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Hard FM Melodic Rock

Giant : une classe intacte

Malgré de longues pauses, GIANT garde une place de choix toute particulière chez les fans de Melodic Rock et aussi de Hard Rock et d’AOR. Perfectionniste, le groupe l’est toujours et le travail effectué sur les guitares comme sur le chant reste d’un niveau très élevé. La qualité des riffs et la virtuosité des solos de Jimmy Westerlund attestent de la très bonne santé de cette référence Hard Rock, qui d’ailleurs s’internationalise sur ce très bon « Stand And Deliver ».

GIANT

« Stand And Deliver »

(Frontiers Music)

GIANT est un peu l’étoile filante qu’on aimerait tous revoir passer une deuxième fois. Malgré un parcours étonnant et scindé en deux parties (de 1987 à 1992, et depuis 2000), les Américains ont marqué les esprits de tous les amateurs de Hard FM, grâce à des albums assez emblématiques comme « Last Of The Runaways » et surtout « Time To Burn ». De la formation originelle, il ne reste que la solide rythmique composée de David Huff derrière les fûts et Mike Brignardello à la basse. Car, entretemps, il y a encore eu du changement.

« Stand And Deliver » accueille donc deux nouveaux membres pour remplacer Terry Block au chant et John Roth à la guitare. Place donc, et bienvenue, à l’excellent Jimmy Westerlund (One Desire) à la six-corde et Kent Illi (Perfect Plan) derrière le micro. Et on ne pouvait rêver mieux, tant ce casting fait honneur à la légende. Certes, GIANT a bien évolué depuis ses débuts il y a plus de 30 ans, mais son ADN est intact et le quatuor semble toujours animé par la même passion. Et ce sixième opus tient franchement toutes ses promesses.

Avec dans leurs rangs des musiciens de ce calibre, on n’est pas très surpris de retrouver Alessandro Del Vecchio (aussi en guest aux claviers) à la production aux côtés de Westerlund, tous étant issus de l’écurie Frontiers Music. Et le résultat est là, GIANT excelle dans l’art de livrer des compositions mélodiques, accrocheuses et très fédératrices. Avec cette touche 80’s actualisée, le quatuor se montre savoureux et le jeu de son nouveau guitariste atteint des sommets de précision  et d’inspiration. Impressionnant d’exactitude.

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Glam Metal Glam Rock

Gypsy Pistoleros : prayers for bandidos

GYPSY PISTOLEROS n’est pas prêt à entrer dans le rang et ce n’est pas ce bon « Church Of The Pistoleros », pourtant moins sauvage de prime abord, mais toujours très fougueux, qui viendra apporter la contradiction. Les Anglais y ont une fois encore mis toute leur âme et leur savoir-faire dans ce renversant cri de ralliement. Le combo en appelle à tous les laissés pour compte de la société dans une unité artistique à la fois courageuse et marginale. Accrocheur et revendicatif, l’attitude et l’audace affichées sont d’une fraîcheur réjouissante.

GYPSY PISTOLEROS

« Church Of The Pistoleros »

(Earache Records)

Après quatre singles convaincants (« Church Of The Pistoleros », « Shadow Walker », « Whatever Happened To The Old Town » et le punkisant « Last train To Nowhere »), GYPSY PISTOLEROS avait laissé entrevoir du changement et une orientation musicale légèrement différente. L’arrivée de l’ancien batteur de South Of Salem, Pip Sampson, a donné un bon coup de fouet au groupe, mais ce qui étonne surtout, c’est la production massive et presque trop ‘propre’ de ce nouvel effort, qui semble pourtant ouvrir une nouvelle ère à nos desperados.

Le Glam Metal/Rock du quatuor n’a rien perdu de sa verve, de sa vélocité et de son impact, c’est juste l’équilibre qui est plus évident. GYPSY PISTOLEROS mûrit et plutôt bien ! Enregistré aux renommés studios Old Cider Press de Pershore et surtout produit par Dave Draper connu pour son travail avec Nickelback, Terrovision ou Ginger Wildheart, « Church Of The Pistoleros » se présente comme un quatrième album très bien ciselé. Une manière aussi, finalement, de rendre les compositions aussi accessibles que percutantes. Car, ça claque !

