De Saint-Etienne à la Cité des Anges, le vol est direct et finalement la distance importe peu, tant les idées et la musique rapprochent inévitablement. Riffs tendus, solos millimétrés, rythmique appuyée, rien ne manque à EVE’S BITE, dont les refrains et le chant de ce premier opus sont entêtants et fédérateurs. Avec « Blessed In Hell », le groupe se montre créatif et s’inscrit dans une belle tradition à laquelle il fait vraiment honneur. L’énergie très live qu’il dégage s’ouvre sur un univers très personnel.
EVE’S BITE
« Blessed In Hell »
(M&O Music)
A l’œuvre depuis un bon moment maintenant, le revival Hard, Heavy et Glam Metal de la fin des 80’s et des 90’s commence sérieusement à prendre de l’ampleur aux Etats-Unis bien sûr, et aussi dans nos contrées. Et il faut croire que ce bel héritage a été parfaitement digéré, car la scène hexagonale n’est pas en reste. Avec « Blessed In Hell », EVE’S BITE vient grossir les rangs et présente un premier album autoproduit sous la bannière de M&O Music. Et si la production est un peu froide, l’ensemble se veut musclé.
Certes, on est un peu loin de la chaleur californienne, mais les Stéphanois n’ont pas froid aux yeux et montrent de bien belles choses. Leur Hard Rock est racé et efficace, les mélodies sont accrocheuses et les touches Glam et Metal habillement distillées. « Blessed In Hell » court d’ailleurs sur près d’une heure, preuve que sur ses 12 morceaux, le quatuor a des choses à dire. EVE’S BITE se montre infatigable, un brin Sleaze et la puissance affichée ne manque ni de maîtrise, ni d’entrain.
Bon, on ne va pas se mentir non plus, on pense très fort au Skid Row de la belle (et unique !) époque de Sebastian Bach, notamment au niveau du chant. Pour le reste, les Français s’appuient sur des valeurs sûres comme Dokken pour le côté Heavy et Mötley Crüe pour la partie texte notamment. Appliqué et sérieux, EVE’S BITE fait preuve de beaucoup d’’explosivité et on se prend vite au jeu (« Fire, Fire, Disaster », « She’s Got More Balls Than You », « Rock Fever », « Shits On The Radio », « Waiting For The Night »). Bouillonnant !
Le changement de label et une orientation musicale nettement plus féroce semblent avoir donné à NO TERROR IN THE BANG une vision plus nette et sans limite de son Cinematic Metal. Toujours aussi progressif, des sonorités plus extrêmes sont cette fois à l’œuvre sur « Heal », notamment dans le chant. Les Normands paraissent avoir pris leur allure de croisière et s’impose vraiment sur la scène Metal hexagonale grâce à un registre original, créatif et totalement maîtrisé. Alexis Damien (batterie, arrangements), Romain Greffe (claviers, arrangements, piano) et Sofia Bortoluzzi, frontwoman du sextet, reviennent sur ce fougueux élan à l’œuvre sur ce nouvel album.
Photo : Aurelien Cardot
– Un peu moins de trois ans après « Eclosion », vous faites un retour fracassant avec « Heal ». Entre-temps, vous avez changé de label pour intégrer la belle maison Klonosphere. J’imagine que c’est une source de motivation supplémentaire ? Est-ce que cela a pesé d’une quelconque manière dans la réalisation de l’album ?
Alexis : Klonosphere est un label fondé par Guillaume Bernard de Klone, que je suis depuis longtemps. Son avis et ses encouragements étaient donc une très bonne surprise et un encouragement. Il a reçu l’album et nous a appelé assez rapidement. Le côté éclectique et progressif de notre musique collait à l’esthétique globale des groupes Klonosphere. On est donc ravis et cela nous donne un second souffle.
– Le cap du deuxième album est toujours important pour un groupe et dans votre cas, cela semble vous avoir donné des ailes et une détermination incroyable. C’est pour cette raison que « Heal » est nettement plus agressif que son prédécesseur ?
Romain : On avait à cœur de confirmer ce que nous avions entrepris dans le premier album, et nous étions portés par les retours positifs, autant dans la presse que dans les diverses rencontres au fil des scènes. On s’est dit qu’on voulait aller plus loin, qu’on voulait plus explorer, se lâcher et se faire plaisir aussi.
