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Hard'n Heavy Heavy Rock

Vulvarine : proudly explosive

Réellement investie, la formation viennoise se présente avec « Fast Lane », un deuxième effort qui vient confirmer le potentiel aperçu à ses débuts. Sur de solides fondations Hard Rock, les musiciennes savent se faire Heavy, Glam aussi à l’occasion et laissent même échapper quelques gimmicks Punk. Bien produite, polyvalente et survoltée, cette nouvelle réalisation est intense, rafraîchissante et assure à VULVARINE une nouvelle stature dans l’univers Heavy Rock européen qu’elles s’apprêtent à conquérir armées d’un farouche caractère.

VULVARINE

« Fast Lane »

(Napalm Records)

En l’espace de cinq ans, on a pu assister en temps reel à la métamorphose, du moins à la saisissante progression, de VULVARINE. Depuis « Unleashed » en 2020, suivi de l’EP « Witches Brew » fin 2023, les Autrichiennes ont peaufiné leur style, resserré leur jeu et gagné en efficacité. Les compos sont plus racées, leur débordante énergie canalisée et avec « Fast Lane », elles franchissent un nouveau cap. Toujours aussi fougueuses, leur Hard Rock trouve son identité dans un élan Heavy, teinté de Punk et de Glam. Sexy & Raw au final !

Certes, il y a du Girlschool, une touche de Joan Jett dans l’attitude aussi et un brin de The Runaways chez VULVARINE, qui s’inscrit dans la lignée des groupes 100% féminin à l’ADN hyper-Rock’n’Roll. Mais sans compromis, ce deuxième album est explosif et vivifiant avec un côté sauvage qui sert parfaitement des refrains très accrocheurs. Même si elles évoluent dans un registre assez classique, « Fast Lane » est résolument moderne et impactant. Fruit d’une collaboration entre trois producteurs, l’ensemble est très homogène et costaud.  

Avec une approche féministe et volontaire, VULVARINE affirme ses convictions et ses valeurs, tout en libérant une bonne dose d’adrénaline. Brut et rentre-dedans, le quatuor affiche puissance et détermination, et met en avant des mélodies bien ciselées (« The Drugs, The Love And The Pain », « Demons », « Alright Tonight », « Equal, Not The Same », « Polly The Trucker » et l’acoustique « She’ll Come Around »). Au final, « Fast Lane » ne renverse pas la table, mais y pose comme il faut tous les ingrédients d’un avenir serein. La scène sera révélatrice.

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Hard Rock Heavy Rock

Big Canyon : le plein d’audace

L’ampleur et la dimension prises par le groupe sur ce nouvel effort éponyme semble marquer à elles seules le fossé qui le séparait de sa formule en trio. Sur « Big Canyon », son volume est décuplé et enfin à sa taille. Heavy Rock, Hard Rock, peu importe finalement tant les chansons respirent, cognent et deviennent familières en un claquement de doigt. Si le nouveau chanteur change forcément la donne, les autres musiciens de BIG CANYON donnent aussi l’impression d’être enfin à leur place. Tentaculaire et immédiat, il règne une proximité haletante pleine d’audace. 

BIG CANYON

« Big Canyon »

(Independant)

Que 2020 semble bien loin à l’écoute de l’album de BIG CANYON. A l’époque, le groupe évoluait encore à trois et sortait son tout premier EP. Il faut bien avouer que la métamorphose est saisissante et elle s’explique même assez facilement. Tout d’abord, l’arrivée au chant d’Andi Meacock apporte beaucoup de poids et de relief, au point de rendre le combo londonien presque méconnaissable. Un nouveau départ exaltant s’offre à lui et renforce son Heavy Rock en consolidant solidement ses fondations, grâce à une énergie folle et toute en nuances, qui vient flirter avec un Hard Rock très britannique.

Si le nouveau frontman conduit la formation avec beaucoup d’assurance et un talent indéniable, qu’il doit en partie à une puissance vocale et un grain aussi identifiable que chaleureux, il y a un autre élément important dans cette évolution sonore et musicale. Pour son premier opus complet, BIG CANYON a fait appel au producteur Dave Draper, connu pour son travail avec The Wildhearts (qui s’apprête d’ailleurs à faire son retour très bientôt) et Terrovision pour ne citer qu’eux, et ça change pas mal de choses. La puissance des guitares, la lourde rythmique et le chant trouvent un équilibre parfait.  

Si le quatuor n’élude pas quelques belles ballades, l’ensemble est plutôt costaud et fait également une place conséquente à des mélodies très travaillées, qui n’ont aucun mal à entrer dans le crâne pour ne plus en sortir. BIG CANYON a l’art de se faire fédérateur et très accrocheur et ses nouveaux titres sont franchement taillés pour la scène (« Rescue Me », « Mine In Another Time » », « Dominion Of Truth », « Beautiful Mind », « Captain Of Your Soul », « Devil In Disguise », « The Things You Do »). Bruts et authentiques, les Anglais manient les émotions avec subtilité et une implacable cohérence.