Si GYPSY PISTOLEROS n’est pas constitué de membres d’un gang latino, mais de citoyens britanniques, il a aussi la particularité de proposer un son typiquement américain, sorte de triptyque Rock’n Roll effervescent et très cohérent. Toujours Glam dans l’esprit, le frontman n’est pas sans rappeler les invectives chères à Vince Neil ou Billy Idol, mais le combo s’en sort grâce à une originalité très particulière où se côtoient Metal, Rock, et Flamenco dans un bel élan fédérateur et souvent irrésistible (« Revolution », « Last Of The Comancheros »).

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Alternative Rock Grunge

Himalayas : clearly rock

Malgré ses dix ans d’existence, HIMALAYAS donne le sentiment de s’épanouir enfin et de démarrer une deuxième ère musicale. Assez loin du Rock de ses débuts, la formation galloise sort « Bad Star », monte le son et affiche un style musclé, clairement plus frontal. Plus épuré dans l’approche, elle va à l’essentiel, sans négliger pour autant ses racines. La personnalité artistique du combo jaillit avec une évidence attendue et l’aventure paraît commencer entre une impression d’urgence et une fausse retenue qui lui va bien.  

HIMALAYAS

« Bad Star »

(Nettwerk Music Group)

Je n’ai pas vraiment l’habitude de chroniquer ce genre de disque, d’autant que « From Hell To Here » sorti en 2023 et premier effort très orienté Indie Rock du groupe, m’avait totalement laissé de marbre. Mais cette transparence musicale s’était doucement dissipée l’an dernier avec le single « V.O.V », coécrit avec l’emblématique Brian Johnson d’Ac/Dc. De quoi vous mettre le pied à l’étrier de la meilleure manière. HIMALAYAS a dû se sentir pousser des ailes, car « Bad Star » est bien plus costaud.  

Les jeunes Gallois semblent avoir changé de braquet et ont franchement renforcés leurs nouveaux morceaux. Plus brut et direct, ce deuxième opus dévoile une maturité acquise au fil des derniers mois et surtout l’envie de livrer un Rock solide et proche des fondamentaux du genre. Un brin Alternatif, légèrement Grunge et bien produit, « Bad Star » se pare aussi de mélodies efficaces et de refrains accrocheurs. Plus mainstream peut-être dans l’esprit, HIMALAYAS se montre cependant plus robuste et captivant.

Après avoir livré la moitié de l’album sous forme de singles (« Afterlife », « Surrender », « Nothing Higher », « Hung Up » et le très bon « Cave Paintings »), le quatuor présente donc l’ensemble de son travail et il reste quelques bonnes surprises. Globalement, il semble s’être concentré sur les riffs et l’énergie distillée est plutôt rafraîchissante. HIMALAYAS s’engouffre également dans des paysages plus atmosphériques bien maîtrisés (« Twisted Reflections »). En haussant le ton, les Britanniques se montrent convaincants.

Photo : Andy Ford

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AOR Hard FM

H.E.A.T. : next step

Si de prime abord, les formations qui œuvrent dans les contrées très mélodiques du Hard Rock semblent se la jouer facile, c’est sans compter sur un sens du groove et une technicité omniprésents. Et ce ne sont pas les exemples qui manquent depuis des décennies. H.E.A.T. fait partie de cette catégorie, qui n’a rien oublié de ses premières amours et qui cherche surtout à fédérer grâce à des titres entêtants et une musicalité chiadée. Avec « Welcome To The Future », les Scandinaves font ce qu’ils savent faire de mieux et nous embarquent dans un Hard FM haut de gamme.

H.E.A.T.

« Welcome To The Future »

(earMUSIC)

Après le fracassant retour de son chanteur originel en 2022, H.E.A.T. a retrouvé un bel élan avec « Force Majeure », premier opus sous la nouvelle ère Kenny Leckremo, suivi d’une compilation composée surtout de titres live et d’inédits (« Extra Force » en 2023). Depuis, les Suédois semblent avoir renoué avec leurs bonnes habitudes qui, si elles sont sans trop de surprises, ont le mérite d’être fidèles à une ligne défendue depuis leurs débuts. Toujours aussi mélodique, leur Hard Rock est conçu pour les stades, basé donc sur des refrains hyper-fédérateurs.

