Mr LORDI n’est pas du genre à procrastiner, loin de là ! Alors que « Killection » venait de sortir et que les Finlandais étaient sur les routes, la pandémie a ramené tout le monde au bercail. Mais pas question pour le multi-instrumentiste de sortir un nouvel album standard ou même un volume 2 du précédent. Et pourquoi ne pas composer et enregistrer sept albums dans sept styles différents et qui auraient pu être édités entre 1975 et 1995 ? C’est le pari (remporté !) fou du Scandinave qui nous balade entre Hard Rock, Heavy Metal, AOR, Rock Progressif, Indus et Speed/Thrash. Une « Lordiversity » peu banale et hors-norme. Entretien avec le monstre en chef de LORDI.
– « Killection » est sorti il y a moins de deux ans et après une tournée écourtée, LORDI est déjà de retour et avec un coffret de sept albums inédits. Tu as tout composé durant ce laps de temps, ou est-ce que certains morceaux existaient déjà ?
En fait, j’avais déjà quelques morceaux prévus pour « Killection ». L’idée de « Lordiversity » vient directement de cet album, je voulais créer le back-catalogue de ce groupe imaginaire. En fait, j’ai tout composé durant l’été 2020 et au départ, je voulais sortir dix albums. Ma maison de disques m’a dit de n’en faire que sept. Pourtant, ce n’était pas un problème, j’avais les dix albums en tête. Ils ont tous été composés dans l’ordre chronologique et chacun a nécessité un mois complet pour l’enregistrement et le mixage. Donc, on aurait très bien pu en sortir dix, j’en suis sûr ! (Rires)
– Avec le recul, crois-tu possible qu’un seul et unique groupe puisse aborder autant de styles différents… à part toi, bien sûr ?
Je n’en sais rien, mais j’ai envie de dire : « si tu peux le faire, get in the ring, motherfucker ! » (Rires) Blague à part, ce n’est pas si simple de passer du Thrash au Progressif, etc… Je savais que je pouvais le faire, traverser toutes ces ambiances différentes et faire les arrangements. Je sais faire tout ça et je n’ai pas besoin d’aide de qui que ce soit. Et ça me fait sourire intérieurement d’être conscient de ça. Et tous ceux qui se foutent de nous, de LORDI le monstre, j’aimerais beaucoup qu’ils essaient de faire la même chose. J’adorerais voir ça, vraiment !
– Durant la composition des albums, est-ce que tu t’es immergé en écoutant d’autres disques du même style et de la même époque pour mieux saisir l’état d’esprit et le son, ou pas du tout ?
Pas du tout ! Ca aurait tout bousillé ! (Rires) Avant de commencer les enregistrements, j’ai juste réécouté un ou deux disques marquants de chaque époque comme le premier Kiss, les Doors, Black Sabbath et c’est tout ! Rien d’autre ! Ensuite, j’ai pris ma guitare et j’ai commencé à composer. Je n’avais pas besoin d’autre chose. Et j’ai ensuite enchaîné les albums de la même manière avec quelques repères, bien sûr, mais rien qui puisse m’influencer. C’était juste pour choper l’ambiance de chaque époque.
– Enfin, vous allez repartir en tournée très bientôt. Définir une set-list risque d’être un vrai casse-tête ! A moins que vous en changiez à chaque concert ? Comment avez-vous prévu de vous organiser ?
Tout le monde me demande ça ! C’est vrai que c’est assez rigolo ! Sur la prochaine tournée par exemple, on va ouvrir pour Sabaton avec un set de 45/50 minutes environ. Ce n’est pas une configuration pour jouer ces albums. Donc, je pense qu’on jouera les singles et peut-être un ou deux titres de « Lordiversity». En revanche, pour les festivals, ce sera très différent. Tu es là pour jouer une sorte de bande annonce pour des gens qui sont là pour boire des bières et s’amuser. Ce n’est donc ni le lieu, ni le moment pour les jouer, non plus. Et quand nous serons sur notre propre tournée, ce sera encore autre chose. Là, on pourra choisir des morceaux de chacun album. Cela dit, je ne peux pas encore dire quand est-ce que nous aurons l’occasion de repartir en tournée pour le moment. C’est finalement assez drôle, ça aussi ! (Rires)
– Au fait, un dernier petit mot au sujet du dernier Concours de l’Eurovision que vous avez gagné en 2006. Ca t’a fait plaisir de voir des groupes comme Måneskin et Blind Channel ?
C’était cool de les voir ! J’ai bien sûr été très content de voir ça. Les choses sont en train de changer. Ca fait 16 ans… Ah ouais, 16 ans quand même… (Rires) On voit arriver de nouveaux groupes et ils font du Rock, même assez Metal. En dehors de Måneskin et Blind Channel, on constate que d’autres pays présentent des groupes de Rock. C’est une vraie évolution pour l’Eurovision, car la majorité des spectateurs de ce concours n’écoutent pas de Rock ou de Metal. Tous les 15 ans, les gens ouvrent à nouveau les yeux et retrouvent le droit chemin ! (Rires)
Le coffret de LORDI, « Lordiversity » est disponible chez AFM Records.
A l’occasion d’une interview pour le numéro de décembre de l’excellent magazine Metallian, j’en ai profité pour poser quelques questions supplémentaires à la révélation Rock Hard 70’s finistérienne : KOMODOR. Après un EP éponyme en 2019, le quatuor sort son premier album, « Nasty Habits », aux très aériennes et solaires ambiances psychédéliques et Garage. Grâce à un énorme travail sur les voix et les guitares, on est littéralement happé par le tourbillon musical distillé par le combo. Cinq décennies plus tard, KOMODOR dépoussière les années 70 avec brio et fraîcheur sur une production magistrale. Entretien collégial avec Goudzou (basse, chant) et Slyde (guitare, chant).
– Si « Nasty Habits » évolue dans un esprit vintage, marqué par le Rock des années 70, je le trouve carrément moderne et très actuel. Au-delà de votre jeu et de vos compositions bien sûr, est-ce que vous jouez et enregistrez aussi sur du matériel d’époque ?
Oui pour les amplis et guitares, mais pas pour tout ! (Rires) On a aussi utilisé beaucoup de vieux micros. Ensuite, une partie de l’album a été enregistré en numérique et le mixage a été réalisé en analogique.
– La première chose qui émane de l’album à sa première écoute, c’est son côté solaire et hyper-joyeux. « Nasty Habits » est positif à tel point qu’on vous entend souvent vous marrer en début ou en fin de titre. Ca rigole beaucoup chez KOMODOR, on dirait…
Ah ouais, ouais, ouais, ça déconne ! On est des rigolos ! On a plus de rides de sourires que de rides de colère ! (Rires) Et puis, c’est volontaire d’avoir gardé ça, car dans certains albums d’époque, il y a souvent cet esprit live, très vivant où tu entends souvent les gens se marrer et cela apporte de la vie à l’album. Aujourd’hui, tout est calibré en fonction des radios notamment, et tout est calculé comme il faut. On voulait un album très abouti tout en gardant cet aspect fun, qui donne aussi un peu de relief à l’album. Et puis, c’est un disque de copains aussi. On a commencé l’enregistrement à Saint-Divy chez les parents de l’un de d’entre nous. Ensuite avec le confinement, il y a eu la limite de kilomètres et on s’est demandé comment on allait pouvoir faire pour réunir tout le monde. Alors, on a déplacé tout le studio à Douarnenez chez Yuna Le Braz, où on a enregistré la fin de l’album, notamment les voix et les guitares.
– En fait, vous faites les choses sérieusement sans vous prendre au sérieux !
C’est ça !!! (en chœur !)
– Pour en revenir au son et à la production de l’album, il y a une énorme énergie qui est constante et qui donne vraiment l’impression que vous l’avez enregistré en prise directe et en jouant tous ensemble. C’est le cas ?
Pour beaucoup de morceaux, ça s’est passé comme ça. On a enregistré la basse/batterie en même temps, tout simplement parce qu’on n’avait pas assez de pistes pour les guitares. Et au niveau acoustique, ça ne sonnait pas, car on joue toujours avec les amplis à fond en studio. Et ce n’était pas gérable. Sinon, en effet, l’objectif était de faire le tout en prise live. L’idée est d’avoir un maximum d’énergie, parce que notre musique est faite pour ça. Et c’est aussi le cas sur beaucoup d’albums qu’on écoute. C’est vraiment l’essence-même du groupe, c’est ce qui nous caractérise. En concert, le but est aussi de se donner à fond, quelques soient les conditions. Et puis, on compose aussi tous ensemble, pas chacun dans son coin. Ce son live commence dès le travail de composition finalement.
– Parlons aussi un peu de votre look si particulier. Vous le voyez comme un prolongement de votre musique ? Un peu comme la signature visuelle de KOMODOR ? A moins que vous alliez chercher votre pain le matin habillés de la sorte ?
On est tout le temps habiller comme ça, ce n’est pas un déguisement ! Les 70’s sont aussi une passion jusque dans la déco de l’appartement de certains d’entre nous. C’est une époque que l’on n’a pas connu, et pourtant… Et c’est pareil pour tout, que ce soient les bagnoles, les motos…
– Vous serez aux Trans le 3 décembre prochain à Rennes. En général, c’est une date importante pour les groupes. Vous la préparez d’une façon particulière, ou est-ce que c’est un concert comme un autre pour vous ?