Alexis : Sofia a voulu aller plus loin dans le chant saturé, cela donne forcément une brutalité supplémentaire, et emmène la musique sur des territoires plus hostiles… Je pense qu’on a forcé le trait, on est effectivement allé plus loin dans le spectre sonore.
Photo : Aurelien Cardot
– Votre Metal Progressif a lui aussi beaucoup évolué et, s’il se veut toujours aussi cinématique, il est très ancré dans son époque avec notamment des sonorités MetalCore et Electro. C’était un changement nécessaire ou, plus simplement, c’est dû au fait que NO TERROR IN THE BANG n’avait pas encore exploré toute sa palette artistique ?
Romain : Cette fois-ci, tous les membres du groupe ont écrit des morceaux, et les idées ont fusé. Les expérimentations aussi. Donc, ces sonorités Electro sont un prolongement de ce que nous avions expérimenté sur « Eclosion », et font suite à cette volonté d’aller plus loin. C’est l’envie, toujours et plus, de faire cohabiter les styles. Inclure des parties Electro, ou aussi des vraies parties de piano proches d’une musique cinématographique et parfois même contemporaine, était à la fois amusant et évident !
Alexis : Je suis heureux si le disque t’a semblé actuel. C’est une priorité pour moi de se poser la question de la modernité, de mettre en perspective le passé – l’héritage – le présent et le futur. Je ne me verrais pas créer un groupe de Thrash, par exemple…Les références sont trop dures à surpasser. En revanche, défricher de nouveaux terrains, tenter des métissages, cela est excitant. Les musiques actuelles, c’est comme un arbre qui se développe à l’infini, et si nous pouvions incarner ne serait-ce qu’un petit bourgeon dans la grande maison ‘Metal’, cela nous irait parfaitement.
– L’autre fait marquant de « Heal » est la dimension prise par Sofia au chant. La puissance affichée est assez phénoménale avec, notamment, une facilité étonnante à passer du registre clair au growl. Se rapprocher ainsi du Metal extrême est même assez inattendu. Cela tient-il aussi de la thématique du combat développé sur l’album ?
Sofia : Oui tout à fait, rien dans l’interprétation n’a été composé au hasard. Le côté growl plus extrême se justifie par une volonté de démontrer cette maturité acquise au fil des années, mais c’est également dû à l’envie d’illustrer la thématique du combat de manière plus poignante, plus cathartique. Allié au chant clair, il devient d’autant plus saisissant.
Photo : Aurelien Cardot
– Malgré beaucoup de vélocité, « Heal » contient toujours autant de passages très cinématiques et immersifs, mais peut-être plus sombres que sur « Eclosion ». Cependant, on a le sentiment que vous avez cherché l’efficacité tout au long de l’album…
Alexis : Effectivement, si on fait du live, il est important de le penser et de l’anticiper. Certains morceaux marchent mieux que d’autres, chaque groupe connait ça. Désormais, nous avons plus de répertoire, et donc nous jouons les plus efficaces. Par conséquent, c’est un exercice d’équilibriste et d’autocritique permanent. Il faut savoir expérimenter en gardant raison gardée – une sorte de lucidité, pour se dire ‘oui’ ça marche ou ‘non’, ça ne marche pas, ce sera un morceau sur album, mais pas en concert…Cela dépend aussi de quels types de concert : jouer en première partie est très différent que de jouer un set de 1h15 en tête d’affiche.
Romain : C’est aussi dû à notre propre retour du premier album. On s’est rendu compte qu’il y avait des parties vraiment ardues à reproduire en live, et on voulait également que notre musique soit encore plus éclectique. C’est pour cela qu’on a souhaité introduire quelques parties plus efficaces, plus directes, mais sans pour autant renier ce qui fait notre sel. A chaque partie plus ‘in your face’ s’adjoint une autre plus subtile, avec des arrangements les plus travaillés possibles, pour que toutes les sensibilités de notre public s’y retrouvent.
