Catégories
Hard'n Heavy Heavy Rock International

The Violent Hour : rockin’ lady [Interview]

Après 15 ans passés à la tête des Butcher Babies, combo qu’elle avait fondé, et tout juste intronisée au chant chez Lords Of Acid, Carla Harvey se présente aujourd’hui avec un projet plus personnel et dans un registre très différent de ce qu’elle nous a jusqu’ici donné d’elle. Très californien dans l’esprit comme dans le son, la frontwoman a laissé les reines à Charlie Benante, prolifique multi-instrumentiste, producteur et membre d’Anthrax. Le résultat est un Heavy Rock bardé de mélodies entêtantes et accrocheuses, où l’on découvre d’ailleurs un nouvel aspect de ses capacités vocales et de son écriture. La chanteuse nous parle de ce premier EP éponyme de THE VIOLENT HOUR, sa nouvelle formation qui prendra la route en septembre…

– Carla, avant de parler de ce premier EP, j’aimerais qu’on dise un mot au sujet de Butcher Babies que tu as fondé et quitté 15 ans plus tard. Est-ce que tu as eu le sentiment d’en avoir fait le tour ? Qu’il te fallait peut-être passer à autre chose ?

Je suis très fière de mon travail au sein de Butcher Babies et de ce que nous avons accompli en tant que groupe. Nous sommes partis de rien, nous avons exploré le monde et nous avons enregistré six albums exceptionnels. Je n’avais pas l’impression d’avoir tout vu, au contraire. La vie et les priorités ont changé au fil de ces 15 ans et j’ai constaté qu’être sur la route dix mois par an n’était ni sain, ni propice à l’épanouissement. Les deux autres membres fondateurs du groupe étant en couple, être constamment sur la route ne leur posait donc aucun problème. Mais pour moi, cela impliquait de grands sacrifices.

– En janvier dernier, tu as annoncé ton arrivée au sein de Lords Of Acid. En plus de tes autres activités, tu as aussi besoin de mener de front plusieurs projets musicaux ? Et comment est-ce que cela s’est d’ailleurs fait ?

Je n’ai jamais caché que j’étais une grande fan de Lords of Acid. Alors quand ils ont eu besoin de quelqu’un au chant et qu’ils me l’ont proposé, j’ai sauté sur l’occasion. Je rentrais tout juste de ma première tournée avec eux et ce fut l’une des meilleures expériences que j’ai jamais vécues. Les concerts affichaient complet presque tous les soirs et l’énergie sur scène était incroyable. J’avais toujours le sourire et je me sentais tellement libre. Je vivais une sorte d’expérience extracorporelle chaque soir. Peut-être parce que je jouais la musique que j’adorais à 16 ans… Je l’ai fait avec un abandon total. Je ne considère pas cela comme une simple jonglerie entre plusieurs projets musicaux. Lords of Acid demande peu de temps, environ une tournée par an, pour une énorme récompense. Et puis, je suis également ravie de bientôt tourner avec THE VIOLENT HOUR.

– Entre le passé, le présent et le futur que l’on peut représenter par Butcher Babies, Lords Of Acid et THE VIOLENT HOUR, quel est le groupe qui te ressemble le plus et qui est le plus proche ta culture musicale ? Ce nouveau projet peut-être, qui dénote un peu des deux autres ?

Je pense que chaque groupe représente une part de moi à un moment précis. THE VIOLENT HOUR est celle qui me semble la plus précieuse, car le contenu des paroles n’appartient qu’à moi. Ces chansons m’ont aidée à traverser une période difficile et m’ont fait redécouvrir le processus créatif. Elles me rappellent aussi la Carla que j’étais à 16 ans, ce qu’elle aimait et cela me parle beaucoup également.

– Au regard de tes autres expériences musicales qui sont nettement plus Metal, tu donnes l’impression ici de t’épanouir pleinement dans ce Hard’n Heavy, qui se veut aussi plus intemporel. Et vocalement aussi, ta palette s’est agrandie. Est-ce que tu te sens plus libre au niveau du chant avec THE VIOLENT HOUR ?