Mené par un frontman qui a totalement récupéré des problèmes cardiaques qui l’avaient éloigné de la scène pendant une bonne décennie, H.E.A.T. nous invite dans son futur avec un huitième album qui tient la route, entre des ‘Oh, oh, oh, oh’ à la pelle, mais surtout des riffs accrocheurs, des solos toujours aussi fins et une rythmique qui fait le job avec une redoutable efficacité. Plus étonnante est la production de « Welcome To The Future », qui se montre malgré tout très organique, loin des stéréotypes actuels du genre exagérément plus sophistiqués.

L’équilibre entre les membres est respecté et c’est toute la force du quintet : faire un Hard Rock à l’ancienne avec une touche moderne, en évitant la noyade sonore soporifique en vogue, surtout dans l’AOR, dont H.E.A.T. est finalement assez proche. Cela dit, ce nouvel opus contient quelques moments forts comme « Disaster », « Running To You », « In Disguise », « Rock Bottom », « Losing Game » ou « Tear It Down ». Et si certaines parties de claviers peuvent faire grincer des dents, le jeu du guitariste Dave Dalone fait bien passer la pilule. Très sympa !

Photo : Marcel Karlsson

Retrouvez les chroniques de « Force Majeure » et « Extra Force » :

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Blues Rock Boogie Blues Classic Rock Heavy Blues Southern Blues Rock

Cirkus Prütz : southern breath from the north

A entendre CIRKUS PRÜTZ, on se croirait dans le Sud des Etats-Unis, tant la sincérité dégagée et surtout le savoir-faire et le son de « Manifesto » ont des résonances américaines. Pourtant, direction le grand Nord et la Suède d’où est originaire le groupe. Ici aussi, on sait faire du Southern Blues Rock, d’un calibre très largement comparable. Dynamique et intense, on doit aussi cette superbe production à Peter Tägtgren (Pain, Hypocrisy) et il faut admettre que l’ensemble prend une dimension explosive. Ca chauffe, ça claque et ça fait un bien fou !

CIRKUS PRÜTZ

« Manifesto »

(Metalville)

Il a œuvré chez les Hard Rockers de W.E.T le temps de quelques albums dans les 90’s, puis avec Jeff Scott Soto où il a tenu la basse dans les années 2000 dans un registre similaire. Mais ce qui a toujours titillé le bassiste Jerry Prütz, c’est le Blues Rock, sous toutes ses coutures. Pourtant, c’est assez tardivement, en 2017, qu’il sort « All For the Boogie And The Blues » et qu’il annonce la couleur. Si certains le voient comme le pendant suédois de ZZ Top, CIRKUS PRÜTZ se présente dans un registre un peu plus musclé et les raisons sont aussi multiples qu’évidentes. Et ces quatre-là se sont franchement bien trouvés.

Tout d’abord, avec Cristian Carisson à la guitare, et dont le chant rauque n’est pas sans rappeler le regretté Danny Joe Brown de Molly Hatchet, et qui œuvre dans le groupe Stoner Rock The Quill, le quatuor s’assure une certaine rugosité. Ensuite, on y retrouve, l’ex-Electric Boys Franco Santunione à la seconde six-corde et enfin (et non des moindres !) Per Kholus à derrière les fûts, lequel a cogné chez W.E.T. également, mais aussi Spectrum, Skin And Bone et Lipstick. Ca vous pose un line-up et il ne faut pas attendre bien longtemps pour comprendre les (très bonnes) intentions de CIRKUS PRÜTZ, car l’ensemble est savoureux.

« Manifesto » est donc le quatrième album de nos ardents bluesmen, et il y a de l’électricité dans l’air. Sur un Blues Rock véloce, aux saveurs Southern, Hard Boogie et Classic Rock, la potion magique prend dès les premiers accords de « White Knuckle Blues ». Il y a une belle âme chez CIRKUS PRÜTZ, de bonnes ondes et du cœur. Intense et sans faux pas, on se délecte des twin-guitares, des solos endiablés et torrides et de ces compos au songwriting millimétré (« Handyman Boogie », « Walking In The Rain », « Pack Your Bags » et l’hypnotique « Water Into Wine », entre autres). Tellement authentique !

