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International Symphonic Metal

Blackbriar : une ode au romantisme [Interview]

Loin des frasques habituelles inhérentes au Metal Symphonique, la formation hollandaise présente depuis ses débuts en 2012 un registre aéré et presque flottant. Si les arrangements et les orchestrations ont très présentes, ils n’écrasent pas les mélodies et, au contraire, évoluent dans un équilibre parfait entre des voix fortes et multiples et des parties instrumentales entièrement à son service. Porté par une frontwoman au chant puissant et délicat à la fois, BLACKBRIAR signe un troisième album très abouti, qui nous entraîne dans un Metal fait de romantisme, tout en restant véloce et percutant. Ses fondateurs, Zora Cock (chant) et René Boxem (batterie) nous parlent de ces deux dernières années et de la conception de « A Thousand Little Deaths », un nouvel opus qui vient brillamment enrichir sa discographie.

– Lors de notre dernière interview il y a deux ans à l’occasion de la sortie de « A Dark Euphony », vous confirmiez avoir pris une nouvelle dimension artistique avec cet album. Sur cette belle lancée, on peut voir « A Thousand Little Deaths » comme son successeur et une suite assez logique. Est-ce dans cette perspective que vous l’avez imaginé et composé ?

Zora : Pour « A Thousand Little Deaths », nous n’avons pas suivi de plan fixe. J’ai accueilli tout ce qui m’inspirait sur le moment et je l’ai suivi, en étant créative quel que soit le résultat. J’aime travailler comme ça. Si je fais des plans, ou si je me dis que je veux que quelque chose soit d’une certaine manière à l’avance, je suis généralement bloquée assez facilement. Nous pensons que cet album est un digne successeur de nos précédents travaux. Rester fidèles à nous-mêmes est important pour nous, et nous avons construit cet univers BLACKBRIAR que nous aimons explorer. Nous n’avons pas ressenti le besoin de nous en éloigner, car c’est là que nous nous sentons chez nous créativement. En même temps, j’ai l’impression qu’il y a une croissance naturelle en nous et nous avons creusé encore plus profondément dans tous les détails.

– Sur ce nouvel album, vous appuyez sur vos points forts, à savoir un grand sens de la narration et des paysages sonores très cinématographiques. De quelle manière avez-vous élaboré ces nouveaux morceaux, car vous êtes aussi retournés dans le manoir où vous aviez tourné le clip de « Until Eternity Ends ». C’est un lieu propice à l’inspiration pour vous ?

Zora : D’habitude, on écrit nos chansons à deux, René et moi. On voulait faire un peu différemment cette fois-ci, et comme René bloquait sur une chanson, proposer un camp des auteurs m’est venu à l’esprit. J’ai eu l’idée romantique de retourner au manoir où nous avons tourné le clip d’« Until Eternity » et d’y passer quelques nuits avec tous les membres de BLACKBRIAR. C’est une magnifique maison du XIXème siècle avec toute sa décoration. Je suis passionnée par l’époque victorienne et l’Histoire en général, donc ça m’a vraiment mis dans l’ambiance idéale pour travailler sur notre nouvel album. La chanson sur laquelle on a le plus travaillé pendant notre séjour était « The Hermit and the Lover », qui tient une place importante dans mon cœur grâce aussi à ces souvenirs.

– Justement, vous restez fidèles à un univers musical axé sur les contes de fées sombres et gothiques, qui vous distinguent vraiment du reste de la scène symphonique. Entre ambiances macabres et Fantasy, il émane un certain romantisme que l’on retrouve dans la littérature romantique du XIXème siècle notamment. Est-ce aussi pour vous une certaine quête d’intemporalité, au moins dans le propos ?

Zora : Merci ! Mon amour pour le romantisme, la littérature et le folklore du XIXème siècle m’inspire beaucoup lorsque j’écris des chansons. Pour cet album en particulier, je me suis beaucoup inspirée de la poésie d’Emily Dickinson. Je ne dirais pas qu’il s’agit d’une quête délibérée d’intemporalité, mais plutôt d’une conséquence naturelle de mes centres d’intérêt, de mes muses et de ce qui captive mon imagination à un moment précis.

– BLACKBRIAR a aussi la particularité de présenter un registre très équilibré, alors que certains penchent soit sur le côté lyrique, soit sur l’aspect plus Metal. Est-ce une chose sur laquelle vous êtes très attentifs au moment de l’écriture ?

Zora : Les paroles sont très importantes pour moi, j’oserais même dire la partie la plus importante, peut-être. Notre processus d’écriture commence toujours par là. Ensuite, René prend mes paroles et mes mélodies et construit la musique autour, façonnant les éléments Metal, l’atmosphère et le son global. Je pense que l’équilibre que vous entendez est simplement le résultat naturel de la collaboration de deux personnes, chacune apportant des forces différentes et se concentrant sur les aspects qu’elle apprécie le plus.

– « A Thousand Little Deaths » est également votre album le plus riche musicalement, notamment au niveau des arrangements comme de l’utilisation du spectre sonore, car vous êtes tout de même six dans le groupe. Est-ce que le fait de travailler depuis vos débuts avec votre producteur Joost van den Broek vous aide dans ce sens ? Peut-être pour canaliser votre énergie créative ?

René : Joost nous accompagne depuis notre deuxième EP, « We’d Rather Burn », et au fil des années, nous avons énormément appris de lui, de l’écriture à la création d’atmosphères musicales, en passant par les arrangements et l’orchestration. Travailler avec Joost a eu une énorme influence sur nous, nous aidant à progresser en tant qu’auteurs-compositeurs et à tirer le meilleur de nous-mêmes et de notre processus d’écriture. Je me souviens très bien de la première fois où nous lui avons présenté notre musique. Nous étions arrivés avec la batterie, les guitares, la basse et, bien sûr, le chant de Zora. Mais de manière très basique, sans grand-chose d’autre en termes d’atmosphère ou d’orchestration dans ces premières versions. Aujourd’hui, des années plus tard, après d’innombrables séances avec lui, nous avons appris à approfondir nos chansons. Il nous a essentiellement appris à donner le meilleur de nous-mêmes. Désormais, nous arrivons avec quelque chose qui sonne déjà bien plus proche du son BLACKBRIAR que nous connaissons tous, et c’est grâce à cela que Joost peut aller encore plus loin.

– Là où de nombreux groupes de Metal Symphonique proposent des morceaux assez longs, ce n’est pas votre cas, alors que votre style est très narratif et pourrait s’y prêter. Est-ce un désir d’aller à l’essentiel, tout en maintenant un certain rythme et de la percussion ?

René : Nous nous efforçons d’écrire des chansons fluides et qui s’accordent parfaitement avec la narration de Zora. Je comprends que l’on puisse donner l’impression d’aller droit au but, mais ce n’est pas du tout le cas, ni ce qui, à mon avis, fait la qualité d’une chanson. Personnellement, j’aime tout simplement une chanson qui s’oriente davantage vers une structure Pop, en permettant d’avoir les moments les plus aigus et les plus graves aussi proches que possible. Dans notre cas, cela crée parfois un contraste très agréable, où l’on peut passer du sommet de la chanson à un paysage sonore très silencieux et prémonitoire qui transporte vraiment nos auditeurs dans un autre monde en un laps de temps relativement court.