C’est un concert comme un autre, même s’il y a des enjeux. Tous les concerts, il faut les assurer de toute façon. Après, c’est sûr qu’on va faire du social ! (Rires) On ne se met pas la pression non plus, car on veut rester naturel. Il faut que les gens apprécient le concert comme il se doit. Cela dit, c’est vrai aussi qu’il y aura des programmateurs et c’est chouette si, ensuite, on peut faire des dates à droite, à gauche ou même des festivals. On verra bien si des opportunités se dessinent.
– Et puis, le lendemain, vous allez également vous produire avec vos amis du duo paimpolais Moundrag pour un projet commun qui se nomme Komodrag And The Mounodor. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus, car j’ai l’impression qu’il vous tient également beaucoup à cœur ?
Oui, c’est vrai. Cette rencontre a vraiment été un coup de foudre ! En fait, après s’être envoyé quelques messages, on a eu l’impression de se connaître depuis toujours. Ensuite, on a fait une date ensemble à Douarnenez et on s’est bien marré ! Après, on a commencé à faire des reprises et comme ça marchait super bien humainement, on s’est dit que ce serait cool de monter un set. Ils ont réussi à nous trouver une date aux Trans, donc il a fallu préparer tout ça très rapidement, en six mois. On a fait une résidence à Saint-Brieuc, à ‘Bonjour Minuit’, et ça a été vraiment super de bosser ensemble.
KOMODOR sera aux Trans à Rennes le 3 décembre à L’Étage à 19h30 (gratuit), puis le lendemain avec KOMODRAG AND THE MOUNODOR dans le Hall 3 du Parc Expo en clôture de la soirée (de 12 à 31€).
L’album « Nasty Habits » sera disponible le 17 décembre chez Soulseller Records.
Le Metal post-Progressif de MAUDITS prend une nouvelle tournure et continue de s’affiner. A peine un an après la sortie de son premier album éponyme, le groupe poursuit sa route et livre « Angle Mort », un nouvel EP original, pointu et sans complexe. Forte d’un univers original, la formation a aussi vu son line-up évoluer ce qui semble même lui avoir apporté une motivation supplémentaire. Olivier Dubuc, le guitariste du duo, revient sur la création de cette nouvelle réalisation très protéiforme.
– Quand je vous ai interviewé en décembre dernier peu après la sortie de votre premier album, vous aviez déjà profité des deux confinements pour composer et vous étiez même prêts à enchainer. Depuis, que s’est-il passé en marge de l’enregistrement de ce nouvel EP ?
Cet EP n’était pas prévu. Au départ, nous voulions commencer à défendre en live l’album après le premier confinement, et enchainer par l’enregistrement du matériel composé pendant ce temps-là. Mais tout le monde sait que ça ne s’est pas passé comme ça, et nous nous sommes retrouvés une nouvelle fois coincés à la maison. Je me suis donc mis à travailler sur une nouvelle version de « Résilience », seul avec ma pédale de loop pour l’enregistrement d’une vidéo live, histoire de mettre un peu de matière sur les réseaux. Finalement, nous nous sommes dit avec Chris (batterie, samples) qu’il serait bien d’étendre ça sur un ou deux morceaux, de les enregistrer proprement et pourquoi pas de les proposer en téléchargement sur notre Bandcamp. Dans le même temps, Raphaël Verguin, le brillant violoncelliste, dont je connaissais très bien le travail avec Spectrale (mais sans le connaître personnellement à l’époque), nous a commandé l’album sur Bandcamp. Je me suis donc permis de le contacter pour savoir s’il serait partant à l’idée de travailler avec nous sur ces nouvelles versions. Il a accepté et comme nous ne savons pas faire les choses à moitié, nous nous sommes mis à fond dans le projet, le tout à distance. L’idée était de pouvoir enregistrer très rapidement pour enchaîner sans laisser passer deux ou trois ans entre deux sorties. Et honnêtement, nous étions extrêmement satisfaits de la matière proposée, ce qui nous a donné l’envie et la confiance pour continuer. Cet EP est devenu pour nous une sortie à part entière, et pas juste un petit amuse-gueule avant le deuxième album, et nous l’avons chéri et travaillé avec la même intensité que le précédent.
– La surprise de cet EP vient aussi du line-up. D’une formule en trio, vous êtes devenus un duo. Que s’est-il passé et MAUDITS a-t-il rapidement trouvé un nouvel équilibre ?
Oui, nous avons construit et maquetté « Angle Mort » presqu’exclusivement à deux avec Chris. Puis, Anthony, notre ancien bassiste, a quitté le groupe peu de temps avant l’enregistrement. Avec du recul, je pense que ces deux confinements ont largement contribué à sa perte de motivation pour MAUDITS. L’éloignement physique imposé durant cette longue période a creusé un fossé entre nous, et comme les nouvelles technologies ne sont pas vraiment son truc, il a un peu lâché et ne s’est jamais vraiment intéressé au projet avec le boulot à distance que cela nécessitait.
Je pense aussi que l’idée de base ne l’intéressait pas plus que cela. Il souhaitait enchaîner directement avec ce que nous avions mis en place durant le premier confinement. Bref, nous étions à fond dedans et lui pas du tout. Et outre cette mésentente artistique, plusieurs choses sont ressorties, notamment sur notre manière d’avancer, nos prises de décisions et notre conception de ce projet qu’est MAUDITS. L’écart s’est creusé et le point de non-retour est arrivé.
Si ces situations arrivent à beaucoup de groupes en temps normal, le contexte d’enfermement et de distance forcée a accéléré le processus de séparation et l’a donc précipité. Plus concrètement, cela ne nous a pas réellement déséquilibré, car nous avions presque intégralement fonctionné avec la même méthode depuis le premier album, en posant les bases avec Chris.
– Sur « Angle Mort », on découvre deux nouvelles compositions et trois autres titres présents sur votre album dans des versions réenregistrées et réarrangées. Concernant ces dernières, vous n’étiez pas satisfaits des premières moutures ?
Si, nous les adorons ! Pour nous, l’intérêt de ses nouvelles versions était de déconstruire complètement les plages d’origine en ne gardant que les thèmes de base, afin d’en faire quasiment des nouveaux morceaux. Et à la rigueur, tant mieux si les auditeurs ne les reconnaissent pas du premier coup, cela prouve qu’on aura atteint notre objectif ! Nous les avons d’ailleurs renommé pour brouiller les pistes. Le point de départ était la réinterprétation de « Résilience », qui nous a vraiment donné envie de pousser le concept sur « Verdoemd » et « Perdu d’Avance » (initialement titrés « Maudits » et « Verloren Strijd »).
– Les deux nouveaux titres ont-ils été composés alors que vous étiez déjà à deux, ou s’agit-il de morceaux datant de l’album ?
Non, nous les avons composé à deux et à distance comme pour les trois réinterprétations. D’ailleurs, « Epäselvä », notre premier single, a volontairement été composé au dernier moment sur une période très courte en le construisant sur plusieurs rythmes Dub et très énergiques, improvisés directement en studio par Chris, le tout sur un tempo choisi sur le moment un peu au hasard. Par la suite, j’ai peaufiné mes ambiances, mes arpèges et les riffs sur ses parties, juste avant l’enregistrement final de la guitare. Nous avions déjà procédé comme ça pour le premier album sur « Verloren Strijd », et nous avons voulu retenter l’expérience. On a appris à aimer cet exercice, car tout ce qui sort quand on est dans l’urgence est très spontané et, à chaque fois, cela a donné un résultat très particulier et organique. Raphaël a par la suite improvisé une très belle ligne de violoncelle (nous avons d’ailleurs gardé sa première prise) et pour finir, Erwan a enrobé l’ensemble d’une ligne de basse bien Dub et entêtante. Le morceau dégage une émotion plus brute et sans filtre, qui tranche avec le côté très réfléchi du reste.
– Finalement, lorsqu’on voit la durée d’« Angle Mort », vous auriez pu le compléter d’un ou deux titres et sortir un deuxième album, non ? A moins que c’était vraiment un format EP que vous aviez en tête ?
Oui, l’idée initiale était un EP. Il ne devait d’ailleurs contenir que les trois réinterprétations. Mais les idées d’« Angle Mort » et d’« Epäselvä » sont arrivées toutes seules et ça collait bien avec le reste. Et puis, même si nous avions eu d’autres morceaux à disposition et qui collaient à l’ambiance, je pense nous aurions laissé comme ça car tout s’imbriquait bien tel quel. Un ou deux morceaux de plus auraient nui à la dynamique et la cohérence de l’ensemble.
– Même si MAUDITS conserve ce côté très organique dans la production, on note la présence plus importante de samples notamment. L’intention est toujours d’explorer de nouveaux horizons sonores et musicaux ?
Oui, nous avons développé et mis en avant un peu plus les samples sur « Angle Mort ». Je n’ai jamais caché mon amour pour le Trip Hop avec, entre autre, Portishead, Massive Attack, Ezekiel ou encore Scorn et leur manière si particulière d’intégrer les samples. Chris est un expert sur tout ce qui concerne le Dub. Il avait d’ailleurs un excellent projet du nom de Blue Mountain, avec qui il a enregistré un superbe album. Ces influences, si elles étaient déjà présentes sur le premier album, ressortent encore plus sur « Angle Mort ». Je pense que le format et le contexte dans lequel on l’a travaillé ont naturellement favorisé ce genre d’expérimentation et a naturellement fait ressortir un peu plus cet aspect de notre univers musical. Et pour info, il n’y a absolument rien de programmé : tout a été joué. Chris tenait à tout faire lui-même et c’est sûrement pour ça que le côté organique est conservé.