Photo : Kent Renker

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Modern Metal Shock Rock

Sick n’Beautiful : the vacuum theory

En donnant (presque) autant d’importance à sa musique qu’à son image, SICK N’BEAUTIFUL est parvenu à imposer un concept très personnel, grâce aussi à une frontwoman polymorphe à la présente magnétique. Avec « Horror Vacui », les Transalpins s’essaient à une formule plus synthétique dans le son, tout en conservant une dynamique pêchue et Metal, groovy et tout en puissance. Solidement ancré dans son temps, le quintet reste toujours aussi féroce.

SICK N’BEAUTIFUL

« Horror Vacui »

(BLKIIBLK)

En un peu plus de dix ans, SICK N’BEAUTIFUL s’est fait une jolie place sur la scène Metal Alternative européenne. En mixant un Shock Rock mélodique avec un Modern Metal explosif, les Italiens se distinguent des productions actuelles et leur univers Sci-Fi livre aussi un visuel intéressant. Emmené par la captivante Herma Sick, le combo se présente avec « Horror Vacui », un quatrième album très actuel, percutant et pour le moins varié. Futuriste dans son approche, celui-ci conserve également son aspect théâtral.

Toujours aussi Heavy et ne lésinant pas sur les riffs lourds et les solos concis et efficaces, SICK N’BEAUTIFUL fait monter la pression sur ce nouvel opus en affichant un visage rageur et un rythme très soutenu. Avec une identité de plus en plus évidente, la formation romaine avance sur des titres massifs et accrocheurs, mais là où le bât blesse, c’est au niveau de la production de « Horror Vacui ». Si l’utilisation des machine est aujourd’hui omniprésente, les sonorités très ‘fête foraine’ frôlent franchement le sabordage.

Mais au-delà d’un son parfois brouillon, de bonnes compositions surnagent même si certaines références comme celles d’Alice Cooper ou de Rob Zombie se font toujours sentir (« (Human Is) Overrated », « Death Police », « My Wounds », « Hate Manifesto », « Raise The Dragon », « Haunted »). Avec une énergie brute et un groove dense, SICK N’BEAUTIFUL s’en sort bien avec quelques touches Hip-Hop et tribales plutôt bienvenues. « Horror Vacui » bouscule les genres avec beaucoup d’intensité et fait souffler un vent de fraîcheur.    

Photo : Elizaveta Yudina

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Doom Doom Rock

Messa : magic waves

Après avoir marqué les esprits grâce à un Doom d’une grande richesse musicale en l’espace de seulement de trois albums (et un Live), les Transalpins sont forcément attendus au tournant. Et il faut admettre qu’avec « The Spin », celui-ci est parfaitement négocié. MESSA étend encore son champ d’action. Le groupe est toujours aussi insaisissable et en sortant de sa zone de confort, il asseoit sa réputation avec élégance, tout en restant percutant et sauvage. Plein de rebondissements, cette nouvelle réalisation résonne avec un instinct hors-norme et un feeling débridé.

MESSA

« The Spin »

(Metal Blade Records)

S’imposer aussi fermement et faire l’unanimité à ce point est assez rare dans le monde du Metal, y compris dans un registre comme le Doom. Pourtant, c’est avec beaucoup de classe et surtout un art du renouvellement impressionnant que MESSA est devenu incontournable. Grâce à des certitudes fortes et un line-up soudé et créatif, les Italiens parviennent avec « The Spin » à se surpasser et à surprendre avec énormément d’habileté et une imagination guidée par une audace que rien ne semble pouvoir freiner.

Toujours aussi atypique, le quatuor a jeté son dévolu sur les années 80 à travers des sonorités et une production signée Maurizio Biaggio (The Soft Spoon, Boy Harsher), qui nous renvoie quelques décennies en arrière. Cela dit, pas question pour MESSA de faire dans le réchauffé. « The Spin » ne manque pas d’originalité et les atmosphères dans lesquelles il se déploie sont toujours aussi envoûtantes. Et si la voix toute en nuances de Sara Bianchin y est pour beaucoup, c’est qu’elle est aussi magnifiquement accompagnée.