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Heavy Stoner Psych Heavy Stoner Rock Stoner Metal

Warlung : orbital

S’ils n’ont rien perdu de l’esprit jam qui les anime depuis leurs débuts, les musiciens de WARLUNG semblent être parvenus à peut-être canaliser un peu plus le flux d’énergie qui les dévore. Non pas que cette nouvelle réalisation soit plus tendre, moins grasse, plus polie ou sage, non, mais « The Poison Touch » a un côté tellement plus en contrôle que ses prédécesseurs qu’on ne peut que saluer cette nouvelle mouture. Toujours légèrement Old School, mais les huit pieds dans leur époque, le quatuor s’amuse encore et toujours et fait le bonheur de nos oreilles.

WARLUNG

« The Poison Touch »

(Heavy Psych Sounds)

Quel ravissement de retrouver la formation de Houston, sa magique rythmique composée des frères Tamez, Chris à la basse et Ethan à la batterie, et des deux guitaristes-chanteurs George Baba et Philip Bennet pour ce cinquième effort ! Et une fois encore, WARLUNG réussit à nous surprendre. Peut-être moins axé sur le proto-Metal teinté du Heavy vintage inspiré de la NWOBHM de « Vulture’s Paradise », le groupe se montre tout aussi à son aise dans cette épaisseur musicale, faite des volutes des riffs endiablés du duo de six-cordistes.

Si « The Poison Touch » affiche également plus de rondeur dans le son avec une production peut-être plus équilibrée et massive, le chemin n’en est que plus épique avec des légères effluves de Doom, de Stoner et d’un Blues occulte presqu’obsédant (« Holy Guide »). Une chose est évidente, WARLUNG s’ouvre les voies de tous ces registres pour parvenir à une unité dévastatrice et envoûtante. Les Texans sont toujours aussi cinglants et sauvages, et les mélodies qui façonnent ces nouveaux morceaux sont diaboliquement addictives.

Il émane une véritable plénitude de « The Poison Touch », comme en témoigne « The Sleeping Prophet », superbe ballade mid-tempo qui vient confirmer l’assise du combo. Et que dire de l’intermède « Mourning Devils » qui nous propulse sur orbite avant de se délecter des presque huit minutes de « Spell Speaker » ? Majestueux et sans doute le point de bascule de cet album tellement imprévisible ! WARLUNG reste explosif et ne se ménage toujours pas (« Digital Smoke », « Rat Bastard », « 29th Scroll, 6th Verse »). Renversant ! 

Retrouvez l’interview du groupe à l’occasion de la sortie de « Vulture’s Paradise » :

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Hard Rock Hard US Hard'n Heavy Sleaze

Crazy Lixx : folie furieuse

Plus de 40 ans après son émergence, CRAZY LIXX continue d’entretenir avec brio l’héritage d’un Hard Rock un brin FM, très Sleaze et savamment Heavy. A grand renfort de riffs rageurs, de solos percutants et de refrains entêtants, la formation nordique défriche le genre en le réoxygénant grâce à des compositions hyper-fédératrices bardées de choeurs très travaillés posés sur un songwriting pointilleux et fougueux. « Thrill Of The Bite » fait franchement beaucoup de bien !

CRAZY LIXX

« Thrill Of The Bite »

(Frontiers Music)

Depuis « Street Lethal » (2021), puis deux titres inédits sur une compilation l’an dernier (« Call Of The Wild » et « Little Miss Dangerous » que l’on retrouve d’ailleurs ici), le nouvel album studio des Suédois commençait à se faire attendre. Rangés derrière leur excellent frontman, compositeur et producteur Danny Rexon, les membres de CRAZY LIXX répondent présents et livrent un « Thrill Of The Bite » de haut vol. Au menu, pas de bouleversements majeurs, mais toujours une bonne touche de Heavy et une énergie brute assumée, carrément réjouissante et très entraînante.  

On n’en demande d’ailleurs pas plus aux Scandinaves qui appliquent une recette qui a fait ses preuves il y a quelques décennies et qu’ils maîtrisent aujourd’hui à la perfection. Car, 23 ans après sa formation à Malmö, CRAZY LIXX en a fait du chemin et ce neuvième opus est bien différent de ce qu’il proposait sur « Loud Minority » en 2007. Dorénavant, et après quelques changements de line-up, le quintet est plus affûté que jamais et sa créativité ajoutée à une solide expérience débouche sur un Hard Rock très Heavy musclé, explosif et à toute épreuve.

