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Psych Sludge Stoner Doom

Oda : mystic vibes

Fait-maison et enregistré live pour l’essentiel, ce premier opus des trois musiciens de la capitale devrait ravir les amateurs de Stoner Doom/Sludge. Les atmosphères vaporeuses un brin incantatoires de « Bloodstained » montrent déjà un groupe déterminé et adepte des morceaux d’une bonne longueur. En abordant des climats très changeants, ODA évite pourtant de se perdre et se montre même vraiment costaud et captivant. Des débuts très encourageants.

ODA

« Bloodstained »

(Independant)

Fondé en 2021 seulement, Cyril Thommered (batterie), Emmanuel Brège (basse) et Thomas Féraud (chant, guitare) n’ont pas tardé à se mettre à l’ouvrage et à construire leur propre univers musical. Le fond est Doom et Occult, tandis que la forme se dessine dans un Stoner Rock rugueux et très Fuzz. L’objectif d’ODA est d’assembler toutes les pièces de cet appétissant puzzle et de donner vie à des morceaux qui sont autant d’invitations à un voyage à la fois sombre, chaotique et envoûtant.

Tout en travaillant d’arrache-pied et en donnant quelques concerts, le trio parisien se forge vite un son et une identité. Avec « Bloodstained », ODA s’affirme déjà comme une formation solide et cette première réalisation autoproduite en dit long sur ses ambitions. Enregistrée au coeur de la forêt de Brocéliande, l’ambiance mystique qui l’entoure semble même avoir offert un supplément d’âme à l’atmosphère profondément mélancolique et terriblement organique, qui règne sur les six titres.

Oscillant entre six et onze minutes, les morceaux de « Bloodstained » réservent quelques surprises. Si la lourdeur et l’épaisseur de sa doublette rythmique donne du corps, le côté massif bascule d’une lenteur ténébreuse dans des fulgurances Sludge au groove gras, d’où émerge au lointain un chant tout à coup presque délicat. Inquiétant et âpre, ODA ne néglige pas pour autant les mélodies… comme pour mieux nous renvoyer dans les cordes (« Children Of The Night », « Rabid Hole », « Mourning Star » et le saisissant « Zombi »). Prometteur !

(Photo : Thomas Féraud)

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France Rock

Daran : l’itinérant [Interview]

Insatiable voyageur, c’est dans ce « Grand Hôtel Apocalypse » à l’atmosphère toujours aussi sincère et délicate que DARAN a posé ses valises pour un onzième et très attendu nouvel album, sept ans après « Endorphine ». Aussi discret que sa musique est d’une finesse rare, le musicien se livre sur de nouvelles chansons aux textes forts et aux mélodies limpides. De retour dans une formule en trio, c’est l’aspect Rock qui ressurgit à travers onze morceaux intemporels d’une grande clarté. L’occasion de parler de leur réalisation et de leur création entre la Bretagne, la Californie, Montréal et le Mexique.

– Avec « Grand Hôtel Apocalypse », tu fais un retour à un Rock assez épuré, peut-être pas aussi vigoureux qu’il y a quelques années, mais en tout cas plus électrique que tes derniers albums. Tu avais le besoin et l’envie de retrouver un style plus direct et plus relevé aussi ?

En fait, j’aime bien partir avec un tuyau. Je pense que de la contrainte naît souvent des choses intéressantes. Là, je me suis dit que l’idée de départ était le power trio, c’est-à-dire guitare-basse-batterie. Pas de pédales non plus, en direct sur les amplis et sans overdubs. En fait, un album qu’on peut amener sur scène sans toucher à rien. C’était le but. Quelque chose où l’on fait une balance de cinq minutes et ça marche dans un bar ou dans un stade… ou au Bar du Stade ! (Rires)

– Tu as enregistré l’album seul en studio, ce qui donne une production intime, dont on a l’habitude, et également très dynamique. « Grand Hôtel Apocalypse » a aussi été réalisé en peu de temps. Il te fallait une espèce état d’urgence pour capter aussi une certaine fraîcheur ?

L’autre partie de ma vie professionnelle est de faire de la production en studio pour les autres. Et puis, « Endorphine » datant d’avant le Covid, je ne concevais pas de faire d’album sans faire de la scène. Or, après la pandémie, les salles avaient déjà épongé tout ce qu’elles avaient mis de côté durant cette période et j’avais aussi énormément de travail et plus une minute à moi. Il s’est trouvé qu’un projet s’est déplacé. Un projet de trois semaines. Ça m’a libéré de façon soudaine un peu de liberté et je me suis dit que c’était le moment ou jamais. Tout s’est donc fait durant cette période.

