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Americana Blues Soul

Janiva Magness : in search of truth

Pour son 17ème album, celle qui compte sept Blues Music Awards dont le fameux BB King remis par la légende elle-même, nous plonge à la découverte de quelques trésors qu’elle a le don de régénérer en intériorisant les chansons pour les faire siennes. JANIVA MAGNESS est une interprète hors-norme et cette facilité à les personnaliser confère à ses reprises une authenticité toute flamboyante. Et si l’on ajoute le fait que « Back For Me » ait été enregistré en condition live, on constate que la blueswoman s’est à nouveau surpassée.   

JANIVA MAGNESS

« Back For Me »

(Blue Élan Records)

Originaire de Detroit, Michigan, JANIVA MAGNESS est ce que l’on pourrait qualifier de diva (au bon sens du terme !), tant elle parvient à chaque nouvel album à fusionner le Blues, la Soul et l’Americana avec une grâce que l’on n’entend que très rarement. Avec sa voix rauque et puissante, elle reste toujours incroyablement captivante et, en un peu plus de 30 ans de carrière, ne déçoit jamais. Pourtant, l’Américaine est également une grande spécialiste des reprises qui, à chaque fois, sortent brillamment de l’ordinaire par leur choix.

Non que JANIVA MAGNESS ne soit pas une très bonne songwriter, bien au contraire, mais elle excelle dans l’art de magnifier les morceaux des autres en les transformant au point d’en faire de véritables déclarations personnelles. Et c’est encore le cas sur « Back For Me », où elle se montre à même de se les approprier avec un charisme incroyable pour leur offrir une nouvelle vie. Et comme cela ne paraît pas suffire, elle a même convié Joe Bonamassa (encore lui !), Sue Foley et l’électrique Jesse Dayton à la fête.

Une autre des multiples particularités de la chanteuse est aussi de dénicher des pépites méconnues d’artistes aux horizons divers. Et cette fois, c’est chez Bill Withers, Ray LaMontagne, Allen Toussaint, Doyle Bramhall II, Tracy Nelson et Irma Thomas que JANIVA MAGNESS a trouvé l’inspiration. Toujours produit par son ami Dave Darling, « Back For Me » balaie un large éventail de sonorités et de terroirs Blues et Soul, qui vibrent à l’unisson sur une dynamique brûlante entre émotions fortes et rythmes effrénés. Sompteux !

Photo : Kimberly Fongheiser

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Classic Hard Rock Rock

Simon McBride : so british

Pas totalement personnel, « Recordings : 2020-2025 » offre un beau panel des goûts et surtout du talent de SIMON McBRIDE et permettra à qui ne le connaîtrait pas vraiment de mieux comprendre pourquoi il a été le choix de Deep Purple pour remplacer Steve Morse. Entre Rock, Classic Rock et Hard Rock, le guitariste a enregistré quelques inédits, en une seule prise et au studio Chameleon à Hambourg en Allemagne, en complément de reprises réinventées, qui ne laissent pas de doute sur ses influences et encore moins sur sa virtuosité.  

SIMON McBRIDE

« Recordings : 2020-2025 »

(earMUSIC)

En 2023, la carrière du musicien originaire de Belfast a pris un sacré tournant avec son intronisation au sein de Deep Purple et une implication conséquente sur « =1 », dernier et très bon opus en date de la légendaire formation. Cela dit, le parcours de SIMON McBRIDE est aussi assez éloquent. Compositeur, musicien et producteur, il signe ici son sixième album studio après avoir évolué au sein de Sweet Savage, Snakecharmer et aux côtés de Don Airey. Une carte de visite plus que conséquente et de haut vol.

Cette fois, l’Irlandais revient avec un disque un peu spécial, qui regroupe des enregistrements datant des cinq dernières années et même finalisés juste avant son arrivée chez Deep Purple. Composé de titres originaux et de reprises, « Recordings : 2020-2025 » résume plutôt bien la vision du Rock de SIMON McBRIDE et permet aussi de constater sa facilité à s’approprier à peu près tous les genres avec beaucoup de facilité. Pour autant, pas complètement caméléon, c’est essentiellement sa touche qu’on retrouve ici.

Après « The Fighter » en 2022, c’est donc un panorama plus Rock qu’il propose sur 15 titres, qui montrent une belle homogénéité. La production est assez sobre, mais le toucher est toujours aussi singulier. Nette et avec des accroches souvent Hard Rock, la fluidité de SIMON McBRIDE est un modèle du genre que ce soit sur les riffs ou les solos. Par ailleurs, c’est assez bluffant aussi de constater qu’il s’inscrive à ce point dans des sonorités ‘so british’, dans ses compositions comme dans le choix des reprises. Un bon moment !

Photo : Jim Rakete

Retrouvez la chronique de « The Fighter », celle du dernier album de Deep Purple et du coffret de Snakecharmer :

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Blues Rock Heavy Blues International

Erja Lyytinen : the northern star [Interview]

Très explosif et féminin, ce nouvel album de la Finlandaise vient bousculer le Blues déjà très Rock, auquel elle nous a habitués depuis une vingtaine d’année maintenant. Toujours aussi virtuose, elle sait aussi se faire plus sensuelle vocalement, soufflant le chaud et le froid à grand renfort de cette slide incroyable, dont elle a le secret. « Smell The Roses » sonne comme un retour aux fondamentaux, où le superflu n’a pas sa place. ERJA LYYTINEN offre une production très personnelle, intime et la fougue dont elle fait preuve ici ne laisse pas de place à l’hésitation. Rencontre avec une artiste passionnée et grande technicienne, qui se nourrit d’une sincérité de chaque instant.   

– « Smell The Roses » est l’un de tes albums le plus Rock et le plus brut, et pourtant on te voit poser avec une belle rose rouge. Quel contraste, ou sur quel paradoxe, as-tu voulu jouer sur cette pochette ?

Mon intention était de créer quelque chose de nouveau sur la pochette de l’album. Dès que j’ai su que le titre serait « Smell The Roses », j’ai voulu poser avec une rose, mais sous un angle différent de d’habitude. Sur la pochette, je la tiens dans ma bouche et mon expression légèrement surprise me dit : mais qu’est-ce que c’est ? Je voulais faire quelque chose de rafraîchissant, quelque chose qui donne envie de s’arrêter et de regarder à nouveau et de se demander ce qui se passe. Et pour les photos promotionnelles, nous avons opté pour un style plus classique, où la rose est idéalement placée entre les cordes de ma guitare. Il y a donc deux types de poses avec la rose. Et je trouve qu’elle va très bien avec le Rock !

