en une seule prise. C’était un processus vraiment agréable et je suis très fière du résultat.

– Comparé à « Seventeen » sorti il y a trois ans, il y a beaucoup plus de contrastes musicalement, ainsi que dans les textes. Il y a aussi une intimité très présente sur ces nouvelles chansons. Est-ce que « Prayer And Pleasure » est ton album le plus personnel à ce jour ?

C’est vrai ! Mais en même temps, je voulais que les chansons, aussi personnelles soient-elles, puissent être accessibles à tous. Et en ce sens, trouver le juste équilibre a été un processus intéressant et stimulant.

– D’ailleurs, tu as dit avoir écrit sur des thèmes que tu n’avais jamais abordés auparavant. Comment ce déclic a-t-il eu lieu et est-ce finalement une quête de totale liberté artistique, qui t’a mené à une si forte implication ?

Je pense que c’est arrivé naturellement. J’ai 31 ans aujourd’hui et c’est mon quatrième album, donc j’ai déjà écrit et sorti beaucoup de chansons amusantes et ‘faciles’. J’étais prête à composer les morceaux que j’attendais de pouvoir écrire. De plus, le fait que le thème principal de cet album soit la façon dont la religion a traité les personnes LGBTQ+ m’a obligée à vraiment me plonger dans le sujet pour trouver les mots justes.

– Comme certains morceaux figurent sur l’album, j’aimerais qu’on parle de la commande passée par le ‘Trondheim Festival’, qui est une institution en Norvège. En quoi cela a-t-il réellement consisté par rapport à ta vision musicale habituelle et y avait-il des impératifs ?

Il n’y avait aucune contrainte, et c’est pourquoi j’ai pris tellement de plaisir à sa création. J’ai passé plus d’un an à le terminer et beaucoup de chansons se sont retrouvées sur mon album, en effet. Je ne pensais pas que cela arriverait, mais j’en suis vraiment ravie. Ce processus était différent de tout ce que j’avais fait auparavant. J’avais une chorale gospel de 15 personnes sur scène avec moi, ainsi que mon groupe. J’ai dû écrire de la musique pour une chorale pour la première fois et aussi monter un spectacle de toutes pièces avec de nouvelles musiques, de nouveaux arrangements, un sujet difficile, etc… C’était une expérience incroyable. Cela a fini par influencer tout l’album et je ne pense d’ailleurs pas que j’aurais pu le terminer sans ce projet.

– Cela doit être une expérience particulière pour une artiste. Qu’est-ce qui change principalement de la composition classique d’un album ? Est-ce que cela réside dans le temps accordé ou dans une certaine ligne musicale à respecter ?

J’ai vraiment pu faire tout ce que je voulais et je pense que c’est important lorsqu’on demande à un artiste de réaliser un projet de ce type. Se sentir libre en composant de la musique est la chose la plus importante, à mon avis.

– J’aimerais que l’on parle de ton jeu de guitare qui a des sonorités très Blues, mais pas seulement. On te sent très libre dans la composition, au niveau des mélodies, des riffs et des solos. Il y a quelque chose d’entier qu’on retrouvait beaucoup chez Prince, qui englobait tous les styles. Le plus important, selon toi, est-il d’atteindre une façon de jouer et d’écrire la complète possible ?

Pour moi, jouer de la guitare, c’est la liberté. Je n’écoute pas beaucoup de ‘musique de guitare’. Je n’en ai jamais vraiment écouté et cela m’a vraiment aidé à créer mon propre son. On m’a dit que l’on pouvait entendre des influences de Jeff Beck et de Prince dans mon jeu, mais je n’ai jamais vraiment écouté aucun d’entre-eux. Bien sûr, j’ai entendu beaucoup de chansons de Prince, mais ce n’est pas un artiste que j’ai écouté pendant des heures. Et je crois que j’ai entendu trois ou quatre morceaux de Jeff Beck. Les gens veulent toujours comparer les guitaristes entre eux et je n’aime pas trop ça. Mon jeu de guitare s’inspire de moi-même et mon propre cheminement. Quand je compose un solo de guitare, que ce soit pour une chanson ou simplement pour une courte vidéo Instagram, je chante toujours avant de jouer. C’est-à-dire que je m’enregistre en train de chanter la partie du solo, puis je prends ma guitare et je construis mon solo autour de ce que j’ai chanté. Cela rend chaque note personnelle et authentique, et non basée sur ce que les autres aiment, ou sur ce que quelqu’un d’autre aurait joué. C’est entièrement moi et mon esprit un peu bizarre.

– Pour rester dans le domaine de la guitare, tu es aussi l’ambassadrice mondiale de Marceau Guitars, ce qui est une belle reconnaissance. La marque propose même des modèles signatures, conçus spécialement pour toi. Quelles sonorités souhaitais-tu obtenir par rapport aux standards habituels et quelles sont les principales caractéristiques de ces instruments en édition limitée ?