« Thrill Of The Bite » ne connait pas de temps calme, mais fonce avec une assurance débridée, qui transpire autant le plaisir que le Rock’n’Roll. Là-dessus, l’état d’esprit qui anime CRAZY LIXX n’a pas changé et c’est une très bonne chose. A des milliers de kilomètres, il nous téléporte sur le Sunset Strip de Los Angeles sur des morceaux très actuels, qui ne laissent pas la moindre once de nostalgie se propager (« Highway Hurricane », « Who Said The Rock N’Roll Is Dead », « Run Run Wild », « Hunt For Danger », « Final Warning », « Stick It Out »). Flamboyant !  

Photo : Nils Sjöholm

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Classic Rock Heavy Rock Rock Rock US

Ginger Evil : solid as a Rock

Avec un telle entrée en matière, le combo nordique ne risque pas de passer inaperçu. Composé de musiciens chevronnés, GINGER EVIL s’aventure dans un Rock qui se fait de plus en plus rare et qui reprend les codes d’un registre efficace et mélodique. Avec « The Way It Burns », c’est une sorte de retour aux fondamentaux qu’il propose et la belle surprise vient aussi de sa chanteuse, Ella Tepponen, qui s’impose grâce à une technique irréprochable et une grande capacité à varier les intonations vocales. Très mature, ce premier album va réconcilier les fans de Rock au sens large.

GINGER EVIL

« The Way It Burns »

(Frontiers Music)

Voici la nouvelle sensation Rock finlandaise et c’est peu de le dire ! Les membres de GINGER EVIL n’en sont pas à leur coup d’essai, puisqu’on retrouve ici le guitariste Tomi Julkunen et Veli Palevaara qui faisaient tous deux partie de The Milestones. Rejoints par le batteur Toni Mustonen, le combo a enfin affiché complet avec l’arrivée d’Ella Tepponen au chant, laquelle offre au groupe sa véritable identité musicale et, entre Power et Heavy, son Rock est musclé, accrocheur et surtout parfaitement interprété.

En confiant la production de « The Way It Burns » à Teemu Aalto (Insomnium) et le mastering à Svante Forsbäck (Rammstein, Volbeat, Apocalyptica), GINGER EVIL a mis tous les atouts de son côté et ce premier opus est de ceux qui font franchement du bien. Cela dit, il ne faut pas s’attendre à une grande révolution, mais le Rock des Scandinaves a cet aspect très frais et fédérateur, qui peut faire d’eux une valeur sûre. Et puis, ce savoureux mix de Rock US, d’Alternative Rock et de Classic Rock séduit sans mal.

Très moderne dans son approche comme dans le son, GINGER EVIL ne met pas bien longtemps à tout emporter. Dès « Rainmaker », la vivacité des riffs et la puissance vocale de la frontwoman prennent le dessus et la suite s’annonce solide. Très américain dans le style, le quatuor multiplie les ambiances avec des clins aux 70’s comme à la scène californienne des 90’s (« Dead On Arrival », « Shame On », « Hands Move To Midnight », « Better Get In Line », « Not Your Fool »). Actuel et intemporel : une réussite.

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Heavy Rock Rock Rock Hard

Sons Of Silver : classy Rock

Il y a assez peu de groupes qui dégagent autant de classe, de facilité et de maîtrise du songwriting sur un premier long format comme c’est le cas sur « Runaway Emotions ». Porté par la voix chaleureuse et touchante de son leader, SONS OF SILVER laisse pourtant la place à chacun, que ce soit sur des parties de guitares sauvages, une rythmique soutenue et tellement raffinée que sur des claviers aussi discrets qu’indispensables. L’union au sein du combo est incroyable de fluidité et la qualité d’écriture est renversante. Quand expérience et intelligence entrent en symbiose ! 

SONS OF SILVER

« Runaway Emotions »

(4L Entertainment)

Au moment de sa création en 2019, Peter Argyropoulos, leader de Pete RG, n’a pas manqué de s’entourer de pointures, faisant de SONS OF SILVER un groupe hors-norme dont le nom d’ailleurs reflète parfaitement son ambition : solide, délicate et créative. Il est accompagné de Marc Slutsky, batteur emblématique qui a tourné avec les Goo Goo Dolls et Peter Murphy notamment, Adam Kury (bassiste de Candlebox) l’ancien guitariste de Skillet, Kevin Haaland, et, enfin, la claviériste et ingénieure de renom Brina Kabler. Et suite à deux EPs assez expérimentaux, voici enfin le premier album, « Runaway Emotions », où la direction musicale est beaucoup plus nette.