– Cette fois encore, vous avez intégré des cordes, en l’occurrence du violoncelle. La musique de MAUDITS fait toujours la part belle aux arrangements avec également du synthétiseur Moog, ce qui est devenu assez rare, et différents effets. L’aspect expérimental demeure toujours très palpable, malgré le côté accessible de vos morceaux…
Oui, comme je l’ai dit lors de notre précédente interview, nous ne nous fixons aucune limite musicalement, tant que cela nous plaît et qu’à l’arrivée ce soit cohérent. En effet, on aime beaucoup expérimenter avec différents instruments et textures pour enrichir notre musique. Cela vient probablement de notre passé progressif avec notre ancienne formation The Last Embrace. Bien que le son et l’orientation de MAUDITS soit très différente, nous partageons probablement inconsciemment l’approche aventureuse d’une certaine frange du Rock Progressif.
– Même si on entend quelques voix, l’idée d’intégrer un chanteur n’est toujours pas à l’ordre du jour ? MAUDITS est et restera instrumental ?
C’est vrai que sur l’album, nous souhaitions intégrer un spoken words sur « Verdoemd ». Il a été écrit et enregistré par Nicolas Zivkovitch (Ddent, Fiend, Krv, Les Tigres du Futur), qui est un très bon ami et un super musicien. Mais en effet, je pense que MAUDITS restera un projet majoritairement instrumental. Après, si certains passages appellent une voix, nous n’hésiterons pas à en mettre, mais intégrer un chanteur n’est pas une option pour nous. Nous sommes très bien comme ça.
– Enfin, concernant la scène, comment allez-vous vous produire ? Juste en duo et avec l’aide de diverses programmations, ou avec quelques invités comme sur vos disques ?
En fait, nous sommes redevenu un trio, même si nous sommes effectivement deux sur les photos promos. Erwan, notre nouveau bassiste, est arrivé seulement deux semaines avant l’enregistrement final, donc il n’a pas pu participer à la composition à proprement parler. En revanche, il a composé et arrangé toutes ses lignes de basse dans ce lapse de temps très court. Je tiens d’ailleurs encore une fois à le remercier, car le résultat est fantastique et pertinent. C’est un bassiste très doué et une belle personne, qui dégage une énergie positive et qui nous a mis un bon coup de fouet. C’est un plaisir de l’accueillir officiellement parmi nous.
Nous avons d’ailleurs fait nos deux premiers concerts récemment avec lui et la formule trio marche très bien ! Chris contrôle, joue et lance les divers samples (violons, claviers, etc…) avec son PAD et j’utilise une grosse pédale de loop avec beaucoup d’effets, ce qui nous permet de reproduire presqu’à l’identique en live la masse sonore qu’on entend sur les albums. Cela représente un sacré boulot pour tout le monde, mais c’est une sensation grisante de pouvoir tout gérer soi-même. On verra en fonction des endroits et des événements, mais il n’est pas impossible qu’on fasse appel à des invités sur scène pour certaines occasions. On aimerait beaucoup le faire avec le violoncelliste d’« Angle Mort », Raphaël Verguin. On verra si c’est possible !
« Angle Mort » de MAUDITS est disponible depuis le 5 novembre chez Klonosphere.
Retrouvez la première interview du groupe pour Rock’n Force :
C’est demain que le quintet français DUST IN MIND sort son nouvel album, « CTRL ». Moderne, mélodique et Indus, le groupe se présente avec un quatrième effort plein de confiance et très inspiré. Ressorti renforcé de cette période obscure, le groupe se livre à travers des émotions fortes dans des atmosphères très urbaines, des refrains addictifs et soutenu par une production massive doublée d’une belle force de frappe. La frontwoman du combo, Jen, nous parle de ce nouvel opus, ainsi que du travail collectif des musiciens du combo.
– Votre quatrième album, « CTRL », vient de sortir et il présente une direction artistique aboutie et une très belle production. DUST IN MIND s’affirme avec beaucoup d’assurance. C’est aussi votre sentiment ?
Merci beaucoup ! Oui, c’est également notre ressenti. On ne va pas faire dans le cliché et dire que c’est l’album de la maturité, (Rires) mais on sent que l’on est dans la bonne direction. On se sent en phase à 2000% avec tout ce que l’on fait, et on travaille sur tous les aspects de la production que ce soit la vidéo, les photos et le son. Cela demande énormément de travail et nous constatons que le public le ressent aussi, donc nous en sommes très heureux.
– Vous avez dit que la période de confinement vous avait aidé à travailler sur vos objectifs et votre son également. En quoi cette démarche a-t-elle modifié ou renforcé le groupe ?
On peut dire que l’on a beaucoup cohabité pendant ce confinement. Plutôt qu’uniquement le subir, on a pensé que c’était le bon moment pour travailler notre son et aussi faire des soirées brainstorming à rallonge, où l’on a beaucoup discuté. On l’a fait dans nos vies personnelles, et aussi dans celle du groupe. Nous avons une très bonne cohésion et je pense que c’est ce qui fait notre force. Nous voulons aller dans la même direction et nous faisons tous les mêmes sacrifices. Entre deux confinements, nous nous sommes isolés plusieurs jours dans une salle de concert, où nous avons travaillé le côté scénique et le jeu de lumière. Et nous avons également fait appel à un coach pour la première fois. Nous avons peaufiné notre jeu de scène, mais nous avons aussi passé beaucoup de temps à faire des exercices de cohésion de groupe, de lâcher prise, etc… C’était très précieux pour nous et cela a encore plus resserré nos liens.
– DUST IN MIND évolue dans un Modern Metal avec des dominantes Indus et même un peu symphoniques. Ce sont pourtant des registres assez opposés. C’est un mix qui vous est venu facilement et naturellement ?
Je ne pense pas qu’il y ait 1% de symphonique dans DUST IN MIND ! (Rires) – (Pourtant vocalement, on y est très souvent ! –NDR) Mais oui, nous évoluons dans un registre Indus depuis les débuts du groupe. Nous avons aussi un coté très groovy, très Korn comme le disent certain. Et c’est vrai que nos influences étant Korn et Pain, nous nous présentons simplement comme un groupe de Modern Metal/Indus. Cette tendance est tout à fait naturelle et colle parfaitement au groupe et à nos personnalités.
– « CTRL » est un album très lumineux et paradoxalement certains passages, ainsi que vos textes sont très sombres. Quelle est la thématique générale, car on pense parfois à un album-concept ?
Cela pourrait être apparenté à un album-concept, pourtant il n’a pas été réalisé dans cette optique. En écrivant les textes, je laisse juste parler mon cœur de manière primitive. Et au final, c’est vers la fin de l’album que j’ai réalisé qu’il y avait bien un thème général qui ressortait clairement. Cette notion de contrôle des émotions, de lâcher prise qui peut faire parfois peur ou l’addiction aux émotions intenses, etc…
– DUST IN MIND se distingue aussi par sa double dualité vocale, grâce à un chant féminin et masculin d’un côté, ainsi que clair et growl de l’autre. C’est un aspect de votre musique que vous travaillez plus particulièrement et dont vous soignez un peu plus les arrangements ?
En effet, c’est quelque chose sur laquelle nous essayons de travailler et surtout d’évoluer. Sur ce nouvel album, nous avons beaucoup travaillé sur les voix et nous avons aussi expérimenté et osé. On voulait également casser certains codes comme le fait que la chanteuse ne doit pas nécessairement chanter tous les refrains. Damien (Dausch, guitare et chant saturé – NDR) chante plus que d’habitude et présente également un panel vocal beaucoup plus riche. C’est très plaisant et cela donne plus de diversité à l’album.
– Sur le morceau « Synapses », il y a un passage chanté en français, qui se distingue aussi du ton du titre par son style. Comment vous est venue l’idée, et est-ce que c’était important pour vous que votre langue maternelle ait aussi sa place sur l’album ?
C’est vrai, car cela fait quelques temps que nous souhaitions faire un clin d’œil à notre langue maternelle. Et lorsque « Synapses » a été composé, c’est tout naturellement que j’ai posé des paroles en français. Nous réalisons que beaucoup de nos fans à l’étranger ne savent pas que nous sommes français. Il y a quelques années, j’essayais tant bien que mal de camoufler mon accent et aujourd’hui, je le regrette presque. Nous sommes français et la French Touch a une bonne image à l’étranger, alors pourquoi s’en cacher ? Je préfère l’assumer.
– Vous déclarez avoir plus de 10 millions de streams. Concrètement, quel est l’impact réel ? Cela se sent dans les ventes d’albums ou, peut-être et surtout, sur la fréquentation des concerts ?
Oui, cela se sent dans les ventes d’albums, et heureusement. Mais honnêtement, le nombre de streams (de Spotify par exemple) est une valeur objective. Si on tombe dans des playlists éditoriales, cela aura de suite un très gros impact. Et c’est une grande chance de nos jours, c’est vrai.
– Enfin, la pochette de « CTRL » est une photo de Freaky Hoody, connu notamment pour ses tatouages. Quel est le message ? Vous vous sentez proches de sa démarche ? Et vous êtes-vous rencontrés ?