Pour moi, les guitares Marceau sont les guitares parfaites. Je l’ai ressenti tout de suite, la première fois que j’ai joué avec. La stabilité et la sensation de jouer sur cet instrument m’ont immédiatement convaincu que c’était celui qu’il me fallait. Je ne pense pas que je jouerai un jour sur d’autres guitares, car honnêtement, je n’en ai ni le besoin, ni l’envie. Ce sont les meilleures guitares du monde.

– Enfin, un mot aussi sur ton chant qui prend de l’assurance au fil des albums. Est-ce un domaine que tu travailles aussi beaucoup et a-t-il, à tes yeux, la même importance que ce que tu peux développer à la guitare ?

Oui, absolument. Pour moi, chanter et jouer de la guitare sont souvent indissociables. J’ai passé un nombre incalculable d’heures à travailler à la fois mon jeu de guitare et mon chant. Je répète tous les jours. Mon chant s’améliore constamment, ce qui me rend vraiment heureuse. Et lorsqu’il s’améliore, mon jeu de guitare s’améliore aussi, car les deux sont liés.

Le nouvel album de TORA DAA, « Prayer And Pleasure », est disponible sur le label de l’artiste et disponible sur son site : https://toradaa.com/

Photos : Kristian Ringen (2, 3, 4, 5)

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Desert Rock Drone post-Rock

SoftSun : une projection lumineuse

L’entente américano-norvégienne entre Gary Arce et Pia Isaksen continue d’œuvrer dans un même élan avec un style qui s’affirme sur « Eternal Sunrise ». Changement de label et aussi de batteur pour le trio dont le Post-Rock au saveurs Desert Rock trouve son harmonie dans une lueur qu’a priori tout oppose. Cette nouvelle réalisation est dense, presque onirique, et invite autant à la rêverie qu’au voyage. L’immersion proposée par SOFTSUN brille aussi grâce à un jeu d’une incroyable minutie et des arrangements très soignés.

SOFTSUN

« Eternal Sunrise »

(Heavy Psych Sounds)

Depuis deux maintenant, la connexion entre les terres norvégiennes balayées par le froid et les paysages arides du désert de Mojave en Californie est établie et pas le moindre parasite à l’horizon. Un horizon justement aussi lointain qu’imprévisible que la chanteuse et bassiste scandinave Pia Isaksen et l’Américain Gary Arce à la guitare ont transformé en terrain de jeu. Assez éloigné de leurs projets musicaux respectifs (Superlynx et une carrière solo pour l’une, Yawning man et ses dérivés pour l’autre), SOFTSUN affiche une osmose évidente et un univers singulier.

Un an tout juste après un premier effort étonnant et réussi, les deux musiciens poursuivent leur belle aventure et développent encore un peu plus leur Post-Rock aux contours Shoegaze, Desert et parfois Drone. Légèrement moins expérimental, « Eternal Sunrise » s’inscrit pourtant dans la lignée de « Daylight In The Dark » avec toujours cette ambiance à la fois mystérieuse et emprunte d’une légèreté très fluide. Et puis, SOFTSUN acte aussi l’arrivée de Robert Garson, en lieu et place de Dan Joeright, derrière les fûts et la console, puisqu’il a également enregistré ce deuxième opus.

Toujours aussi aérien, le trio joue sur des tempos lents et hypnotiques, laissant tout le loisir à Gary Arce de s’engouffrer dans un flot d’effets captivants dessinant des atmosphères assez uniques. Vocalement lumineuse, Pia Isaksen distille son chant de manière très éthérée, tout en faisant bourdonner sa basse à l’envie. Sensuel, subtil et parfois mélancolique, SOFTSUN s’est façonné un registre bien à lui. Hypnotique et lancinant, « Eternal Sunrise » captive (« Sacred Heart », « A Hundred And Sixteen », « Abandoned Lands »). Le combo se dévoile ici encore un peu plus.

Retrouvez l’interview de Pia Isaksen et Gary Arce à l’occasion de la sortie de « Daylight In The Dark » :

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Blues Rock Hard Blues International Rock US

Leilani Kilgore : inner fire [Interview]

Explosive et sensuelle, la compositrice, chanteuse et guitariste livre enfin son premier album, « Tell Your Ghost », après s’être dévoilée petit à petit à travers un nombre conséquent de singles. Désormais basée à Nashville, LEILANI KILGORE a pris son envol en affirmant une personnalité forte, que ce soit au chant ou à la guitare, où son jeu flamboyant fait des étincelles. Grâce à un songwriting d’une grande polyvalence, elle avance dans un Blues Rock, où rien n’est figé et où chaque chanson se distingue de l’autre. Pourtant identifiable au premier accord et au premier couplet, l’artiste américaine fait de cette diversité une marque de fabrique. Egalement productrice, le son très organique assure à ses compositions autant d’authenticité que de sincérité, le tout avec une signature solide et virtuose. Entretien avec une frontwoman créative et vibrante.