Photo : Aurelien Cardot
– Même si l’une des particularités de NO TERROR IN THE BANG est de présenter une musique très fouillée et technique, « Heal » est encore plus sophistiqué dans le son, ainsi que dans la structure des morceaux, les détails de l’orchestration et le soin porté aux arrangements. Comment vous êtes-vous répartis le travail d’écriture et de production surtout ?
Romain : Tout le monde a contribué à l’écriture et l’arrangement de cet album, alors que sur « Eclosion », tous les morceaux partaient d’idées d’Alexis (et nous les avions arrangés à six). Chacun est venu avec deux ou trois morceaux, avec des sensibilités différentes, des discours et des ambiances variées. Parfois, avec des morceaux quasiment aboutis, parfois avec quelques idées à assembler. Nous avons ensuite repassé le tout à la moulinette ‘NO TERROR’, et chacun a pu apporter sa patte. Et le travail de Sebastien Langle a sublimé nos créations.
Alexis : Nous réalisons des pré-prod en home-studio, très avancées, et nous enregistrons ensuite au studio de Sebastien Langle, puis au mastering avec Pierrick Noel. Sebastien est un peu notre Rick Rubin, il nous pousse dans nos retranchements.
– A l’écoute de l’album, les images se bousculent et l’on pense évidemment au rendu scénique. Avez-vous imaginé une nouvelle scénographie ? Et puis, est-ce que le répertoire de deux albums-concepts peut se fondre facilement dans un même set ?
Romain : Evidemment ! Nous sommes en train de travailler sur une nouvelle scénographie, mais ça prend du temps. Ça n’est pas toujours simple de correspondre visuellement à notre ambition musicale, surtout que c’est un métier à part entière. Les morceaux peuvent cohabiter sans aucun souci, même si dans un premier temps, nous aurons à cœur de défendre « Heal » sur scène.
Alexis : Un objectif serait de pouvoir un jour proposer des projections à la façon d’un ciné-concert. Nous avons commencé à faire des tests, mais évidemment, tous les endroits ne sont pas adéquats pour cela. Certaines SMAC sont bien équipées, mais en festival, c’est déjà plus compliqué, et ne vous y trompez pas, cela est souvent réservé aux très grosses productions. Mais rien n’est impossible, il faut aussi être malins, nous y réfléchissons.
Photo : Aurelien Cardot
– Enfin et toujours à propos de la scène, comment allez-vous restituer la complexité de certains titres ? Vous comptez utiliser plus de machines, ou peut-être épurer certains passages ?
Romain : Pour le premier album, on jouait tout 100% live. Là, au vue de la production des morceaux, on va s’aider de séquences. Ça nous permettra de restituer au mieux nos arrangements, sans concession, peu importe la situation de concert, qu’on soit en première partie ou en tête d’affiche.
Alexis : Epuré, ça peut se faire sur certains tout petits bouts, comme le pré-refrain de « Warrior », qui contient 75 couches ! (Rires) Mais les titres ne sont pas aussi complexes que cela, on s’y fait très vite !
« Heal », le nouvel album de NO TERROR IN THE BANG est disponible chez Klonosphere
Retrouvez l’interview du groupe à l’occasion du premier album :
Dense et chaotique, « Body » joue sur des climats, dont la palette semble illimitée. Bardé de machines, mais aussi de riffs incandescents et d’un frontman polymorphe, ce nouvel opus de la formation de Besançon a de quoi vous remuer les tripes et vous fracasser les neurones. HORSKH avance dans une noirceur Indus et Metal, qui se fait de plus en plus personnelle et où se nichent des mélodies qui viennent se graver dans le crâne. Explosif !
HORSKH
« Body »
(Wire Control)
Le temps passe, HORSKH continue son bonhomme de chemin et, mine de rien, s’apprête déjà à célébrer ses 15 ans de carrière. Et le bilan est plus qu’honorable avec deux EP et un savoureux troisième album, histoire de démarrer l’année en trombe. Toujours solidement ancré dans son temps, une constante à chaque disque, le trio parvient encore à surprendre et surtout à peaufiner son identité sonore et musicale. Et si les ingrédients sont sensiblement les mêmes, leur mise à jour est pointilleuse et terriblement efficace.