Pour être honnête, au début, j’avais peur d’écrire ces chansons. Je pensais qu’après tant d’années à chanter avec une voix gutturale, c’était peut-être juste ça que les gens voulaient entendre de moi. En fait, quand j’ai essayé de les chanter pour la première fois, j’avais presque l’impression que ma voix était prisonnière. J’avais peur de la faire sortir. Puis, à un moment donné, pendant l’écriture, j’ai eu un déclic et j’ai commencé à m’amuser. Et ces voix que je n’ai jamais l’occasion d’utiliser ont commencé à jaillir de moi. Et même si j’ai toujours aimé le Metal, j’aime tout autant, peut-être même plus, le Hard Rock. Le premier groupe que j’ai vraiment adoré était Guns N’ Roses.

– « The Violent Hour » a été réalisé avec Charlie Benante d’Anthrax, multi-instrumentiste et producteur de l’EP. Comment s’est passée cette collaboration et, avant cela, votre rencontre, car vous œuvrez tous les deux dans des registres assez différents ?

Charlie et moi nous sommes rencontrés à un festival de musique où nous jouions tous les deux en 2014. Je crois que c’était le ‘KnotFest’. Mon groupe avait repris un morceau de SOD, « Pussy Whiped », et il m’a demandé pourquoi nous avions choisi de l’interpréter. Nous avons commencé à sortir ensemble en 2015 et la suite appartient à l’Histoire. Bien que nous ayons improvisé quelques morceaux ensemble pendant le Covid, nous n’avions pas vraiment collaboré comme nous le faisons maintenant.

Quand la séparation des Butcher Babies a eu lieu, je pense que Charlie a compris que je faisais le deuil de ce groupe que j’avais créé. Je ne savais pas ce qui m’attendait musicalement, mais il savait que je n’étais pas prête à abandonner. Il m’a en quelque sorte fait arrêter de me complaire dans la tristesse du moment en me disant : « Lève-toi, aujourd’hui, on va écrire, on va composer ! ». Et il a commencé à me proposer des idées qui me parlaient vraiment, car il connaît toutes mes premières influences. Par exemple, il savait que j’adorais Aerosmith et Guns N’ Roses, et c’est ainsi qu’est née la chanson « Hell Or Hollywood ».

Ecrire est redevenu passionnant, car nous avons composé des chansons qui parlent vraiment à l’enfant qui sommeille en moi. C’était très différent que la composition avec un groupe complet, car Charlie a écrit et joué de tous les instruments… Mais je lui fais vraiment confiance musicalement. C’est très important quand on est juste tous les deux à faire de la musique.

– Tu signes donc les paroles des cinq chansons et elles paraissent très personnelles à l’image de « Hell Of Hollywood », justement. Avec ce projet, on a le sentiment que tu te dévoiles un peu plus. D’ailleurs, comme THE VIOLENT HOUR est une aventure en solo, pourquoi ne pas l’avoir présenté sous ton nom ?

Quand j’écris de la musique, je suis vraiment sincère. Je ne peux être qu’authentique. J’adore raconter des histoires, et celles que je connais le mieux sont les miennes. J’aime aussi l’idée de pouvoir aider l’auditeur à se sentir moins seul en partageant quelque chose à laquelle il peut s’identifier. Quant à mon travail actuel, j’ai toujours détesté les projets dits ‘solo’. Je n’ai jamais voulu être une artiste solo, car j’ai toujours adoré l’idée de faire partie d’un groupe. Plus jeune, j’adorais que chaque membre ait une personnalité distincte. THE VIOLENT HOUR sera un groupe… Il y a d’ailleurs déjà des musiciens en répétition avec moi pour préparer nos premiers concerts.