– Tu es originaire de la côte ouest et tu es installée à Nashville dans le Tennessee depuis un moment déjà. Pourquoi avoir quitté la Californie ? Le public n’était pas assez réceptif à ta musique, ou tu souhaitais te rapprocher d’une scène plus en phase avec ton registre et de ton univers ?

Excellente question. En fait, j’ai visité Nashville pour la première fois lors de ma dernière année de lycée pour passer une audition à l’université Belmont, et je suis immédiatement tombé amoureux de cette ville. J’y ai acheté ma première guitare Les Paul ‘vintage’, j’ai joué avec des musiciens de blues locaux et j’ai été stupéfaite par la quantité de talent et de musique réunis dans une seule ville. Après avoir étudié quelques semestres au Berklee College of Music de Boston, j’ai décidé d’abandonner mes études et de retourner à Nashville pour poursuivre ma carrière. Ce n’est pas que la côte ouest n’était pas accueillante, c’est simplement que je voyais plus d’opportunités de m’épanouir ailleurs. Mon premier véritable soutien, je l’ai trouvé en Californie et j’ai vraiment hâte d’y retourner maintenant, surtout que beaucoup de temps a passé et que ma carrière s’est développée si fortement !

– Après t’être forgée une solide réputation sur scène avec notamment un jeu de guitare flamboyant, tu as commencé à sortir plusieurs singles. Toutes ces étapes t’ont-elles semblé nécessaires avant de véritablement te lancer en enregistrant sous ton nom ? Ou était-ce peut-être aussi pour bien mieux cerner ton propre style et mieux cibler tes envies ?

Mes premières tentatives de composition musicale étaient très hésitantes et incertaines. J’étais encore adolescent lorsque j’ai sorti mon premier EP. Puis j’ai enregistré quelques morceaux par mes propres moyens à l’université, sans vraiment savoir ce que je faisais. Mais tout cela faisait partie d’un parcours nécessaire pour me permettre de me sentir un peu plus sûre de moi en tant qu’artiste au moment de la sortie de « XXX Moonshine » (chez Riff Bandit Records en 2021 – NDR), que je considère aujourd’hui comme ma première véritable réalisation. Les années que j’ai passées à me produire sur scène m’ont aidé à affiner mon style et ma présence scénique. C’est devenu plus facile d’écrire de la musique après avoir trouvé le style qui me correspondait, et aussi avec l’expérience musicale nécessaire pour le maîtriser.

– Depuis 2021, soit à partir de « XXX Moonshine » jusqu’au dernier morceau avant l’album « Snake In The Tall Grass », tu as sorti 13 singles, ce qui représentent plus d’une heure de musique. On sent bien sûr l’évolution de ton jeu, de ton chant et aussi de ton songwriting. Est-ce que tu vois toutes ces chansons comme autant d’expériences différentes ?

Oui, absolument. C’est tellement amusant de réécouter des chansons que j’ai sorties il y a seulement deux ans, car j’entends la différence dans mon écriture, ma façon de jouer et de chanter. C’est tout aussi intéressant de me replonger dans les histoires et les paroles, car elles représentent toutes des moments différents de ma vie et diverses facettes de ma personnalité. Je me souviens de l’endroit où j’étais lorsque j’ai écrit chacune de mes chansons et de ce qui m’a inspiré. C’est un sentiment presque narcissique car, même si je n’écoute généralement pas ma propre musique par pur plaisir, je suis tellement heureuse d’avoir ces petits instantanés de ma vie sur lesquels je peux me pencher. Et je suis encore plus heureuse que les gens y trouvent des échos de leur propre vie à travers des expériences communes. C’est bien là tout l’intérêt, non ? (Sourires)

– Ce qui est d’ailleurs intéressant, c’est que tous ces singles ne pourraient pas, en l’état, constituer un album, tant ils sont différents au contraire de l’unité que tu affiches aujourd’hui. Là encore, as-tu dû d’abord te « définir » artistiquement ?

Cet album est en réalité né d’un heureux hasard. La seule raison pour laquelle les chansons s’accordent si bien est qu’elles ont toutes été écrites sur une période de deux ou trois mois et qu’elles proviennent de la même source d’inspiration. Ce n’est qu’à la fin de l’été 2024, après avoir écouté toutes les démos, que j’ai réalisé qu’il s’agissait bel et bien d’un album. Et honnêtement, c’est tant mieux, car ces chansons ont toutes été écrites dans une démarche d’exploration artistique. Mises ensemble, elles représentent parfaitement ce dont je suis capable en tant qu’auteure-compositrice. Mais j’avais aussi un besoin urgent d’exprimer tout cela, comme si je devais me libérer d’un poids. Je sens que je peux désormais avancer artistiquement avec plus de sérénité et d’intention.

– Pour conclure que le sujet de ces 13 singles, y a-t-il aussi une sorte de timidité à ne pas se lancer dans un album, voire un EP, plus tôt ? Ou, plus simplement, ce sont les plateformes et les réseaux, qui autorisent et facilitent ce genre de démarche aujourd’hui ?