– L’impression qui domine à l’écoute de « Smell The Roses », c’est cette production très épurée et sans fioritures, très instinctive. Est-ce que ton objectif était d’aller à l’essentiel, de ne pas trop d’encombrer d’arrangements superflus en livrant une expression très directe de tes chansons ?

Avec « Smell The Roses », je voulais faire un album purement Rock avec un groupe en formation classique. Et une guitare électrique, un orgue Hammond, une basse et une batterie constituent une base solide. Il n’y a pas beaucoup de superpositions. Nous voulions une ambiance live et créer des chansons et des sonorités qui donnent envie de se dire ‘Ouais, c’est du Rock !’. C’est mon album le plus heavy à ce jour, et j’y ai joué beaucoup de riffs de guitares. C’était rafraîchissant de faire simple. Je trouve qu’on a trop de fouillis de nos jours… trop de matériel, trop de tout. Donc, rester simple et directe, avec un esprit Rock des années 60 et 70 était vraiment l’objectif et nous y sommes parvenus.

– Cette fois encore, tu produis ce nouvel album. On peut facilement comprendre ton désir d’avoir la main sur tes chansons du début à la fin. Cependant, avec l’expérience que tu as aujourd’hui, tu n’as jamais été tenté par faire appel à un producteur américain, ou anglais, de renommée mondiale et qui t’ouvrirait peut-être nouveaux horizons musicaux, comme tu l’avais déjà fait avec David et Kinney Kimbrough dans le passé, par exemple ?

Oui, bien sûr, j’ai été tentée de faire appel à des producteurs de renommée mondiale ! Cependant, j’ai moi-même une vision claire et je n’ai pas peur de prendre des décisions. J’ai aussi enregistré moi-même mes solos de guitare et mes voix pour l’album, et j’apprécie beaucoup ce processus. Pour beaucoup d’artistes indépendants, produire ses propres enregistrements est aussi une option économique. J’ai adoré travailler avec Chris Kimsey et nous restons en contact. L’enregistrement de « Stolen Hearts » aux studios ‘State Of The Ark’ à Londres avec lui a été une expérience formidable en 2016. Il y a aussi des producteurs avec qui il serait intéressant de produire les prochains albums. On verra bien ce que l’avenir nous réserve pour la suite. Mais produire « Smell The Roses » seule était intéressant et assez facile, car je travaille avec mon groupe et mon ingénieur du son depuis un certain temps déjà. Tout s’est donc bien passé.

– Sur ce nouvel album, il y a des chansons comme « Going To Hell », « Abyss » ou « Empty Hours », qui sont très profondes avec des textes forts pleins de sens. Ce n’est pas la première fois que tu fais preuve d’autant d’audace, mais la thématique est peut-être plus sombre et plus dure aussi cette fois. C’est le monde actuel avec ses allures de chaos qui t’a poussé à aller dans ce sens ?

Le monde est dans un état étrange en ce moment et cela doit aussi se refléter dans la musique. Il y a aussi quelques ‘démons personnels’ que je libère toujours dans mes albums. Bien sûr, il y a aussi beaucoup de fiction, l’objectif étant d’émouvoir l’auditeur, de l’inciter à s’arrêter, à écouter et à trouver sa propre signification dans les chansons. Mais oui, cet album est bien plus sombre que mes précédents. Je n’ai pas peur d’aborder des sujets difficiles et d’apporter une touche de mysticisme à mes chansons. Par exemple, « Stoney Creek » est une histoire mystérieuse, qui n’a pas encore été résolue. Je trouve fascinant d’écrire des paroles dignes d’un film… de peindre un tableau pour l’auditeur.

– Tu as également multiplié les collaborations tout au long de ta carrière, dont beaucoup de très prestigieuses. Avec « Smell The Roses », tu donnes l’impression de vouloir revenir à quelque chose de plus personnel et de plus intime. Tu avais l’envie de revenir à l’essence-même de ton Blues Rock et à un style peut-être plus débridé ?

Personnel et intime, voilà ce dont nous avons besoin en ce moment. De l’honnêteté et de la sincérité. C’est la meilleure façon de toucher les gens : être ouvert et franc. C’est difficile pour nous, les gens, d’avoir ce genre de choses. Cet album doit être nouveau de ce point de vue, et je suppose que c’est pour cela que les gens l’apprécient. En écrivant les chansons, je ne voulais me limiter en aucune façon. La simplicité réside dans la production, mais les solos de guitare sont très intenses et je me suis efforcé de jouer différemment sur cet album que sur le précédent, « Waiting For The Daylight ». L’album est donc orienté Blues et Rock avec quelques touches de Hard Rock.

– Tu as déjà sorti cinq albums live et, justement, « Smell The Roses » a une sonorité très live et immédiate. Toi qui es une artiste de scène, tu as ressenti le besoin de revenir à un enregistrement qui se rapproche de tes prestations en concert ?

J’adore jouer en live. Et en écrivant pour cet album, j’ai aussi réfléchi à ce que j’aimerais jouer sur scène ces deux prochaines années. Nous avons aussi répété les morceaux avec mon groupe pendant les balances de notre tournée européenne et cela a dû influencer le matériel : les chansons fonctionnent sur scène comme sur l’album. Il est très organique. Nous avons déjà joué beaucoup de morceaux en concert et ils fonctionnent très bien en live. Je n’ai pas eu besoin de composer grand-chose pour mes parties de guitare. Donc, pour moi, c’est parfait !

– Justement, puisqu’on parle de concert, tu as aussi sorti il y a quelques semaines l’album « 20 Years Of Blues Rock ! » enregistré dans ta ville natale d’Helsinki pour marquer les 20 ans de ton premier album « Wildflower ». C’est un disque très fort émotionnellement. Quel regard portes-tu sur cet album par rapport à « Diamonds on the Road – Live », notamment, qui était sorti l’année précédente ? Le premier est-il plutôt destiné à tes fans de la première heure ?

« 20 Years of Blues Rock! » est un album live que nous avons enregistré lors de mon concert pour les 20 ans de ma carrière au légendaire ‘Tavastia Club’ d’Helsinki. L’album comprend deux CD et un DVD, ce qui en fait un disque vraiment sympa. J’avais invité toutes mes sections rythmiques depuis 2003 à jouer ce soir-là. Il y avait donc cinq bassistes, cinq batteurs et plein d’autres invités. C’était très nostalgique, très exaltant, une longue soirée pleine de souvenirs ! Nous avons joué des morceaux de chacun de mes albums studio avec les formations originales. C’était vraiment génial ! C’est donc un produit que nous allons continuer à proposer pendant un certain temps, car il s’adresse vraiment à mes fans de longue date, qui suivent ma carrière depuis l’enregistrement de mon premier album en 2003.