Basé à Los Angeles, SONS OF SILVER rassemble un beau patchwork de ce que la Cité des Anges offre depuis des décennies. Très Rock et tirant sans complexe sur le Hard Rock, voire le Glam, avec une base très américaine dans le son et un côté Indie qui donne justement beaucoup de finesse à l’ensemble, le collectif peut se montrer de prime abord un peu insaisissable. Assez classique tout en étant avant-gardiste, notamment dans les arrangements, « Runaway Emotions » accroche avec une simplicité apparente, qui laisse l’espace aux musiciens pour s’exprimer pleinement à travers des compositions très libres et entraînantes.

Puissantes de bout en bout, les chansons de ce premier opus affichent la technicité, le groove et le sens de la mélodie de ses membres. C’est à un véritable travail d’orfèvre auquel s’est livré SONS OF SILVER grâce aussi à un sens du détail très poussé. Bien sûr, les Californiens font écho à The Cult et même à Bowie, au Juju Hounds d’Izzy Stradlin et parfois bien sûr aux combos dont ils sont issus. Mais le style est personnel et assez unique en son genre. Rien n’est surjoué, exagéré, ni convenu, le quintet présente un univers bien à lui, magnifié par une production irréprochable et brillante. Un disque complet qui s’écoute et se réécoute à l’envie…! 

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Glam Rock Heavy Rock Punk Rock Sleaze

Dharma Guns : free spirit

Conçu avec l’aide de son ingénieur du son, le quatuor a géré de bout en bout la conception de son premier album, et « Ex-Generation Superstars » vient mettre de jolis coups de pied dans la fourmilière du Rock’n’Roll. Très inter-générationnel, DHARMA GUNS remonte aux origines du style pour mieux le rendre actuel. Et si une teneur assez Punk revient régulièrement avec ce côté très direct, le quatuor se place bien au-dessus, grâce à une technique irréprochable et un sens de la mélodie qui reflète son expérience. Brut et très bien arrangé, ce premier opus est une véritable bouffée d’air frais.

DHARMA GUNS

« Ex-Generation Superstars »

(Rockhopper Music)

Si vous connaissez l’œuvre de Jack Kerouac, peut-être avez-vous déjà entendu parler de « The Dharma Bums » (« Les Clochards Célestes ») ? C’est en tout cas ce qui semble avoir inspiré le chanteur Pete Leppänen pour le nom du groupe. Avec sûrement aussi Guns N’Roses, car on retrouve la fougue et le côté sleazy des débuts des Californiens. Deux belles références donc. Tous issus de la scène Rock d’Helsinki, les membres de DHARMA GUNS n’en sont pas à leur coup d’essai et il faut reconnaître qu’ils se sont bien trouvés.

Les Finlandais n’ont pas perdu de temps et, à l’image de leur musique, la dynamique s’est rapidement mise en route. Fin novembre 2023, ils commencent les répétitions avant d’entrer en studio en février quelques semaines plus tard. Et en seulement deux jours, DHARMA GUNS enregistre l’essentiel d’« Ex-Generation Superstars », qui sort la même année. On n’est pas là pour traîner ! Autoproclamé ‘Street Rock’ avec des touches de Glam et de Classic Rock mêlées à une énergie proto-Punk, l’ensemble a de belles saveurs live.

Derrière cette façade aux teintes Garage, on devine beaucoup d’ambition de la part des Scandinaves, qui ne se contentent pas des deux/trois accords habituellement utilisés dans le registre. Ici, ça joue et chante bien et les solos distillés viennent valider une maîtrise et une qualité de composition aussi pêchue que parfaitement ciselée. DHARMA GUNS avance sur un groove qui ne manque pas d’élégance et des refrains carrément entêtants (« Far Out », « The Vipers », « Love Bug », « Psychobabble », « Dharma Guns »). Une petite bombe ! 

Photo : Marek Sabogal – Juha Juoni

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Alternative Metal France Heavy Rock

Trank : Rock above all [Interview]

Peut-être un peu malgré eux, les musiciens de TRANK sont un peu des OMNI, sorte d’Objets Musicaux No Identifiés, sur la scène hexagonale. Entre un Heavy Rock flirtant avec un Alternative Rock/Metal solide et direct et des sonorités typiquement Cold, la formation franco-suisse a tout de même largement imposé son style et balisé son registre depuis « The Rope », un premier album qui avait impressionné par sa maîtrise et sa production. Avec « The Maze », le désormais quintet conserve cette identité très personnelle qu’est venu enrichir un léger remaniement de line-up. Michel André Jouveaux, chanteur, claviériste et programmateur, revient sur ce deuxième album tout aussi abouti, la façon de travailler du groupe, ses envies et ne cache une envie viscérale de remonter sur scène au plus vite. Entretien.    