C’était simplement le résultat de conseils extérieurs. On m’avait dit que la meilleure méthode d’autopromotion consistait à sortir des singles les uns après les autres, et cela me convenait à l’époque. Mais j’aimais l’idée de me lancer dans un projet plus approfondi et plus ambitieux, c’est-à-dire un album. Même s’il est logique, du point de vue de la promotion sur les réseaux sociaux, de se limiter à la sortie de singles, je pense qu’il est plus révélateur de la personnalité créative d’un artiste de réaliser un projet de plus grande envergure. Cela permet au public de mieux comprendre qui il est.

– Parlons maintenant de ce premier album, « Tell Your Ghost ». Toi qui as débuté à l’âge de 14 ans, est-ce que tu y vois une forme de concrétisation de toutes ces années de travail et d’un long apprentissage vocal, guitaristique et de production également ?

Oui et non. Cet album est bien plus représentatif d’une période spécifique de ma vie et des émotions brutes que je traversais, mais en toute honnêteté, il est aussi le reflet de toutes les musiques qui m’ont inspiré tout au long de ma vie. J’entends tellement d’influences dans mes compositions. L’idée que je me faisais du musicien et de l’artiste que j’allais devenir à 14 ans est tellement différente de ce que je suis aujourd’hui, et pourtant, j’y retrouve encore beaucoup de mes musiques préférées. J’ai l’impression que cet album était resté enfermé dans une cocotte-minute que j’avais oubliée pendant la dernière décennie, et que je l’ai redécouvert après qu’elle ait explosé dans ma cuisine métaphorique. Quoi que cela puisse signifier ! (Sourires)

– Même s’il y avait parmi tes précédents singles des morceaux très aboutis et accrocheurs, la première impression avec « Tell Your Ghost » est cette variété dans les styles abordés. Bien sûr, l’ensemble est très Blues, mais aussi très Rock comme « High/Low », voire presque Hard Rock sur « Creepin’ », ainsi que des titres plus émouvants comme « Back To You » ou « Early Grave ». Ils ont tous en commun d’être très entraînants et communicatifs. Est-ce la première fois que tu te dévoiles à ce point en musique, notamment dans les textes ?

Je pense que la vulnérabilité et l’honnêteté sont les seules raisons pour lesquelles cet album fonctionne vraiment. Il aurait été sans valeur autrement. Je n’avais pas seulement besoin de le faire pour moi-même, j’avais aussi besoin de le faire pour le public, surtout parce que j’ai pris des risques avec les genres musicaux. Je savais que certaines de ces chansons sonneraient complètement différemment de ce à quoi mes fans s’attendaient, et si elles avaient été superficielles, rien n’aurait fonctionné. De plus, à quoi les auditeurs auraient-ils pu s’identifier ? J’ai écrit cette musique, parce que j’avais besoin d’extérioriser mes sentiments avant qu’ils ne me submergent. Recevoir des retours de personnes qui écoutent l’album et me disent y trouver du réconfort, ou un lien quelconque, est extrêmement important pour moi.

– Que ce soit vocalement ou à la guitare, il règne une authenticité et une chaleur de chaque instant, le tout dans une unité musicale qui libère une réelle signature artistique. Est-ce qu’au niveau de ta performance sur « Tell Your Ghost », tu penses avoir franchi un cap et atteint un premier accomplissement, qui se traduit dans ce songwriting précis et sincère ?

Je pense que c’est l’une des musiques les plus authentiques que j’aie jamais sorties. Il y a une part de moi dans tout ce que j’ai enregistré jusqu’à présent, mais certaines de ces chansons sont portées par une émotion pure et débridée. C’est un soulagement de constater qu’elles sont perçues ainsi… Et cela me prouve que j’ai bien fait mon travail ! (Sourires) Cela m’a également permis d’aller de l’avant et d’écrire de nouvelles musiques avec un objectif ou une orientation différente. « Tell Your Ghost » est, en fin de compte, un recueil de chansons que j’avais besoin d’écrire pour me sortir de la période sombre que je traversais. Cela m’a permis de transformer cette douleur, cette colère et ce chagrin en une forme tangible, afin de pouvoir les laisser derrière moi et passer à autre chose et pour cela, je leur serai éternellement reconnaissant. Savoir que l’authenticité et ma personnalité transparaissent toujours est la meilleure reconnaissance que je puisse espérer. (Sourires)

– Il se dégage aussi un souffle assez indescriptible de cet album et qui passe forcément par le son. Et tu as décidé de le produire toi-même, alors même que Nashville compte de grands producteurs. Il a une saveur très live et organique avec une belle énergie et une vraie complicité entre tes musiciens et toi. En seulement trois jours d’enregistrement, tu livres un disque assez époustouflant et plein de relief. L’idée était-elle de capturer l’intensité de tes prestations scéniques ?  