– Plus étonnant, c’est la batterie qui a été enregistrée et jouée à Los Angeles par Norm Block, dont on connaît le travail avec Alain Johannes et Mark Lanegan notamment. Justement, il a un jeu très imprégné de Desert Rock, qui correspond parfaitement à l’album. Il est par ailleurs également producteur. Comment a eu lieu cette rencontre si évidente finalement ?

Je travaille de temps en temps à Los Angeles et il avait été le batteur sur un album que j’avais produit là-bas. J’avais été tellement impressionné que je m’étais dit qu’il fallait le prendre ! C’est vraiment un batteur de Rock avec énormément de finesse et de musicalité. Et comme il est producteur, il a aussi une vision plus globale et il possède un studio incroyable. C’est un fou de matériel et il a des micros hallucinants. J’étais amoureux de son son et il m’a paru évident de faire l’album avec lui.

– Et vous l’avez produit ensemble ?

C’est assez amusant, parce que je savais que je voulais lui demander de faire les batteries. Alors, je lui ai envoyé les morceaux avec tous les instruments, dont la batterie avec ses sons à lui. Je lui ai envoyé tout ça en lui demandant s’il souhaitait refaire en vrai tout ce que j’avais fait en faux ! (Rires). Il a été surpris, honoré et amusé. On s’est mis d’accord et il a fait le travail.

– J’ai lu que tu avais écrit, réalisé et enregistré l’album entre Montréal, la Bretagne, le Mexique et la Californie. Cela peut paraître étonnant compte tenu de la différence supposée des atmosphères, et pourtant il y a une réelle unité sonore et musicale sur l’album. Finalement, dans quel endroit as-tu été le plus inspiré ?

Tout a été fait en Bretagne : guitare, basse, batterie et chant. Ensuite, les voix définitives ont été enregistrées à Montréal, les batteries ont été réalisées à Los Angeles et je l’ai mixé au Mexique. C’est juste que c’était en plein hiver et que, pour mixer l’album et comme j’en avais un autre à mixer aussi, partir au soleil était une bonne idée. C’est pour ça que ça a l’air aussi international, mais tout est parti de Bretagne sur cet album… (Rires)

– Il y a aussi une chose surprenante sur l’album, c’est le déroulé des chansons. Même si elles ne sont pas directement liées entre elles, à l’instar d’un album-concept, le disque donne vraiment l’impression d’avoir un début et une fin. C’est assez rare. Tu avais le désir de raconter une sorte d’histoire, de mener l’auditeur au gré de quelques épisodes ?

C’est aussi parce que j’aime bien jouer l’album dans son intégralité sur scène. Un peu façon Pink Floyd : il y a un nouvel album, alors on le joue. Je réserve les anciens morceaux à une deuxième partie. Sachant que j’allais jouer tout ça d’une traite, j’ai évidemment pensé aux enchaînements scéniques. Il a été construit comme une setlist de concert finalement. C’est peut-être ce qui créé ce chemin lisible. J’avais déjà fait des albums ‘tout-attaché’ comme « Le Petit Peuple Du Bitume » et « Endorphine » avec un fil conducteur. Ils ont d’ailleurs été joués comme ça sur scène.

– Toujours à tes côtés, on retrouve ton ami et parolier de longue date, Pierre-Yves Lebert. Tout d’abord, j’aimerais savoir de quelle manière vous travaillez ensemble. Le plus évident semble être que tu te bases sur ses textes pour composer les mélodies, le climat et le tempo des chansons. Vous fonctionnez comme ça, ou il n’y a pas de processus fixe entre-vous ?

En règle générale, on travaille comme ça. On a de grandes discussions préalables, où on commence à tomber des textes et ensuite, je démarre. Mais là, comme la période s’est libérée de manière assez soudaine, j’ai fait tout l’album en yaourt ! (Rires) Il a donc du faire des textes sur des mélodies déjà ciselées et faire rentrer tout ça au chausse-pied, ce qui demande beaucoup de travail. Cela dit, je lui apporté des bribes et j’avais aussi couché du texte qu’il a évidemment amené à un niveau poétique que je n’aurais jamais tout seul. Ca a été notre façon de travailler. On fait une sorte d’auteur-compositeur à deux !

– Pour écrire ce genre de textes aussi intimes et dans lesquels tu te reconnais aussi forcément, vous devez très, très bien vous connaître. Est-ce qu’il vous arrive tout de même de faire quelques petits ‘brainstorming’ ensemble autour de la structure de l’album, par exemple, et de son contenu au niveau des paroles ? Ou lui laisses-tu entièrement carte blanche la plupart du temps ?