– Votre premier album, « The Ropes », était sorti en 2020 juste avant la pandémie et avait rencontré un franc succès. Un an plus tard, vous aviez proposé une version Deluxe avec un second CD composé de remixes très Electro de vos morceaux. Finalement, cette période compliquée ne vous semble pas vous avoir freiné tant que ça, si ?

Pas sur le plan créatif, car on a continué à composer, à travailler notre son et à faire évoluer notre manière d’approcher les choses. Ce second disque de remixes de « The Ropes » nous a aussi permis d’avancer. Nous avons pu échanger avec les artistes qui en ont créé la moitié, à savoir des gens incroyablement talentueux comme Mokroïé, peut-être le plus beau projet Techno français depuis des lustres, ou Greco Rossetti aux US, mais aussi parce que l’autre moitié a été réalisée par nous-mêmes, ce qui nous a permis de réfléchir à la meilleure manière de combiner les aspects ‘Rock’ et plus électroniques de notre son.

En revanche, le coup de frein a été très net niveau live. On n’a pas pu défendre « The Ropes » sur scène comme on le voulait, et malgré toutes les critiques incroyablement positives qu’on a pu recevoir, l’album n’a pas été aussi exposé qu’on l’aurait voulu. Sans compter le manque du plaisir de jouer en concert. Toute la frustration accumulée a alimenté les chansons de « The Maze », donc c’est un mal pour un bien.

– Aujourd’hui sort « The Maze », qui reste dans la lignée de « The Ropes » et confirme l’identité musicale de TRANK. Toujours axé sur un Heavy Rock Alternatif vif et musclé, il intègre également plus d’éléments électroniques qu’auparavant. C’est un désir de moderniser un registre peut-être trop intemporel ?

Dès qu’on s’est retrouvé ensemble, le mélange entre une influence Hard 90’s et un son plus électronique venu du Post-Punk des origines s’est imposé comme le son qui nous venait naturellement. Il était déjà là sur le premier album, mais il s’entend plus sur « The Maze », parce qu’on a approché les arrangements différemment, en alternant froideur et chaleur, électronique et guitares, plutôt qu’en les superposant tout au long de chaque chanson. Ca donne plus de dynamique et de contraste à chaque morceau et à l’album dans son entier. Après ‘moderniser’, tu sais, on reste finalement très vieille école, y compris dans l’aspect électronique des choses : la plupart des synthés utilisés datent d’avant 1984 ! (Sourires) Les batteries sont acoustiques et pas virtuelles, les guitares et basses ont été enregistrées à l’ancienne avec amplis et micros soigneusement choisis, pareil pour les voix… Notre intention n’est pas d’être modernes, mais de créer le son qu’on a en tête, ce mélange de puissance et de texture, d’efficacité et d’atmosphère. ‘Gros son, grosses émotions’, comme le disait une chronique de « The Ropes », mais en plus accompli.

– D’ailleurs, ce qui est assez étonnant, c’est que TRANK présente un style avec beaucoup de sonorités électroniques, tout en évoluant avec deux guitaristes. Ça peut surprendre. Est-ce qu’il a aussi finalement fallu retrouver un certain équilibre ?

Mais on espère bien que ça puisse surprendre ! (Sourires) La musique a atteint un tel niveau de formatage ces temps-ci que ça devient cauchemardesque. La seule manière de ne pas tomber dans ce panneau-là, c’est de faire la musique que tu veux entendre, avec le son que tu veux entendre. Qui plus est, même si on a tous des goûts très éclectiques, le centre de gravité des goûts de chacun est différent et ce mélange d’instruments entre Rock et machines en est le reflet. Ça s’applique d’ailleurs aussi aux nouveaux membres du groupe, même s’ils ne nous ont rejoints qu’une fois l’album terminé.

-Et qui sont les nouveaux membres du groupe ?

Arnaud et Nico sont respectivement bassiste et guitariste et ils jouent sur scène avec nous depuis quelques mois maintenant. Julien, avec qui j’avais fondé TRANK et qui assurait les guitares, nous a quittés il y a un peu plus d’un an et demi. C’était une séparation amicale et d’un accord mutuel. On est toujours très proche et il était d’ailleurs présent au concert de la ‘Release Party’ de l’album. Mais cela couvait depuis un moment et David, notre bassiste, avait déjà repris une bonne partie du travail des guitares, qu’il s’agisse d’arrangement, de son ou de performance. Il s’est donc naturellement glissé dans le rôle de guitariste sur neuf des onze chansons de « The Maze ».

On est, du coup, parti à la recherche d’un bassiste et un ami musicien, qui nous connaît bien, nous a recommandé Arnaud qui est parfait pour nous. Non seulement, c’est un excellent bassiste, très technique, qui comprend parfaitement le son très cinématique de nos chansons, mais il est aussi bourré d’idées et avec lui, les chansons prennent sur scène une couleur légèrement Funk/Metal, qui sera très intéressante à explorer en studio sur un futur troisième album.