Oui, c’était l’objectif principal pour mon groupe et moi lorsque nous avons décidé d’enregistrer cet album. Nous avons clairement indiqué à notre ingénieur du son que nous devions tous être dans la même pièce pour enregistrer les chansons, afin de capturer cette énergie et cette ambiance. David Paulin et Amry Truitt du studio Sound Emporium ont fait un travail remarquable pour y parvenir. J’avais toujours eu l’impression que mes enregistrements précédents manquaient de cette étincelle que j’avais trouvée avec la formation actuelle sur scène. Il était impératif pour la musique de cet album que nous retrouvions cette même énergie en studio.

– Enfin, il y a aussi sur « Tell Your Ghost » la sensation d’une page de ta vie que tu sembles tourner, tant l’émotion est présente à travers des solos déchirants et des envolées vocales très expressives. Est-ce que, finalement, ce premier album est une sorte de libération dans un certain sens, et le début d’une aventure qu’on sent déjà sereine et confiante ? 

C’était vraiment libérateur. Mais je ne pense pas que le prochain album explorera autant de genres différents que « Tell Your Ghost ». C’est merveilleux de savoir que je peux écrire de manière aussi sincère, mais cet album m’a aussi appris que je peux créer de la musique dans n’importe quel univers sonore qui, selon moi, convient à la chanson. J’ai tellement appris de ce processus et cela me permet d’avancer artistiquement avec beaucoup plus de liberté. J’ai confiance en moi et en mon instinct ! (Sourires)

L’album de LEILANI KILGORE, « Tell Your Ghost », ainsi que tous les singles sont disponibles sur toutes les plateformes, ainsi que sur le site de l’artiste : https://leilanikilgore.com/

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Alternative Metal Alternative Rock

Finger Eleven : back on top

L’avantage d’évoluer dans un registre comme l’Alternative Metal/Rock qui n’a pas pris une ride depuis sa création et d’en être l’un des principaux artisans, c’est que l’on peut s’éclipser une décennie durant et revenir au sommet de son art. Fort d’une carrière qui parle pour lui, FINGER ELEVEN fait partie de ces combos jamais en mal d’inspiration. Machine à tubes pour certains, modèle d’authenticité pour d’autres, une chose est sûre : il ne laisse pas grand monde insensible. Ainsi, « Last Night On Earth » et ses accents très Heavy comme acoustiques vient nous rappeler au bon souvenir des incontournables Canadiens.

FINGER ELEVEN

« Last Night On Earth »

(Better Noise Music)

Dix longues années après « Five Crooked Lines » et malgré un Best Of en 2023 suivi de quelques singles, FINGER ELEVEN aura fait patienter ses fans, au point que certains ont peut-être même décroché. Pourtant, le groupe s’est offert une tournée avec Creed cet été, mais « Last Night On Earth » tombe au bon moment pour remettre la machine en route et surtout repartir à la reconquête d’une réputation et d’une présence incontournable, qui auraient pu lui échapper. Mais, ce serait mal connaître le quintet qui, tout en restant fidèle à ses racines musicales, n’a pas encore tout dit, loin de là.

Référence incontestée de la scène canadienne depuis 25 ans et couronné d’un prix Juno, FINGER ELEVEN possède cet ADN Rock propre à son vaste pays, c’est-à-dire une prédisposition à marier puissance et mélodie. Energique, stimulant et entraînant, « Last Night On Earth » est donc très précisément le disque qu’on attend de lui. Le combo a déjà dévoilé le survitaminé « Adrenaline » qui ouvre les festivités, puis le tonitruant « Blue Sky Mystery » où Richard Patrick de Filter livre un featuring relevé dans un duo musclé avec Scott Anderson. Et la suite n’est pas en reste (« The Mountain », « Perfect Effigy »).

Côté production, FINGER ELEVEN a frappé fort avec un gros son signé de son batteur Steve Molella, déjà là depuis une dizaine d’années. Aussi à l’aise des deux côtés de la console, celui-ci offre une brillance particulière et massive à « Last Night On Earth ». Ca cogne, mais sans se noyer dans une surproduction devenue un peu la norme chez certains pour cacher une misère ambiante ! Toujours très précis dans les arrangements, les deux guitaristes, James Black (lead guitare), Rick Jackett (rythmique), soutenus par le groove Sean Anderson (basse), donnent des couleurs scintillantes, tout en diversité. Un retour fracassant !    