Au confluent du Metal et du Rock, de l’Indus et de l’Electro, HORSKH impose un son massif et brutal et avec « Body », le groupe repousse un peu plus ses limites tout en allant à l’essentiel. Un leitmotiv. Courts et compacts, les morceaux sont le reflet et le regard sur une époque où l’humain se prête à toutes sortes de connexions, laissant presque le champ libre aux machines. Avec un tel propos, les Français se montrent peut-être plus froids encore que sur « Wire », mais l’énergie déployée et propagée sème le même chaos.
Dans le contenu, ce nouvel opus affiche une belle diversité, tout en restant majoritairement très impactants. « Tension » nous saute à la gorge dès l’entame et c’est loin d’être terminé. De rythmes survitaminés en passant par de grosses guitares et des voix changeantes et sauvages, HORSKH passe en revue des paysages futuristes avec une fureur concentrée (« Interface », « Body Building », « XlungX », « Laying Down », « It Spreads »). Par ailleurs teinté d’ambiances Goth et New-Wave, le combo élargit toujours son spectre. Costaud !
Toujours très organique, la musique de QILIN prend de l’ampleur et beaucoup d’épaisseur sur ce nouvel opus. Une maturité finalement très naturelle, si l’on tient compte de la qualité d’écriture des titres de « Parasomnia ». Capable de se faire planant comme de laisser s’abattre une véritable chape de plomb, le combo pose son empreinte sur un Stoner Psych envoûtant et un Doom, parfois Sludge, qui déconcerte sans pour autant perdre le fil narratif de cette dernière réalisation, qui en impose… à tous les niveaux !
QILIN
« Parasomnia »
(Independant)
Le chemin parcourut par QILIN depuis 2017, date de la sortie de son premier EP éponyme, force le respect. Révélé avec « Petrichor » en 2020, album qui sera d’ailleurs distribué à l’international par Wormholedeath, le quatuor a pu s’aguerrir sur scène, enrichissant son jeu et surtout le son de son Psych Stoner Doom. Avec « Parasomnia », il franchit encore un cap que ce soit dans la composition, l’interprétation et la production de ce deuxième disque. Les contours de ce style si tortueux et captivant se dessinent de plus en plus et sont désormais beaucoup plus personnels et originaux, témoignant d’une grande maîtrise.
Thomas Vachy (lead guitare), Benoît Caillet (basse), Frédéric Bonneau (guitare) et Mathieu Guibert (batterie) font grandir et évoluer QILIN ensemble depuis sept ans maintenant et laissent ainsi apparaître une belle complémentarité. Il en émane une complicité évidente, comme on a d’ailleurs pu le voir sur le live des ‘Smoky Van Sessions’, filmées sur les côtes normandes en pleine nature, suivant le concept auxquels se sont prêtés d’autres avant eux, comme Appalooza, notamment. Les Parisiens, qui sortaient tout juste de l’enregistrement de « Parasomnia », annoncent en musique leur flagrante évolution.
Le registre instrumental offre aussi beaucoup de liberté dans laquelle le groupe s’engouffre avec détermination. Le travail sur les tessitures sonores, comme sur le son en lui-même, est véritablement à la hauteur de ces nouvelles compositions toujours très progressives. QILIN nous fait passer par de multiples sensations et émotions à travers le concept-même de « Parasomnia », celui du rêve paradoxal. Puissants, lourds ou aériens, les morceaux nous transportent avec beaucoup de fluidité dans un univers saisissant (« Lethean Dreams », « On Migoi’s Trail », « Hundred – Handed Wards »). Immersif à souhait.
« Parasomnia » est disponible sur le Bandcamp du groupe :
Ce quatrième album de COLLINE HILL vient souligner toute la force d’une voix aussi légère que puissante, qui glisse avec harmonie dans un style qui va bien plus en profondeur que la simple Folk. En surface, la sobriété des chansons semble s’effacer derrière la narration. Or c’est justement cette belle complicité entre la guitare et le chant qui libère une lumière dans laquelle une certaine universalité du propos rejoint avec élégance notre quotidien. « In-Between » interroge et hypnotise avec beaucoup d’émotion.