Il y a toujours un ‘brainstorming’ préalable et il arrive aussi parfois que j’amène un sujet par chanson. J’ai même couché des phrases. Je mets une empreinte. Sur ce nouvel album, j’avais aussi le désir d’abandonner mon côté ‘social’, car rien ne change (Sourires), et de faire des choses dont je suis peut-être plus proche. Il y a de moi dans presque toutes les chansons.

– Justement, tu as eu plusieurs paroliers, dont bien sûr et en premier lieu Alana Filippi, Miossec aussi sur quelques morceaux (« Gala, Gala, Etc… », « Le Hall De L’Hôtel », « Le Monde Perdu ») et donc Pierre-Yves Lebert dernièrement. Comme Alana et lui se connaissaient également, est-ce que tu y vois une certaine continuité, même lointaine ? C’est une sorte de cercle finalement…

Ils se connaissaient et c’est par Alana que j’ai connu Pierre-Yves, car son frère est comédien. Elle avait fait le Conservatoire d’Arts Dramatique à Nantes avec lui. Et c’est lui qui m’avait dit qu’il avait un frère qui faisait de la musique. Et quand on s’est séparé avec Alana, elle ne voulait plus trop continuer à écrire avec moi. Donc, je me suis tourné vers Pierre-Yves, dont j’avais remarqué la plume à une époque où je l’avais aidé à faire des maquettes. Cela a été une transition en douceur. Un jour, je l’ai rappelé en lui demandant s’il faisait toujours des chansons, car il faisait un milliard de choses. Il m’a renvoyé un paquet, dans lequel il y avait à peu près tous les textes de « Pêcheur de Pierres ».

– Et puis, ce qui est une grande chance aussi, c’est qu’au bout de onze albums, on te reconnaît, et on t’a toujours reconnu d’ailleurs, au niveau des textes. Il y a une certaine continuité chez les auteurs…

J’ai un autre exemple comme ça. C’est le nombre de personnes qui ont bossé pour Alain Bashung et c’était toujours du Alain Bashung ! Je pense qu’inconsciemment, on doit projeter quelque chose qui oriente. Je ne sais pas…

– J’aimerais que l’on dise aussi un mot de la pochette de l’album, qui me rappelle celle du « Petit Peuple Du Bitume » (2007). Y a-t-il un petit côté nostalgique ? Et de quelle manière reflète-t-elle l’atmosphère de ce nouvel album pour toi ?

C’est une photo qu’a prise mon père quand j’avais dix ans. On sortait des cartons avec ma grande sœur, où il y avait de vieilles photos. On est tombé là-dessus et elle m’a dit : voilà, tu l’as ta pochette ! Et c’est resté ! (Rires) Oui, il y a une vraie ressemblance avec celle du « Petit Peuple Du Bitume », sauf que ce n’est pas moi sur celle-là. C’est vrai qu’à l’époque, ma mère a eu un doute et m’a demandé si c’était une photo de moi ! (Rires) Ce petit garçon me ressemblait un peu quand j’étais petit. Voilà, maintenant, les gens ont vraiment la tête que j’avais petit.

– Il s’est aussi passé sept ans depuis « Endorphine ». Outre les concerts qui ont suivi, les moments passés aux Rencontres d’Astaffort en tant qu’intervenant, tu travailles aussi avec des artistes au Québec notamment. Comment es-tu venu à cette autre facette du métier ?

Je fais beaucoup de choses en production, oui. J’ai toujours aimé et je n’ai jamais conçu la musique sans toucher aux boutons. Donc, me voilà ingénieur du son, mixeur, arrangeur, producteur artistique… Je fais beaucoup d’albums pour les autres et dans des styles extrêmement variés. C’est ce qui m’amuse le plus ! Et je fais beaucoup d’artistes émergents. D’ailleurs, cela m’ennuierait que, si un jour l’un d’eux marche très fort, on ne vienne plus me chercher que pour un style précis. J’adore faire énormément de choses et le renouvellement est une source de jouvence pour moi.

Le nouvel album de DARAN, « Grand Hôtel Apocalypse », sort le 11 octobre chez Pineapple French Pop/Believe France/Kuroneko Medias.