Photo : Jesse Milns

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Southern Blues Southern Rock

Parker Barrow : outright robbery

Avec une chanteuse qui emporte tout sur son passage, deux six-cordistes au diapason et un groove imparable, PARKER BARROW poursuit sa route. Après un premier album déjà très convaincant en 2023, ils sont désormais six à faire tourner ce Southern Rock bluesy aux effluves Soul. Signe de son époque, ce n’est pas avec un deuxième opus que les Américains se présentent cette fois, mais avec un EP, « Hold The Mash », dont on aurait franchement souhaité une petite rallonge…

PARKER BARROW

« Hold The Mash »

(Independant)

L’explosif combo avait créé la surprise il y a deux ans avec un premier album, « Jukebox Gypsies », très abouti et rafraîchissant. Mené par le couple Megan Kane (chant) et Dylan Turner (batterie), PARKER BARROW s’est aujourd’hui imposé dans cette nouvelle génération  Southern américaine en revivifiant le style de ses aînés grâce à une fougue très créative et une bonne touche de modernité. En actualisant son jeu, tout en restant attaché à un état d’esprit vintage, le groupe vient renforcer un certain aspect intemporel de belle manière.

Dernièrement, la formation de Nashville a beaucoup tourné et a surtout acté l’arrivée d’Alex Bender au poste de guitariste et de directeur musical. PARKER BARROW s’est donc étoffé et a naturellement pris du volume. Cela s’entend sur « Hold The Mash » et il franchement dommage qu’il ne s’agisse ici que d’un simple EP de cinq titres. Car avec autant de qualité, on reste forcément sur sa faim, d’autant que le sextet avec déjà livré les deux singles « Make It » et « Novocaine ». De nouvelles pratiques trop marketées, mais l’élan est remarquable.

Si les premiers extraits ont dévoilé de belles choses, le Southern Rock très bluesy et Soul de PARKER BARROW n’a pas encore tout dévoilé de ce souffle nouveau. Toujours aussi percutant et spontané, le groupe semble avoir trouvé un point d’équilibre entre un côté Rock solide et une facette plus délicate, où brille sa frontwoman. Les deux guitares et l’orgue se complètent à merveille dans une cohérence évidente sur le brûlant « Glass Eyes Cryin’ », le sensible « Olivia Lane » et le rugueux « The Healer ». Une progression pleine d’élégance.

Photo : Ryan Alexander

Retrouvez la chronique du premier album :

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Hard 70's International Psychedelic Rock Rock 70's Space Rock Stoner Rock

Kadavar : P.R.O.P.H.E.T.I.C. [Interview]

Si de nombreux fans ont pu être déboussolés par les accents Pop du très aérien « I Just Want To be A Sound », sorti il y a tout juste six mois, qu’ils se rassurent, KADAVAR renoue avec le Stoner Rock très Psych et tirant sur le Hard Rock, qui a fait son succès jusqu’à aujourd’hui. Et la nouvelle est d’autant plus belle que les Allemands sont plus inspirés que jamais sur ce « K.A.V.A.D.A.R. », qui s’affiche ici en lettres capitales. En plein milieu d’un triptyque musical mis en œuvre sur le présent album, le quatuor explore une facette plus sombre et chaotique de son répertoire, jetant ainsi un regard acerbe et ironique sur un monde en pleine déliquescence. Non sans humour, Christoph ‘Lupus’ Lindemann, guitariste et chanteur du quatuor, vient apporter quelques éclaircissements sur une démarche que peu avait saisi.

– En mai dernier, vous aviez sorti « I Just Want To Be A Sound ». Et vous aviez déclaré que c’était un album nécessaire. Pour autant, beaucoup de monde ont aussi été surpris par son contenu. Etiez-vous à la fin d’un cycle ?

En fait, je pense que la fin du cycle a vraiment eu lieu au moment de la sortie de « For The Dead Travel Fast » en 2019. C’est ce qui a enclenché un nouvel élan et ouvert une nouvelle page. En ce moment, je dirai que nous sommes au milieu d’un nouveau cycle.

– Six mois plus tard, vous êtes donc déjà de retour avec « K.A.D.A.V.A.R. ». Lequel de ces deux disques est-il celui de la renaissance ? Et puis, sortir un album éponyme avec un titre en majuscule n’est pas anodin, non plus…

Oui, c’est vrai, et cela correspond bien à ce que représente ce nouvel album finalement. Nous nous sommes dit que le nom du groupe serait un bon titre. D’une certaine manière, les deux derniers disques correspondent ensemble, ils sont liés. Ils racontent une histoire commune. Beaucoup de morceaux sont aussi été écrits pour un album plus sonore, et ils ne figurent pas sur le disque. Je dirai que les deux derniers albums sont en fin de compte assez équivalents dans la démarche et dans leur élan.

– Finalement, il n’y a que six mois entre les deux albums. Aviez-vous commencé à travailler sur le nouveau juste après « I Just Want To Be A Sound » ? Ou a-t-il été une sorte de déclic ?

Oui, beaucoup de chansons étaient déjà écrites. Nous avons travaillé dans notre propre studio et c’est aussi plus facile de le faire dans une certaine continuité. Et puis, il n’y avait pas de tournée de prévu, non plus, ce qui nous a laissé du temps. « I Just Want To Be A Sound » avait été réalisé en août de l’année dernière et il n’est sorti qu’en mai. Nous avons donc eu plus d’un an sans obligation particulière, alors nous avons juste continué à composer, à écrire et à enregistrer. Et lorsque l’album est sorti, nous nous sommes dit que ce serait cool d’en avoir un autre pour la tournée qui allait suivre. Et puis, ils se suivent vraiment surtout.