– Par ailleurs, est-ce que c’est l’importance prise par les plateformes numériques aujourd’hui qui t’a convaincu de sortir un format court plutôt qu’un album ? On reste un peu sur notre faim…

J’aimerais que plus de gens aient la capacité d’écouter un album complet de nos jours. C’est aussi pour cela que je voulais accorder à chaque chanson une attention particulière et lui donner de l’espace pour respirer. Mais il y en a d’autres en préparation, crois-moi ! (Sourires)

– En plus de Charlie Benante, tu accueilles des guests de renom sur cet EP. On retrouve John5 de Mötley Crüe sur « Sick Ones » et Zakk Wylde sur « Hell Or Hollywood », ainsi que le chanteur de Crobot, Brandon Yeagley, sur « Portland, Oregon ». Ce sont des musiciens que tu connais depuis longtemps et avec qui tu avais déjà travaillé ?

Je dois dire que je suis très fière de Charlie et de tout ce qu’il a fait avec ces chansons. Si les gens ne le voient que comme un batteur, leur opinion changera complètement après avoir écouté cet EP. Il joue de tous les instruments sur ces chansons, y compris la guitare slide. J’étais vraiment ravi d’avoir aussi John5, Zakk Wylde et Brando sur l’album. J’ai d’ailleurs participé à un morceau de John5 et j’ai tourné plusieurs fois avec Zakk et Black Label Society. Comme Charlie est très ami avec eux, donc c’était naturel de leur demander de participer. Il a aussi travaillé avec Brandon sur ses jams de confinement en 2020. Ils sont donc devenus amis. Comme c’est agréable d’avoir des amis talentueux ! (Rires)

– De quelle manière avez-vous travaillé ensemble, notamment pour le duo avec Brandon Yeagley, et les deux guitaristes ont-ils eu carte blanche ? 

Le duo que j’ai fait avec Brandon est une reprise de la chanteuse et compositrice Loretta Lynn. J’ai toujours adoré cette chanson. C’est un morceau de Country impertinent et sexy qui parle d’une aventure d’un soir. Elle la chante avec Jack White et j’ai trouvé que Brandon avait la voix parfaite pour la chanter avec moi. Et quand John5 et Zakk Wylde ont fait les solos sur « Sick Ones » et « Hell Or Hollywood », je leur ai laissé une totale liberté. Lorsque j’ai récupéré les solos, ils étaient honnêtement encore meilleurs que ce que j’imaginais. Je crois même que j’en ai pleuré. Je n’arrivais pas à croire que ces solos phénoménaux figuraient sur mes chansons. Ce fut un vrai moment d’émotion.

– D’ailleurs, à propos de ces featurings, avez-vous pu travailler directement ensemble, sachant qu’aujourd’hui beaucoup de choses se font à distance ?

Comme chacun a son propre home studio, tout s’est donc fait à distance. Mais bien sûr, je passe beaucoup de temps avec Zakk Wylde.

– Enfin, j’imagine que tu dois être impatiente de présenter ces nouveaux morceaux à ton public sur scène. Est-ce que des concerts sont déjà prévus et y intègreras-tu aussi des chansons de Butcher Babies ?

J’ai tellement hâte de voir THE VIOLENT HOUR en tournée. J’ai un groupe féminin incroyable, dont je rêve depuis des années. Je suis une grande fan du mouvement ‘Riot Grrl’ des années 90. Nos premiers concerts auront lieu en septembre avec Buckcherry et Michael Monroe, et nous jouerons uniquement des compositions originales de THE VIOLENT HOUR.

Le premier EP éponyme de THE VIOLENT HOUR est disponible chez Megaforce Records.

Photos : Lynn Yati (1, 3)

Catégories
Blues International Soul / Funk Southern Blues

The Devon Allman Project : collective soul [Interview]

Devon Allman a beau multiplier les projets à travers des formations aussi diverses que nombreuses, il revient finalement toujours à ces premières amours. Celle du Blues est bien évidemment au centre de son répertoire et est même la base de sa construction musicale d’artiste. Cette fois, le guitariste, chanteur et compositeur surgit avec THE DEVON ALLMAN PROJECT entouré d’une pléiade d’invités de renom, et tous semblent n’avoir eu comme unique objectif celui d’élever le Blues à son sommet. Mission accomplie avec « Blues Summit », un album resplendissant, chaleureux, virtuose et sur lequel tous les musiciens se sont mis au service de leur style favori et à travers lequel ils rayonnent. Nouvel entretien avec celui qui ne lève jamais le pied… et on ne saurait s’en plaindre !