Oui, nous nous sommes rencontrés, car c’est nous qui avons réalisé le clip de « Take Me Away » dans lequel il joue. Nous l’avons découvert dans une vidéo sur les réseaux sociaux et nous avons accroché à son histoire. Nous véhiculons des messages de tolérance que ce soit en termes de couleur de peau, de religion, d’orientation sexuelle, sur les tatouages, etc… Faire appel à lui pour notre clip était plutôt naturel. Et à la fin du tournage, nous lui avons proposé de poser pour notre pochette et nous avons improvisé un shooting. C’était extra !
L’album « CTRL » de DUST IN MIND sera disponible demain (le 19 novembre) chez DarkTunes Music Group
Fer de lance de la scène Speed et Heavy Metal française dans les années 80, ADX est toujours fidèle au rendez-vous et a su adapter son jeu et la production de ses albums aux époques traversées. 30 ans après « Weird Visions », un opus en anglais diversement appréciée, le groupe en livre sa version française avec une approche nouvelle des morceaux et une détermination de chaque instant. Membre fondateur et dernier rescapé du line-up originel avec le chanteur Phil Grelaud, son batteur Didier ‘Dog’ Bouchard revient sur le parcours d’ADX, ses choix et ce nouvel opus, « Etranges Visions », très relevé.
– On va commencer par un peu d’Histoire pour les plus jeunes. ADX a 40 ans cette année et vous vous êtes imposés dans les années 80 sur la scène Heavy Metal française. Avec une douzaine d’albums à votre actif, quel regard portes-tu sur la scène hexagonale actuelle, vous qui faites partie des précurseurs ?
Comme dans les années 80, il y a toujours beaucoup de groupes de qualité, vraiment, et c’est malheureusement ce qu’il y a autour qui ne suit pas. Les infrastructures et tout ce qu’il faudrait ne sont toujours pas là. Je ne parle pas de Gojira, qui est plus américain que français maintenant. A côté de Mass Hysteria ou Ultra Vomit, il y a plein de groupes, mais c’est toujours aussi difficile de faire du Metal en France. Ça, on le sait depuis 40 ans, et on n’est pas surpris.
– Vous sortez « Etranges Visions » qui est la version française de « Weird Visions » sorti en 1991, et qui est d’ailleurs votre seul album en anglais. A l’époque, c’était une demande insistante de votre label Noise. Est-ce que c’est un regret aujourd’hui, ou au contraire, une bonne expérience ?
C’est du 50/50. Quand on a fait cet album, Noise et Roadrunner sont venus frapper à la porte d’ADX. Lorsque de tels labels s’intéressent à toi, c’est très flatteur. Mais il fallait faire un album en anglais, sinon ils ne nous signaient pas. Quand tu es jeune, tu te dis que tu vas faire un effort, car de leur côté, ils en faisaient un aussi, puisqu’une version française était prévue. Mais elle n’a jamais vu le jour. On a donc quelques regrets, car on a perdu des fans en France. On en a gagné en Europe et même au niveau mondial. L’album s’est assez bien vendu à l’étranger, mais en France, ça a été plus compliqué. Phil (Grelaud, chant – NDR) s’en souvient bien pour en avoir pris plein la gueule ! Phil en anglais, c’est un peu comme Bernie (Bonvoisin de Trust – NDR). C’est le franchouillard, alors on a un peu morflé. Si c’était à refaire, on pourrait mieux le faire, je pense. En attendant, ADX c’est français, ça chantera toujours en français et jusqu’au bout ! C’est bon, on a compris ! (Rires)
– L’idée de cette nouvelle version vient-elle du fait que l’ensemble de votre discographie soit en français, sauf cet album finalement ?
En fait, c’est une attente du public. Depuis 30 ans, on nous dit que cet album était bien, alors pourquoi ne pas le refaire en français ? Comme nous avons perdu pas mal de fans à la sortie de cet album, il était temps de le refaire en français et d’y mettre aussi un petit coup de jeune.
– D’ailleurs, y a-t-il des changements au niveau des textes en raison de la traduction notamment, ou est-ce que les paroles sont très fidèles aux originales ?
Ah non, pas du tout. J’ai ressorti les paroles en français, qui avaient été écrites à l’époque et franchement 30 ans après, j’avais envie de rigoler. On a gardé l’histoire et le thème de chaque morceau et on a refait toutes les paroles.
– Musicalement, ce qui est intéressant, c’est que « Etranges Visions » n’est pas non plus la copie conforme de la version anglaise. Outre la production qui est très actuelle, on note aussi de nouveaux arrangements. Vous avez été tentés de faire beaucoup de modifications ou, au contraire, les choses se sont faites naturellement ?
On s’est mis autour d’une table et on s’est dit : voilà, en 1991, cet album était comme ça. On va garder la base, les riffs, etc… mais on va mettre une couleur actuelle et surtout celle d’ADX aujourd’hui. Pour le chant, on a donc changé les paroles. Les gratteux ont eu carte blanche, mais en gardant la base, c’est-à-dire que les solos et la basse ont été refaits. Pour ma part, la batterie à l’époque était déjà très rapide et très technique, j’y ai juste ajouté quelques trucs. On a voulu garder un peu de ce qui avait été fait en 1991 et y ajouter beaucoup de ce qui se fait actuellement.
– D’ailleurs, lorsqu’on sort une version dans une autre langue, est-ce que l’on garde constamment un œil et une oreille sur l’originale ou au contraire, on essaie de s’en défaire ?
Non, on a gardé une petite oreille sur l’originale, mais sans plus. ADX a sorti des albums très actuels récemment, comme « Bestial », par exemple, alors on voulait mettre beaucoup de couleurs autour de cette version pour qu’elle sonne aussi moderne que ce que l’on fait maintenant. C’est pratiquement un nouvel album en fait. En tout cas, pour nous, ça l’est !
– Bien sûr, l’ADN du groupe n’a pas bougé depuis vos débuts et pourtant ce nouvel album sonne résolument moderne. La production d’« Etrange Visions » est massive avec beaucoup de relief. Est-ce que vous avez travaillé différemment cette fois ?
On a travaillé comme sur nos derniers albums avec Francis Caste, qui fait partie de la famille, parce que c’est le quatrième album que nous faisons avec lui. On a bossé de la même manière. On lui a demandé de garder la patate des années 90, car l’album est assez Thrash et technique, tout en mettant ce que l’on fait actuellement au niveau du son. On voulait le mélange de l’ancien et du nouveau et, personnellement, je trouve l’album très puissant.
– Vous avez fait appel à un financement participatif pour l’album. C’est un choix délibéré pour garder une certaine liberté, ou est-ce par nécessité vu l’état de l’industrie musicale ? Car ADX possède tout de même une belle notoriété…
Nous sommes autoproducteurs avec notre petite maison à nous, mais c’est hyper difficile, car ce n’est pas notre métier. On avait déjà fait ça pour « Bestial », alors on s’est dit qu’on pourrait le refaire pour celui-ci. En fait, notre management a un peu poussé dans ce sens. On s’est dit que ça faisait un peu les mecs qui n’ont plus de sous, donnez-nous de l’argent pour faire l’album, etc… Mais, ce n’est pas ça du tout ! En fait, c’est de la prévente. Et les fans ont suivi et ça a super bien marché. Mais c’est la dernière fois que nous le faisons. On est en train de voir pour trouver une maison de disques, parce que c’est un vrai métier, même si notre équipe travaille bien.
– Parlons un peu de la scène. Est-ce qu’auparavant vous jouiez facilement les morceaux de « Weird Visions », sachant que votre répertoire est essentiellement en français ? Et d’ailleurs, est-ce que l’approche vocale est très différente ?
En fait, on a abandonné cet album environ deux ans après sa sortie. Tout ce qui était en anglais, on l’a viré ! On a donné, c’est bon ! (Rires) Quand tu fais du gros Death Metal en français avec d’énormes hurlements, ça passe. Mais avec une voix claire, beaucoup moins ! Pourtant, Trust et Warning l’ont fait et ce sont de grands groupes ! Il en faut des groupes qui chantent en français, merde !
– Enfin, depuis un bon moment, on note une grande forme des groupes français issus comme vous des années 80 avec Sortilège, Nightmare, Titan et d’autres. Sans tomber dans la nostalgie, cela ferait un beau plateau, non ?
On en parle de plus en plus. On a même commencé à évoquer une tournée. Tu sais, un truc sur le concept années 80 comme avec Patrick Juvet où on partirait sur un bateau, ou une péniche pour nous ! (Rires) Blague à part, c’est vrai que ça pourrait être sympa et je suis sûr que ça attirerait du monde. Il faudrait trouver le tourneur, c’est toujours la même chose… Actuellement, notre tourneur est en train de se battre pour les salles, car on a vraiment envie de jouer !
Le nouvel album d’ADX, « Etranges Visions », sera disponible le 19 novembre et distribué par Season Of Mist.
Originaire de Rome, Georgie, au pied des montagnes Appalaches, THE GEORGIA THUNDERBOLTS a frappé les esprits dès son premier EP éponyme sorti l’an dernier. Le quintet américain s’est approprié avec élégance, force et savoir-faire le Southern Rock de ses aînés tout en y insufflant une vision moderne et un son étincelant. Avec « Can I Get A Witness », le groupe enfonce le clou et confirme le talent et la créativité perceptive sur son premier effort. Zach Everett, bassiste de la formation, revient sur leur démarche artistique, leur vision de la vie et ce que le Southern Rock véhicule dans sa musique.