Et puis, assez vite pendant la création de « The Maze », on a réalisé qu’on écrivait des chansons qui ne pourraient être jouées live qu’avec deux guitares. On a donc aussi recruté un guitariste, en plus de David. Nico est un ami de longue date, avec qui j’ai joué pendant plusieurs années dans un groupe de reprises qui cartonnait localement. En plus d’être une crème, c’est un excellent guitariste, qui amène lui aussi un élément très rythmique à nos guitares. C’est également un soliste brillant et avec David, ils se relaient sur le lead et la rythmique suivant les chansons. Et il a un sens du groove quelque part entre la connexion Foo Fighters/QOTSA et le Funk/Metal de RATM.

Pour finir, on a même une sixième personne avec nous sur scène. Emma, notre manageuse, est une excellente claviériste et elle assure les synthés humainement jouables, car le reste est séquencé, ainsi qu’une partie des chœurs, ce qui ouvre beaucoup plus de possibilités.

– « The Maze » qui est toujours aussi Rock et pêchu. Avez-vous conservé vos habitudes de travail, ou est-ce que le changement de line-up a aussi changé certaines choses dans votre manière de composer et d’écrire vos chansons ?

Nos habitudes ont forcément évolué, dans le sens où la majorité de l’album s’est faite à trois. Mais c’est une évolution graduelle, pas une révolution. On a composé les morceaux avec la même méthode, c’est-à-dire avec David, ou Julien, qui m’envoie deux ou trois minutes de musique plus ou moins structurées, sur lesquelles Johann pose une idée d’arrangement rythmique. Je structure le truc et j’enlève ou ajoute ce qui manque pour que la chanson trouve cet équilibre qu’on cherche entre puissance, mélodie et atmosphère. On travaille d’arrache-pied à un arrangement instrumental qui fonctionne, d’abord par échange de pistes qu’on travaille en home-studio, puis en répétition. Et une fois qu’on a l’instru, je le laisse reposer plus ou moins longtemps, puis je le réécoute et je demande à la chanson de quoi elle veut que je parle. (Sourires) Après quoi, la première ligne de texte finit par s’écrire et inspire le reste et la mélodie vocale.

– D’ailleurs, au niveau du songwriting, les nouveaux morceaux sont hyper-efficaces avec des refrains taillés pour la scène. C’est ce contact immédiat avec le public que vous recherchez en premier lieu en composant ? Comment faciliter l’échange direct finalement ?

Oui, les chansons ont un aspect plus direct et ‘efficace’ que celles du premier. C’est sans doute le résultat de ce qu’on a appris sur scène quand on a pu jouer et aussi de la frustration de ne pas avoir pu le faire pendant deux ans.

– Pour « The Maze », vous avez de nouveau fait appel à Brian Robbins (Asking Alexandria) pour le mix et Andy Von Dette (Porcupine Tree, David Bowie) pour le mastering. En revanche, vous vous êtes chargés de l’enregistrement avec Yvan Barone. C’est important pour vous d’avoir la main sur ce qui fait véritablement le son de base de TRANK ?

C’est essentiel, oui. Pour nous, le son est partie intégrante de l’identité du groupe. Nos démos sont toujours très abouties, on a une idée très précise de la manière dont on veut que les choses sonnent. En gros, concilier un côté puissant, un gros son taillé pour les grandes scènes, avec une vraie richesse de texture et une atmosphère ‘grand écran’, grands espaces, pleine de petits trucs qui amplifient l’impact de la chanson. On aime aussi l’idée que même si le cœur de chaque morceau est évident dès la première fois, chaque nouvelle écoute révèle son lot de petits détails qui font la différence, un peu comme dans les productions de Trent Reznor (Nine Inch Nails), Alan Wilder (Depeche Mode, Recoil), du Paradise Lost période « Icon/One Second/Host », voire Trevor Horn aussi. Yvan est, entre autres, très doué pour capturer toute la richesse harmonique des arrangements et pour nous aider à les épurer autant que nécessaire. Brian, lui, prend toute cette richesse et mixe, avec nous, pour lui donner l’impact et l’efficacité sans lesquelles on se perdrait dans les couches de son. Et Andy n’a pas son pareil pour masteriser tout ça d’une manière qui met en valeur cet équilibre entre épaisseur et puissance. On avait adoré leur travail sur « The Ropes », d’où leur retour sur « The Maze ». Et au-delà de ça, on a adoré travailler avec eux sur le plan humain. Alors, pourquoi s’en priver ?