– En réécoutant ton album précédent, « Waiting For The Daylight », mais surtout tes albums live, j’ai noté une évolution dans ton jeu, pas au sens strictement technique, mais plutôt dans le jeu et la façon d’aborder les mélodies. Quel regard poses-tu justement sur ta façon de jouer ? Qu’est-ce qui a le plus changé, selon toi, dans ton rapport à ton instrument ?

Je joue de la guitare depuis plus de trente ans et c’est agréable d’entendre que les gens perçoivent mon évolution. Je n’ai pas peur de dépasser les limites et, aujourd’hui, j’essaie d’utiliser ouvertement tout ce que j’ai appris au fil des ans sur la guitare et la musique. Je suis donc très ouverte à l’exploration de cet instrument. J’apprécie également la musique progressive et la fusion. À l’époque, lorsque je jouais principalement dans les clubs de Blues, je ne pouvais pas vraiment jouer de musique progressive, mais aujourd’hui, je m’exprime plus librement, en espérant que mon public l’appréciera aussi. Et il semble qu’ils aient été plutôt satisfaits de mon approche plus Rock et progressive, que ce soit dans les mélodies ou les harmonies.

– Tu as toujours eu un son européen qu’on pourrait même qualifier de ‘nordique’ au regard de la scène britannique, par exemple. C’est ce qui te rend immédiatement identifiable et unique sur la scène Blues Rock mondiale. Justement quel regard portes-tu sur l’actuelle et  effervescente scène Blues, et notamment sur les femmes qui commencent enfin de plus en plus à occuper les premiers rangs ?

Mes origines finlandaises ont forcément un impact sur ma musique. C’est pourquoi je mélange mes racines nordiques avec la tradition du Rock et du Blues britannique et américain. C’est fascinant de voir de plus en plus de femmes évoluer dans le monde de la musique. Cela diversifie le secteur, offre davantage de possibilités aux femmes et aux jeunes filles et les encourage à suivre leur propre voie. Je pense que cela contribuera à l’essor de toute l’industrie. Quand j’ai commencé la guitare électrique à quinze ans, le paysage musical était très masculin, et le changement a été considérable ces dix dernières années.

– Enfin, avec son côté presque frontal, très Rock et parfois rugueux, « Smell The Roses » est peut-être l’album qui te ressemble le plus dans ses textes, mais aussi dans ton jeu, où tu sembles revenir à l’essentiel avec beaucoup de facilité d’ailleurs. Est-ce que tu te sens à un sommet de ta carrière aujourd’hui artistiquement ?

Eh bien, j’apprécie vraiment cette aventure ! Certaines choses me semblent beaucoup plus faciles aujourd’hui. J’ai un groupe et une équipe formidables avec qui travailler, j’aime jouer en live et écrire des chansons. Je suis heureuse et c’est particulièrement important. Le chemin a été long pour en arriver là, mais je sens qu’il y a encore beaucoup à faire. En tout cas, j’ai très envie de continuer et de découvrir ce que l’avenir nous réserve de génial !

Le nouvel album d’ERJA LYYTINEN, « Smell The Roses », sort le 28 mars chez Tuohi Records. Elle sera par ailleurs en tournée en Angleterre du 2 au 13 avril. Toutes les infos et les dates sont à retrouver sur son site : https://erjalyytinen.com

Photos : Ville Juurikkala

Retrouvez aussi les chroniques de ses derniers albums :

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Blues Blues Rock Chicago Blues Delta Blues

ZZ Ward : all the Blues

Artiste accomplie au parcourt assez étonnant, ZZ WARD sort un quatrième opus plein de surprises en suivant ses choix et ses envies. Sur « Liberation », chaque titre est concis et direct et traverse les courants du Blues avec passion et beaucoup de facilité.  A la fois Roots, Blues Rock, Southern, aux sonorités du Delta comme sur un groove Honky-Tonk, la frontwoman se fait brûlante, poignante, délicate et forte. Vibrante et intense, l’Américaine est exaltante et conquérante. Une belle démonstration de feeling et de maîtrise.

ZZ WARD

« Liberation »

(Dirty Shine/Sun Records)

Chaque nouvelle sortie de ZZ WARD est dorénavant scrutée de très près et quelques mois après son arrivée sur le mythique label Sun Records qui avait été marqué par l’EP « Mother », elle nous livre « Liberation ». Et la songwriter de Roseburg, Oregon, se présente avec un quatrième opus étonnant à bien des égards. En effet, le successeur de « Dirty Shine », sorti il y a deux ans, est composé de quatre des six morceaux de son récent format court paru en octobre dernier, ainsi que de quelques classiques revisités et, bien sûr, de chansons originales.

Celles et ceux qui auraient manqué « Mother » ont donc le droit à une petite séance de rattrapage. La multi-instrumentiste a renouvelé sa confiance au producteur Ryan Spraker, ayant lui-même plusieurs cordes à son arc, et « Liberation » est un album qui n’aura jamais aussi bien porté son nom. Au fil des morceaux, on découvre ZZ WARD déclamant son amour du Blues, sans filtre et sans fard, que ce soit sur ses propres titres ou sur les reprises qu’elle a savamment choisi et qu’elle s’est approprié avec brio…. Une expression de la liberté plus flamboyante que jamais.

Libre et libérée, la chanteuse fait ce qu’elle veut et elle sait tout faire. A travers les 14 chansons de « Liberation », elle démontre sa polyvalence tout comme sa connaissance d’un répertoire Blues très large. Parmi les covers de Big John Hamilton, Son House, Robert Johnson ou Fats Domino, ZZ WARD fait plus qu’explorer l’Histoire du genre, elle la réinvente et lui offre une toute nouvelle couleur. Et en marge, on se délecte de ses compositions très personnelles et intimes (« Love Alive », « Liberation », « Lioness », « Clairvoyant », « Next To You »). Brillante ! 

Retrouvez les chroniques précédentes :

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Blues Blues Rock International

Eric Johanson : in the cradle of Blues [Interview]

Originaire de la Nouvelle-Orleans, ERIC JOHANSON n’aura pas mis très longtemps à s’imposer sur la scène très prolifique des jeunes bluesmen américains. Ayant fait ses gammes aux côtés de Cyril Neville, Anders Osborne et des Neville Brothers, il tape ensuite dans l’œil de Tab Benoit qui le signe aussitôt sur son label Whiskey Bayou Records, où sort « Burn It Down » en 2017. Depuis, le guitariste et chanteur ne cesse d’arpenter les scènes du monde entier et on le retrouve tout naturellement avec « Live In Mississippi », qui fait suite à son dernier opus studio « The Deep And The Dirty ». Entretien avec un artiste qui s’exprime pleinement en concert, où il transmet sa passion d’un Blues relevé.