– A l’été 2020, vous avez créé la sensation en sortant un premier EP éponyme tellement réussi qu’il a beaucoup fait parler et vous a ouvert de nombreuses portes. Comment avez-vous vécu cette période qui a été le véritable point de départ du groupe, en tout cas médiatiquement ?
L’expérience des médias avec la sortie de notre EP en 2020 a été vraiment très intéressante. Nous étions encore novices dans ce genre d’exercice et c’était à la fois une expérience et un apprentissage amusant et parfois aussi stressant ! Aujourd’hui, nous sommes bien mieux armés, même pour en jouer le plus possible.
– Entre cet EP et « Can I Get A Witness », on note une continuité dans la production avec des morceaux puissants, chaleureux et des arrangements très soignés. Quelles différentes majeures faites-vous entre ces deux enregistrements ?
L’année dernière, nous avons sorti l’EP en raison des circonstances dues à la pandémie. Ce premier album, y compris l’EP, était terminé depuis deux ans. Au niveau des compositions, nous écrivons toute notre musique ensemble à chaque fois. Nous faisons des jams, nous essayons beaucoup de choses assez simplement et on voit ce qu’il en ressort. Et c’est ce processus de création qui donne ce que chacun peut ensuite écouter.
– Votre Southern Rock tranche avec la tradition grâce à un son très actuel. Si le style a déjà un côté intemporel, dû sûrement à ses côtés Blues et Country, vous renouvelez pourtant le genre. Quel est votre regard et quel héritage retenez-vous de la période 70’s et 80’s ?
En fait, tout ce que nous avons retenu du passé et qui nous a inspiré se retrouve dans notre musique. Notre désir est aussi de vouloir transmettre tout ça aux futurs groupes pour continuer de porter le flambeau. Tout ça concerne même plus la vie que la musique, parce que la musique reflète notre quotidien et ce que l’on ressent. Le message est simple : soyez honnête, soyez alerte, travaillez dur pour atteindre un objectif et soyez vrai. Ce sont des choses que nous essayons de vivre au mieux, car c’est comme ça que nous avons été élevés. Et c’est de cette manière que naissent nos inspirations.
– Contrairement à la plupart des formations Southern Rock, vous n’affichez pas trois guitaristes, mais les claviers et le piano ont un grand rôle. C’est aussi une façon de vous distinguer et de vous concentrer sur le côté chanson plutôt que sur l’instrumental ?
Je pense que l’absence d’un troisième guitariste et d’un claviériste était un moyen très naturel et aussi imprévu pour nous distinguer des formations traditionnelles de Rock Sudiste. Pour nous, l’important est de rester les meilleurs amis du monde, en étant attentifs à ce que personne ne viennent s’immiscer dans le groupe.
– Tout en affichant un style très moderne et ancré dans son temps, vous reprenez aussi « Midnight Rider » du Allman Brothers Band. C’est une manière de leur rendre hommage et finalement de rappeler où sont vos racines musicales ?
Oui, « Midnight Rider » est résolument un hommage au Allman Brothers Band. Cela dit, c’est également et simplement le désir de reprendre une bonne chanson. A nos yeux, c’était le meilleur compromis et le pont idéal.
– Après une période où le Southern Rock a peu fait parler de lui et a livré assez peu de nouvelles productions, on assiste à un superbe revival avec des groupes comme Blackberry Smoke, Whiskey Myers, Robert Jon & The Wreck et vous-même, bien sûr. Comment l’expliquez-vous ? Il y a eu une certaine nostalgie chez les fans ?
Je pense que c’est naturellement le juste retour des choses et d’un genre. Mais tout cela s’est produit sur une assez longue période. Le socle de fans a également évolué et s’est vraiment agrandi. Finalement, nous sommes vraiment arrivés au bon moment pour aider à faire avancer cette culture et cette musique.
– Enfin, pouvoir prendre la route et remonter sur scène doit aussi vous ravir ! L’attente n’a pas été trop longue ?
Pouvoir reprendre la route a été quelque chose de formidable ! C’est là où nous nous sentons le mieux et c’est là que nous voulons être ! Fédérer le plus de monde à notre musique et passer un bon moment avec nos fans est vraiment la vie que nous aimons.
L’album, « Can We Get A Witness”, de THE GEORGIA THUNDERBOLTS est disponible depuis le 15 octobre chez Mascot Records.
Avec un premier album de cette trempe, HIGH DESERT QUEEN frappe déjà très fort. Son Stoner Rock très Southern sonne à la fois très brut et les arrangements particulièrement soignés font la différence. Les Texans montrent autant de force que de finesse sur ce premier album plein d’émotion et de puissance. Ryan Garney, chanteur et guitariste, nous parle du quatuor, de sa création jusqu’à l’enregistrement de « Secrets of the Black Moon ».
– Quand, après deux ans d’existence, on déboule avec un premier album de cette qualité, c’est qu’on possède tout de même une sérieuse expérience. Quel est votre parcours à tous les quatre ?
Nous avons tous participé à d’autres projets auparavant, ce qui aide bien sûr. Mais nous avons eu beaucoup de chance de bien nous entendre très vite musicalement. Nous sommes allés en studio après environ six répétitions et après n’avoir été ensemble que quelques mois. L’album a été terminé il y a déjà plus d’un an, mais en raison de la pandémie, il ne sort que maintenant. Et encore aujourd’hui, nous grandissons toujours et nous apprenons à jouer les uns avec les autres.
– Peu de temps après votre formation, vous avez suffisamment de matière pour un album complet. Et vous vous rendez chez vous, à Austin, dans les studios Red Nova Ranch avec le producteur Jeff Henson aux manettes. L’histoire commence plutôt bien. Comment s’est déroulé l’enregistrement et que vous a-t-il apporté ?
En fait, nous avions commencé dans un autre studio, mais après l’enregistrement de la batterie, le monde s’est arrêté. Nous avons dû attendre huit mois avant de pouvoir changer de studio, et nous n’aurions pas pu être plus heureux que d’enregistrer avec Jeff Henson. Il nous avait été fortement recommandé et il a fait un excellent travail. Il a de très bonnes idées et c’est un grand producteur.
– Ensuite, c’est le Suédois Karl Daniel Lidén du studio Gröndhal qui s’est chargé du mix et du mastering avec un résultat incroyable. Vous lui avez laissé carte blanche, ou au contraire un cahier des charges bien précis ?
Nous avons été ravis de pouvoir travailler avec Lidén. Nous admirons depuis longtemps son travail avec des groupes comme Lowrider, Greenleaf, Dozer et Domkraft. Je lui ai envoyé de la musique pour voir s’il aimerait travailler avec nous et il m’a rapidement répondu qu’il était d’accord. Nous lui avons simplement dit les choses que nous recherchions, et ensuite il a eu carte blanche. Nous sommes vraiment très satisfaits du résultat. Il nous a fait sonner exactement comme nous le voulions, ce qui n’est pas toujours un exercice facile à faire.
– Juste après, vous tapez dans l’œil de Blasko, bassiste d’Ozzy et récemment arrivé chez Ripple Music pour justement dénicher de nouvelles pépites. Et il ne tarde pas à vous signer. Décidemment, les astres semblent alignés !
Nous ne savons pas comment tout ça s’est passé, mais nous sommes simplement heureux que cela se soit produit ! Nous avons beaucoup de chance et nous ne nous posons pas trop de questions. Nous sommes juste reconnaissants et on essaie de continuer à avancer.
– Vous deviez sortir l’album en juin dernier sous le titre « Bury The Queen ». Si on comprend le report de la sortie, pourquoi avez-vous changé de titre pour « Secrets Of The Black Moon ». C’est sur les conseils des Blasko, ou c’est de votre propre initiative ?
C’est un conseil de Blasko. Nous sommes ravis de travailler avec lui, car il a de très bonnes idées. Il a souligné et insisté sur l’importance de faire une très bonne première impression jusqu’au moment où nous mettions la touche finale au disque. Ce qui est ironique, c’est que le titre « Secrets of the Black Moon » est extrait d’une chanson que nous avons retirée de l’album et que nous publierons plus tard.
– Musicalement, l’album présente un bel équilibre avec une puissance affichée, un groove efficace et des moments très planants. Votre conception d’un bon Stoner, c’est d’y intégrer un peu de Doom et de Psych dans un Rock racé ? Votre jeu est d’ailleurs assez sophistiqué…
Merci ! La chose amusante à propos de ce disque, c’est que nous ne nous sommes pas souciés de ce que nous écrivions. On était plutôt préoccupé à faire des chansons que nous aimions et que nous aimerions écouter. Nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements en tant que groupe, et cet album est vraiment une découverte personnelle même pour nous. Et cela nous a aidés à voir ce qui fonctionne et ce que nous voulons faire pour aller plus loin. Nous sommes très enthousiastes !
– Ryan, ta voix est aussi un atout majeur de HIGH DESERT QUEEN. Il s’en dégage beaucoup d’émotion et une grande sincérité. Et il y aussi une grande tranquillité d’esprit. C’est dû aux thèmes abordés dans vos morceaux ?
Merci beaucoup. J’ai tendance à écrire sur les choses que nous vivons et ce que la musique elle-même me fait ressentir. Musicalement, on peut vraiment nous entendre grandir par moments. J’ai pu vraiment le percevoir, ce qui a fait que beaucoup de paroles parlent de croissance personnelle, de recherche d’un équilibre et de paix, et aussi de mettre les expériences passées derrière soi pour s’efforcer d’être toujours meilleur.