– Depuis vos débuts, vos compositions s’articlent autour de ta voix,  Zora, et tu proposes aussi les lignes vocales et en partie les mélodies. De quelle manière travaillez-vous ensemble, car le plus souvent c’est le riff qui conduit l’écriture d’une chanson, non ?

Zora : On a développé ensemble un processus d’écriture qui nous convient parfaitement. Je commence toujours par les paroles, la base de l’histoire. Une fois que je pense que c’est terminé, je me mets au micro et je commence à chanter des mélodies possibles avec ces paroles, en voyant ce qui me vient à l’esprit. J’enregistre ces mélodies a cappella, j’ajoute une note de piano comme référence pour rester dans la tonalité et je décide du tempo de la chanson. Souvent, j’enregistre aussi des harmonies et des couches vocales supplémentaires à ce stade. Une fois que c’est fait, j’envoie le tout à René, qui construit la musique autour de ma voix. Donc, dans notre cas, ce sont généralement les idées vocales et lyriques qui donnent la direction, plutôt que de commencer par un riff.

– Pour ce nouvel album, vous avez de nouveau fait appel à vos fans pour les précommandes. C’est une démarche qui peut paraître assez étonnante compte tenu que vous êtes chez Nuclear Blast, qui est un label de Metal parmi les plus importants. Outre l’envie de conserver cette connexion avec votre fan-base que l’on peut comprendre, cela peut interroger aussi sur l’industrie musicale. Quel est votre regard là-dessus ?

René : Cette approche ne serait surprenante, ou déroutante, que pour ceux qui ne nous connaissent pas encore. Etre signés sur un grand label comme Nuclear Blast ne signifie pas que nous devons tourner le dos à nos fans, et encore moins que nous n’avons plus à assumer notre part de responsabilité. Etre capable de produire un album, ou de garder nos fans au plus près, est un poids que nous partageons avec le label. Notre collaboration est incroyable et fructueuse, et nous nous complétons parfaitement. En tant que groupe indépendant, c’est ce que nous avions prévu, c’est exactement comme ça que nous avons imaginé notre parcours avec un label comme Nuclear Blast à nos côtés. Respecter les souhaits de chacun et travailler ensemble, en harmonie, sur l’aventure de BLACKBRIAR.

– J’aimerais aussi que l’on revienne sur l’année dernière, car 2024 a été très riche pour BLACKBRIAR. Vous avez tournée en Amérique du Nord avec Battle Beast, vous avez participé au ‘Wacken Open Air’ et vous avez aussi sorti le single « Moonflower » avec Marjana Semkina d’Iamthemorning. J’imagine que les émotions se sont succédé avec beaucoup d’intensité. Qu’en retenez-vous et est-ce que ce rythme assez soutenu vous a convenu ?

Zora : Je me souviens de 2024 comme d’une année incroyable pour nous, remplie de tant de moments particuliers. La sortie de « Moonflower » et la collaboration avec Marjana me tenaient particulièrement à cœur. Participer à la première tournée nord-américaine avec Battle Beast était un rêve devenu réalité et jouer au ‘Wacken Open Air’, un festival incontournable pour nous, était inoubliable. Pendant ce temps, nous étions également plongés dans l’écriture de « A Thousand Little Deaths » à travers divers ateliers. Je m’en souviens parfaitement, car tout ce n’est pas passé comme un rêve lointain et c’est ça qui est merveilleux, j’ai vraiment pu en profiter pleinement. Cela dit, vers la fin de l’année, après notre tournée européenne avec Kamelot, j’ai vraiment atteint mes limites. Je suis tombée très malade vers la fin de cette tournée, et une fois rentrée chez moi, il m’a fallu un temps incroyable pour me rétablir. Le temps que je me sente enfin à nouveau moi-même, il était déjà temps de filer directement en studio pour enregistrer l’album (Rires)

– Enfin, vous êtes aussi impressionnants au niveau des statistiques de streaming, ce qui a par ailleurs aussi bouleversé le monde de la musique ces dernières années. Est-ce que, dans un sens, cela vous oblige également à sortir un certain nombre de singles avant la sortie de l’album pour maintenir votre présence et une actualité sur les plateformes ?

René : Merci de votre attention ! Nous sommes très fiers de ces chiffres et tout le mérite en revient à nos auditeurs ! On ne nous impose rien et nous ne choisissons pas le nombre de singles dans le but d’obtenir plus de streams ou d’attention. Petite anecdote : nos singles nous apparaissent généralement clairement très tôt. Il y a une logique particulière. Si nous avons une excellente idée de clip, ce morceau deviendra très probablement un single, quelle que soit sa pertinence, son côté Pop ou son synchronisme pour le streaming. Nous sommes convaincus que si nous pouvons pleinement soutenir une chanson et son histoire avec des visuels qui représentent fidèlement ce que nous essayons de raconter, alors ce morceau deviendra un single pour nous.

Le nouvel album de BLACKBRIAR, « A Thousand Little Deaths », est disponible chez Nuclear Blast.

Retrouvez aussi la précédente interview du groupe :

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Hard 70's Old School

Wytch Hazel : knights of Rock

Lyrique et percutant, le Hard Rock des Britanniques renoue avec une tradition à la fois respectée, mais qu’ils n’hésitent pourtant pas à bousculer un peu en lui apportant beaucoup de fraîcheur. Aussi sensible que véloce, « V : Lamentations » s’étend dans des contrées exaltées, tout en maintenant une ambiance particulière où le chant et les guitares font cause commune pour révéler toute l’originalité de la personnalité de WYTCH HAZEL.

WYTCH HAZEL

« V : Lamentations »

(Bad Omen Records)

Toujours tourné vers des inspirations spirituelles, voire religieuses, sans pour autant être affilié au mouvement White Metal, WYTCH HAZEL poursuit sa chevaleresque croisade musicale et livre « Lamentations », cinquième volet de sa discographie. Celui-ci marque aussi le retour de son batteur originel, Aaron Hay, et même si le propos est souvent très sombre, les compositions sont quant à elles plutôt lumineuses. On retrouve l’univers 70’s/80’s du combo sur un mix remarquable et une production très organique et chaleureuse.

Tête pensante, compositeur, guitariste et chanteur, Colin Hendra mène sa troupe et son entente avec Alex Haslam débouche sur des twin-guitares très soignées, des rythmiques galopantes et un art du riffing qui nous ramène aux premiers albums de Maiden, auxquels il convient d’ajouter quelques références à UFO, Thin Lizzy et Wishbone Ash. WYTCH HAZEL est ancré dans un Hard Rock très british, où la narration de son frontman est au premier plan, tient une place prépondérante et fait office de marque de fabrique.

Entre un chant très présent et des six-cordes à l’unisson, « V : Lamentations » mise sur des mélodies chiadées et un côté épique cher au concept-même du groupe. Puissants et efficaces, les Anglais évitent toute extravagance malgré des aspects Fantasy flamboyants bien sentis et même parfois médiévaux comme sur l’instrumental « Elixir ». WYTCH HAZEL déroule sur un album très accrocheur (« The Citadel », « Run The Race », « Elements », « Woven », « Heavy Load »). Vintage, solide et attachant. 