Avec une douce saveur vintage, « The Spin » n’en demeure pas moins actuel, ou hors du temps, c’est selon. Mélangeant synthés et grosses guitares dans un spectre allant du Metal au Jazz avec une touche Rock, MESSA s’ouvre de nouveaux horizons. L’univers de ce nouvel opus brille par sa diversité et même s’il semble plus compact, il captive dès la première écoute (« Void Meridian », « At Races », « Fire On The Roof », « The Dress », « Thicker Blood »). Déjà incontournable, le groupe signe un disque marquant et authentique. 

Retrouvez la chronique de l’album Live du groupe sorti il y a deux ans :

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France Metal Progressif post-Rock

Ash Twin Project : temporal illusion [Interview]

En associant Metal Progressif et post-Rock, ASH TWIN PROJECT s’ouvre un vaste champ d’expérimentation et c’est ce qu’il fait sur « Tales Of A Dying Sun », sorti il y a peu chez Klonosphere. Originaire du sud-ouest, les membres du quintet ne sont pas franchement des inconnus de la scène française, et leur technique comme les structures des morceaux ne laissent pas planer le doute. Guidé par le chant aérien et puissant de sa frontwoman, le quintet montre de belles choses et nous laisse même un peu sur notre faim. Thibault Claude, batteur et producteur de ce premier album, revient sur son aspect conceptuel et les multiples inspirations à l’œuvre au sein du groupe.

– Vous avez tous une expérience conséquente dans divers groupes de Metal comme Titan, Prophetic Scourge ou Silent Opera pour ne citer qu’eux. Quelles ont été vos motivations pour créer ASH TWIN PROJECT, qui évolue dans un style différent de ce que vous faisiez auparavant ?

Romain (Larregain, guitare – NDR), Robin (Claude, guitare – NDR) et moi avons effectivement surtout des expériences dans le milieu du Metal et particulièrement du Metal extrême, mais nos goûts et nos expériences ne se cloisonnent pas à ce milieu-là. La motivation à explorer de nouvelles esthétiques est donc avant tout une question de goût. J’ai proposé aux membres du groupe des compos instrumentales mêlant beaucoup de mes influences et ça a parlé à tout le monde. L’élément du groupe le plus éloigné du Metal est le chant d’Eglantine (Dugrand, chant – NDR), mais il n’y a eu aucune volonté de s’éloigner d’un style, ou de se rapprocher d’un autre. Avoir proposé à Eglantine de rejoindre le groupe a surtout été motivé par ses capacités vocales et les émotions qu’elle(s) procure(nt).

– Vous œuvrez donc dans un Metal Progressif tirant parfois sur le post-Rock. Cela vient-il de quelque chose qui vous attire depuis longtemps déjà et que vous souhaitiez explorer, ou plus simplement du fait que ces styles commencent enfin à émerger auprès du public ?

Justement, dans Prophetic Scourge, le côté Prog est pleinement assumé, c’est quelque chose qui nous parle énormément depuis toujours. On a toujours eu cet attrait pour le langage complexe de la musique : jouer avec les rythmes et les harmonies, explorer des structures progressives etc… sans perdre de vue le côté émotionnel. Là où dans les autres projets, on explore ça avec brutalité et technicité, on utilise ici un medium moins hargneux, plus axé sur le travail de l’ambiance et du relief. Le propos ne change pas, selon nous, mais il est effectivement moins cryptique ici.

– Par ailleurs, « Tales Of A Dying Sun » se montre solide au niveau du son et c’est d’ailleurs toi, Thibault, qui l’a produit. C’est quelque chose que vous teniez à gérer vous-mêmes ? Maîtriser ce premier album de A à Z ?

Oui, c’est un peu comme si la composition de cet album s’était terminée à la fin du mastering. Bon, j’exagère peut-être un peu, mais oui, la recherche du son a fait partie du processus de maquettage, puis d’enregistrement et enfin du mixage. Au-delà de ça, durant l’enregistrement, nous n’étions pas encore au courant que nous allions sortir l’album chez Klonosphere. Nous n’avions pas non plus de plan à suivre du genre ‘on va enregistrer à tel studio, puis on va faire appel à un tel pour le mixage, histoire qu’on ait un son monstrueux’. J’ai fait au mieux en fonction de mes connaissances et compétences sur le mixage (dans la continuité du travail de composition et de maquettage) et quand on a envoyé les morceaux finis à Klonosphere, ça leur a plu en l’état !