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Blues Rock Boogie Blues Hill Country Blues

JD Simo & Luther Dickinson : débridés et exaltés

Boostée au Boogie Blues et à un Blues Rock rugueux, la rencontre discographique entre JD SIMO et LUTHER DICKINSON est aussi explosive qu’on pouvait l’espérer. Sur un groove très roots et une volonté électrisante de se réapproprier quelques classiques, ils se relaient tour à tour au chant et surtout s’échangent d’incendiaires solos de guitare. Changeant les riffs, bousculant les structures des morceaux et le faisant avec une joie palpable, les deux Américains jouent avec ce patrimoine musical intemporel avec beaucoup de respect sur ce trépidant « Do The Rump ! ».

JD SIMO & LUTHER DICKINSON

« Do The Rump! »

(Forty Below Records)

Certaines connexions sont si naturelles qu’elles donnent lieu à des instants presque magiques. Cela dit, on peut se dire que ça doit faire un moment qu’ils se tournent autour, tant l’alchimie est totale et la fluidité très électrique. Tous deux artistes solo, sidemen, ainsi que songwriters avec des airs de guitar-heros, JD SIMO et LUTHER DICKINSON affichent à eux deux un parcours incroyable. Le premier s’est illustré seul, et aussi en studio avec Jack White et Chris Isaak, et son alter-ego avec North Mississippi Allstars, The Black Crowes et John Hiatt. Chevronnés et aguerris, le duo connait son sujet sur le bout des doigts.

Et par un heureux hasard, il se trouve aussi qu’ils partagent les mêmes goûts musicaux et les mêmes références, parmi lesquelles le Hill Country Blues, le Spiritual, le Swamp Rock et un Afrobeat très funky. Autant dire que les bases et les fondations sont solides et lorsque l’on connait en plus le feeling et la technique de JD SIMO et de LUTHER DICKINSON, il n’y a aucun doute sur ce qu’ils sont capables de produire ensemble. Et sur ce point-là, « Do The Rump ! » est un modèle du genre et une démonstration de réinterprétation hors-norme. Car il s’agit ici de reprises, et pas de n’importe qui…

Enregistré en live dans le home-studio de JD SIMO à Nashville et avec Adam Abrashoff derrière les fûts, « Do The Rump ! » est aussi spontané qu’instinctif. Le trio s’est donc fait très plaisir, oubliant les overdubs, en reprenant quelques standards…  à sa façon ! Et si l’on sent de l’amusement sur cette première collaboration, il y a aussi beaucoup d’application et surtout un savoir-faire imparable. LUTHER DICKINSON et son compère offrent un lifting étonnant et une tout autre lecture à de morceaux signés John Lee Hooker, Junior Kimbrough, JJ Cale ou RL Burnside… Et c’est jubilatoire !

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Progressive Heavy Metal

Black Sites : total Metal

Ca va faire bientôt dix ans que la formation de l’Illinois élabore un Heavy Progressive Metal peu conventionnel, qui inclue des influences et des références si opposées qu’elles finissent par se retrouver et réellement donner sens, et naissance, à un registre assez exaltant et plein de surprises. Techniquement et artistiquement, BLACK SITES se donne carte blanche et tire magistralement son épingle du jeu avec « The Promised Land ? », une production pleine de contradictions et surtout de feeling.

BLACK SITES

« The Promised Land ? »

(Independant)

Comme toujours avec BLACK SITES, il faut plusieurs écoutes avant d’en saisir l’entièreté, puis la multitude de details et de sensations qui s’en dégage. Et comme il s’agit de la suite d’« Untrue » paru en 2021, l’idéal est donc de s’y replonger afin de s’imprégner au mieux de la musique et de l’atmosphère singulière du trio. Pourtant, son univers est abordable et ressemble même sous certains et lointains points aspects à l’éclectisme et à l’état d’esprit de Faith No More dans les variations et les nuances, et pas forcément dans le style… quoique !

Car au niveau du style, BLACK SITES est résolument Metal. Seulement, en affichant des intentions aussi différentes que le Heavy traditionnel façon Dio ou Judas Priest, plus Technical Thrash à la Voivod et progressif dans les structures, on peut parfois s’y perdre. Mais la formation de Chicago sait se faire rassembleuse et, guidée par son maître à penser Mark Sugar (chant, guitare), elle se montre imperturbable et d’une redoutable efficacité. En ce sens, « The Promised Land ? » est un vrai modèle du genre.

D’une fluidité totale, ce quatrième album met une fois encore l’accent sur des parties de guitares somptueuses que ce soit sur le travail de riffs racés et accrocheurs que sur des solos finement ciselés et magnifiquement exécutés («  Descent », « Dread Tomorrow », « World On Fire », « Chasing Eternity »). BLACK SITE donne cependant l’impression de jouer le pied sur le frein, mais lorsqu’il se laisse aller, on a le droit au monumental morceau-titre, qui trône du haut de ses douze minutes. Un disque convaincant et captivant.