Photo : Elly Lucas

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Dungeon Synth

Beyond The Forests : natural resonances

Cela fait déjà trois décennies que Hildr Valkyrie porte son Dungeon Synth en solo et le nombre de projets qu’elle a initié, ou auxquels elle a participé, a même de quoi donner le vertige. Avec BEYOND THE FORESTS, elle renoue avec ses premiers amours pour cet univers qu’elle n’a plus quitté depuis. « Echoes Beneath The Ashen Trees » se veut sans doute plus contemplatif et lumineux que ce à quoi elle nous a habitué avec ses autres formations, notamment Mørke Og Lys qui se meut dans des atmosphères obscures et hantées. Une autre facette, donc, pour cette faiseuse de rêves, dont les claviers rayonnent ici encore.

BEYOND THE FORESTS

« Echoes Beneath The Ashen Trees »

(Independent)

L’artiste Erkyna, aka Hildr Valkyrie, semble avoir eu, et même vivre, plusieurs vies tant elle multiplie les projets qu’elle mène toujours seule pour l’essentiel. Cela lui vaut d’ailleurs d’être l’unique one-woman-band évoluant dans le Dungeon Synth, et surtout l’une des précurseuses du genre. Et avec la sortie de « Echoes Beneath The Ashen Trees », c’est une sorte de retour aux sources qu’elle effectue, puisque c’est en 1995 que BEYOND THE FORESTS a vu le jour aux côtés de la claviériste et amie ‘Saturnalia’. Une petite révolution artistique en Grèce à bien des égards à l’époque.

Essentiellement instrumental, on se laisse glisser au-delà de ces forêts aux contours magiques où nous invite l’artiste. Le cheminement se fait finalement au gré de l’interprétation que l’on se fait des titres des morceaux, car, eux aussi, contiennent leur lot de mystères et de secrets. Au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans la musique de BEYOND THE FORESTS, c’est tout un univers qui s’offre à l’écoute, fait de synthétiseurs, de quelques percussions et de chœurs envoûtants. Et ainsi, comme toujours chez elle, Erkyna réussit à rendre l’ensemble très organique et charnelle.

Très palpable dans son rapport à la nature et cette proximité viscérale avec la Terre, la musique de BEYOND THE FORESTS a ce pouvoir d’immersion inhérent au Dungeon Synth, mais c’est cette pluralité dans les arrangements, les petits détails comme une cloche d’église, qui nous ramènent parfois à l’essentiel. Forcément aussi, la touche médiévale est omniprésente et nous transporte dans d’autres temps et d’autres lieux, faisant écho à une sorte d’onirisme et un rappel aussi aux fondations antiques du pays de la musicienne hellène. « Echoes Beneath The Ashen Trees » réveille les âmes.

L’album est disponible sur le Bandcamp de l’artiste :

https://morkeoglys.bandcamp.com/album/echoes-beneath-the-ashen-trees

Retrouvez son interview à la sortie du troisième album de son groupe MØRKE OG LYS :

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Metal Progressif Symphonic Metal

Chasing Zeniths : de belles aspirations

Carl Kernie a vu les choses en grand pour son premier véritable album complet et « Epochs Changing » n’a sûrement pas à rougir d’un manque d’expérience et encore moins d’approximation. Avec un casting trois étoiles et transatlantique, le trio formant le socle de CHASING ZENITHS guide les très nombreux guests avec talent et assurance et on se laisse facilement embarquer dans l’univers très variable de ce projet, où rien n’est laissé au hasard. Une entrée en matière, qui en dit long aussi sur l’ambition à l’œuvre ici.

CHASING ZENITHS

« Epochs Changing »

(Independant)

C’est du côté de Seattle, dans l’Etat de Washington, que le compositeur, chanteur et guitariste Carl Kernie a élaboré ce premier album de CHASING ZENITHS. Aboutissement de plusieurs années de travail et de recherches autant musicales que techniques, « Epochs Changing » est un disque audacieux, qui renvoie autant à un Metal Progressif façon Dream Theater, qu’à des aspects plus symphoniques rappelant Delain ou Nightwish et aussi des passages plus Folk et d’autres aux contours plus cinématographiques ou Fantasy à la Avantasia. L’expérience est très aboutie et solide, d’autant que l’Américain a également fait appel à une pléiade d’artistes venus du monde entier, qui viennent multiplier les couleurs.

Entouré d’une garde rapprochée composée du guitariste Timo Somers passé chez Delain et du bassiste Roman Engen, le groupe a donc posé les bases d’un style assez éclectique et une dizaine de musiciennes et de musiciens de renommée mondiale se succède derrière le micro, ainsi qu’avec divers instruments. CHASING ZENITHS dévoile les performances soignées et pleines d’élan au chant de Charlotte Wessels (ex-Delain, aussi à la flûte), Anna Murphy (Eluveitie, Cellar Darling), Vicky Psarakis (The Agonist), Marco Pastorino, Lauren Hart et Otto Schimmelpenninck van der Oije, qui vient poser quelques growls malheureusement devenus la norme dans le Metal et donc pas franchement essentiels.

Produit par Carl Kernie, le mix et le mastering ont été confiés à Tom Müller en Allemagne et c’est vrai que « Epochs Changing » prend une dimension internationale également dans le son proposé, qui a plutôt des consonances européennes. S’il n’est pas conceptuel, ce nouvel opus s’ouvre avec le morceau-titre entièrement instrumental, avant de prendre son envol. CHASING ZENITHS hausse immédiatement le ton sur « Last Apsis » et « None And The Same ». Si la technicité est irréprochable, les mélodies sont mises en avant sur des atmosphères changeantes (« Slipstream », les longs « Midnight Roses » et « Unmourned Amnesia » et le plus délicat « Ever Shall We Roam »). Une première très réussie et complète.

Photo : Zak Chowdhury

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Dungeon Synth International

Mørke Og Lys : follow the voice [Interview]

Piqué au vif pendant les deux jours passés au ‘Dark Dungeon Festival II’ en Belgique au printemps dernier par ce style qui restait à mes yeux un mystère à l’époque, j’y avais fait de belles rencontres, découvert un monde assez fascinant et surtout assisté à des concerts saisissants et envoûtants. Celui de MØRKE OG LYS en faisait partie, d’autant que nous avions beaucoup échangé ensemble sur le sujet. La récente sortie de son troisième album, « The Hollow Shadows », était l’occasion parfaite de me replonger dans le ‘Dungeon Synth’ et, peut-être par là même, de vous faire découvrir cet univers fascinant emprunt de mythologie et de rites ancestraux. Entretien (fleuve) avec l’une des très rares one-woman-band du genre, venue de Grèce…

– On te connait sous le nom d’Erkyna, aka Hildr Valkyrie, et tu as déjà une carrière conséquente. Avant de parler de ce nouvel album de MØRKE OG LYS, j’aimerais que tu reviennes sur ton parcours musical, qui a commencé en 1996… Te sens-tu d’ailleurs une âme de pionnière ?

Tout d’abord, je voudrais te remercier pour cette interview, qui est ma toute première pour MØRKE OG LYS ! Alors, pionnière est un titre assez lourd de sens ! Je ne peux pas dire que je me sente vraiment comme telle, car en 1995/96, je n’avais pas pleinement réalisé que créer un groupe sans guitare, basse ou batterie pourrait un jour devenir une étape importante dans la scène Dungeon Synth. Mais, laisse-moi plonger un peu plus dans mon passé…

Mon premier groupe s’appelait ‘Beyond The Forests’, composé de deux membres féminins, à savoir Natasha ‘Saturnalia’, qui était aussi ma meilleure amie, et moi-même. Nous jouions toutes les deux du clavier et je me faisais appeler ‘Iris’. Notre objectif initial était de créer du Black Metal, mais comme nous étions toutes les deux claviéristes, nous avons décidé de créer une musique qui pourrait servir d’intros, de breaks instrumentaux ou d’outros sur des albums. À cette époque, en Grèce, le terme ‘Dark Dungeon Music’ était pratiquement inconnu, nous avons donc simplement décrit notre son comme du ‘Black Metal sans guitare’, pour transmettre et définir notre vision.