– Trois ans après le « Live at DBA: New Orleans Bootleg », tu es déjà de retour avec un autre album live. Cela peut paraître un peu surprenant, surtout après quatre albums studio et deux autres de reprises. C’était le bon moment d’en sortir un nouveau, selon toi ?

Pour moi, ce qui compte vraiment, c’est de pouvoir capturer ces moments et de les partager avec les gens. Le dernier album live n’était disponible physiquement que lors de nos concerts et sur ma boutique en ligne. Faire celui-ci avec Ruf Records signifiait qu’il serait disponible en vinyle ainsi qu’en CD, et dans les magasins partout en Europe et en Amérique du Nord. C’est donc cet autre aspect qui m’a enthousiasmé.

– Avoir sorti deux albums live sur une assez courte carrière laisse à penser que c’est vraiment su scène que tu te sens le mieux. Qu’y a-t-il de si spécial dans le fait d’enregistrer un disque en public ? C’est l’échange ?

Oui, il y a quelque chose de spécial qui se produit quand on ressent la chanson et l’énergie du public. Avec les enregistrements en studio, on joue presque tout en live, mais c’est différent, parce qu’on sait qu’on crée la version album. Lors d’un concert, on prend plus de risques et le public peut aussi nous inciter à jouer avec plus d’intensité. C’est un moment partagé, et les gens jouent un rôle très important dans l’ambiance.

– « Live In Mississippi » fait, bien sûr, la part belle à ton dernier album « The Deep And The Dirty », qui a été couronné de succès. Ton envie première était-elle de donner des versions différentes de tes morceaux avec peut-être les modifications que la scène leur a apportées au fil des concerts ?

Nous avons pris beaucoup de plaisir à jouer les chansons de ce nouvel album, et comme la précédente sortie live est sortie avant celles-ci, il était logique d’en inclure davantage sur « Live in Mississippi ». Lorsque nous les jouons en live, nous pouvons étirer certains passages ou explorer un peu plus les solos. Nous trouvons tout le temps de nouvelles choses à inclure aux morceaux.

– « Live In Mississippi » présente dix chansons au total. J’imagine bien sûr que tes concerts sont bien plus longs. Comment s’est passé le choix de conserver celles-ci pour l’album ? Tu as décidé en fonction de tes interprétations, ou il s’agit plutôt d’un équilibre dans ton répertoire qui te définit finalement le mieux ?

Oui, le concert était bien plus long que ce disque. On ne peut pas mettre autant de musique sur un vinyle, donc on a dû le réduire à ce qui semblait être un bon échantillon de la soirée. Bien sûr, une partie de moi veut sortir un coffret avec deux ou trois vinyles, ou quelque chose comme ça, mais ça devient une sortie vraiment chère à ce stade. Je repense aussi à certains grands disques live qui sont devenus des classiques, même s’ils étaient suffisamment courts pour tenir sur un seul disque. Et puis, parfois, ça vous fait réaliser qu’on peut transmettre l’ambiance sans que ça dure pour autant deux heures.

– Pour ton dernier album, « The Deep And The Dirty », tu as beaucoup tourné, que ce soit aux Etats-Unis comme en Europe. J’imagine que les émotions sont nombreuses et très diverses. Dans quel pays et par quel public as-tu été le plus surpris ou séduit ?

J’adore vraiment voyager partout. C’est l’un des meilleurs aspects des tournées, celui de rencontrer des gens du monde entier et de ressentir cette connexion entre tous les peuples à travers la musique. Nous avons joué dans des festivals incroyables en Espagne, en Suède et aux Pays-Bas, et ce sont toujours des moments géniaux, parce que les gens vous entendent pour la première fois. Mais j’aime aussi beaucoup conduire à travers l’Europe pour faire la tournée des clubs et voir la campagne. Nous serons d’ailleurs à nouveau en Europe à la fin de l’année et j’ai vraiment hâte !

– Comme son nom l’indique, l’album a été enregistré dans le Mississippi au ‘Ground Zero Club’ de Biloxi. Pourquoi as-tu fait le choix de ce concert en particulier ? Correspond-il à un moment spécial de ta tournée, à un endroit que tu connaissais déjà, ou plus simplement c’est le public a été le plus réceptif ?

J’aime l’idée de capturer la musique dans l’environnement d’où elle provient. Notre dernière sortie live a été réalisée ici à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, et le Mississippi est un autre lieu de naissance important du Blues et de la musique roots. Nous voulions également trouver un concert où nous savions que la salle serait prête à nous aider à le réaliser, et les gars de ‘Ground Zero’ sont tout simplement super sympas et serviables.

– L’enregistrement d’un album live n’est jamais quelque chose que l’on fait au hasard, il demande aussi de la préparation et pas uniquement du côté des musiciens. Est-ce que, justement, c’est un rendez-vous spécial avec le public avant même de commencer le concert, car on sait qu’il va être immortalisé sur disque ?

Non, car je ne veux pas que les gens se comportent différemment parce que c’est enregistré. Je veux juste capturer un instantané authentique de l’expérience. Je crois avoir mentionné une fois au micro que nous étions en train d’enregistrer, mais pour l’essentiel, nous nous sommes juste concentrés sur le fait de nous amuser avec le public, comme on le fait toujours.

– Partir en tournée dure quelques semaines, voire quelques mois, et les concerts sont forcément nombreux. Est-ce que tu as fait évoluer ta setlist au fil des dates, ou peut-être même suivant le public ou le pays, voire plus simplement au fil de tes envies ?   

Je n’écris plus de setlist, sauf s’il s’agit d’un concert très court, comme une première partie ou une brève apparition dans un festival. Je me base simplement sur mon ressenti et sur la chanson qui me semble la plus appropriée à jouer ensuite. Certaines ont tendance à être placées au début ou la fin, mais j’essaie toujours d’éviter de faire le même set.

– L’album passe par des émotions et des atmosphères très différentes. Tu avais aussi le désir de livrer le panel le plus large de ton répertoire avec des instants parfois opposés et qui font aussi bien sûr ton jeu et ton style plus largement ?

Oui, je pense que le défi de choisir une sélection de morceaux pour un concert est de montrer différentes facettes de ce que tu fais. Je pense que ce disque est une bonne représentation du mélange de styles qui composent mon son.

– Tu as la particularité d’évoluer en trio, ce qui offre beaucoup de proximité entre les musiciens, mais aussi une grande immédiateté avec le public. On te sent justement très proche des gens. C’était vraiment ce que tu souhaitais capter de ces moments en concerts ?

Bien sûr, j’ai toujours été attiré par le son du trio, parce qu’on peut entendre tellement de détails de chaque musicien. Nous occupons chacun un espace sonore différent, donc rien ne masque vraiment quoi que ce soit de l’autre. Cela met tout le monde en avant, donc il faut vraiment tout donner dans sa performance. Je pense que cela se traduit également par une intimité avec le public, ce que j’aime beaucoup.