– Lors de notre interview l’an dernier à l’occasion de la sortie de « Miami Moon », tu me disais que tu ne pouvais pas rester en place et cela se vérifie avec « Blues Summit », sans compter les concerts entre les deux albums. Cette fois, c’est avec THE DEVON ALLMAN PROJECT que tu reviens. C’est important pour toi ce genre de disque collaboratif ? 

Tout d’abord, « Blues Summit » est une véritable rencontre musicale, dans le sens où  créer un album avec ces légendes que sont Jimmy Hall, Larry McCray et Sierra Green, a été un vrai plaisir. On a aussi la chance d’avoir les participations spéciales de Robert Randolph And The Memphis Horns et celle de Christone ‘Kingfish’ Ingram, ce qui le sublime encore un peu plus. Et puis, pouvoir également enregistrer pour la première fois avec mon groupe de tournée, THE DEVON ALLMAN PROJECT, a été quelque chose de très important pour moi. Tous les musiciens présents sur cet album ont littéralement donné le meilleur d’eux-mêmes.

– D’ailleurs, tu laisses vraiment tes invités prendre l’initiative. « Blues Summit » est un album où tu sembles même parfois te mettre en retrait. Comment s’est passée la composition, car Larry Mc Cray a aussi écrit deux chansons ?

Cela a commencé pendant notre tournée annuelle avec ‘Allman Betts Family Revival’, nous nous retrouvions régulièrement dans les loges pour écrire des chansons chacun de notre côté. Larry (McCray – NDR) avait déjà de nombreux riffs et plein d’idées… Certaines ont débouché sur les chansons « Blues Is A Feeling », « Runners In The Night » et bien d’autres encore… C’est franchement étonnant de voir comment il est incroyablement facile pour lui d’écrire de la musique.

– Le titre de l’album parle de lui-même et c’est vrai qu’il est peut-être le plus Blues de ta carrière. Etait-ce délibéré de ta part dès le départ, ou t’es-tu adapté aux musiciens qui allaient t’accompagner ?

Je pense que « Blues Summit » est le fruit d’une rencontre de haut vol entre musiciens et le Blues en est la pierre angulaire pour moi comme pour tous les invités. Il nous rassemble et c’est le style qui est d’ailleurs l’alpha du Rock’n’Roll. Il était donc logique de l’adopter, à la fois dans un style vintage et dans sa version la plus moderne.

– Tu as l’habitude de partager la scène, comme les studios, avec d’autres artistes depuis toujours. Qu’est-ce que tu aimes tant dans ces échanges ? Partager le même plaisir ensemble, ou est-ce qu’il y a aussi une sorte d’émulation à se surpasser les uns les autres ?

Tu sais, je pense que le travail d’équipe peut réaliser vraiment tous les rêves… Dans un autre registre, qui a franchement envie de jouer au basket-ball tout seul ? C’est le fait de partager cette joie qu’offre la musique et de la créer ensemble, qui la rend si spéciale et unique.

– Parmi tes invités, on retrouve Christone ‘Kingfish’ Ingram, Robert Randolph, Jimmy Hall et Larry McCray pour la partie instrumentale surtout. Est-ce parce que vous vous connaissez de longue date qu’ils sont présents, car on sent une grande complicité ?

Nous sommes tous synchroniser les uns aux autres. Je pense qu’on nous a jeté le même sort finalement. (Sourires) Par ailleurs, nous sommes très compatibles et complémentaires également. Je crois que nous sommes tous connectés à la grande muse de l’univers, c’est quelque chose qui est en nous. (Sourires)

– Et il y a également la chanteuse Sierra Green de la Nouvelle Orleans, qui est étincelante sur « Real Love ». C’était important d’apporter cette touche féminine très Soul et sensuelle, comme une façon aussi de pouvoir aborder tous les registres du Blues ?