– L’impression que donne ce nouvel album est que KADAVAR retrouve sa pleine puissance et prend même un nouveau départ. Et la première évidence est dans le son, qui a aussi gagné en amplitude. Cela vous a-t-il semblé nécessaire d’enregistrer en analogique pour y parvenir ?

En fait, c’est une manière d’y arriver. Il a plusieurs façons d’obtenir un bon résultat. Pour nous, enregistrer sur bande a toujours été quelque chose de très important, parce que je pense que notre son est vraiment taillé pour ça. Oui, pour nous en tout cas, c’est sans doute nécessaire. C’est vrai que nous avons aussi fait beaucoup d’enregistrement numérique auparavant, mais pour ce nouvel album de KADAVAR, cela ne pouvait se faire qu’en analogique.

– Ce nouvel album a de fortes sonorités Hard Rock et Stoner et les éléments psychédéliques sont aussi très présents. Avez-vous le sentiment d’avoir trouvé une forme d’équilibre dans votre musique ?

Non ! (Rires) J’adorerai, mais je ne pense pas ! (Rires) Tu sais, ce n’est jamais la même chose, chaque album est différent et à chaque fois que nous nous mettons à composer, ce n’est jamais la même chose. Par exemple, quelque chose qui est bien aujourd’hui pourra nous paraître mauvaise le lendemain. Mais je pense que pour cet album, nous y sommes parvenus. Je pense que l’équilibre est bon. J’aurais peut-être pu mettre plus d’éléments psychédéliques, mais ça, c’est juste mon opinion. (Sourires) Comme je te le disais, chaque album est différent, et à chaque fois que l’on commence à écrire, il faut recommencer beaucoup et essayer plein de choses. Il faut trouver de quoi il a réellement besoin. Est-ce qu’il faut qu’il soit plus joyeux, plus lourd, plus rapide ou plus lent ? Est-ce qu’il sera plus psychédélique ou Stoner Doom ? Ce n’est jamais la même chose et tout ça dépend vraiment de l’enregistrement. Une chose est sûre, c’est tout le temps différent.

– « K.A.D.A.V.A.R. » est également sombre et parfois même brutal avec un regard presque cynique sur le monde. Est-ce finalement notre époque qui vous a conduit à composer un album aussi contrasté et direct ?

Oui, c’est sûr. L’album précédent était plus axé sur le son avec beaucoup de travail sur les sonorités et les ambiances. Il était beaucoup plus personnel dans un sens. Tandis que celui-ci est clairement basé sur tout ce qui nous entoure, nos gouvernements, tout ce qui se passe mal dans le monde avec, en point d’orgue, la chanson « Total Annihilation ». Si nous continuons à détruire le monde tel que nous le connaissons, sa chute sera inévitable. C’est vrai que c’est un album très sombre, mais avec un peu d’humour quand même. C’est nécessaire d’avoir un sourire, une vision d’ensemble et une confiance aussi en la vérité et la réalité du monde. Alors, parfois, cela peut être drôle, car on ne peut pas faire grand-chose dans le domaine à titre uniquement personnel. Ce que l’on peut faire, c’est d’en parler en chantant et en espérant que cela finisse par aller mieux à un moment ou un autre… (Sourires)

– Ce nouvel album est aussi le plus varié de votre discographie. Après 15 ans, KAVAVAR a-t-il, selon vous, atteint une certaine maturité artistique qui vous permet d’explorer tous les styles que vous voulez ? Sans contrainte et avec maîtrise ?

Oui, je pense et je l’espère aussi. (Sourires) J’espère que nous sommes aujourd’hui dans une position où nous pouvons jouer la musique que nous voulons et écrire ce que l’on veut écrire… Et que les gens apprécient cela ! J’ai toujours été fatigué et ennuyé par le fait de composer un seul style de musique, car j’aime beaucoup de choses. Et c’est quelque chose avec laquelle j’aime jouer. J’adore tourner autour de ça et le traduire dans les chansons de KADAVAR. C’est vraiment quelque chose qui m’amuse et que j’aime beaucoup faire.

– J’aimerais que l’on parle du morceau « Stick It », qui est un moment fort et très Space Rock de l’album, où il y a même un passage parlé en français. D’où vous est venue cette idée ?

En fait, « Stick It » signifie « Enfonce-le toi dans le cul » ! (Rires) C’est vrai que cela nous est venu d’un truc en français que notre bassiste Simon (Bouteloup – NDR) a écrit. C’est vrai que c’est un morceau très Space Rock, un peu comme ce que faisait Hawkwind dans les années 60 avec ce type de solo, comme un groupe de voyageurs entourés de fleurs avec des fans japonaises… Et en effet, je pense que c’est une autre manière de dire « Fuck Off » ! (Rires) Trop, c’est trop : alors, allez tous vous faire foutre ! C’est une chanson, qui parle de ça, oui… (Rires)

– Par ailleurs, même si « K.A.D.A.V.A.R. » montre un songwriting très élaboré et solide, il donne aussi une impression d’insouciance et de grande liberté. Etait-ce votre état d’esprit au moment de sa composition ?