COLLINE HILL
« In-Between »
(Hill & Lake Productions)
Elle aurait pu choisir l’art de la Gwerz de sa Bretagne natale, mais c’est vers l’Americana que COLLINE HILL s’est tournée pour conter ses histoires. Car dans ce style si spécifique à la culture américaine, le storytelling compte autant, sinon parfois plus, que la musique en elle-même. Majoritairement interprété en guitare/voix avec en héritage direct la Folk, la Country et le Blues, le registre va comme un gant à la chanteuse désormais installée en Belgique, après l’Irlande, un pays plus enclin à la culture musicale des Etats-Unis que la France.
Déjà présente et très bien mise en valeur sur « Shelter », son précédent mini-album sorti en 2019, c’est bel et bien la plume de COLLINE HILL qui nous guide. Soutenus par une guitare qui semble épurée de prime abord, ses textes nous transportent littéralement au cœur de cette Amérique oubliée et dont les récits résonnent tout au long de « In-Between ». La richesse de l’écriture réside justement dans cette apparente simplicité que seule l’Americana révèle au grand jour. Et la Morbihannaise en possède tous les codes.
Superbement réalisé par Géraldine Capart qui a parfaitement saisi l’univers et la musicalité de l’artiste, « In-Between » suit sur un chemin plein de poésie et si touchant de réalité. Parler d’authenticité ou de sincérité dans le chant et le jeu de COLLINE HILL est un doux euphémisme, tant la finesse et la délicatesse de sa voix captent toute l’attention (« What If », « Life’s A Ride », « Out Of The Blue », « Kate », « Mary Jane », « Winters »). Pourtant loin des Appalaches et du Midwest, la compositrice nous invite à un voyage dépaysant et si familier.
Depuis un petit moment, l’Hexagone s’est forgé une solide scène en termes de Metal extrême et on peut affirmer sans mal qu’il se taille la part du lion dans bien des registres. C’est ainsi le cas avec SYCOMORE et son Sludge Metal fracassant, dont « Antisweet » vient démontrer à la fois la force, mais aussi la capacité à puiser dans d’autres styles pour durcir le sien. Sans limite donc, mais non sans unité et une ligne musicale radicale et foudroyante.
SYCOMORE
« Antisweet »
(Source Atone Records)
T’as vu la sucette et t’es venu chercher un peu de douceur, c’est ça ? Alors, passe ton chemin, car le power trio n’a toujours pas l’intention de câliner son auditoire, mais plutôt de sévèrement le bousculer. Oppressant, rugueux et sauvage, ce quatrième album (et le premier chez Source Atone Records) va encore plus loin que ce à quoi SYCOMORE nous avait habitué jusqu’à présent. Non que le groupe ait réduit son champ d’action pour livrer de nouvelles compos d’un brutal nihilisme, ce serait même plutôt l’inverse.
Massif et fulgurant, le Sludge Metal des Amiénois se nourrit de ce que le monde d’aujourd’hui propose, à savoir de la colère et des frustrations qui émanent directement d’une atmosphère chaotique souvent étouffante. Pourtant, parmi les nombreuses déflagrations à l’œuvre sur « Antisweet », SYCOMORE laisse échapper quelques ambiances progressives et post-Metal, auxquelles se mêlent des sonorités Stoner bien sûr et plus étonnamment d’un Grunge très Noisy.
Ici, les dés ne sont pas pipés et dès « Eternal Watts », le combo ouvre sur l’une des rares éclaircies avant le déferlement musclé qui va suivre. La rythmique secoue et donne parfois le vertige, les riffs sont explosifs et épais, tandis que le duo vocal ne fait qu’un dans une énergie foudroyante. Agressif mais nuancé, SYCOMORE étend son travail de sape sur tout le disque (« Like Sulphur », « Drink Water », « Parallel Lines ») et livre même des instants Black Metal, avant de donner le coup de grâce avec « Captain Vitamin ». Rageur !