Je pense que Sierra est déjà une légende. Maintenant, c’est juste aux gens de s’en rendre vraiment compte ! Tu sais, j’ai écrit « Real Love » spécialement pour elle, du début à la fin. Je peux même te dire que c’est probablement la chanson dont je suis le plus fier que ce soit en tant qu’auteur-composteur et même par rapport à toutes les autres de l’album auxquelles j’ai participé à l’écriture. Et puis, la touche féminine est toujours importante dans la musique et sur un disque.

– D’ailleurs, s’il y a de grands guitaristes sur l’album, « Blues Summit » est aussi très cuivré, ce qui le rend à la fois funky et enveloppant. Est-ce parce que tu es à la recherche d’une certaine intemporalité, ou juste pour le plaisir d’œuvrer au sein de formations nombreuses auxquelles tu as toujours été habitué ?

J’ai toujours pensé que les cuivres avaient beaucoup la classe, car ils rehaussent vraiment un enregistrement. Et au-delà de ça, cela vient fait écho à mon amour pour le Jazz. Ils permettent toujours d’élever n’importe quel morceau à un niveau supérieur. Et sur « Blues Summit », les cuivres du ‘Memphis Horns’ et ceux du ‘Funky Butt Brass Band’ ont été superbes et fantastiques sur toutes les chansons.

– J’aimerais qu’on dise un mot de l’enregistrement, qui a eu lieu au Shawhorse Studio de Saint-Louis. On y perçoit cette belle chaleur du Sud, qui offre un son très groovy. Est-ce que le lieu a été important dans ton choix cette fois ?

Tu sais, Saint-Louis, c’est chez moi. C’est ma maison ! C’est vrai que jusqu’à présent, j’ai toujours choisi d’enregistrer dans d’autres villes comme Chicago, Miami, Memphis ou Nashville. Mais cette fois-ci, je voulais vraiment être à la maison avec ma femme, mon fils et mon chien ! Rien que le fait de pouvoir quitter une séance en studio et rentrer préparer le dîner a été un vrai plaisir pour moi ! (Sourires)

– « Blues Summit » contient aussi deux belles reprises : « Wang Dang Doodle » de Willie Nelson et « Little Wing » de Jimi Hendrix. As-tu choisi ces chansons avec une idée bien précise sur la façon dont tu voulais te les approprier, ou est-ce un choix simplement guidé l’affection que tu leur portes ?

Dès le départ, je savais que Jimmy Hall pouvait faire un vrai carton avec « Wang Dang Doodle ». Quant à « Little Wing », je l’ai joué lors de la tournée ‘2025 Experience Hendrix Tour’ (une tournée qui a eu lieu en mars et avril dernier courant sur 27 dates aux Etats-Unis et avec un casting de rêve – NDR), et cela m’a donc paru assez logique de l’interpréter ici. Et au-delà de ça, ce sont deux morceaux intemporels, en tout cas à mes yeux.

– Enfin, j’aimerais aussi que l’on dise un mot sur cette collaboration entre Ruf Records et ton label Create Records. C’est un partenariat lié à ce disque uniquement, ou envisagez-vous un travail sur le long terme ensemble ?

En fait, je connais Thomas Ruf (le boss du label – NDR) depuis plus de 15 ans et j’apprécie vraiment sa passion pour la vraie musique. Par le passé, nous avons déjà participé à de nombreux projets ensemble, ainsi qu’à la mise en place de plusieurs concerts. Cela dit, je ne me projette que dans les quelques années à venir pour voir comment cette nouvelle collaboration va évoluer.

« Blues Summit », le nouvel album de THE DEVON ALLMAN PROJECT est disponible chez Ruf Records.

Photos : Emma Delevante (3) et John Bowman Nichols (5).