– Bien que votre musique soit très organique, vous tirez votre inspiration du jeu vidéo ‘Outer Wilds’ et donc d’un univers entièrement numérique. Comment y êtes-vous venus et est-ce un intérêt que vous partagez tous les cinq ?

Temporellement, j’ai décidé de m’inspirer de ce jeu environ dans le dernier quart de la composition de l’album. Outer Wilds m’avait profondément marqué quelques temps plus tôt et je voulais lui rendre hommage. En plus de l’aspect hommage, ce jeu est pour moi un bon exemple de ma vision de l’art et de ce que je souhaite transmettre via la musique, le lien s’est fait sur ça aussi, la dualité complexité/simplicité. Outer Wilds maîtrise selon moi l’équilibre parfait entre délire métaphysique, philosophie, soif de compréhension de l’inconnu d’une part, et émotion brute et viscérale d’autre part. En ce qui concerne les autres membres du groupe, Eglantine y a joué aussi, les autres non. Mais comme je disais plus haut, c’est le médium qui change (on n’est pas tous des joueurs fréquents), le propos tenu et les thématiques abordées nous passionnent tous les cinq.

– Quand on s’inspire d’un jeu vidéo, est-ce la recherche d’atmosphères particulières qui motive pour donner une cohérence à l’album, comme c’est le cas sur « Tales Of A Dying Sun » ?

Pas consciemment en tout cas. C’est vrai que le travail sur l’ambiance aide à ce qu’il y ait une cohérence sur tout l’album, mais pas sûr que ça ait un lien avec le fait que ça soit inspiré d’un jeu.

– Toujours à propos d’‘Outer Wilds’, le jeu tourne autour d’une boucle temporelle de 22 minutes précisément, et qui se réinitialise. C’est aussi un thème que l’on retrouve dans vos textes. Est-ce là le point de départ de l’aventure et du concept du groupe ? Et d’ailleurs, avez-vous envoyé votre album aux concepteurs du jeu ?

Non, on n’a pas envoyé l’album aux concepteurs, mais merci de le rappeler, il faut qu’on le fasse ! Alors, le point de départ est moins romanesque qu’une boucle temporelle. C’est le récital d’un examen pour que j’aie mon diplôme d’état de professeur de musique. Mais, oui, la notion de cycle est un des thèmes que l’on aborde et qu’on trouve intéressant, que ça soit pour s’intéresser à des choses abstraites (reproduction de schémas de pensée, ou de choix politiques) ou très concrètes (dynamique des astres et leur impact sur nos vies et croyances), voire les deux en même temps (liens entre la vie et la mort).

– ASH TWIN PROJECT présente des morceaux assez complexes dans leurs structures. Tout d’abord, sur quelles bases instrumentales partez-vous et est-ce que la technicité en elle-même peut aussi devenir une source d’inspiration ?

Sur cet album, la composition découlait d’une base instrumentale, car il n’y avait à l’époque simplement pas de chant. Ça pouvait venir d’une idée ou d’un exercice justement ! Par exemple, l’intro d’« Isolation » est un exercice de polyrythmie que j’avais trouvé sur internet. Arès l’avoir bossé derrière la batterie, je l’ai maquetté en jouant une basse qui suivait le rythme en 7 de la grosse caisse/caisse claire, et une guitare qui reproduisait le rythme en 5 du charley. Un exercice, ou quelque chose, qui nous attire l’oreille n’importe où peut devenir une source d’inspiration. Il s’agit ensuite de se l’approprier correctement. Dans « Isolation », cette idée a été vraiment reprise telle quelle sur la batterie, mais orchestrée différemment en faisant intervenir d’autre instruments. Et ça a inspiré la suite du morceau, où les rôles changent dans qui joue quel rythme (que ce soit les instruments ou les différents éléments de la batterie). En tout cas, la composition a été instrumentale, mais on espère pouvoir composer certains morceaux autour du chant maintenant, c’est une approche différente, mais qui permettrait à Eglantine d’apporter encore plus à l’esthétique du projet.