Malheureusement, en raison de contraintes financières, nous n’avons jamais eu la chance d’enregistrer dans un studio de manière professionnelle. Nous étions étudiantes et les coûts dépassaient ce que nos familles pouvaient se permettre. Alors, on répétait chez moi, capturant nos sessions sur cassette. Nous avons réussi à faire deux séances photo pour ‘Beyond The Forests’, qui nous ont fait devenir le premier groupe de Dark Dungeon Synth, entièrement féminin, de Grèce. Je ne peux pas dire si nous étions les premières au monde, car ma connaissance des débuts de la scène reste assez floue.

Finalement, nous nous sommes séparées pour poursuivre des chemins musicaux différents dans le Black Metal. Natasha a rejoint ‘Kawir’ en tant que claviériste, et je suis devenue celle de la formation initiale d’’Astarte’ (alors connu sous le nom de ‘Lloth’), le premier groupe de Black Metal entièrement féminin de Grèce et j’ai contribué à leur toute première démo.

De là, j’ai rejoint ‘Nocteriny’ et j’ai ensuite retrouvé Natasha dans le groupe ‘Acherontas’, où nous avons toutes les deux joué jusqu’en 1999/2000. Malgré de multiples tentatives pour m’établir sur cette scène, j’ai fait face à trop d’obstacles. Alors en 2003, j’ai décidé de prendre le contrôle en créant un groupe que je pourrais gérer seule. Cette décision a conduit à la naissance de ‘Hildr Valkyrie’, faisant de moi le premier groupe composé d’une femme seule en Grèce.

En tant que ‘Hildr Valkyrie’, j’ai sorti trois albums : une démo et deux albums complets, tous écrits et composés par moi-même. J’ai eu le privilège de collaborer avec des amis qui m’ont rejoint comme guitaristes de session : ‘Alboin’ d’Allemagne et Aled Pashley du Pays de Galles sur le premier album « To Walhall Shall Meet », et Jan ‘Two Thousand Arrows’ d’Italie sur le deuxième « Revealing The Heathen Sun », où il a joué de la guitare et de la basse et m’a aidé à reprogrammer la batterie.

Avec ‘Hildr Valkyrie’, j’ai également eu l’honneur de contribuer à deux hommages à mes groupes préférés : « A Homage to Falkenbach », où j’ai repris « The Heralder », et « In The Darkness Bind Them » (un hommage à Summoning), pour lequel j’ai enregistré « Farewell ».

Au-delà de mes sorties personnelles, j’ai eu la chance de travailler sur de nombreuses collaborations avec des artistes et des groupes remarquables, dont Uruk Hai d’Autriche, Morgan the Bard d’Italie, Folkearth et Folkodia – les collectifs pionniers du Folk Metal -, Voluspaa de Norvège, Eliwagar (originaire de France, aujourd’hui en Norvège), Elffor du Pays Basque, Helrunar d’Allemagne et Emyn Muil d’Italie. L’une de mes dernières collaborations a été avec le talentueux Andrea d’Arcana Liturgia en Italie. J’ai également participé au travail de groupes grecs dont Meneapneontes, Kawir, Kaveiros, Athlos, Sacred Blood, Celtefog et d’autres.

En 2017, je me suis associé à George Golegos pour créer ‘Solis in Antris’, un groupe de Black Metal extrême. Dans ce projet, je fournis tous les chants et les claviers, tandis que George s’occupe des guitares, de la basse et de la programmation de la batterie. Nous avons sorti un album complet intitulé « The Forlorn Warrior », pour lequel j’ai écrit les paroles autour d’un même concept.

Et cela nous amène à MØRKE OG LYS, un projet solo de Dungeon Synth que j’ai lancé en 2022. Ce projet explore le Dungeon Synth avec des touches de Black Metal Atmosphérique, et compte trois sorties jusqu’à présent et toutes sur cassette, via les légendaires Dark Age Productions. J’ai également eu l’honneur de me produire en live pour la toute première fois en tant qu’artiste solo au ‘Dark Dungeon Festival II’, une expérience que je n’oublierai jamais. Ainsi, depuis mes débuts en 1995-1996 jusqu’à aujourd’hui, j’apparais sur plus de 70 sorties à divers titres. Voilà, c’était ma meilleure tentative d’un court résumé! (Sourires)

– Tu étais donc déjà présente à la fin des années 90 et tu t’es essayée ensuite à de nombreux styles comme le Viking, l’Ambient, le Black Metal, le Folk Black pour revenir au Dungeon Synth. Est-ce qu’avec le recul, tous ces passages musicaux ont été nécessaires pour élaborer et trouver ton style, qui nous mène aujourd’hui à MØRKE OG LYS ?

En un sens, j’ai bouclé la boucle ! J’ai commencé avec le Dungeon Synth, je me suis lancée dans le Black Metal, j’ai exploré les influences Viking et Folk, je suis revenu au Black Metal et j’ai finalement retrouvé le Dungeon Synth. Chaque genre a ajouté des influences uniques à mon style personnel, mais ce n’était pas une question de nécessité. Pour moi, c’était une progression naturelle, un mouvement circulaire qui reflète l’évolution de ma passion pour la musique au fil des années. En tant qu’artiste, j’ai du mal à rester ancrée dans un seul genre. Je suis guidée par le ressenti et l’inspiration, où qu’ils me mènent.

– Tu es d’ailleurs très prolifique avec cette nouvelle formation, dont tu viens de sortir le troisième album, « The Hollow Shadows », après « Lethal Sphere » (2022) et « Orcus Animus » (2023). Un album par an est un rythme de création soutenu. A moins que tu l’aies conçu comme une trilogie, parce qu’ils présentent tous les trois une même cohérence et une grande homogénéité ?

Pour la scène Dungeon Synth, je pense qu’une sortie par an est tout à fait acceptable ! (Sourires) Certains artistes font deux ou trois albums dans l’année dans le cadre d’un même projet, ou partagent leur inspiration dans différents projets, les canalisant ainsi à travers des paysages sonores et des histoires variés. Dans le monde de Dungeon Synth, sortir un album par an semble être un rythme naturel, car cela offre suffisamment de temps pour permettre à chaque production de respirer, tout en maintenant un flux constant de créativité.

On pourrait, en effet, considérer ces trois sorties comme une trilogie. Chaque album ajoutant un nouveau chapitre à une histoire globale. Pourtant, le voyage ne s’arrête pas là. Un quatrième album est déjà en train de remuer dans les profondeurs. Il reste encore tant de couches de magie à déterrer, tant de sorts cachés et de rituels anciens à révéler. Au cœur de tout cela se trouvent les histoires de sorcières, que j’insère dans la musique et que j’incarne dans le personnage de ma propre sorcière, une figure mystérieuse, dont le nom est enveloppé de secret et ne sera jamais prononcé. C’est la voix qui guide MØRKE OG LYS, emmenant les auditeurs à travers des paysages hantés et des royaumes obscurs.