Retrouvez aussi l’interview accordée au site l’an dernier à la sortie de « Miami Moon » :

Catégories
Blues International Rock 70's Soul

Bella Moulden : revival by youth [Interview]

Alors qu’elle a sorti son premier EP, « Voyager », en mars dernier, BELLA MOULDEN a déjà la tête solidement posée sur les épaules. L’Américaine, multi-instrumentiste, chanteuse, productrice et songwriter, s’est forgée un univers sonore 70’s très personnel basé sur une Soul, qui va puiser autant dans le Rock que le Blues ou la Pop. En gardant un côté brut, elle développe une intensité authentique dans des chansons, qui sont autant de morceaux de vie que d’expériences musicales. Touche-à-tout, audacieuse et créative, la musicienne, qui s’apprête à venir en France à la rentrée de septembre, affiche déjà une belle assurance, malgré son jeune âge. Entretien avec une artiste qui s’affirme avec talent.

– La première chose qui surprend lorsque l’on regarde ton parcours, c’est que tu as commencé la musique très jeune et en autodidacte. Aujourd’hui, tu joues de la guitare, de la basse, du piano, du ukulélé et des percussions et tu produis toi-même tes morceaux. Quel a été le déclic et as-tu trouvé rapidement le style qui te convenait le mieux ?

Le tournant pour moi a eu lieu pendant le Covid. Je suivais des cours en ligne, ce qui est toujours le cas, et pendant cette période, j’ai commencé à expérimenter mon son et mon style. J’avais l’habitude d’empiler ma guitare et ma basse, ce qui était incroyablement lourd pour mes épaules et mon dos. J’ai aussi commencé à faire des boucles et c’est comme ça que j’ai composé « SelfCare ». C’est avec cette chanson que j’ai compris que ce n’était pas juste un hobby ou juste quelque chose avec du potentiel, mais que je voulais en faire ma carrière. J’en avais toujours rêvé, mais jusqu’à ce moment-là pendant le confinement, ça ne semblait pas tangible. Depuis, je suis déterminée. C’est drôle, « SelfCare » est en fait la chanson que je préfère le moins, mais c’est devenu mon plus grand succès jusqu’à présent. Ensuite, j’ai commencé à écrire davantage de chansons Rock, la direction que je voulais vraiment prendre. J’avais tellement de chansons quand j’étais plus jeune, mais la peur me retenait. Maintenant, je les libère lentement mais sûrement, au fur et à mesure qu’elles trouvent leur place dans le monde que je crée.

– Justement, ta musique est emprunte des années 70, une époque que tu n’as pourtant pas connu, et que l’on retrouve aussi dans ton univers visuel et vestimentaire. Qu’est-ce que cela évoque chez toi ? Une forte créativité artistique ? Des artistes incroyables, ou plus simplement l’éduction musicale que tu as pu recevoir de tes parents ?

Oui, une grande partie de ma musique et de mon style est fortement inspirée des années 60, 70 et même 80. Je n’ai pas connu ces époques moi-même, évidemment. Mais à mon avis, les années 70 ont été la meilleure période que j’ai étudiée, tant pour la musique que pour la mode. Il y a quelque chose de spécial dans cette époque : la brutalité, la liberté, …. J’ai vraiment beaucoup idéalisé cette décennie. Des artistes comme David Bowie, Jimi Hendrix, Stevie Nicks et Prince ont vraiment façonné ma vision de l’art. A l’époque, la musique n’était pas seulement un produit ou un moyen d’atteindre une certaine finalité. On reconnaissait quelqu’un à sa musique et à son style. L’expression personnelle comptait. Le talent comptait. Avoir une voix unique comptait.

Mes parents ont grandi à la fin des années 80 et dans les années 90. Ma mère était passionnée de Pop des années 80, et c’est elle qui m’a fait découvrir Prince. Mon père était davantage branché Hip-Hop des années 90. A partir de là, je me suis plongée dans la musique qu’aucun d’eux n’écoutait ! (Rires) Mais le côté artistique en général de cette époque m’a semblé si riche et substantiel. Il me touche bien plus que la plupart des musiques grand public d’aujourd’hui. J’essaie d’incarner cet esprit dans mes chansons tout en restant dans l’air du temps. Mais parfois, je crains que la poursuite des tendances modernes n’en dilue l’expression. C’est un travail permanent : évoluer sans perdre ce qui fait ma musique.

– On l’a dit, tu as aussi productrice de ta propre musique. C’est quelque chose qui s’est imposé à toi plus par obligation, ou le travail du son est aussi un domaine qui te passionne autant que la composition ?