Loin des fadasses Tribute bands, « Original Seeds » est le nouvel EP de HEART LINE et il ne se présente pas dans une optique nostalgique, mais avec plutôt dans l’idée de reprendre avec respect, tout en se les appropriant clairement, des morceaux très représentatifs des glorieuses années de l’AOR. Exaltés et techniquement monstrueux, les solos retrouvent une seconde jeunesse, les claviers brillent comme jamais et le frontman montre toute l’étendue de son talent. Quelques covers en guise de récréation, finalement bien trop courte…
HEART LINE
« Original Seeds »
(Pride & Joy Music)
Non seulement en l’espace de seulement deux albums, « Back In The Game » et « Rock’n’Roll Queen », HEART LINE s’est imposé comme le représentant français du Hard FM/AOR/Melodic Rock qu’on attendait tant, mais au-delà de ça, il vient confirmer avec « Original Seeds » qu’il n’a plus rien à prouver aux piliers du genre. Un peu plus de deux ans après sa formation, le quintet incarne littéralement le renouveau d’un style propre aux années 80, certes, mais dont l’univers n’a pas fini d’être exploré.
Derrière la légendaire DeLorean de ‘Retour Vers Le Futur’, qui trône sur la pochette toujours réalisée par l’excellent Stan W. Decker, se cache une petite surprise que nous réservent les Bretons. Regroupant cinq morceaux qui ne sont pas issus de son répertoire, HEART LINE nous gratifie de reprises aussi piquantes que les originales et nous replongent forcément au cœur des 80’s. Et plutôt que de se contenter des hits, le groupe s’est penché sur des titres moins connus, ce qui vient ajouter une petite dose d’inconnu à l’ouvrage.
Du Royaume-Uni avec Tobruk, Aviator et Virginia Wolf, à la Suède avec Alien et aux Etats-Unis avec Dakota, HEART LINE a véritablement repris ces chansons à son compte. Sorties entre 1984 et 1988, le premier lifting tient bien sûr dans la dynamique et la production, mais pas uniquement. Au chant, Emmanuel Creis montre une superbe polyvalence, tandis qu’Yvan Guillevic et Jorris Guilbaud forment l’essentiel et explosif duo guitare/claviers tellement incontournable dans l’AOR. Une vraie gourmandise !
Photo : Mat Nina Studio
Retrouvez les interviews accordées à Rock’n Force par HEART LINE et la chronique du dernier album :
Depuis bientôt deux décennies, les Alsaciens n’ont de cesse de faire évoluer leur style au fil des albums et des EP. Tout en gardant un pied dans un Stoner Prog souvent proche d’un post-Rock/Metal insaisissable, LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL multiplie les expériences, et celle-ci n’est peut-être pas la plus évidente. Légers, fins et presque mis à nu, ses propres morceaux s’exposent sur « Breath » dans une lumière nouvelle et flottante, où l’acoustique se revêt de cordes, comme pour mieux souffler et livrer ses mélodies dans une Dark Folk somptueuse.
LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL
« Breath »
(Klonosphere)
C’est devenu une bonne habitude et même la marque de fabrique de LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL que de sortir un format court entre deux albums. Deux ans après « Polaris », le groupe s’offre donc une petite respiration avec le bien nommé « Breath », qui présente d’ailleurs deux nouveautés dans la démarche du quintet. Tout d’abord, on a le droit ici à cinq reprises, quelque chose d’assez inhabituel, et surtout pour la première fois en version acoustique, laissant les gros amplis de côté.
Lorsqu’une chanson est bien écrite, elle se décline sans mal sous à peu près toutes les formes. Tous les musiciens vous le diront. On peut donc, sans exagérer, dire que les morceaux de LDDSM sont très bien composés car, en mode acoustique, ils ne souffrent d’aucune lacune, tant le passage de l’électrique à l’unplugged est évident et coule de source. Pour autant, il ne faut pas imaginer que les Strasbourgeois ont simplement épuré leur jeu et leurs compos, c’est même presque l’inverse.
LDDSM est donc allé puiser dans son dernier opus pour trois morceaux, avant de remonter le temps avec « Z » issu d’« Arcane » (2013) et le titre « From 66 To 51 », qui figure sur « Soundtrack from The Motion Picture » (2010). Réarrangées et livrées dans une interprétation aussi originale que délicate, ces cinq chansons mettent en avant les guitares sèches, le piano et le violoncelle, preuve qu’elles ont une intemporalité certaine. Peut-être un peu nostalgique, on retiendra plutôt la grande qualité artistique du répertoire.