– Votre Alternative Rock se distingue aussi par la présence de sonorités Cold Wave. C’est un mix assez étonnant compte tenu des riffs plutôt Hard Rock à l’œuvre. Cette noirceur mélodique vient aussi appuyer l’aspect introspectif de TRANK. L’idée est-elle de faire un contrepoids à un côté peut-être plus ‘mainstream’ pour pouvoir s’ouvrir à d’autres horizons artistiques ?

C’est surtout ce qui se passe de manière assez naturelle quand on travaille ensemble. Si tu regardes la manière dont nos goûts se sont formés depuis l’adolescence : David vient du Metal, je viens de la Cold Wave et Johann du Classic Rock, ce qui explique ce mélange. Cela dit, on n’est pas les premiers. Si tu écoutes Killing Joke, Sisters of Mercy, certains trucs des pionniers du Metal Indus comme Ministry, Godflesh ou bien sûr Nine Inch Nails, ce mix entre puissance Rock, Metal et atmosphères électroniques est déjà là. Après, la plupart de ces groupes font ça dans une approche assez extrême, pas forcément hyper-mélodique. Chez nous, c’est la mélodie d’abord. Tout le reste, le rythme, les guitares, les machines et les voix, est à son service.

– J’aimerais aussi qu’on dise un mot de cette reprise de Pink Floyd, « Hey You ». C’est vrai qu’on n’assimile pas forcément TRANK au Rock Progressif des Anglais. C’était, une fois encore, l’idée d’arriver là où on ne vous attend pas forcément, ou est-ce plus simplement une chanson qui vous suit peut-être depuis longtemps déjà ? 

Ah, elle nous tenait à cœur, celle-là. (Sourires) On avait enregistré une première version pendant le confinement, alors qu’on était très frustré de ne pas pouvoir jouer ensemble. David et moi étant hyper fans de Pink Floyd, l’idée de reprendre l’une des plus belles chansons jamais écrites sur le thème de l’impossibilité de communiquer s’est imposée assez vite. On était très fier de la première version. Alors quand on s’est posé pour sélectionner les chansons à finaliser pour « The Maze », on s’est tout de suite dit qu’il fallait réenregistrer « Hey you » avec le même niveau de qualité que le reste de l’album. La première version avait été bricolée dans nos home-studios respectifs, avec batterie électronique et enregistrement maison. On a juste gardé l’arrangement presque à l’identique, mais on a rejoué et réenregistré le reste de fond en comble. Je te disais qu’on avait des goûts éclectiques ! (Sourires)

– Enfin, la scène française actuelle penche beaucoup vers le Metal extrême. Est-ce qu’il manque actuellement, selon toi, une frange plus Rock et Hard Rock, car vous êtes finalement peu nombreux à l’alimenter ? A moins que l’herbe ne soit plus verte ailleurs ?

Je ne suis pas certains qu’on y pense dans ces termes-là, d’autant qu’avec la manière dont fonctionnent les algorithmes, les plateformes et les réseaux, la meilleure manière de percer, ce serait de se coller à un genre dominant, facile à étiqueter et à résumer. Non, c’est juste qu’on fait la musique qu’on a envie d’entendre. Certains d’entre nous aiment le Metal extrême et les voix growlées d’outre-tombe (pas moi, enfin à petites doses). Mais franchement, il y a déjà beaucoup (trop ?) de gens qui font ça très bien. Donc, on joue ce qui nous manque un peu. Et puis, on se concentre sur nos forces. Le son de TRANK, même si le but est que le tout soit plus grand que la somme des parties, est aussi basé sur le style naturel qui va le mieux, ou qui vient naturellement à chacun d’entre nous. On a beau être ultra-perfectionnistes, on ne ‘force’ rien. D’autres gens font du Slipknot ou du Gojira mieux que nous. On espère bien être le meilleur TRANK possible ! (Sourires)

Le nouvel album de TRANK, « The Maze », est dans les bacs et vous pouvez également vous le procurer sur le site du groupe :

https://www.trankmusic.com

Retrouvez la première interview du groupe à l’occasion de la sortie de « The Rope » :

Photos : Alban Verneret (1, 5) et Esther W. Pink (2,3)

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Americana Blues Rock Country-Rock

Jax Hollow : une voix dans l’Amérique

Si JAX HOLLOW a basé sa réputation grâce à des concerts enflammés et un Blues Rock pied au plancher, la songwriter originaire du Massachussetts a de très nombreuses cordes à son arc. Avec « Come Up Kid », celle qui vit désormais dans la ‘Music City’ du Tennessee, n’a pas mis longtemps à en saisir des codes artistiques aussi riches que nombreux, et nourrit désormais son registre de saveurs Americana, Country et Folk. Porté par une production somptueuse et très organique, elle détonne dans un paysage où elle vient apporter de la fraîcheur et une véritable bouffée d’air frais sur des sonorités Indie et très libres.