– MØRKE OG LYS est donc un one-woman-band, l’un des rares dans le style. Le projet est si personnel que tu ne pouvais le partager et même le mener à bien en groupe ? D’ailleurs, tu gères l’ensemble seule, en dehors de quelques paroles signées Felf Dragon et Shadowkeeper. De la composition au mix, en passant par le mastering, tu es de toutes les étapes. C’est important pour toi de contrôler le projet à tous les niveaux ?

Comme je te le disais, je voulais créer quelque chose de sérieux et de durable. Et entreprendre ce voyage en solo semblait être le seul moyen de vraiment concrétiser cette vision. Oui, je gère tout moi-même, même si je suis autodidacte. En essayant beaucoup de choses, j’apprends aussi de mes erreurs. Même si je n’atteins pas toujours les standards professionnels que j’envisage, je suis incroyablement fière de ce que j’ai accompli. Je compose la musique, gère le mixage et le mastering et je produis même mes propres vidéos, avec l’aide précieuse d’amis. J’ai conçu le logo moi-même et j’ai même fabriqué des accessoires faits main pour ma tenue de scène.

Ce n’est pas par nécessité que je m’occupe de chaque détail, c’est plutôt un besoin personnel. Idéalement, j’aimerais travailler avec des professionnels, mais je n’ai tout simplement pas les moyens financiers pour le faire. Vivre et travailler en Grèce présente ses propres défis, ce qui rend difficile de supporter de tels coûts seule.

Pour les paroles, je reçois de l’aide, car même ma créativité a des limites. Un seul cerveau ne peut pas tout faire ! Je suis incroyablement reconnaissante d’avoir à mes côtés Felf Dragon (qui m’a également aidé pour le spectacle en direct que j’ai donné au ‘Dark Dungeon Festival’) et Shadowkeeper. Nous commençons par discuter du concept de chaque chanson, je leur fournis un cadre, puis je laisse faire leur magie. Je peux ensuite adapter les paroles pour qu’elles correspondent à la chanson selon les besoins.

– Le Dungeon Synth est un style très immersif et étonnamment très narratif, même s’il est essentiellement instrumental. Avec MØRKE OG LYS, tu poses aussi des voix, en elfique et en anglais, et quelques guitares Black assez discrètes. Le style est fait d’univers multiples et variés. Quel est le tien ? Comment le décrirais-tu et quelles histoires racontes-tu ?

Oui, le Dungeon Synth est généralement instrumental, avec parfois des narrations, mais la créativité n’a pas de limites ! Le Dungeon Synth ‘flirte’ naturellement avec le Black Metal, et en tant que fan dévouée, dont l’instrument principal est le clavier, il semblait tout à fait approprié de créer un projet Dungeon Synth avec des éléments de Black Metal Atmosphérique tissés partout.

Thématiquement, les paroles tournent autour des ingrédients mystérieux qu’une sorcière pourrait utiliser dans ses potions. Le premier album était consacré aux plantes vénéneuses, le deuxième aux champignons toxiques et le troisième explore une combinaison unique de ces éléments. De plus, les deuxième et troisième albums commencent à raconter les aventures de la sorcière de MØRKE OG LYS. Certaines de ces histoires sont purement issues de mon imagination, tandis que d’autres sont inspirées des riches traditions du folklore européen, profondément imprégné de mysticisme et de surnaturel.

–  Ce qui est également fascinant sur « The Hollow Shadows », c’est cette richesse musicale, car les morceaux fourmillent de détails et d’arrangements. Comment crées-tu les sons que tu utilises ? Tu échantillonnes beaucoup, car c’est surprenant de voir à quel point tes morceaux ont un côté organique, alors qu’ils sont pour l’essentiel électroniques ? 

Lorsque j’utilisais un clavier traditionnel, je créais mes propres sons selon mes goûts. Maintenant, avec le nouvel équipement qui est un midi avec VSTI, j’utilise simplement des sons soigneusement sélectionnés, afin qu’ils puissent ‘raconter’ ce que j’ai en tête ! Je ne force pas le processus. Il coule naturellement depuis des années. Je trouve qu’il est presque impossible de m’en tenir à une seule mélodie simple. Alors, je m’appuie sur la structure principale, en superposant des textures et des arrangements jusqu’à ce que la chanson me donne la chair de poule. C’est à ce moment-là que je sais qu’elle est complète. Si elle n’évoque pas cette réaction, alors je sais qu’il manque encore quelque chose. Pour moi, chaque morceau doit être un voyage immersif aussi riche que profond.

– Le chant est assez spécial lui aussi avec des moments chantés, parlés, screamés et parfois même chuchotés offrant ainsi une grande diversité. Cela vient de l’interprétation des personnages interprétés, car ta palette vocale est très large ?

En ce qui concerne le chant, je me laisse guider par les émotions et l’atmosphère de chaque morceau. Mon approche consiste à donner vie aux paroles par des voix parlées, criées et même chuchotées, créant ainsi un paysage sonore diversifié qui amplifie l’ambiance de la chanson. Cette variété vocale ne découle pas nécessairement du travail sur les personnages. Il s’agit plutôt d’exprimer l’essence des paroles et d’améliorer la qualité immersive de chaque morceau.

Actuellement, la narration se concentre sur un seul personnage : celui de la sorcière de MØRKE OG LYS. Sa voix à elle seule contient toute la gamme d’émotions nécessaires pour raconter ces histoires, de ses incantations chuchotées à ses cris féroces qui résonnent dans les ombres. Cette approche permet de garder un récit simple, mais puissant. Cependant, il se peut que j’introduise d’autres personnages à l’avenir. La direction de ce projet est organique et je veux le laisser évoluer naturellement. Pour l’instant, je suis complètement immergée dans la voix de la sorcière, mais je reste ouverte à la suite de l’histoire.

– « The Hollow Shadows » est très hypnotique et on plonge malgré nous dans ton univers, tant il est mélodique et fluide. Est-ce qu’au moment de commencer l’écriture et la composition, tu penses à l’album dans son entier, de manière conceptuelle ?

En vérité, j’essaie de ne penser à rien du tout, lorsque je commence à écrire et à composer. Mon objectif est de me vider l’esprit complètement, de me libérer de toute idée ou de tout plan préconçu. Lorsque je m’assois derrière mes claviers, je ferme les yeux et je me laisse aller à la mélodie, me perdant dans chaque note et laissant la musique prendre forme naturellement. C’est un processus très instinctif, presque comme entrer en transe.

Cette approche est peut-être mon ‘petit secret’, si je puis dire, car elle garde mes compositions fluides et organiques. Plutôt que de façonner consciemment un concept, je laisse la musique elle-même dicter la direction, laissant les émotions et les atmosphères me guider. Ce n’est qu’après avoir terminé plusieurs morceaux que je commence à voir émerger un thème, et c’est là que l’identité de l’album se révèle.

– On te sait inspirée du monde de JRR Tolkien et cela renvoie, pour beaucoup de monde, aux livres bien sûr, mais aussi aux films et aux séries. Est-ce que tu as déjà imaginé et composé ta musique avec une approche de musique de films, par exemple ? On en revient encore à ce côté narratif…

Je ne pense pas qu’il y ait un seul d’entre nous qui ne soit pas au moins un peu inspiré par le monde de Tolkien ! Son travail résonne à un niveau très profond, non seulement pour ses histoires, mais aussi pour la vaste mythologie qu’il a créée. Cependant, si le monde de Tolkien m’influence, je m’inspire aussi beaucoup des riches traditions de l’Europe, qui sont remplies de leurs propres légendes et éléments mystiques.