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Blues Rock Hard Blues Heavy Blues Southern Rock

The Cold Stares : cap au sud

En l’espace d’une quinzaine d’années, le groupe, désormais basé dans l’Indiana, s’est fait un nom dans le monde du Blues au sens large du terme, au point d’être adoubé par Joe Bonamassa himself. Trois ans après sa signature chez Mascot Records et l’album « Voices », THE COLD STARES a grossi ses rangs avec l’arrivée d’un bassiste et de nouvelles ambitions. « The Southern » est foncièrement contemporain, Rock et Psychédélique par moment, tout en intégrant quelques saveurs du sud des Etats-Unis. Une fusion qui fait mouche et donne à la formation une nouvelle impulsion.

THE COLD STARES

« The Southern »

(Mascot Records)

Septième album au compteur et six EP depuis 2014 et « Cold Wet Night » pour le combo originaire du Kentucky, qui se présente avec une nouveauté de taille sur « The Southern ». Fondé par le guitariste et chanteur Chris Tapp et le batteur Brian Mullins, THE COLD STARES accueille Bryce Klueh et c’est une très bonne chose. Certes, on connait la qualité de certains duos, qui font d’ailleurs souvent l’impasse sur le bassiste, mais il y manque souvent ce troisième homme qui apporte groove et rondeur à un jeu souvent un peu sec.

Le Heavy Blues des Américains prend donc une nouvelle dimension et cette mue en power trio ouvre bien des perspectives. Si le son et le registre d’origine ne souffraient pas franchement d’absence de variété, l’apport d’un nouveau membre donne du coffre et du relief à « The Southern ». Toujours aussi moderne dans l’approche, et même un brin urbain dans le son, THE COLD STARES a décidé de se pencher sur l’aspect Southern de ses nombreuses influences, ce qui le propulse forcément dans un esprit plus roots et brut.

Cela dit, ce nouvel opus ne s’inscrit vraiment dans un Rock Sudiste pur et dur. Non, il est plutôt question de Blues Rock et de Hard Blues très actuels. Seuls « Coming Home » et « Mortality Blues » sonnent vraiment southern, ce qui n’enlève rien à la qualité de cette réalisation à la production très organique, profonde et souvent sombre qui offre un petit côté héroïque à THE COLD STARES. On ne s’ennuie pas une seconde entre riffs musclés, solos très bien sentis et un chant vraiment flamboyant. Mature et inspiré. 

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Doom Rock Occult Rock

Hail Darkness : une noirceur enveloppante

Entre magie noire et voyage cosmique, « Death Divine » affiche pour un premier album de multiples facettes que la richesse instrumentale et l’interprétation mettent parfaitement en valeur. Le combo américain a tout réalisé lui-même et ses efforts sont ici récompensés. Porté par la voix envoûtante de Jez, qui offre une couleur authentique et saisissante à cet opus, HAIL DARKNESS livre un Occult Doom Rock très Psych et original. Une belle entrée en matière.  

HAIL DARKNESS

« Death Divine »

(Vatican Records)

C’est à Phoenix en Arizona que HAIL DARKNESS a vu le jour sous l’impulsion de son bassiste Joshua en 2020. Accompagné de la compositrice Jez au chant et à la guitare et Emmet derrière les fûts, le groupe a rapidement déménagé en Caroline du Sud, sur les terres de sa chanteuse, et a commencé à se constituer un solide répertoire. Après cinq singles sortis sur la toile, le premier album parait sur le propre label des Américains, le bien-nommé Vatican Records, et il nous plonge dans un Occult Doom Rock prometteur.

L’esprit très 70’s et délicieusement vintage qui émane de « Death Divine » ne fait pas oublier la pesanteur des morceaux et on se délecte aussi du côté psychédélique prononcé du trio. D’ailleurs, HAIL DARKNESS peut aussi compter sur le ‘Hail Darkness Coven’, un collectif multi-instrumentiste d’amis qui lui prête main forte et donne beaucoup de relief à l’ensemble. Le groove épais se déploie dans un Doom Rock sombre, entêtant et savamment mâtiné d’une folk obscure, qui vient apporter un soupçon de légèreté.

Si l’apport d’autres musiciens offre de la profondeur et un certain côté plus aérien aux compos, c’est bel et bien HAIL DARKNESS qui mène le jeu et notamment sa frontwoman, qui sait se faire captivante. Même si la production est assez étouffée, on distingue quelques halos lumineux assez rétro et bien distillés (« Cult Of The Serpent Risen », « Hour Of The Silent Rite », « Coven Of The Blackened One », « Azarak ! », « See You In Hell »). Les sorcières ne sont pas loin et elles veillent sur ce très bon « Death Divine ».