JAX HOLLOW

« Come Up Kid »

(Independent)

Elle l’avait révélé il y a quelques semaines ici même, ce nouvel opus serait plus intime, plus personnel et sa direction ne serait peut-être pas non plus celle que l’on attend de la flamboyante guitariste-chanteuse. Il faut reconnaître que de ce côté-là, la surprise est belle et elle est de taille. Car si « Come Up Kid » s’ouvre sur « Changing Suits », suivi de « Easy Or Harder ? », deux morceaux plein d’allant, c’est un aspect plus délicat et aux teintes acoustiques plus présentes que nous présente JAX HOLLOW. Et la jeune Américaine semble aussi plus imprégnée de ce que peut apporter Nashville en termes de couleurs musicales.

Dès « Keeping My hands Busy », c’est cette fibre qui ressort, tout comme sur le single « Don’t Call Me Baby » et ensuite « Fallout » et son violon. La musicienne avait présenté son nouvel effort comme étant une sorte de biographie de ses deux dernières années, faites de hauts et de bas. Et c’est vrai qu’en cela, son Americana se prête beaucoup plus à la narration, ce qui ne l’empêche pas d’assurer de belles envolées guitaristiques, passant de l’acoustique à l’électrique avec la même dextérité. Sorte de catharsis, « Come Up Kid » apparaît presque comme une libération pour JAX HOLLOW qui resplendit littéralement au chant.

Accompagnée par un groupe irréprochable et d’un feeling irrésistible, c’est sans doute la première fois aussi que la voix de la chanteuse prend une telle dimension. Capable d’une extrême sensibilité comme d’une puissance claire (« Corner Store Jay’s », « Blazing Glory », « Stone Cold Sober »), elle se balade d’un style à l’autre, d’une ambiance à une autre en jouant sur les émotions avec beaucoup de sincérité, comme sur la poignante chanson-titre ou la très country « Birds On A Wire ». Enfin, JAX HOLLOW clôt ce très bon disque avec le touchant « Sycamore St » pour un final de toute beauté en guitare et piano. Rayonnante !

Retrouvez son interview accordée au site il y a quelques semaines :

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Hard 70's Heavy Rock Old School

Ian Blurton’s Future now : absolute rock

Avec autant d’énergie et de créativité, « Crimes Of The City », deuxième opus des Canadiens, a de quoi séduire les amoureux de Rock direct et sans concession. Outre l’expérience des membres du IAN BLURTON’S FUTURE NOW, c’est une même vision qui est ici distillée avec une intensité sans limite, mélangeant des courants comme le Stoner, le Psych, le Hard Rock 70’s avec une dose de Heavy Metal à l’ancienne. Pourtant pointilleux dans sa conception, cette nouvelle réalisation donne un coup de pied dans la fourmilière Rock, tout en ménageant l’institution. Une saveur assez unique.

IAN BLURTON’S FUTURE NOW

« Crimes Of The City »

(Pajama Party Records)

Bien que né dans l’Illinois, IAN BLURTON est une figure incontournable au Canada, et notamment en Ontario, où il a fait l’essentiel de sa carrière. Guitariste, songwriter et producteur, il a fait les belles heures de son premier groupe, Change Of Heart de 1987 à 1997, avant de se consacrer à la scène Rock indépendante à laquelle il a fortement contribué à poser les fondations. Et c’est il y a un peu plus de deux ans qu’il monte le projet FUTURE NOW, destiné dans un premier temps à des prestations live, qui lui ont forgé une solide réputation et qui l’ont mené à un premier album, « Second Skin », déjà électrisant.

Accompagné par des musiciens chevronnés qui possèdent exactement le même état d’esprit et partagent une vision du Rock commune, IAN BLURTON’S FUTURE NOW compte donc dans ses rangs Glenn Milchem à la batterie et aux chœurs, la bassiste Anna Ruddick et Aaron Goldstein à la guitare. Ici, point de bidouillages, de fioritures, d’overdubs et autres coquetteries, le quatuor ne jure que sur ses amplis à lampe, des riffs percutants, des voix presque solaires et un sens de la mélodie aussi délicat que rugueux, qui le rend addictif.

Pas de faux-semblant, donc. Alors, si « Crimes Of The City » résonne globalement comme du Classic Hard Rock, il ne faudrait surtout pas oublier les touches Stoner et psychédéliques qui viennent compléter ce beau tableau. Les parties de guitares rayonnent, le travail sur les voix est exemplaire et si la production conserve un aspect très brut, elle n’en demeure pas moins soignée. La force du IAN BLURTON’S FUTURE NOW est certainement sa sincérité et sa spontanéité et on se délecte de cet album si humain et authentique. Un régal !