« Live In Mississippi » d’ERIC JOHANSON sera disponible le 21 mars chez Ruf Records.

Retrouvez la chronique de « The Deep And The Dirty »…

… Et celle du Blues Caravan 2024 avec Katarina Pejak et Alastair Green :

Photos : Kaylie McCarthy (1,2, 4), Doug Hardesty (3) et Gypsy Bone Photography (5).

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Blues Folk/Americana France Rock

Nina Attal : la guitare au cœur [Interview]

A mi-chemin entre Rock, Pop, Blues, Folk et Americana, NINA ATTAL trace sa route depuis plus d’une quinzaine d’année et elle semble avoir trouvé une belle allure de croisière. A quelques jours de la sortie de son cinquième  album, « Tales Of A Guitar Woman », la guitariste et chanteuse affiche la sérénité d’une artiste accomplie et toujours en quête de renouveau et de découverte. Ce nouvel opus en est le parfait exemple, puisqu’il parcourt les styles qu’elle affectionne en mettant en lumière son instrument de prédilection avec beaucoup de délicatesse et une fougue jamais très loin. Entretien avec une musicienne passionnée, sincère et qui fait fi des frontières musicales pour mieux suivre sa voie.

– Comme son titre l’indique, « Tales Of A Guitar Woman » est un album de guitariste, mais où tu te mets véritablement au service des chansons. On est loin de quelque chose de démonstratif et tu alternes l’électrique et l’acoustique avec du dobro, de la slide, une guitare 12 cordes, etc… Musicalement, l’idée première était-elle de jouer le plus large éventail possible ?

C’est exactement ça, j’avais envie de mettre mon instrument au centre de l’album. J’ai voulu élargir la palette sonore de la guitare, d’autant que depuis quelques années, leur nombre a bien augmenté chez moi. L’idée était de montrer un peu tout ça. Et c’est très joliment dit quand tu dis que je me suis mise au service des chansons, car c’est vraiment mon instrument qui m’inspire. Je me laisse toujours guidé par ce que j’ai en main. Je suis entourée de toutes mes guitares et lorsque j’en prends une, cela peut être le dobro, la douze cordes ou une autre et je me laisse un peu mener par l’instrument. Les chansons se fondent dans ce côté guitaristique. Et puis, j’aime bien chiader un peu mes parties, que ce soit un peu complexe, sans que ce soit forcément très technique, mais aller au-delà de trois accords. Je suis guitariste avant tout. J’aime aussi me dire que je me challenge à jouer mes parties en même temps que de chanter et que tout cela forme une jolie chanson avec des aspects plus Pop, plus Folk ou Rock, selon les envies.

– Chacun de tes albums est différent dans son approche, même si tous se baladent autour du Blues et on te reconnaît immédiatement. Est-ce que tu considères chaque disque comme une sorte de défi à travers lequel tu te dévoiles un peu plus à chaque fois ?

Oui et c’est vrai qu’un album est toujours un morceau de vie, car l’idée est aussi de partir en tournée avec ensuite. Ça te caractérise à l’instant où tu le fais. Il y a toujours un challenge, même si à la base, tu fais de la musique pour qu’elle soit écoutée. Ce n’est pas une question d’ego-trip, même si certains sont là-dedans. Mais, pas moi. (Rires) Tu as toujours envie de faire mieux que ce soit dans la guitare, dans le chant ou le songwriting. Au final, je me suis aperçue au fil du temps que j’avais de moins en moins besoin et envie de fioritures. J’ai le désir d’être plus brute et authentique dans ma manière de m’exprimer et c’est ce que j’essaie de faire. C’est vrai que maintenant, je compose guitare-voix, seule et mes chansons sortent comme ça. Cela m’aide à concrétiser ma musique dans une forme plus épurée vers laquelle je tends de plus en plus.

– Même si « Tales Of A Guitar Woman » traite de sujets parfois douloureux, je le trouve d’une grande douceur avec ses moments plus fougueux aussi. Il dégage beaucoup de sérénité. Est-il le reflet de ton état d’esprit actuel, ou du moins de celui qui t’animait lors de sa composition ? Je le trouve presque zen dans ses sonorités…

Oui, c’est ça. Tu sais, on vieillit. Maintenant, j’ai 33 ans et, forcément, je suis plus sereine et plus en adéquation avec moi-même. Ma vie va aussi dans ce sens. Là, on parle et je suis devant les montagnes en Suisse. Il y a aussi une forme de sérénité là-dedans, même si les sujets de l’album sont très intimes. C’est ce que j’aime faire dans mes chansons : raconter des choses à la fois très personnelles et qui fassent aussi écho en chacun de nous pour que l’auditeur puisse également s’y retrouver. L’album est en adéquation avec des questionnements que tout le monde peut avoir aujourd’hui sur l’état du monde. Cela peut être l’environnement, les guerres qui se déroulent autour de nous ou des choses plus immédiates comme la maladie d’un proche, par exemple. Je ne voulais pas, non plus, que cela soit déprimant, car il y a toujours une lueur d’espoir. C’est d’ailleurs pour ça qu’on fait de la musique. Et tout ça est aussi représentatif de la personne que je suis aujourd’hui.

– Cette fois aussi, tu renoues avec des chansons en français (« L’hiver », « Jimmy » et « Pas La Peine »), ce qui était aussi le cas sur ton EP « Verso » en 2016, ainsi que sur l’album « Jump » deux ans plus tard. Quel est a été le déclic ? Un désir de retrouver d’anciennes sensations, ou plus simplement de t’exprimer dans ta langue maternelle ?

Il y a un peu de tout ça. J’ai une relation très simple avec le français. Quand je compose un morceau, j’entends la sonorité des mots et quand mon instinct me mène vers le français, je le fais. Je ne me pose pas trop de questions à ce niveau-là, quant à savoir s’il faut que l’album soit en français, en anglais ou moitié-moitié. Est-ce que ça va marcher, ou pas… Je pense que si tu ne le fais pas naturellement, ça ne fonctionne pas. En fait, je me pose avec ma guitare et certaines sont venues en français. Et puis, utiliser sa langue maternelle permet aussi de parler d’autre chose avec peut-être moins de filtres et de barrières. Je suis contente de ça. J’ai aussi une relation plus fusionnelle avec l’anglais, car mon compagnon ne parle pas français et ma langue du quotidien est devenue l’anglais depuis cinq ans. Je développe une relation plus intime avec l’anglais.

– D’ailleurs, qu’est-ce qui change dans le processus d’écriture ? Est-il le même en français et en anglais ? Ou est-ce que l’approche est assez éloignée, car les mots sonnent différemment également ?