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Heavy Stoner Psych Progressif

The Swell Fellas : the last trip

Sans être pris au dépourvu, la déception est pourtant grande. Non pas que l’écoute de « Residuum Unknown » ne soit pas des plus agréables, car elle l’est, mais le groupe annonce mettre un terme à une histoire qui commençait franchement à prendre du volume. En l’espace de quelques réalisations, THE SWELL FELLAS aura marqué l’esprit des fans de Heavy Stoner Psych, grâce à un sens de la composition assez spécial. La liberté exacerbée de ses morceaux garde ici encore une place prépondérante et on souhaite les retrouver, même séparément, dans des projets aussi audacieux que celui-ci très bientôt.

THE SWELL FELLAS

« Residuum Unknown »

(Independant)

Certains albums laissent un goût amer et ce même quand leur qualité est irréprochable et révèle aussi le meilleur d’un groupe. C’est le cas avec « Residuum Unknown » qui marque la fin de l’aventure des Américains. Elle avait commencé il y a sept ans dans leur ville natale d’Ocean City dans le Maryland, avant que le power trio optent pour Nashville, Tennessee, où ils ont atteint l’apogée d’un Heavy Stoner Psych aux contours progressif et à l’esprit très jam, qui habite THE SWELL FELLAS depuis ses débuts.

Depuis la sortie de « The Big Grand Entrance », premier opus paru en 2020, jusqu’à ce « Residuum Unknown » qui sort aujourd’hui, l’évolution n’a jamais cessé et le style s’est peaufiné pour devenir l’un des plus originaux et créatifs de la scène actuelle. Au fil d’EPs et de singles captivants et pointilleux (« The Great Play Of Extension », « Death Race », « Novaturia »), THE SWELL FELLAS a gardé son indépendance, préférant adopter une liberté artistique totale, qui lui ressemble tellement. L’underground au sens noble.

Par conséquent, le combo a également soigné sa sortie et les frères Poole (Conner à la guitare et Chris à la batterie) avec Mark Rohrer (basse), assurant aussi tous les trois le chant, livrent probablement leur meilleur album à ce jour. Avec des paysages sonores toujours aussi lourds et un relief musical très varié, THE SWELL FELLAS parvient à se faire aérien et captivant à travers des morceaux d’une belle longueur (« Chlore To Bathe », « The Drain », « Pawns Parade », « Give Roses », « Next Dawn »). Ils nous manquent déjà !

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Alternative Metal Power Rock

The Warning : une intensité épanouie

Avec « Keep Me Fed » », Daniela (chant, guitare), Paulina (batterie, chant) et Alejandra Villareal (basse, chœurs), également pianistes, affirment avec force une identité musicale désormais identifiable. Entre Rock et Metal, avec une touche combative très fédératrice, leur audace fait mouche sur ces 12 nouveaux titres, véritablement taillés pour la scène, devenue entretemps leur terrain de jeu favori. L’heure de la maturité a donc sonné pour les jeunes femmes qui ont fait de THE WARNING une machine bien huilée et irrésistible.

THE WARNING

« Keep Me Fed »

(Lava Records/Republic Records)

Alors qu’elles avaient sorti « XXI Century Blood » (2027) et « Queen Of The Murder Scene » (2018) juste après leur premier EP, « Escape The Mind » (2015), les trois sœurs n’étaient que très peu sorties de leur Mexique natal et avaient pourtant attiré mon attention dès 2020. S’en étaient suivi « Error » (2022) après le six-titres « Mayday » (2021) et c’est à partir de ce moment-là que THE WARNING a vraiment explosé, tant que le plan artistique qu’au niveau de sa notoriété, bien aidé par une maîtrise des réseaux sociaux avec lesquels elles ont grandi.

Depuis une grosse dizaine d’années maintenant, le trio de Monterrey suit une trajectoire parfaite, qui les propulse aujourd’hui parmi les révélations, et même un peu plus, de la scène Rock/Hard. Il faut dire qu’elles n’ont eu de cesse d’enchaîner les concerts aux côtés de grands noms, parmi lesquels leurs idoles de Metallica, et c’est même entre leurs tournées qu’elles ont composé « Keep Me Fed », où THE WARNING fait définitivement sa mue en se présentant avec des nouveaux titres beaucoup plus matures et toujours aussi accrocheurs.