En ce qui concerne une approche de musique de film, je dois dire que si je prétendais composer avec cette intention, ce serait un peu un mensonge ! Je ne suis pas naturellement enclin à penser en termes de bandes sonores ou à envisager ma musique comme cinématographique. Je me concentre davantage sur une création qui capture un moment, un sentiment, ou un lieu mystique dans mon imagination. Si on m’invitait un jour à composer pour un film, je relèverai le défi sans réserve et j’adapterai mon travail en conséquence. Mais de mon côté, je n’ai jamais entrepris de le faire.

– D’ailleurs, pour composer du Dungeon Synth, qui est une musique assez contemplative, faut-il être (ou se mettre) dans un état d’esprit particulier à savoir calme, voire méditatif, ou au contraire rester en alerte en fonction des textes, par exemple ?

C’est une excellente question et elle rejoint ce que je disais juste avant ! En fait, mon approche consiste à vider mon esprit de toutes pensées, me permettant de m’immerger complètement dans le monde des mélodies. Je ne me prépare pas consciemment, ni n’entre dans un état méditatif. Au lieu de cela, je me contente de tout libérer mentalement pour laisser la musique couler naturellement. Les paroles viennent toujours après, une fois que la musique a pris forme.

Je n’ai pas le luxe d’un rituel ou d’une préparation particulière. La plupart du temps, je compose après une longue journée de travail de 12 heures. Et parfois, l’inspiration me vient au milieu de la nuit. Alors, je me réveille avec une mélodie en tête et je me précipite sur mon clavier pour la capturer avant qu’elle ne s’estompe.

– J’ai eu la chance de te voir sur scène à la deuxième édition du ‘Dark Dungeon Festival’ dans le magnifique château d’Avouerie à Anthisnes, près de Liège en Belgique. Outre ta musique, qui est très prenante et captivante, il y a également une réelle mise en scène du spectacle, une sorte de cérémonial. Quelles sont les significations de cet espèce de rituel, car c’était très ‘Black’ ?

C’est exactement l’atmosphère que je souhaitais créer : une cérémonie qui transmettrait l’essence-même de la sorcière. Je voulais que la performance ressemble à un rituel sombre, quelque chose qui attirerait le public dans son monde, à la fois visuellement et musicalement. Le spectacle a commencé avec la « Ghost Dance », où je tenais une lame cérémonielle, préparant le terrain pour la descente de la sorcière dans les ombres. C’était une façon d’exprimer la nature obsédante et surnaturelle du personnage, une figure qui existe entre les royaumes.

Tout au long de la performance, j’ai cherché à incarner les images et les symboles qui m’étaient venus pendant la composition, en leur donnant vie sur scène. Chaque chanson reflétait différents aspects de son voyage, que ce soit par des incantations chuchotées, des voix féroces ou l’utilisation symbolique d’accessoires.

La danse cérémonielle finale s’inspire des rituels de la Grèce antique, symbolisant le voyage de l’âme à travers le monde souterrain, un passage dans les profondeurs où les ombres et les esprits s’entremêlent. C’est un hommage aux origines mystiques et anciennes de la sorcière, ainsi qu’aux rituels intemporels qui nous lient à nos ancêtres. Pour moi, ce n’est pas seulement une performance, c’est une forme puissante de narration qui capture l’esprit de MØRKE OG LYS.

– Comme on me l’avait fait remarquer, le Dungeon Synth nécessite une solide culture musicale, qui s’étend aussi à la littérature fantasy et aux jeux vidéo ce qui en fait, de fait, un style de niche. Il y a un côté très élitiste finalement. Quels sont, pour toi, les éléments essentiels à maîtriser avant de se mettre à composer, car il semble y avoir beaucoup de codes ?

C’est vrai que le Dungeon Synth, en tant que genre, s’inspire souvent d’un large éventail d’influences telles que la littérature fantastique, les jeux vidéo et même les films. De nombreux artistes et fans de Dungeon Synth ont une profonde passion pour ces univers, car ils contribuent à cultiver les paysages vivants et immersifs que la musique elle-même s’efforce d’évoquer. Il y a, il faut l’admettre, un certain ‘élitisme’ dans le Dungeon Synth. Pour apprécier, comprendre pleinement ou créer dans ce genre, il faut être imprégné de ces royaumes fantastiques et d’une certaine profondeur de l’histoire musicale.

Cependant, mon approche personnelle est un peu différente. En raison d’un manque de temps, je ne peux pas m’immerger autant que je le voudrais dans les médias ou les jeux fantastiques. Au lieu de cela, je m’inspire des mythes, de l’Histoire et des traditions auxquels je me sens étroitement liée, en particulier du folklore et de la mythologie européens.

– Tes albums sortent en numérique sur Bandcamp et aussi en format cassette chez Dark Age Productions, un label spécialisé américain, et en assez peu d’exemplaires. C’est un vrai parti-pris que le style reste si confidentiel et très underground ?

Je suis extrêmement reconnaissant à Bard Algol et à Dark Age Productions d’avoir cru en ma vision et d’avoir soutenu MØRKE OG LYS dès le début en publiant mes albums sur cassette. Travailler avec un label si profondément ancré dans la scène underground est un véritable honneur, car ils comprennent l’essence et l’esprit du Dungeon Synth à un niveau profond.

Le format cassette, en particulier, a une signification particulière dans ce genre. Il préserve cette qualité brute et intime essentielle à l’atmosphère de la musique, et il reflète également la nature underground et de niche du Dungeon Synth. Les éditions limitées de cassettes donnent l’impression d’être des artefacts uniques, personnels, à collectionner et conçus pour ceux qui se connectent véritablement à cette musique. En ce sens, elles deviennent plus que de simples enregistrements ; ce sont des reliques de l’esprit du genre.

Cela dit, je suis tout à fait ouverte à l’exploration d’autres formats s’il y a de l’intérêt. En fait, ce serait un rêve de voir ma musique pressée sur vinyle un jour. La sortie d’un LP est une étape que je n’ai pas encore franchie dans ma carrière, et je pense que cela apporterait une nouvelle profondeur et une intemporalité à MØRKE OG LYS !

– Enfin, la question qui se pose, puisque tu produis beaucoup de musique : est-ce que tu travailles déjà sur un prochain album et y a-t-il des projets de concerts également ?

Oui ! Je travaille actuellement sur mon prochain album, j’ai toujours envie de créer ! Même si je n’ai reçu aucune nouvelle offre de collaboration avec un groupe, j’ai une proposition de sortie séparée qui m’enthousiasme vraiment. C’est toujours inspirant de s’associer à d’autres artistes qui partagent une vision similaire. Alors, j’ai hâte de voir où cette collaboration me mènera.

Dernièrement, j’ai aussi revisité certaines de mes chansons préférées, ce qui a ravivé ma ‘fièvre des reprises’ ! J’en ai récemment publié trois sur la page Bandcamp de MØRKE OG LYS. La première est « Long Lost To Where No Pathway Goes » de Summoning, que j’ai également interprétée en live au ‘Dark Dungeon Festival II’. La deuxième est « The Prologue » d’Evol, et la troisième « Son Of The Shades » d’Elffor. Les trois morceaux sont disponibles en téléchargement gratuit sur la page Bandcamp pour tous ceux qui souhaitent les écouter !