– Parallèlement à des aspects très Prog, post-Rock et parfois même Noise, ASH TWIN PROJECT reste très Metal au point même que vous accueillez le vocaliste Nicolas Lougnon pour quelques growls. En quoi est-ce pertinent compte tenu du talent de votre chanteuse Eglantine ? Est-ce devenu un passage obligé aujourd’hui, car les exemples se multiplient ?

Si on s’est senti obligés, ce n’est pas pour coller à une demande éventuelle des auditeurs, mais par goût personnel ! Certains riffs plus lourds, ou rapides, étaient propices à du chant saturé. Et comme on aime ça, cela aurait été dommage de s’en priver !

– Justement, il y a une direction artistique assez claire sur l’album. Le songwriting est efficace et la teneur des textes aussi. Malgré un univers dont on a déjà parlé, vos morceaux s’inscrivent dans une réalité authentique. De quelle manière faites-vous l’équilibre et le pont entre ce qui reste du domaine de l’imaginaire et un aspect plus concret ?

Finalement, le pont entre l’imaginaire et le réel se fait naturellement, parce que les deux sont liés. Il peut y avoir de l’abstrait et de la poésie dans n’importe quel objet concret, puisque cela réside dans l’œil de celui qui l’observe. On ne réfléchit pas toujours consciemment à cet équilibre, mais c’est vrai qu’il est présent. Disons que l’imaginaire est une porte d’entrée, une manière d’aborder certains thèmes tangibles avec plus de recul, et ça permet de laisser à chacun la possibilité de se les approprier à sa manière.

– Enfin, avec ses cinq titres, « Tales Of A Dying Sun » pourrait faire penser à un EP, mais sa durée se rapproche de celle d’un album. Avez-vous hésité entre les deux formats, car vous auriez aussi pu le compléter ?

À l’origine, on pensait sortir un EP autoproduit. Mais au fil du temps, une vraie thématique s’est imposée, avec une intention plus conceptuelle. Et ça, c’est typiquement ce qu’on associe à un album : un ensemble cohérent à écouter dans sa globalité. Aujourd’hui, le format album n’est plus forcément la norme, mais c’est celui qui nous semblait le plus adapté à ce qu’on voulait exprimer. Et puis, l’intérêt que nous a porté Klonosphere a aussi joué un rôle dans cette direction, bien sûr !

Le premier album d’ASH TWIN PROJECT, « Tales Of A Dying Sun », est disponible chez Klonosphere/Season Of Mist.

Photos : Roxane Claude

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Southern Metal Southern Rock

Mark Morton : south side

Décidemment, il semblerait que tout le monde se tourne vers la scène du Sud et peu importe le style. Certes, dans le Blues, il paraît assez normal et évident d’aller vers des origines avérées. Quand les musiciens issus du milieu du Metal, et pas des plus tranquilles, s’y mettent, on y regarde tout de même à deux fois… et en scrutant le pédigrée de l’aventurier. MARK MORTON, six-cordiste en chef de Lamb Of God, fait mieux de s’immiscer dans un genre pourtant loin de ses (bonnes) habitudes. Grâce à un jeu brut et direct, son côté roots fait même de son album une belle surprise. « Without the Pain » est un disque bien exécuté et convaincant. 

MARK MORTON

« Without The Pain »

(Independant)

Tout d’abord, je tiens à rassurer les fans de Lamb Of God et ceux de Country Music aussi car, contrairement à ce que j’ai pu lire dans un très, très fameux magazine rocailleux français, MARK MORTON n’a pas sorti d’album de Country. Enfin, pas encore à ce jour, il me semble… Donc, histoire de rectifier un peu le tir hasardeux plein de graviers de notre belle presse nationale, le guitariste et chanteur s’est essayé (et plutôt bien !) au Rock Sudiste, c’est-à-dire au Southern Rock pour être le plus politiquement correct possible. Désolé, mais comme je sais que l’heure est aux fake news, je tenais à apporter quelques précisions. Direction donc le Sud des Etats-Unis avec ce « Without The Pain » de très bonne facture.