La première chose qui surprend agréablement sur ce quatrième opus, c’est la puissance et le coffre de la production. Le trio montre ainsi toute l’ampleur de son potentiel et la fratrie Villareal se hisse à un niveau dont l’impact, tout en nuances, est saisissant. « Six Feet Deep », « S!ck », « More », « Consume » et celui qui devenu un hymne dans leur pays « Qué Más Quieres », chanté en espagnol, offrent un relief auquel THE WARNING ne nous avait pas encore habitué. Et cette rage toute féminine brille et résonne comme un rugissement. 

Retrouvez les chroniques précédentes :

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Hard'n Heavy

AnimS : intemporel

Elegant et accrocheur, ce nouvel opus d’ANIMS devrait ravir les fans de la scène Hard Rock et Heavy Metal des 90’s à laquelle les Italiens sont insufflé une belle énergie et un son très actuel. Mélodique et véloce, « Good’n’Evil » ne donne pas dans la nostalgie, mais propose au contraire un élan volontaire dans un style très convaincant. Et le chant féminin offre également beaucoup de couleurs à des titres bien ciselés.

ANIMS

« Good’n’Evil »

(Sneakout Records/Burning Minds Music Group)

En formation power trio depuis ses débuts, ANIMS donne une suite à « God Is A Witness » sorti il y a deux ans maintenant. Toujours dans un registre Hard’n Heavy inspiré des années 90, le groupe affiche des compos et une production très actuelles. Il faut aussi préciser que ses membres ne sont pas les premiers venus sur la scène Rock et Metal italienne. On retrouve, en effet, Francesco Di Nicola (Danger Zone, Crying Steel, Krell) à la guitare et à la basse, Paolo Caridi (Ellefson-Soto, Geoff Tate) derrière les fûts et la chanteuse Elle Noir qui évolue aussi en solo.

Aguerris et plus que chevronnés, les trois musiciens sont dans une totale maîtrise et le travail sur le son donne un relief complet à « Good’n’Evil ». L’une des principales richesses de l’album réside aussi dans les guitares, car ANIMS a en quelque sorte dédoublé son guitariste, multipliant les rythmiques et offrant une belle liberté aux solos. Le jeu de son batteur est lui aussi irréprochable et costaud. Les Italiens peuvent donc compter sur leur talent, ainsi que sur une expérience perceptible sur l’ensemble des morceaux, où la frontwoman tient aussi un rôle majeur avec beaucoup d’assurance.  

Si l’on détecte des références comme celles de Doro et de Lita Ford dans le chant très Rock d’Elle Noir, tout comme celle de Dokken à ses plus belles heures dans le jeu de Francesco Di Nicola, ANIMS parvient cependant à imposer une touche bien à lui sur « Good’n’Evil ». Que ce soit sur « Fear Of The Night », « Satellite », « Dry Bones », « Lena », « Victim Of Time » ou le morceau-titre, les Transalpins font preuve de diversité, de fluidité et réussissent sans mal à captiver grâce à des titres solides et distinctifs. Avec un album de ce calibre, le combo met toutes les chances de son côté.  

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France Heavy Rock Rock 70's

Dätcha Mandala : un Rock émancipé [Interview]

Depuis «  Anâhata », son premier EP sorti en 2016, le power trio en a fait du chemin jusqu’à se faire une jolie place sur la scène hexagonale. Après deux albums, « Rokh » (2017) et « Hara » (2020, puis un autre format court, « The Last Drop » (2022), les Bordelais ont créé leur propre structure et aussi amorcé un virage plus mélodique et accessible. Cela dit, avec « Koda », DÄTCHA MANDALA n’a rien perdu de ses bonnes habitudes et délivre un Heavy Rock musclé et accrocheur. Entretien avec Nicolas Sauvey (chant, basse), Jérémy Saigne (guitare, chant) et Jean-Baptiste Mallet (batterie, chant) pour parler de ce troisième opus très inspiré.

Photo : Jessica Calvo

– Vous vous présentez avec un troisième album, « Koda », assez différent musicalement et que vous êtes allés enregistrer aux studios ICP de Bruxelles avec une nouvelle équipe également. Et on note aussi un changement de label, puisque vous avez quitté Mrs Red Sound. A quoi sont dus tous ces changements ?