Je ne saurais pas trop t’expliquer. Je pense que ça vient beaucoup des accords que tu choisis et de ta mélodie. On a tous une oreille musicale et je pense que certaines sonorités nous amènent inconsciemment vers des choses que l’on connait comme la chanson française, par exemple, qui sont en nous et qu’on a entendues dans notre vie. Quand je chante en français, j’essaie de ne pas trop me rapprocher de ces ‘clichés’, car ce n’est pas vraiment ma musique. Et puis, je pense aussi que ça marche, parce que la musique peut avoir des sonorités plus Americana, ou même Country, et qui vont aller à l’encontre de ce qu’on peut attendre d’une chanson en français. C’est ma vision de la chose ! (Sourires)

– Tu as écrit et composé seule l’ensemble de ce nouvel album. C’est important pour toi de rester seule aux commandes, même si Gunnar Ellwanger et Mathieu Gramoli qui le co-produit avec toi ont participé à son élaboration finale ?

C’est déjà ce que j’avais fait pour « Pieces Of Soul » en 2021 et c’est quelque chose sur laquelle je ne reviendrai pas. C’est hyper-important que je commence le processus de composition seule, parce que c’est comme ça que je me sens libre de m’exprimer et d’être aussi la plus authentique possible dans ce que je fais. C’est ce que je vais proposer aux gens et il faut que ce soit 100% moi. Et c’est la meilleure manière de l’être. En général, je compose la chanson en guitare-voix jusqu’à ce qu’elle fonctionne comme telle. Ensuite, je fais une maquette sur ordinateur où j’ajoute la batterie, la basse et les claviers. Puis, le processus d’arrangement est très important avec les musiciens, car ils le font beaucoup mieux que moi. Il faut que les morceaux les inspirent pour qu’ils amènent leur propre touche. Mon objectif est que ce soit suffisamment bien composé pour que ce soit évident pour tout le monde dans la manière dont la chanson doit être jouée. Gunnar m’aide aussi pour les paroles, même si j’ai déjà les thèmes et les grandes lignes. Il peaufine un peu les paroles pour exprimer au mieux ce que j’ai à dire. Avec Mathieu, nous avons co-produit l’album ensemble et là, il s’agit d’enregistrement des instruments, du son et globalement de ce vers quoi on va aller. J’arrive avec des références et on essaie de développer tout ça ensemble pour que ça fasse une belle unité et un bel album. C’est important d’avoir des gens qui ont un peu plus de recul que moi.

– Lorsque l’on prend « Tales Of A Guitar Woman » titre par titre, on constate qu’il s’articule autour de 13 histoires différentes. C’est un schéma que l’on retrouve aussi dans l’Americana. C’est un registre qui a été une source d’inspiration cette fois, au moins dans les structures des morceaux ?

Oui, c’est une idée qui était assez claire dans ma tête depuis le départ. Je voulais vraiment que chaque chanson raconte l’histoire d’un personnage. Elle contienne d’ailleurs toutes le nom d’un personnage que ce soit Ben ou Suzy, par exemple. C’est à travers eux que je raconte des histoires personnelles. C’est une source d’inspiration que l’on retrouve aussi chez Lou Reed, Bob Dylan, David Bowie, Billy Joel et beaucoup d’autres. C’est une façon de raconter des histoires à travers les chansons. Ce processus m’a toujours beaucoup inspiré et je voulais le retranscrire dans cet album.

– Autre nouveauté sur l’album, on te retrouve en duo à deux reprises avec Victor Mechanick sur « Missed Something » et « Pas La Peine ». Même si tu es une habituée des collaborations, c’est plus inédit sur tes albums. Comment sont nées ces chansons avec cette envie d’en partager le chant ?

On se connaît depuis longtemps avec Victor. On s’est souvent croisé sur la scène parisienne avec nos amis Yarol Poupaud, Raoul Chichin et quelques autres. J’aime beaucoup ce qu’il fait sur son projet personnel. Cela faisait longtemps que l’idée me trottait dans la tête. Quand j’ai fini l’album avec Mathieu, nous nous sommes dit que ce serait sympa qu’il partage le titre « Missed Something » avec moi. La chanson était déjà composée et il est venu la chanter en studio. C’était cool et on s’est dit que c’était dommage qu’on n’écrive pas un titre ensemble. On a pris nos guitares en essayant d’écrire quelque chose et voir ce que cela donnait. On est parti sur une grille d’accords, puis sur des idées différentes et cela s’est fait assez rapidement. Ensuite, on s’est chacun mis dans un coin de la pièce pour écrire nos paroles, je faisais le couplet et lui le refrain. Et ce qui est drôle, c’est que nous ne nous sommes pas du tout concertés, ni donné de thème, de mot ou de champ lexical, et pourtant on avait pris la même direction. On a gardé la chanson, on n’a rien touché et on l’a enregistré comme ça. Et c’est devenu « Pas La Peine ». Ca fait partie des petits moments magiques en studio, c’est très sympa ! (Sourires)

– Un petit mot également au sujet de l’aventure ‘Electric Ladyland’. En t’écoutant attentivement, on perçoit facilement l’empreinte de Jimi Hendrix sur ton jeu, mais ce qui rend unique ce projet, c’est que le groupe est entièrement féminin. C’est important pour toi de faire vivre cette belle sororité sur scène ? Même si le mot est aujourd’hui un peu galvaudé…

Oui et ce qui était important pour nous, c’était de faire une sorte de pied de nez pour dire qu’il y a beaucoup de femmes qui savent très bien jouer du Rock’n’Roll en France. Et le projet hommage à Jimi Hendrix est aussi un challenge en soi, car c’est l’un des plus grands guitar-heros. Ca peut faire peur et il n’y en a d’ailleurs pas beaucoup qui s’y frottent ! (Rires) Techniquement et musicalement, ce n’est pas évident. On connaît toutes les chansons et on a toutes essayé de les jouer adolescentes. Alors aujourd’hui, les jouer sur scène et rendre un bel hommage à Jimi est quelque chose qui nous rend fières. En ce qui concerne ce groupe entièrement féminin, c’est quelque chose qui nous tenait vraiment à cœur, car on souhaitait mettre les femmes en avant, les femmes talentueuses. Et c’était aussi l’occasion de mettre en lumière des musiciennes qui n’ont pas forcément leur projet à elles en tant que lead, qui sont accompagnatrices, pour les mettre au centre d’un projet. Il y a Antonella Mazza à la basse, Laëza Massa à la batterie, Léa Worms aux claviers, … Ce sont de super musiciennes et c’était important qu’elles soient très centrales, d’autant qu’elles ont une belle carrière. Alors, même si le côté ‘femmes sur scène’ est un concept en soi, l’idée est quand même de venir nous voir en concert et de vite oublier ça ! L’essentiel est de kiffer la musique et de trouver que c’est un bel hommage à Hendrix. En tout cas, on s’amuse beaucoup sur scène, on tourne toujours et n’hésitez surtout pas à venir nous voir !