Les trois albums de MØRKE OG LYS sont disponibles chez Dark Age Productions et sur le Bandcamp de l’artiste : https://morkeoglys.bandcamp.com/

Retrouvez l’article consacré au ‘Dark Dungeon Festival II’ :

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Heavy Stoner Doom Proto-Metal

Castle Rat : heavy foundations

Avec un chant féminin aussi incantatoire que virulent, le Doom de CASTLE RAT oscille entre un Heavy Metal porté par la NWOBHM et un Stoner chargé et obscur. Vintage dans le fond comme dans la forme, « Into The Realm » se fait l’écho d’un groupe déterminé et plein d’audace. La sincérité des New-Yorkais transpire sur les morceaux de ce premier disque aux délectatives couleurs revival.

CASTLE RAT

« Into The Realm »

(King Volume Records)

Tout juste cinq ans et quelques singles après sa création, CASTLE RAT sort son premier album et nous propose un bon dans le temps. Dans un univers très médiéval aux saveurs fantasy, la formation de Brooklyn propose un Heavy Stoner Doom très vintage, bien maîtrisé et où chaque code du genre est respecté. Entre influences issues de la NWOBHM et un proto-Metal rappelant Manilla Road et Candlemass, le quatuor soutenu en live par Maddy Wright, alias ‘The Rat Reapress’, se montre épique.

Avec « Into The Realm », CASTLE RAT n’entend pas révolutionner le genre, mais s’attèle surtout à entretenir un bien bel héritage. Sur des riffs tendus et épais, des solos bien distillés et une rythmique basse/batterie lourde et efficace, le combo arpente des chemins mystiques, guidé par la voix envoûtante bardée de réverb’ de sa frontwoman Riley Pinkerton, qui se montre fascinante en donnant un relief particulier à cet opus. Bien qu’un peu court, on se laisse vite emporter par cette atmosphère très sombre et Heavy à souhait.

Conçu sur un modèle narratif, « Into The Realm » s’articule autour de trois interludes instrumentaux (« Resurrector », « The Mirror », « Realm »), qui font corps avec l’ambiance globale. La chevauchée de CASTLE RAT ne manque ni de sel, ni de variété et les Américains multiplient ainsi les configurations en se distinguant habillement (« Dagger, Dagger », « Feed The Dream », « Fresh Fur », « Red Sand » et le plus léger et mystérieux « Cry For Me »). Direct et parfois même hallucinatoire, ce premier effort ne lâche rien.

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Concerts Dungeon Synth

Dark Dungeon Festival II : le saint du Synth

Les 12 et 13 avril derniers se tenait au château d’Avouerie à Anthisnes, près de Liège en Belgique, la deuxième édition du DARK DUNGEON FESTIVAL. Entièrement dédié au Dungeon Synth, l’évènement a rapidement affiché complet dans ce lieu aussi énigmatique que les artistes qui s’y sont produits. Je l’avoue humblement, j’ai avancé un peu dans l’inconnu, mais non sans enthousiasme et mon habituelle soif de découverte. D’ailleurs, comme pour me rassurer, un membre de l’organisation me confiait que nous étions ici ‘dans la niche des niches’ ! Alors, plutôt qu’un banal ‘live report’, je vais plutôt vous livrer quelques explications, ainsi que mes sensations sur ce style assez atypique et cette ambiance très attachante également. 

Azgirath The Metal Statue

Les puristes ne m’en voudront certainement pas, mais comme nous sommes plusieurs à ne pas, ou très peu, connaître le Dungeon Synth, quelques précisions s’imposent d’autant qu’elles ont été recueillies auprès de spécialistes et de fans, qui se sont d’ailleurs faits une joie de m’initier. Et le plus troublant est que toutes les versions se recoupent dans les moindres détails. Apparu donc au début des années 90 et surtout par le biais d’artistes issus du Black Metal, le style est essentiellement électronique, même s’il dégage des atmosphères étonnamment organiques. Inspiré de la littérature Fantasy et de la tradition païenne avec des thématiques souvent folkloriques et ésotériques, le Dungeon Synth trouve aussi racine dans l’univers de Tolkien comme dans celui de ‘Donjons & Dragons’, avec une touche de médiéval.

Inutile de préciser que le château d’Avouerie était le lieu tout indiqué pour ce deuxième épisode du DARK DUNGEON FESTIVAL, certes très dark, mais toujours très bienveillant. Sourire de mise donc, et tenues noires exigées. Mais qu’en est-il musicalement ? Du Black Metal ? Non, pas vraiment. Nous sommes plutôt dans un mood assez soft et parfois presque contemplatif, sauf pour les Allemands de Gothmog, qui ont franchement secoué l’assemblée. Il faut imaginer que le Dungeon Synth est né de l’inspiration des musiciens qui créent les intros, les outros et les interludes d’albums de Black Metal notamment. Et on y retrouve aussi des ambiances propres à l’Ambient, au Synthwave, à la New-Wave et en cherchant bien quelques effluves New-Age se dégagent aussi. Pourtant, loin d’être franchement planant, c’est au contraire très envoûtant, voire hypnotique.

Le château d’Avouerie

Et quid de l’affiche de cette édition 2024 ? Selon le public, on a atteint des sommets, tant dans la variété que dans la qualité des artistes présents, qui s’inscrivent dans le haut du panier du genre. Alors, pour n’oublier et ne froisser personne, étaient présents : Mortiis (Norvège), Bataille (France), Depressive Silence (Allemagne), Dim (Etats-Unis), Gothmog (Allemagne), Henbane (Danemark), Hyver (France), Malfet (Etats-Unis), Mørke Og Lys (Grèce), Sombre Arcane (Etats-Unis), Weress (France), Wydraddear (France) et Örnatorpet (Suède). Un beau panel pour les adeptes de Dungeon Synth, comme pour les néophytes comme moi et l’occasion surtout de parcourir un grand nombre des tendances à l’œuvre dans ce registre si particulier. Car chaque formation se distingue et apporte sa pierre à ce bel et original édifice.

Voilà, vous l’aurez compris, je suis rentré enchanté de ces deux jours au DARK DUNGEON FESTIVAL II, avec des images et des sonorités, auxquelles je ne suis pas forcément habitué, plein la tête ! Et ce fut aussi un vrai plaisir de pouvoir échanger tranquillement avec de nombreux artistes, qui ont eu la patience de contribuer à parfaire ma connaissance et mon apprentissage au Dungeon Synth… sans compter les gens, toujours prompts à s’épancher sur cette musique qui leur tient vraiment à coeur ! On ne voit pas ce genre d’attitude dans beaucoup de festivals, croyez-moi, et c’est là où cette deuxième édition est également une réussite totale. Sans a priori, sans préjugé et sans jugement, ce fut une belle réunion de passionnés à l’état d’esprit ouvert et particulièrement chaleureux. Que cette ‘famille’ est belle !