Oui, c’est toujours le but d’avoir un esprit libre et de laisser notre tête faire le travail, afin que les chansons sortent le plus naturellement possible. Alors, parfois ça marche et d’autres pas. Je pense que nous avons eu plus de facilités à composer ce deuxième album, parce que ce qui avait été fait ne nécessitait pas qu’on y donne une suite. C’était beaucoup plus simple, et il y a avait aussi moins de pression. Cela nous a libéré pour faire l’album parfait, car nous étions vraiment focalisé dessus et sur rien d’autre. Cela a d’ailleurs été très amusant de continuer à écrire et à enregistrer de la manière dont nous le souhaitions et en totale liberté. Et puis, personne ne savait que nous allions sortir un nouvel album, pas même notre label ! C’était donc très rigolo à faire ! (Rires)

– Enfin, ce nouvel album est donc le deuxième d’une trilogie, ou plutôt d’ailleurs d’un tryptique, car ils seront très différents les uns des autres. Ne me dites pas que vous travaillez déjà sur le troisième ? Si ?

Si, c’est vrai. Nous travaillons dessus, mais… (Silence) On verra bien, je ne peux vraiment pas t’en dire plus ! On en parlera quand ce sera terminé ! (Rires) Nous avons des idées, un sujet aussi et nous avons de quelle manière nous allons le faire. Dans l’immédiat, nous avons beaucoup de concerts et c’est ce que nous allons d’abord faire. Nous sommes concentrés là-dessus. Quand nous aurons le temps de nous réunir en studio, nous verrons à ce moment-là vers où on décidera d’aller…

– Parfait, nous avons donc juste six mois à attendre !

(Eclat de rire) Peut-être, c’est possible ! (Rires) Et peut-être qu’il arrivera même avant Noël, qui sait ??? (Rires)

Le nouvel album de KAVADAR, « K.A.D.A.V.A.R. », est disponible chez Clouds Hill.

Photos : Marina Monaco

Retrouvez la chronique de « I Just Want To Be A Sound » :

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Funk Rock

FFF : FFFlamboyant

Sixième cri du coeur pour la plus foncky des formations françaises et il vient confirmer l’élan retrouvé avec « I Scream » en 2023. Celui-ci avait d’ailleurs été ardemment célébré et défendu en tournée, au point d’avoir été immortalisé sur un double-album live enregistré à Paris. Avec « U Scream », FFF enfonce le clou en restant dans la lignée de son prédécesseur, à savoir pimenté, radieux et d’une joie communicative. Marco, Niktus, Yarol et Krichou ont rallumé la FFFlamme et font FFFeu de tout bois. 

FFF

« U Scream »

(Verycords)

Deux ans près « I Scream », FFF continue sa funky conjugaison avec « U Scream », une suite logique puisqu’on y retrouve le même son et la même fougue qui animaient les Parisiens sur l’album de leur retour après 23 ans de silence. Entre ces deux efforts studios s’est glissé en avril dernier le « Live A La Cigale », témoignage sur près de deux heures d’un passage explosif dans la salle de la capitale. Le combo avait enflammé les lieux avec des titres de son nouvel album, et aussi et surtout avec ses classiques qui renvoyaient aux belles heures du combo dans les années 90.

Si l’entame de « U Scream » est toujours aussi solaire que positive, on y trouve toutefois quelques notes de mélancolie et de nostalgie. Dans un flow souvent vertigineux, Marco Prince semble même faire une sorte d’état des lieux d’une vie tumultueuse et d’une société devenue méconnaissable à bien des égards. Mais si FFF donne une impression de spleen sur un « DérivVe SentimentAle » grandiloquent, il faut plutôt y voir un élan fraternel et rassembleur. D’ailleurs, il est beaucoup question d’amour et aussi de sexe, donc de plaisir, sur ce sixième effort très enjoué.

Si les singles « Et touT reCommenCe » et « Y’a tOi » ont donné le ton, « U Scream » réserve encore quelques belles surprises. A commencer par ce clin d’œil au tube « Chacun Fait » de Chagrin D’Amour et son fameux ‘Cinq heures du mat’ j’ai des frissons…’ sur « SomeTimes ». FFF surgit toujours là où on ne l’attend pas. En anglais sur « inSaNity », « Clit ReVoluTion » ou « Keep On », l’énergie tient lieu de guide avec constance (« Smile », « FelliNg High », « Booya dans les DOM-TOM »). A savoir si un troisième volet, qui pourrait s’intituler « We Scream », viendra clore une belle trilogie grammaticalement funky, il n’y a qu’un pas…

Retrouvez la chronique de « I Scream » :