Alors, c’est vrai que notre tendre métalleux s’est fait plaisir en invitant quelques jolis noms plutôt associés au genre, comme le leader de Cadillac Tree, Jaren Ray Johnston, la chanteuse Country Nikki Lane, le rugueux Texan Matt James des Blacktop Mojo, le jeune Travis Denning de Georgie, ainsi que Charlie Starr et Jason Isbell de Blackberry Smoke, le très Outlaw Cody Jinkx, la jeune et talentueuse guitariste Grace Browers déjà chroniqué ici, ‘Mr Larkin Poe’ Tyler Bryant, le frontman de Clutch, Neil Fallon, le guitariste de Blues Rock Jared James Nichols et enfin le bassiste et chanteur de Mastodon Troy, Jayson Sanders… Il manque donc Dolly Parton à cette grand-messe de la Country orchestrée par MARK MORTON !

Assez éloigné donc des Miranda Lambert, Lainey Wilson et autres Carrie Underwood, on est plutôt ici dans les pas du Pride & Glory de Zakk Wylde, voire plus récemment de Cory Marks. Ne nous y trompons pas, le musicien originaire de Virginie, a mis le cap au Sud en sortant les muscles, et on n’en attendait pas moins de lui. Il prend à bras le corps le Southern Rock avec l’héritage très Metal qu’on lui connaît. Et ça sonne ! Les riffs épais et tranchants, un songwriting aux petits oignons et des solos de grande classe font de ce deuxième effort en solo de MARK MORTON un moment bien pensé et agréable. Proche des standards du genre, il lui manque cependant encore un peu d’identité franchement Southern. Propre et soutenu.

Photo : Travis Shinn

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Rock Progressif

Bjørn Riis : fendre l’obscur

Après avoir hissé son groupe Airbag parmi les meilleures formations mondiales de Rock Progressif, BJØRN RIIS prend aussi le temps de quitter son trio pour des escapades plus intimes. Tout en gardant ce toucher et ce son si identifiables, le guitariste et chanteur plonge sur « Fimbulvinter » dans une douce mélancolie à la fois légère et sophistiquée. Et quand il ne laisse pas parler sa guitare, c’est avec des mots d’une extrême justesse qu’il captive et prend encore plus de hauteur.

BJØRN RIIS

« Fimbulvinter »

(Karisma Records)

Trois ans après « Everything To Everyone », c’est avec un cinquième album solo que le co-fondateur d’Airbag fait son retour, moins d’un an après « The Century Of Self » sorti avec son groupe. Certes, certains morceaux auraient pu figurer sur l’un des disques du trio, mais l’approche du Norvégien en solitaire est beaucoup plus introspective, plus personnelle aussi et possède une profondeur assez unique. Constitué de paysages sonores dont il a le secret, BJØRN RIIS nous emmène dans un voyage sombre en quête de lumière.

S’il s’est inspiré de ses propres expériences sur l’angoisse, le désespoir et l’anxiété, « Fimbulvinter » n’est pas pour pourtant autobiographique, selon son auteur, et il sait aussi se montrer éclatant et d’une limpide clarté. Tenant son titre de la mythologie nordique, il représente le long hiver de trois ans qui précède Ragnarök. Cependant, il n’y a vraiment que sur l’intro, « Illhug » que l’on retrouve une touche Folk scandinave. Car, sur les cinq autres plages, c’est le Rock Progressif si reconnaissable et scintillant de BJØRN RIIS qui brille.

Pour autant, rien d’étouffant sur « Fimbulvinter », qui évolue à travers des morceaux emprunts d’une belle poésie sur laquelle on se laisse flotter à l’envie. Plein d’énergie, le musicien sait se montrer aussi plus Rock et véloce (« Gone »). Autour de « Panic Attack », long titre angulaire qui articule ce nouvel opus,  BJØRN RIIS déploie son jeu de guitare fluide et lumineux et s’il a convié quelques amis venus l’accompagner, il s’est occupé du reste, tout en co-produisant l’ensemble avec son ami Vegard Kleftås Sleipnes. Magistral !

Photo : Anne-Marie Forker

Retrouvez la chronique de son précédent album solo :