– Une autre évidence émane de votre musique, c’est votre ville d’origine : Austin. Il y a un côté Southern chez vous, qui est très présent et c’est une empreinte sonore qui apporte beaucoup de chaleur. Le Texas a quelque chose d’indélébile ?
Oui, il y a quelque chose de très fort au Texas et qu’il faut expérimenter par soi-même. Nous considérons même notre musique comme du ‘Texas Desert Rock’, car elle contient ce vécu qui est ancré en nous.
– Un dernier mot à propos de la pochette. Y aviez-vous un message à faire passer, ou juste décrire votre univers à travers un visuel qui contient quelques codes ?
Nous adorons la pochette de Solo Macello. Nous lui avons donné le thème général que nous désirions et il a créé quelque chose dont nous sommes tous tombés amoureux. Il y a beaucoup de sens cachés dans cette pochette. Mais l’art n’est pas destiné à être expliqué, c’est une question d’interprétation. Nous laissons donc à chacun la liberté de l’interpréter comme il le souhaite !
L’album « Secrets of the Black Moon » de HIGH DESERT QUEEN est disponible depuis le 15 octobre chez Ripple Music.
Après deux albums et un dernier EP en 2012, les très prometteurs et novateurs norvégiens décident, selon les termes-mêmes du groupe, d’hiberner. Près d’une décennie plus tard, fidèle à son style si particulier et également à son label, SHE SAID DESTROY revient à la charge (c’est peu de le dire !) avec un nouvel album, « Succession », construit autour de morceaux composés en l’espace de 13 ans. Le post-Metal Hard-Core très Blackened des Scandinaves a conservé tout son volume et sa créativité. Anders Bakke, chanteur de la formation, nous en dit un peu plus.
– On était sans nouvelle de SHE SAID DESTROY depuis « Bleeding Fiction » en 2012. J’imagine que chacun de son côté, tout le monde a continué la musique. Comment avez-vous passé ces dernières années ?
Ouais, on a mis du temps à se remettre sur les rails ! Nous n’avons jamais eu l’intention de faire une pause de huit ans, mais nous étions tous très occupés chacun avec nos propres projets, à la fois musicaux ou non. Le temps a juste passé. Pendant cette période, nous avons écrit de la musique lentement et régulièrement que nous avons mise de côté pour une utilisation future.
– Avant de parler de « Succession », je me suis rendu compte que le groupe avait presqu’autant d’années d’activité que d’inactivité. Ce n’est pas banal ! Vous vous considérez aujourd’hui comme un jeune groupe ou plutôt des vétérans au final ?
(Rires) Ouais, c’est vrai. Je suppose que nous nous considérons comme des vétérans, car nous avons été impliqués dans la musique depuis le début, même si SHE SAID DESTROY, en tant que groupe, a eu des temps d’arrêt. Cela dit, lorsque vous prenez presque 10 ans de congés dans le climat musical actuel, où les gens vous oublient dès qu’ils tournent la tête et que quelque chose d’autre apparaît dans leur fil d’actualité, vous êtes probablement considérés comme un nouveau groupe lorsque vous revenez. Surtout quand on vient de l’underground. Ce n’est pas comme si nous pouvions compter sur nos efforts passés pour que ce nouvel album fasse son chemin. Plus personne ne sait vraiment qui nous sommes ! (Rires)
– Votre nouvel album vient tout juste de sortir après huit ans de silence. Est-ce que SHE SAID DESTROY a conservé le même line-up, ou y a-t-il eu des changements de personnel ?
Les principaux membres et compositeurs, qui faisaient partie de la dernière moitié de notre période active (2006-2012) sont toujours là. C’est toujours moi, Snorre (guitare, basse, claviers – NDR) et Bjørn (Holmesland, composition et arrangements – NDR) qui formons le socle principal. Notre batteur, Sindre, fait son apparition pour la première fois sur un album de SHE SAID DESTROY, mais il a travaillé en étroite collaboration avec Snorre et Bjørn pendant plusieurs années sur d’autres projets.
– « Succession » a été enregistré à Vilnius en Lituanie dans le studio de votre guitariste. Comment se sont passées les retrouvailles ? Il devait y avoir une grande motivation chez chacun d’entre vous, non ?
Oui, l’album a été enregistré au Ymir Audio entre janvier et février 2020. Je ne pense pas que cela ressemblait vraiment à une réunion, car nous ne jouions à aucun moment ensemble et les sessions d’enregistrement ne nous incluaient pas tous. Cet album est purement un projet de studio, où nous sommes restés en contact et avons discuté de l’avancement des sessions par mail et par téléphone. Je suis le seul à vivre encore en Norvège, donc je n’étais pas là pour les sessions d’enregistrement des instruments principaux. Mais j’avais fait la pré-production vocale moi-même avant de les rejoindre à la mi-février 2020.
Nous étions absolument motivés pour que tout soit opérationnel. Snorre et moi parlions de faire un autre album depuis plusieurs années, et en 2018/19, nous avons décidé qu’il était enfin temps. Heureusement pour nous que nous l’avons fait à ce moment-là, puisque le monde entier s’est arrêté quelques semaines seulement après les dernières sessions d’enregistrement. Je me souviens avoir vu beaucoup de masques dans les aéroports lors de mon retour en Norvège depuis la Lituanie, sans vraiment comprendre les implications de ce qui se passait.
– L’album est composé de morceaux écrits entre 2007 et 2019, et pourtant on sent une belle unité et une continuité. Vous avez retravaillé certains titres pour rendre l’ensemble plus homogène ou plus actuel, ou pas du tout ?
Les chansons sont toutes des pistes plus ou moins autonomes. Quelques unes ont été écrites dans le même intervalle et pourraient avoir une sensation similaire. Quelques autres consistent en des riffs plus anciens, qui ont été arrangées et achevées en studio, mais il n’y a jamais eu de plan global, de corpus cohérent de travail. Nous avons même eu recours à différentes configurations de guitare et de batterie, afin de nous assurer qu’elles servent la chanson plutôt qu’elles aient un son défini, qui ne correspondrait pas à leur style.
La continuité à laquelle tu fais référence vient probablement du style d’écriture et de notre jeu. Nos personnalités transparaissent même si la musique représentée sur l’album se situe dans un éventail très large. Et en fin de compte, le mix de l’album aide également à lier le tout.
– « Succession » bénéficie également d’une très bonne production, très organique. Je crois que l’enregistrement s’est fait un peu à l’ancienne en privilégiant vraiment un son plus analogique. C’est ça ?
L’album a été enregistré numériquement, mais nous avons essayé de mettre des limites pour le rendre plus chaleureux, plus dynamique et plus analogique aussi. Par exemple, les sons de guitare sont tous basés sur des pédales d’effets et différentes combinaisons d’instruments et d’amplis au lieu d’utiliser simplement des plug-ins informatiques. Les batteries ont été enregistrées en prise directe, puis reconstituées à partir de trois prises maximum. Snorre est très doué pour travailler avec les micros et pour exploiter l’ambiance du studio. Ce sont des choses qui semblent probablement évidentes pour de nombreux anciens, mais je pense que c’est devenu moins courant de travailler comme ça. Cela prend du temps et peut vite devenir trop cher pour un groupe underground. C’est l’un des nombreux avantages d’avoir son propre studio.
– Il me semble que vous avez été très attentifs aux parties de batterie, qui sont d’ailleurs incroyables…
Merci ! Oui je suis d’accord. Il y a beaucoup de parties de batterie impressionnantes sur le disque. Nous prenons grand soin de choisir la bonne configuration pour chaque chanson et bien sûr, cela aide d’avoir un batteur extrêmement talentueux comme Sindre, qui comprend immédiatement où nous voulons aller. SHE SAID DESTROY a de la chance à ce niveau-là. Thor Henrik, qui a joué sur tous nos albums précédents, est également un batteur extrêmement talentueux. Ils sont l’épine dorsale du groupe. Lorsque vous jouez de la musique comme la nôtre, tout s’effondre si le batteur ne fait pas son travail.
– Ce troisième album s’inscrit parfaitement dans son époque et d’ailleurs beaucoup de groupes se sont engouffrés dans ce style post-Metal Blackened. Est-ce que vous vous sentez un peu précurseurs à ce niveau-là ?
Je ne veux pas prétendre que nous étions avant-gardistes à l’époque, mais incorporer ces parties atmosphériques influencées par le Black Metal dans notre musique fait partie de notre ADN depuis notre premier album. Je suis certain que de nombreux groupes l’ont fait en même temps que nous, mais ce n’est qu’au cours de la dernière décennie que c’est devenu beaucoup plus courant.
– Enfin, j’imagine qu’après huit ans, vous devez avoir une terrible envie de remonter sur scène ! Une tournée est-elle déjà prévue, ou au moins quelques dates ?
Nous ne savons pas encore s’il y aura des concerts. Après tout, nous avions décidé d’arrêter de jouer en live en 2009 et de nous concentrer sur le travail en studio. Garder une unité de groupe et caler des dates avait commencé à devenir un casse-tête à l’époque. Mais après dix ans, je dois admettre que j’ai envie de revenir sur scène avec SHE SAID DESTROY. Ces nouvelles chansons passeraient vraiment très bien en live. Cependant, il y a quelques défis à relever pour que ça tienne la route. Nous dépendons aussi de musiciens de studio pour pouvoir jouer en live, car seuls quelques-uns d’entre nous sont intéressés par les concerts. Et nous vivons également dans différents pays, ce qui rend la préparation assez pénible. Je suppose que tout se résumera à des problèmes d’argent si des demandes commencent à arriver.