– Enfin, ce qui peut paraître étonnant, c’est que tu ne sois pas signée sur un label. On a d’ailleurs de plus en plus le sentiment que beaucoup d’artistes souhaitent évoluer en marge de l’industrie musicale traditionnelle. C’est vrai aussi que les plateformes ont bouleversé la donne, et pas forcément en bien. Cela dit, l’indépendance est-elle le salut pour de nombreux musiciens comme toi ?

Vaste sujet ! Je pourrais t’en parler des heures. Tout d’abord, cet album est co-produit par mon batteur Mathieu Gramoli et il sort sur son label LVCO, qui est indépendant. J’ai pu avoir des rendez-vous avec des gros labels ou des gens intéressés par le passé. Malheureusement, ce sont toujours des gens qui veulent te changer, te façonner à une image qui n’est pas la tienne. Cela fait 16 ans que je fais ce métier avec des valeurs et des choses auxquelles je crois. Donc, répondre à certaines attentes dans ce milieu n’est même imaginable pour moi. On essaie de vivre, parfois même de survivre, on ne va pas sentir, dans cette industrie qui est bien chargée. Se faire une place sur les plateformes est très difficile vu le nombre de sorties quotidiennes. Alors, je joue le jeu en sortant des singles en streaming, car on ne peut pas aller non plus à l’encontre du système. Mais je pense que si mon projet dure depuis si longtemps, c’est parce que tout ça est ailleurs et notamment chez ma fan-base, les vrais gens qui me suivent depuis 16 ans. D’ailleurs, on a co-produit l’album avec Mathieu, mais il a aussi été soutenu par les KissKissbankers via un financement participatif. Je me suis vraiment rendu compte à quel point les gens me suivaient et étaient au rendez-vous quand il fallait l’être. Ça m’a beaucoup ému et touché. La vraie vie se passe sur scène, sur la route et c’est là que tu vois à quel point ton projet peut durer dans le temps. On essaie de construire les choses sur la durée et pas en créant le buzz. Mais on doit aussi s’adapter pour suivre une certaine cadence. Et il faut continuer ce métier avec passion et en se faisant plaisir aussi. Et la démarche de sortir un album complet est également une chose très importante à laquelle je tiens beaucoup, même si ça peut paraître aujourd’hui un peu obsolète. L’idée est vraiment de fédérer des gens autour de la musique et ça, c’est cool et plutôt gratifiant.

L’album de NINA ATTAL, « Tales Of A Woman Guitar », sera disponible le 28 mars chez LVCO et vous pouvez précommander le vinyle et le CD en suivant les liens ci-dessous :

Photos : Marvin Trummer (1, 2, 5, 6) et Sébastien Toulorge (4)

Et retrouvez aussi la chronique de « Pieces Of Soul » :

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Blues Rock

Sean Chambers : electric tradition

En très, très grande forme, le six-cordiste et chanteur américain SEAN CHAMBERSa bâti un pont plus que solide entre les Etats-Unis et l’Angleterre avec comme ciment un Blues Rock vivifiant, communicatif, brut, parfois marécageux et sans concession. Accompagné par la sémillante et irrésistible Savoy Brown Rythm Section, le power trio est exaltant, tant chacun semble au sommet de son art. Cet instantané live est d’une force et d’une énergie qui ne peuvent laisser les amoureux de Blues Rock, comme les autres, de marbre. Monumental !  

SEAN CHAMBERS

« Live From Daryl’s House Club »

(Quarto Valley Records)

Il a du feu dans les mains et une vision globale du Blues Rock, qui fait de lui l’un des meilleurs représentants actuels du genre. Adoubé par l’iconique Hubert Sumlin qui en fait son guitariste principal et son chef d’orchestre pendant cinq ans, SEAN CHAMBERS a ensuite commencé à tracer son chemin en solo et a sorti huit albums. D’ailleurs remarqué et couvert de louanges par le grand Paul Rodgers, il fait connaissance en 2019 avec la fameuse Savoy Brown Rythm Section lors d’un festival. Le lien musical est naturel et immédiat et la suite est tout aussi éclectique et tellement virtuose.

Avant la disparition de Kim Simmonds, guitariste-fondateur de Savoy Brown il y a deux ans, celui-ci a même donné sa bénédiction au trio dans lequel SEAN CHAMBERS croise le fer pour notre plus grand bonheur avec le bassiste Pat De Salvo et le batteur Garnet Grimm, épine dorsale du groupe londonien. Un trio magique anglo-américain qui fait aujourd’hui des étincelles et qui est venu renverser le public du Daryl’s House Club dans l’Etat de New-York, pourtant habitué aux joutes Blues et Rock. Le set enregistré en mai 2024 est tout simplement époustouflant.

Il y a du Hendrix et du SRV chez le Floridien, ce qui rend son jeu particulièrement complet et enveloppant. Porté par un public totalement subjugué, le groupe électrise la salle et distille un Blues Rock endiablé constitué de morceaux de SEAN CHAMBERS bien sûr, mais aussi de titres composés, et savamment choisis, du grand Simmonds. Une sorte d’hommage qui ne dit pas son nom, mais qui est réellement palpable et qui ne manque pas d’audace dans l’interprétation (« Cobra », « Red Hot Mama », « Bullfrog Blues », « You’re Gonna Miss Me », « Louisiana Blues »). Juste exceptionnel !

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Blues

Le Barda : across the lands

A mi-chemin entre le cow-boy et le desperado, LE BARDA poursuit son chemin, fait des bornes et surtout soigne son style. Un an après « Dead Man’s Shadow », il se présente avec la seconde partie de sa trilogie « Punch And Badass », « Clash », et elle est aussi enthousiasmante que la première. Le multi-instrumentiste alterne les atmosphères sans jamais perdre le fil de son Blues. Evoluant aussi désormais en trio, il surprend encore et s’impose avec classe.  

LE BARDA

« Punch And Badass Volume 2 – Clash »

(Inouïe Distribution)

Habituellement,  il conçoit seul et chez lui ses albums. Sauf que cette fois, le baroudeur s’est enfermé en studio une petite semaine, jour et nuit, pour y concocter son septième opus et accessoirement le deuxième volume de « Punch And Badass », baptisé « Clash ». Et LE BARDA n’a pas fait les choses à moitié, s’occupant du moindre détail et offrant surtout à cette nouvelle réalisation un large éventail de couleurs. Il parcourt le Blues sous toutes ses coutures avec dextérité, une envie débordante et une joie communicative.