LARSEN & LIES déboule sur la scène Hard’n Heavy hexagonale avec « Live A Good Lie », qui a plutôt fière allure. Musclé et mélodique, ce premier format court approche la demi-heure et ne manque pas de fraîcheur. Sur des morceaux accrocheurs, le combo parvient à capter l’attention grâce à des sonorités 90’s, c’est vrai, mais qui ont tout d’une savoureuse madeleine de Proust. Avec un premier six-titres de ce calibre, le groupe avance déjà de solides arguments.
LARSEN & LIES
« Live A Good Lie »
(Independant)
Après quelques années à se faire les dents avec des reprises sous le nom de Six Floors Under, les choses ont commencé à prendre une tournure plus personnelle et sérieuse, lorsque les Franciliens se sont mis à composer leurs propres chansons. Fortement imprégné de la scène Hard Rock américaine, et même californienne, des années 80 et 90, LARSEN & LIES reprend le flambeau pour entretenir la flamme de belle manière.
Surfant sur une vague revival à l’œuvre depuis un petit moment, le quintet se montre vivifiant et le niveau technique affiché y est pour beaucoup. Mené par un chanteur costaud et une très bonne rythmique, LARSEN & LIES possède aussi deux très bons guitaristes qui, entre riffs acérés et solos très techniques, se font vraiment plaisir et offrent beaucoup de respiration à ce « Live A God Lie » très équilibré.
Bien produit, l’EP est un brin old school dans son approche, mais le Heavy Rock proposé reste pourtant très actuel (« Too Many Guitars », « Damaged Goods », « Liar »). Même si LARSEN & LIES s’est forgé une identité, quelques gimmicks ont la dent dure et les noms de Skid Row (première époque, le vraie), Dokken, Extreme ou encore Mr Big sur la power-ballad « Now It Begins » ressortent… et c’est un vrai plaisir. Un premier essai très concluant.
Pierre angulaire de la scène Rock dont il a marqué les années 90 au fer rouge, FFF fait un furieux et gourmand come-back. Aussi inattendu qu’inespéré, « I Scream » renoue avec l’essence-même de cette Fédération Française de Fonck survitaminée et finalement inoxydable. Ce nouvel opus promet de prochaines prestations scéniques enflammées, et pour en avoir vécu quelques unes dans une autre vie, surveillez bien les dates qui arrivent dès le printemps … Ça va être chaud et explosif !
FFF
« I Scream »
(Verycords)
Est-ce qu’après deux décennies d’absence, un groupe qui a laissé une telle empreinte à travers un style, dont il a été le principal artisan en France, peut encore renouer avec un enthousiasme qui l’a tellement caractérisé ? 23 ans après un album, « Vierge », qui n’a pas franchement marqué les esprits, Marco Prince, Yarol Poupaud, Nicolas Baby et Krishoo Monthieux ont-ils retrouvé la fougue de leurs premiers émois discographiques ? Comme l’ont laissé entrevoir les premiers singles, le doute n’est plus de mise : FFF a retrouvé la foi et déborde d’énergie.
S’ils ont juré par tous leurs dieux ne s’être jamais séparés, les Parisiens font un retour qui ressemble presque à une résurrection. A priori, ils attendaient le bon moment pour se mettre à l’ouvrage d’un cinquième album, dont ils savaient mieux que personne qu’il serait très attendu par une communauté de fans impatiente et pas encore rassasiée, mais également scruté et décortiqué par la presse, ce qui est importe finalement assez peu. Ce qui compte, et qui entretient aussi un peu le mystère, c’est ce qu’il a bien pu se passer dans cette campagne niortaise, où FFF a refait parler la poudre.
« I Scream » contient tout l’ADN du fulgurant quatuor. L’instinct, la fraîcheur et le groove sont intacts. Le flow de Marco fait des merveilles (« Les Magazines »), tout comme son trombone, les riffs de Yarol sont incandescents (« Won’t You ») et la bouillonnante rythmique gouvernée par Nicolas et Krishoo oxygène l’ensemble (« On Devient FFFou », « Death On The Dance FFFloor », « Smile »). Moderne dans le son comme dans le propos, FFF livre avec classe l’album qu’on attendait et avec cette luminosité qui a fait sa réputation. « I Scream » est positif et concentre décidemment tous les parfums. Bravo, FFFallait le FFFaire !