Je souhaite aussi terminer cette petite ‘carte postale’ de mon escapade belge depuis l’extrémité de ma belle Bretagne en remerciant Denis Halleux, Estéban Lebron-Ruiz et toute l’équipe d’AZ Live pour leur accueil, leur gentillesse et cette organisation parfaite. Un grand clin d’œil aussi à mes amis grecs de Mørke Og Lys, ainsi qu’à Wydraddear et l’ami Emilien des Editions Des Flammes Noires qui m’a permis de me joindre aux Danois, aux Allemands, aux Hollandais, aux Suédois, aux Belges, à l’Américaine, aux Français, aux Bretons même et tous les autres avec qui j’ai pu partager de très agréables moments. Merci à toutes et à tous… et à l’année prochaine ! 

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Rock US Roots Rock

Grace Potter : magical road-trip

Au volant d’un opus somptueux, GRACE POTTER passe en revue une multitude d’émotions, de rythmes et de couleurs musicales, ce qui atteste encore et toujours de sa débordante créativité. « Mother Road » est le témoignage direct d’un voyage introspectif entrepris par la songwriter sur l’une des plus célèbres routes des Etats-Unis. Limpides et chaleureuses, les chansons du disque célèbrent l’envie folle d’une connexion à la vie. Magistral !  

GRACE POTTER

« Mother Road »

(Fantasy)

Malheureusement presqu’inconnue en France (ce qui est entièrement de notre faute !), GRACE POTTER est pourtant une grande Dame du Rock américain, version roots et authentique. Originaire du Vermont, la chanteuse, guitariste et experte de l’orgue Hammond B-3 a entamé sa carrière en 2002, a multiplié les collaborations de haut vol et nous livre aujourd’hui son cinquième album, produit par Eric Valentine (QOTSA), qui est également son mari à la ville. Et leur complicité est évidente jusque dans le son.

La voix délicieusement éraillée, GRACE POTTER nous invite à un road-trip intimiste avec « Mother Road », un terme emprunté à l’écrivain John Steinbeck qui qualifiait ainsi la légendaire ‘Route 66’. L’Américaine avale le bitume en dévoilant et délivrant ses pensées, ses états d’âme et aussi ceux de personnages imaginaires, qui viennent se fondre dans un Rock mâtiné de Soul, de R&B, de Country avec un voile légèrement bluesy qui vient délicatement se poser sur ces nouveaux morceaux.

Si elle nous plonge dans une certaine ‘Amérique profonde’, GRACE POTTER ne tombe pas dans le larmoyant, bien au contraire, elle se montre lumineuse, attachante et déterminée à laisser entrer le soleil (« Ready Set Go », « Good Time », « Lady Vagabond », « Futureland », « Masterpiece » et le génial morceau-titre). Affichant une incroyable liberté et portée par un groupe d’exception, la musicienne est clairement dans le partage d’une nostalgie sous-jacente et surtout d’un optimisme sans faille.

Photo : Grace Potter
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Southern Blues

Tedeschi Trucks Band : full moon

Traversant tous les registres du Blues enveloppés dans une chaleur Southern, TEDESCHI TRUCKS BAND ne s’interdit pas non plus quelques embardées Soul, Funk, Jazzy ou Country. Avec « I Am The Moon » et ses quatre chapitres, le collectif de 12 musiciens s’est embarqué dans une folle aventure, qui se révèle être une réussite resplendissante. Dernier chapitre avec « Farewell », aussi flamboyant que ses prédécesseurs.

TEDESCHI TRUCKS BAND

« I Am The Moon : IV – Farewell »

(Fantasy/Universal)

Depuis le 3 juin dernier, le TEDESCHI TRUCKS BAND nous régale à raison d’un EP par mois, qui sont autant d’épisodes distincts d’une superbe épopée Blues et Southern. « I Am the Moon », le cinquième et le plus ambitieux album du collectif, est une petite merveille de bout en bout, tout comme le film qui l’accompagne et qui permet de mieux faire connaissance avec le groupe et surtout de comprendre le processus d’écriture de ce monument. Aussi visuel que musical, cet album-concept est d’une incroyable richesse, livré par des musiciens incroyables.

Les 24 morceaux, pour plus de deux heures de musique, ont étonnement été écrits et enregistrés dans un laps de temps assez court, ce qui laisse dire que Susan Tedeschi, Derek Trucks et leurs musiciens sont non seulement très productifs, mais au-delà de ça très inspirés. Une chose est sûre, la pandémie aura profité au TEDESCHI TRUCKS BAND qui a réalisé, à partir d’un conte persan, un album qui lui sera maintenant difficile d’égaler. Et « Farewell «  est la chute finale de ce beau voyage.

Avec ce dernier volet, on savoure des titres comme « Last Night In The Rain », « D’Gary » ou « I Can See You Smiling », qui sont autant d’offrandes livrées par les Américains. Pour finir, ayant déjà cité les deux protagonistes principaux, voici les talents qui forment le TEDESCHI TRUCKS BAND : Alecia Chakour et Mark Rivers (percussions, choeurs), Brandon Boone (basse), Marc Quinones (congas), Isaac Eady et Tyler Greenwell (batterie, percussions), Gabe Dixon (claviers, chant), Kebbi Williams (saxophone), Elizabeth Lea (trombone), Ephraim Owens (Trompette) et Mike Mattison (chant).

Photo David McClister

Retrouvez les chroniques de « Crescent », « Ascension » et « The Fall » qui complètent, avec « Farewell », « I Am The Moon » :

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Southern Blues Southern Rock

Tedeschi Trucks Band : songe d’une épopée southern

Susan Tedeschi et son compagnon Derek Trucks continuent de nous dévoiler leur album-concept, « I Am The Moon », constitué de 24 morceaux sur quatre EP de trente minutes environ chacun. Et il faut reconnaître qu’avec « The Fall », on commence à avoir une belle vue d’ensemble. TEDESCHI TRUCKS BAND, fort de ses douze musiciens, dépasse les frontières d’un Southern Rock très Blues avec une inspiration et une fluidité rares.

TEDESCHI TRUCKS BAND

« I Am The Moon III : The Fall »

(Fantasy/Universal)

Troisième et avant-dernier volet de l’épopée musicale du collectif américain baptisée « I Am The Moon », dans laquelle il relate à sa façon un mythique conte persan qu’il a réactualisé en s’inspirant des sentiments d’isolation et déconnexion sociale subis durant la pandémie. Et le TEDESCHI TRUCKS BAND a laissé cette fois chacun de ses membres composer et laisser libre-court à ses émotions, dépassant ainsi son habituel champ d’investigation.

Pourtant, ce qu’il a de plus étonnant sur « The Fall » et ce malgré l’implication des douze membres de la formation, c’est que c’est probablement celui qui sonne le plus dans la veine de ce qu’ils ont l’habitude de nous livrer. Très roots dans les compositions, « The Fall » est un superbe panel de toutes les influences Southern du TEDESCHI TRUCKS BAND, passant du Blues à la Soul dans cet esprit Rock, qui a forgé son identité.

Et c’est Jacksonville, chez lui en Floride, que le groupe a enregistré ces quatre EP accompagnés de films retraçant des sessions studio, divers visuels et des prestations scéniques. D’ailleurs, les musiciens sont actuellement en tournée aux Etats-Unis où leur  public a la chance de découvrir en live « Somehow », « Yes We Will », « Gravity » ou « Take Me As I Am ». Et c’est en novembre prochain que les fans français du TEDESCHI TRUCKS BAND pourront à trois reprises se régaler avec ce « I Am The Moon » prodigieux.