Sur ce nouveau volet, Olivier Barda, alias LE BARDA, a fait appel au batteur Sacha Cantie, au bassiste Eric Belot et à Remy Tranzeat pour quelques notes de trompette, ce qui apporte beaucoup de relief à l’ensemble. Son ‘Western Badass’ prend donc du volume et les possibilités musicales se multiplient aussi. A l’instar d’un Jeff Healey ou de Meghan Lovell de Larkin Poe et sa lap-steel dans un autre registre, le Français joue aussi de la guitare à plat et les sonorités de son jeu s’offrent une dynamique toute particulière.

Et si notre globe-trotter s’est sédentarisé, ses morceaux ne sont pas beaucoup plus calmes pour autant, car l’énergie insufflée dans « Clash » les rend exaltants. L’harmonica toujours à portée de main, LE BARDA s’autorise de beaux écarts, passant d’un claquement de doigt du Delta Blues à la Folk, du Blues Rock à l’Alt-Country débridée tout en faisant escale du côté du Mexique (ou de l’Espagne, c’est selon). Le dépaysement est donc total, mais malgré les changements d’ambiances, il impose sa patte avec élégance.

Photo : Colorblind31

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Blues Rock Classic Rock

Ellis Mano Band : polymorphe

Un pied dans un Blues très actuel et l’autre dans un Classic Rock intemporel, ELLIS MANO BAND continue sa belle aventure en se dévoilant un peu plus sur ce quatrième opus, où il semble avoir digéré les nombreuses références qui rassemblent les cinq musiciens. Et le style n’en est pas plus resserré pour autant. Au contraire, « Morph » montre un visage aux multiples facettes, tout en se faisant très rassembleur et sans perdre le sens très affiné et raffiné de son jeu. Les disques de ce calibre se font rares et lorsqu’ils montrent autant de facilité et d’évidence dans le jeu, cela devient une réelle gourmandise, dont on dévore chaque miette.

ELLIS MANO BAND

« Morph »

(SPV Recordings)

Après un somptueux album live en mars de l’année dernière (« Access All Areas »), ELLIS MANO BAND est cette fois retourné en studio pour y enregistrer son quatrième album. Et la formation internationale y a encore fait des merveilles. Très inspirés, les cinq musiciens font parler l’expérience et se présentent avec dix nouveaux titres, plus un morceau enregistré en public, « The Fight For Peace », petit chef d’œuvre de sept minutes. Et les surprises se succèdent, tant le groupe du chanteur Chris Ellis et du guitariste Edis Mano sort de son habituel Blues Rock. Une façon aussi de franchir certaines frontières musicales et de se faire plaisir sans rien se refuser. Et avec autant de talent, tout paraît si simple et spontané.  

Car si ELLIS MANO BAND œuvre pour l’essentiel dans un Blues très contemporain sur « Morph », il n’hésite pas très longtemps à prendre le parti d’un Classic Rock solide et enlevé, histoire aussi d’appuyer son propos comme sur le génial « For All I Care » ou « Countdown To Nothing ». Les Suisses montrent une incroyable variété dans les ambiances, et ce n’est pas pour déplaire à leur frontman, qui livre une prestation entre émotion et pleine puissance (« Scars », « Virtually Love »). Le jeu d’Edis Mano est, quant à lui, toujours aussi virtuose. Le six-cordiste reste d’une dextérité et d’une fluidité absolue et se garde bien de ne pas tomber dans le démonstratif, malgré une technique souvent très impressionnante.

Toujours justes et jamais superflus, les claviers portent les mélodies, tandis que la rythmique élève un peu plus ces nouvelles compositions, comme sur « Madness And Tears » qui n’est pas sans rappeler un certain David Bowie, preuve s’il en est qu’ELLIS MANO BAND est à son aise dans des registres où on ne l’attend pas forcément.  Il est question de délicatesse aussi, bien sûr, quand le quintet se fait plus Blues (« Count Me In », « 20 Years », « Stray »). Un mot aussi de la très belle production de « Morph » qui, parfaitement équilibrée, dévoile au fil des écoutes des arrangements d’une grande finesse et des variations sonores assez stupéfiantes. Les Helvètes placent la barre toujours plus haut avec beaucoup de naturel.

Photo : Tabea Hüberli

Retrouvez la chronique de leur précédent album live :

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Blues Rock

T.G. Copperfield : Blues spirit

Toujours aussi brut et Rock, le Blues T.G. COPPERFIELD fait des étincelles et « All In Your Head » montre qu’il est encore loin d’avoir dévoilé l’entendue de son talent. Très européen dans le son et inspiré de références pourtant très américaines, le six-cordiste germanique fait encore parler la poudre et la qualité de son jeu et du songwriting offre à la nouvelle réalisation de sa décade un panache réjouissant et rassembleur. Inarrêtable, le musicien est à la tête d’une belle et conséquente discographie en assez peu de temps finalement.

T.G. COPPERFIELD

« All In Your Head »

(Timezone)

En huit ans seulement, T.G. COPPERFIELD a sorti deux EPs et présente aujourd’hui son dizième album. Autant dire que l’Allemand n’est pas du genre à rester se tourner les pouces. Cela dit, le Blues est un univers sans fin et lorsqu’il est agrémenté de Rock et de sonorités Southern, les possibilités sont infinies. Le songwriter l’a bien compris et semble intarissable comme le prouve « All In Your Head », un nouvel opus gorgé d’un Blues Rock incendaire toujours aussi roots, mené de main de maître par un groupe au diapason.

A ses côtés, Claus Bächer (claviers), Don Karlos (basse), Michael Hofmann (batterie) et Claudia Zormeier aux chœurs font vivre et respirer des compositions aussi explosives qu’elles peuvent aussi être réconfortantes. L’empreinte et l’identité sonore de T.G. COPPERFIELD est immédiatement identifiable et sa signature jaillit sur chaque riff et à chaque solo distillés par le guitariste-chanteur. Avec « All In Your Head », il affiche beaucoup de puissance, tout en restant terriblement mélodique et accrocheur.

Sur un groove épais, le Blues Rock de son ‘Electric Band’ fait des merveilles et présente aussi une belle diversité dans ces nouvelles compos (« Mule », « I’m On My Way », « Not Your Name »). Exigeant et pointilleux sur la production, T.G. COPPERFIELD aborde des thèmes sensibles et actuels en évitant de ne pas se faire trop sombre. S’il manie plus le chaud que le froid, il reste d’une créativité positive en mettant la même intensité sur toutes ses chansons (« Have Mercy On Me », « Redemption Blues », « World War III » et le morceau-titre).