Il y a très peu de groupes dans l’hexagone osant braver les codes et briser les frontières des styles établis pour offrir un registre à la fois débridé et très créatif. Avant-gardiste, Fusion, Progressif, Rock et Metal, 6:33 avance sans complexe et propose un cinquième album où l’énergie très positive des morceaux nous transportent au cœur des années 80 et 90 avec enthousiasme, dextérité et sans barrière. Florent Charlet, chanteur de la formation, fait un point sur ce nouvel opus… et tombe le masque.
– Comme entrée en matière, j’aimerais que vous présentiez le groupe aux lecteurs qui ne vous connaitraient pas. On vous décrit comme un groupe de Metal Progressif, avant-gardiste et Fusion, ce qui résume assez bien 6:33, mais c’est encore ceux qui le font qui en parlent le mieux. Alors, comment vous définiriez-vous ?
C’est vrai que c’est un peu compliqué ! Et même pour un artiste en général, c’est assez difficile de définir son style. C’est plutôt aux gens de dire de ce qu’ils en pensent. Mais après avoir bien cherché, j’aime bien l’appellation de Funk Prog, dans le sens où on a une histoire à raconter et on les amène quelque part et c’est aussi très joyeux grâce à une énergie positive. Musicalement, on ne s’impose aucune limite. A la base, on fait du Metal Prog, mais nous explorons autant la Funk que le Jazz ou la musique de film, selon nos envies finalement.
– Vous sortez votre quatrième album, qui est encore bien différent des précédents. Il s’en dégage une thématique très 80’s avec un fil conducteur très cinématographique. Il est presque conçu comme une sorte d’opéra-Rock. C’était votre objectif de départ ?
Nous n’avions pas vraiment pensé à ce côté opéra-rock lorsqu’on l’a composé, mais beaucoup de gens nous disent que ça ressemble à une comédie musicale à la « Horror Picture Show ». C’est vrai qu’on voulait donner une couleur très 80’s et 90’s à l’album, parce que c’est ce qui nous a nourri depuis toujours, en fait. C’est ce qui nous a forgé en tant que musiciens et même en tant que personnes. Tout ça, on le ressort sur cet album, auquel on a vraiment eu envie de donner cette couleur-là. C’est un album-concept, c’est vrai, mais nous n’avons pas pensé à un Opéra-Rock ou à une comédie musicale. Il y a des personnages hauts en couleur, c’est vrai. Ce serait d’ailleurs mortel de monter ça comme une comédie musicale !
– « Feary Tales For Strange Lullabies : The Dome » est également très dansant, malgré des riffs toujours aussi présents et puissants. C’est quelque chose dont on n’a assez peu l’habitude finalement. Malgré des morceaux très structurés, on a le sentiment que c’est la mélodie qui compte le plus en fin de compte avec des refrains très accrocheurs. Rester accessible est quelque chose d’important pour vous ?
Oui ! Ce qui compte c’est la chanson ! C’est très fourni, car il y a beaucoup de choses qu’on n’entend pas forcément à la première écoute. Mais on voulait quelque chose d’assez digeste et d’immédiat dans le ressenti. C’est vrai que c’est complexe, mais la mélodie doit rester en tête. Sur cet album, on a eu envie d’aller chercher le côté chanson en étant peut-être plus direct. Mais ça reste très, très complexe. Il y a beaucoup de choses improbables quand on tend bien l’oreille.
– L’album bénéficie d’une grosse production et surtout d’arrangements très soignés, ce qui est d’autant plus remarquable que vous êtes sept dans le groupe. Comment s’est passé l’enregistrement et surtout de quelle manière avez-vous articulé la composition pour obtenir un résultat aussi complexe ?
C’est notre guitariste Nicolas (Pascal : guitares, claviers, chant et mise en scène – NDR) qui compose toute la musique jusqu’aux lignes de chant, et je pose ensuite le texte dessus. Emmanuel (Rousseau : claviers et programmation des percussions – NDR), qui n’est plus dans la formation live du groupe, a aussi travaillé sur la création de l’album. Nous avons juste travaillé avec des personnes extérieures pour le mastering. Tout le reste, nous l’avons réalisé nous-mêmes.
– Depuis des mois, nous vivons une période assez sombre pour le monde du spectacle en général. Comment est-ce qu’on fait pour composer un album qui transpire autant la bonne humeur ?
(Rires) Peut-être que c’est aussi ce qui nous permet de passer cette période ? Cela dit, la composition avait commencé avant. Je crois que nous sommes tous, dans le groupe, très joyeux et positifs. On est une bande de sales gosses qui s’adorent ! Ensuite, si tu continues de t’attarder sur ce monde de fous, tu deviens dépressif ! Alors, pour lutter contre ça, rien de mieux que 6:33 ! (Rires)
– Il y a eu aussi quelques changements de line-up avec notamment l’arrivée d’un nouveau batteur, d’un nouveau bassiste et le retour avec une présence plus importante de Bénédicte au chant. Avec un tel registre musical, c’est difficile de trouver des musiciens qui partagent comme vous un univers aussi débridé ?
Ca n’a pas été simple de trouver un batteur et un bassiste (Cédric Guillo à la batterie et Manuel Gerard à la basse – NDR). Encore une fois, on a de la chance. On était également déjà amis, puisque nous avons joué ensemble dans d’autres groupes. Au moment des auditions, car on voulait que tout le monde puisse y participer, beaucoup se sont désistés, car la musique était trop complexe. Et puis, comme tu dis, il fallait que ces musiciens soient aussi éclectiques que nous et qui aiment autant la Funk que le Metal ou la musique de film. Ca n’a pas été simple, mais au final, il n’y a eu qu’un batteur et un basiste qui sont sortis du lot. Et humainement aussi, on se connaissait et s’appréciaient déjà. Enfin, il faut aussi avoir envie de faire cette musique-là et avoir le niveau technique requis. L’ouverture d’esprit est primordiale. Nous sommes tous bienveillants les uns avec les autres, il y a beaucoup d’amour dans ce groupe. On a tous cette volonté d’aller de l’avant dans une énergie positive et que nous voulons bien sûr transmettre. Et il y a peut-être aussi cette nostalgie de livrer cette musique des années 80 et 90 avec laquelle nous avons grandi.
– Sur ce nouvel album, vous faites le grand écart entre des styles très variés, voire opposés. Il faut être sacrément ouvert d’esprit et avoir aussi une solide culture musicale pour entrer dans votre univers. Vous n’avez jamais eu peur de perdre des fans en route, ou d’avoir des difficultés à en séduire d’autres ?
C’est vrai, mais je pense qu’aujourd’hui comme tout est très rapide et très éphémère, nous avons eu l’envie de rendre notre musique plus accessible et plus directe. C’est vrai qu’il faut creuser, ce que nous faisons aussi nous-mêmes. Peut-être que pour le public, ça vaut aussi le coup de faire cette démarche. Notre volonté était quand même de faire quelque chose de plus immédiat et de plus facile à aborder. On affine aussi notre patte, car on se connait aussi de mieux en mieux. Peut-être qu’on maîtrise aussi beaucoup mieux toutes nos influences.
– Jusqu’à présent, vous étiez masqués. Or, vous vous en êtes débarrassés, alors qu’on commence tout juste à voir la fin de la pandémie. C’est une sorte de pied-de-nez à la situation que l’on vit ? Montrer une liberté encore plus absolue ?
En fait, on en avait marre des masques pour plein de raisons. Tout d’abord, ça nous coupait du public. On était plus dans la performance que dans l’échange, parce qu’il se passe aussi beaucoup de choses au niveau du visage à travers les expressions. Et puis, c’est assez contraignant. Ca nous amusait, car c’était un peu comme une pièce de théâtre. Lorsqu’on entrait sur scène, on avait les masques mais pas en dehors comme lors des interviews, par exemple. On n’était pas comme Daft Punk ou Slipknot. Et avec la pandémie où tout le monde a été obligé d’être masqué, ça n’était plus drôle. C’était le bon moment pour prendre ce virage avec le changement de line-up aussi. On s’est dit que les masques avaient fait leur temps, et que c’était plus cohérent avec ce que nous avions à proposer aujourd’hui. Sur les albums précédents, on avait un peu exploré le ‘Freak Show’ en jouant aux super-heros. C’était moins en phase avec ce nouvel album, et on voulait être plus proche de notre public.
C’est avec un dixième album et une sérieuse envie d’en découdre que se présente NO ONE IS INNOCENT avec « Ennemis ». Près de 30 ans après leur formation, les Parisiens n’ont pas levé le pied et continuent leur ‘Combat Rock’, imperturbables aux modes et plus que jamais attentifs à notre société. Kemar, emblématique chanteur du groupe, revient sur l’élaboration de ce nouvel opus et livre aussi sur sa vision d’une époque en perdition. Le frontman a une fois encore trempé une plume acide, afin de livrer des textes engagés et directs. Entretien.
– Commençons par le titre de ce nouvel album, « Ennemis ». D’autres groupes s’y sont déjà essayés, mais il était toujours question de fiction ou d’histoires. Or là, vous les pointez du doigt certaines choses, laissant place à la réalité. Certes, vous êtes un groupe engagé depuis vos débuts, mais on vous sent beaucoup plus virulents. Et « Ennemis » est un titre très violent quand on y pense, non ?