JB – Le choix d’aller enregistrer en Belgique est dû au fait que nous voulions travailler avec Charles de Schutter, qui est lui-même belge et basé à Bruxelles. Et nous avions envie d’enregistrer avec lui, car les nouvelles chansons appelaient davantage une production plus moderne que vraiment orientée 70’s. Charles semblait être le parfait producteur pour nous faire sonner à la fois massif et plus Pop, entre Royal Blood, Muse et Gojira. Le fait de se retrouver à ICP était en fait un concours de circonstances, son studio n’étant pas disponible la première semaine où nous l’avions loué. Et pour ce troisième album, nous avions aussi la volonté d’essayer l’autoproduction, d’où le fait de ne pas le faire figurer au catalogue de MRS Red Sound, mais on travaille toujours étroitement avec eux sur les précédents disques.

– Depuis 2009, DÄTCHA MANDALA suit une courbe ascendante avec aussi un style qui s’est affirmé pour culminer, selon moi, sur le trop court « The Last Drop » sorti il y a deux ans. Et pourtant, vous décidez d’intégrer des touches Pop sur ce nouvel album. C’est choix qui peut surprendre. Quel a été le déclic ?

Nico – C’est une évolution naturelle de notre façon de composer et de nos goûts. On a tous les trois des influences assez variées, d’où le fait de sortir davantage du 70’s sur cet album. Les morceaux ont appelé cette direction artistique.

Photo : J. Dupeyron

– A l’écoute de « Koda », il paraît assez évident que vous avez souhaité être plus efficaces et fédérateurs sur les mélodies. Cependant, la rythmique est toujours aussi musclée et les riffs épais. Au regard de votre parcours, j’ai l’impression que l’adage ‘qui peut le plus, peut le moins’ prend ici toute sa dimension. N’y aurait-il pas un peu de ‘gentille moquerie’ avec ce côté soudainement plus accessible, d’autant qu’il y a toujours eu beaucoup d’humour chez vous ?

Jerem – On a toujours été sensibles aux belles mélodies et harmonies vocales, ainsi qu’aux gros riffs épais, d’où la volonté d’allier les deux au mieux. Si l’humour a toujours été présent chez nous, on prend notre musique très au sérieux et on ne souhaite se moquer de personne. 

– J’ai aussi pu lire que vous preniez un virage ‘Brit Pop’. Or, c’est un style insupportable que j’écouterai volontiers si ce n’était pas le cas, et DÄTCHA MANDALA ne l’est pas. J’ai plutôt l’impression d’écouter de l’Alternative Rock survitaminé à l’énergie très 70’s. Ce n’était pas plutôt ça l’intention ?

JB – C’est davantage un problème de traduction, parce qu’on parlait de la Pop anglaise allant des Beatles à Muse plutôt que de la scène Brit Pop des Libertines ou Artic Monkeys. Et du coup, effectivement, le propos de l’album puise plutôt son influence dans la scène Rock des années 90-2000, que dans celle des 60’s et 70’s comme on a pu le faire auparavant. 

– La production de « Koda » est moins brute et plus polie, ce qui n’empêche pas une certaine lourdeur et beaucoup de dynamique. L’objectif était de donner un aspect plus moderne ou actuel à vos nouvelles compos ? Moins vintage, peut-être ?

Nico – Tout à fait, tu as tout dit ! C’est pour cela que Charles de Schutter était la personne toute trouvée, car ayant officié pour M, Pleymo ou encore Angèle, on savait qu’il saurait sublimer notre son dans cette direction.  

Photo : Jessica Calvo

– D’ailleurs, vous qui êtes véritablement un groupe de scène, « Koda » donne l’impression d’être taillé pour le live. Vous l’avez conçu dans cette optique aussi ?

Nico – Oui, car sur les précédents albums, nous avons expérimenté des arrangements plus poussés et difficile à reproduire sur scène, à savoir une chorale, des violons, ou même ne serait-ce que le piano. Pour « Koda », la volonté était de pouvoir jouer tous les morceaux à trois sur scène, ainsi que d’essayer de ‘resserrer’ et d’affirmer notre son en trio. 

– Un dernière petite question pour conclure. On sait que Led Zeppelin est l’une de vos références les plus évidentes, est-ce que le titre de l’album est un clin d’œil au « Coda » du grand dirigeable, son ultime réalisation ?

JB – Bien vu ! En effet, si nous nous sommes tous les trois retrouvés au départ sur Led Zeppelin comme inspiration commune, avec les années, et de façon très naturelle, nous nous éloignons de nos racines pour évoluer vers un Rock de plus en plus moderne. C’est pourquoi, on a voulu faire un pied de nez à leur dernier album en appelant le nôtre « Koda » avec un ‘K’ pour annoncer notre « Coda » d’avec Led Zeppelin ! (Sourires)

Le nouvel album de DÄTCHA MANDALA, « Koda », est disponible chez  DM Prod, Take It Easy et Discos Macarras.