C’est finalement un titre qui est en rapport avec l’évolution de la société médiatique, politique et économique… Il y a dans tous les titres cette notion d’ennemis qui transpire un peu à chaque fois, comme dans « Force du Désordre », « Humiliation », « Bulldozer »… En fait, ça revenait dans les discussions qu’on avait entre nous, et j’ai un peu synthétisé tout ça. Et puis, on a aussi senti qu’en ce moment il y avait des gens qui avaient une espèce de désir d’exister absolue avec cette tentation permanente de désigner un ennemi. Aujourd’hui, on existe constamment en désignant un ennemi ! Je pourrais t’en citer plusieurs qui sont justement dans cette position. On ne désigne plus les amis et c’est hyper-dérangeant.
– En parlant de cet engagement que vous nourrissez depuis votre premier album, j’ai l’impression que c’est votre disque le plus politique, au sens noble du terme, jusqu’à ce jour. L’état de la société et le comportement de certains sont au cœur d’ « Ennemis ». Et vous dressez un constat, que je partage, très sombre et aussi très colérique pour ne pas dire plus. Il est grand temps de se réveiller ?
Oui, par rapport à des choses qu’on a banalisé. Aujourd’hui, on laisse une Marine Le Pen dire tout et n’importe quoi, on laisse un Zemmour aux télés, aux radios et à la candidature présidentielle, alors qu’il a été condamné pour incitation à la haine raciale et on laisse un Sarkozy faire la promo de son bouquin, alors qu’il a pris un an de prison ferme ! Il y a des choses dans la fonction politique qui déconnent et on banalise tout ça. On aurait pu donner à cet album un titre autour de la banalisation de plein de choses. C’est vrai qu’avec notre musique, on essaie de pointer du doigt tout ça pour alerter un peu.
– Depuis la sortie de « Frankenstein » il y a maintenant trois ans, notre société a subi beaucoup de choses, qui vont de la pandémie bien sûr jusqu’aux actions gouvernementales en France, mais aussi partout dans le monde (George Floyd, Black Live Matters, …). On ne vous a rarement senti si vindicatifs et rageurs. Et pourtant, on a encore le sentiment que vous en avez encore sous le pied. « Ennemis » aurait presque pu être beaucoup plus long, non ?
Oui, mais nous ne sommes pas le supermarché de l’engagement ! Ce qui nous importe avant tout, c’est d’écrire de la bonne musique ! C’est notre métier à la base. Sans bonne musique, a cappella, je ne ressemble à rien, tu vois ? (Rires)
– Sur « Ennemis », on retrouve Charles de Schutter à la production avec Shanka. C’est lui qui avait réalisé « Drugstore » (que je considère d’ailleurs comme votre meilleur album) et on retrouve ce son direct, brut et très massif. Là encore, il n’y a aucune fioriture et des arrangements très efficaces. On sent une certaine urgence dans vos morceaux. C’est ce que vous aviez en tête dès le début de la composition, puis de l’enregistrement ?
C’est très bizarre, car nous avons beaucoup composé pendant la période de confinement. Dans notre rythme, il n’y avait pas de notion d’urgence. Nous nous sommes focalisés sur le son en nous demandant ce que nous pouvions écrire et ce qui pourrait nous surprendre. Shanka est allé chercher un peu du côté des musiques orientales et indiennes notamment. Peut-être que les gens ne vont pas capter toute de suite ces influences-là, mais en tout cas, elles ont été déterminantes sur « Force du Désordre », « Armistice » ou certains mouvements dans « Les Hyènes de L’info », par exemple. On voulait aller chercher un peu ailleurs pour les intégrer aux compos et pas forcément seulement au son.
– Cela n’empêche nullement le gros travail que vous avez effectué sur la production, qui est très soignée. Et puis, il y a cette irrésistible impression d’énergie live et toujours très fédératrice et communicative. Vous pensez à la scène en composant vos morceaux, car certains refrains vont faire très mal…
On a un mode de fonctionnement bien à nous. Il faut aussi savoir que nous sommes toujours de l’école du riff. On cherche encore le riff ultime, c’est toujours notre démarche. Il faut que la compo, à un moment donné, fasse bouger le chanteur physiquement. C’est un mot d’ordre chez nous. Tout le monde le sait et tout le monde le sent. Quand je commence à ressentir quelque chose, c’est que c’est bon.
– Il y a aussi « Armistice », qui se place au milieu de l’album et qui est une sorte d’interlude. Pourtant, et malgré son titre, on ne sent pas beaucoup de sérénité…
Il l’est dans le sens où, tout autour, c’est la guerre. Au départ, j’avais proposé à Shanka de chanter un morceau avec moi, car j’aimais bien l’idée. Il n’était pas très chaud, alors je lui ai proposé de regarder parmi tous ses instruments quelque chose qui pourrait sortir de l’ordinaire. On avait comme référence « Planet Caravan » de Black Sabbath. Et comme depuis quelques temps, il s’est mis à la viole de gambe, et qu’il est extrêmement doué, on lui a laissé toute liberté, car ça nous plaisait beaucoup et nous avions aussi besoin d’un morceau comme ça.
– A propos de scène, vous qui donnez l’impression de ne jamais vous arrêter, le confinement, puis la privation de concerts, ont dû avoir un énorme impact sur le groupe. Comment avez-vous vécu cette (trop) longue période de repos forcé ?
On a eu de la chance, parce que nous avons terminé la tournée fin 2019 et quand le confinement est arrivé, on avait déjà commencé à composer un peu le nouvel album. On n’a pas du tout ressenti de frustration live, parce qu’on était pleinement dans l’élaboration d’ « Ennemis ». Finalement, ça a été un moment de réflexion. Personnellement, ça m’a fait beaucoup de bien, car j’ai besoin que mon corps et mon cerveau soient hyper-posés pour être bien et composer. Paradoxalement, ce confinement nous a fait du bien.
– D’ailleurs, je me posais la question récemment. Je vous suis depuis vos tout débuts et c’est toujours assez difficile de nous définir. Rock, Hard-Core ou Metal, votre leitmotiv reste le combat, la revendication et surtout la prise de conscience, non ? C’est quelque chose qui ne vous quitte pas…
Oui, c’est vrai. Dans une démarche de compo, je dis souvent aux gars qu’il faut que notre musique raconte une histoire. Même si j’ai des thèmes dans mes tiroirs, j’ai besoin que l’instrumental raconte déjà une histoire. C’est ça qui fait qu’on arrive à donner un vrai liant entre ce qui est raconté et ce qui est joué.
– « Ennemis » est aussi votre dixième album studio. C’est toujours un cap particulier dans la carrière d’un groupe, car il marque une étape importante. Vous y avez pensé, ou pas du tout ? Vous aviez la volonté de marquer encore plus les esprits avec « Ennemis » ?
Non, on n’est pas dans le comptage ou la nostalgie. L’album n’est pas plus important qu’un autre. Il marque l’histoire d’un groupe qui est ensemble depuis des années, qui construit ensemble et qui se connait bien. Nous avons une façon de composer apaisante. Il n’y a pas d’histoire égo entre nous, car on cherche le meilleur de nous-mêmes. C’est juste la bonne évolution d’un groupe qui aime faire de la musique ensemble.
– En 2021, la scène musicale française n’est plus aussi contestataire ou engagée comme elle a pu l’être par le passé, alors que nous vivons dans une société de plus en plus inégalitaire. Comment l’expliques-tu, alors que les intérêts ont changé pour devenir essentiellement individuel au détriment du bien-être collectif ?
Il y a une grosse influence des réseaux sociaux. La consommation de la musique n’est plus la même, on est plutôt dans la quantité que dans la qualité. Aujourd’hui, il faut produire, produire, produire… On est peut-être moins dans l’exigence au niveau de la qualité de la musique. Après, l’engagement fait partie de l’ADN d’un groupe, ou pas…
– Oui, mais pourtant dans les années 80 et 90, c’était quand même autre chose…
Oui, c’est vrai. On était aussi poussé par des groupes comme Rage Against The Machine, Nirvana et d’autres qui ont été moteurs à leur façon d’un certain engagement propre à chacun d’eux. Et malheureusement, il y a aussi eu l’avènement d’un Hip-Hop, d’une Trap Music qui ne veut plus rien dire, qui n’explique plus rien, qui se noie dans de la prod’ minimaliste et des textes qui n’ont plus de sens. Alors, tout d’un coup, tu as une nouvelle génération très influencée par tout ça et qui se perd dans une espèce de truc mielleux et mièvre. Finalement, c’est très contradictoire car, aujourd’hui, il devrait y avoir de la colère partout. Cela dit, l’exposition médiatique de musiques comme la nôtre ou d’un Hip-Hop un peu rageur n’existe pas, parce qu’il faut que ce soit lisse, il ne faut pas que ça déborde et il ne faut pas trop d’engagement. En fait, ça ne donne peut-être pas envie à une nouvelle génération d’aller vers cette forme-là de musique, parce qu’ils savent pertinemment qu’ils vont rester dans une niche et dans l’ombre. Nous, ça fait 30 ans qu’on est là. On s’est construit autour de ça et c’est peut-être plus facile d’être écouté par rapport à un groupe qui commence aujourd’hui, ou même il y a cinq ans.
« Ennemis » de NO ONE IS INNOCENT est disponible depuis le 1er octobre chez Verycords.