Certainement pas par obligation, mais par pure fascination. Même si j’ai commencé comme chanteuse, je jouais toujours d’un instrument, alors la production m’a semblé être l’étape suivante naturelle. Franchement, j’adore produire des beats plus que tout. Parfois, je me dis que les sons à eux seuls peuvent raconter une histoire avec encore plus de force que des paroles. C’est comme pour la musique classique, on la ressent, tout simplement. On ressent le sens de chaque mouvement, même sans même prononcer un seul mot. C’est ce genre de beauté que je recherche quand je produis.

– Tu es ce qu’on appelle aujourd’hui une artiste DIY, c’est-à-dire que tu gères ton projet de A à Z, y compris l’édition de tes CD en série très limitée et personnalisée (50 exemplaires). Là encore, l’objectif est d’avoir le contrôle total sur ta musique et aussi sur les à-côtés, même s’ils peuvent vite devenir envahissants ? 

Eh bien, je bénéficie de l’aide de VCM Management, que j’ai cofondé, mais tous mes projets ont été créés et sont gérés par moi-même avec l’aide et le soutien d’autres personnes plus récemment. C’est vraiment agréable de commencer à constituer une équipe. Je ne veux pas avoir le contrôle total de ma carrière. La seule chose qui m’importe vraiment, c’est l’art en lui-même, c’est-à-dire ma créativité, ma vision et la propriété de cette créativité. Ni plus, ni moins. La logistique, les ventes et le côté commercial ne sont pas quelque chose que j’apprécie du tout. Mais c’est un peu le fardeau nécessaire pour être une artiste indépendante. Ce n’était pas prévu et c’est arrivé comme ça après avoir eu affaire à de nombreux labels et agences américaines qui ont essayé de me posséder, de me remodeler et de me mouler selon leur idée du ‘mainstream’. Cela me semblait inutile. Pour moi, ce n’était jamais une question de célébrité instantanée ou d’argent, c’était toujours une question de métier. Dans un monde idéal, j’aurais une équipe complète qui gérerait tout ce bruit de fond, afin que je puisse me concentrer uniquement sur la musique.

– D’ailleurs, pour rester sur ce premier EP, « Voyager », il continent un morceau inédit de huit minutes, qui n’est disponible que sur l’édition CD. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus, car « F.R.I.E.N.D.Z.O.N.E. » est une chanson aussi longue qu’intimiste, et elle a quelque chose d’assez intriguant ?

Oui, « Friends », initialement intitulée « F.R.I.E.N.D.Z.O.N.E. », est disponible uniquement sur l’édition CD de « Voyager ». C’est un extrait brut d’une chanson que j’ai composée il y a des années, après avoir traversé le chagrin et la spirale émotionnelle d’une relation amoureuse. J4avais eu l’impression que tout se passait bien… Quand soudain, j’ai entendu : « Soyons juste amis ». Je me souviens avoir été complètement anéantie, me demandant ce qui n’allait pas. Je n’avais plus de réponses. Mais maintenant que je suis un peu plus âgée et que j’en ai largement dépassé tout ça, je réalise que c’était parce que je ne lui avais pas donné ce qu’il voulait. Je n’arrêtais pas de dire non. Non pas parce que je m’en fichais, mais parce que je voulais d’abord lui faire confiance, le connaître vraiment. Je voulais qu’on commence comme… des amis. Il en a eu marre, a couché avec quelqu’un d’autre, il a appelé ça une ‘relation’, et il est revenu me dire qu’on devrait juste être amis. (Rires) Et bien sûr, genre un mois plus tard, il m’a fait chier, me disant que je lui manquais, qu’il regrettait tout ça… Les conneries habituelles. Je l’ai bloqué. Je lui ai donné une chance qu’il ne méritait pas et je me suis sentie brisée. Je me suis demandé si j’étais digne de tout ça… juste à cause d’un mec. Sérieux ? Mais bon, de ce bordel est née une chanson de près de neuf minutes, qui a fini sur un EP, aujourd’hui épuisé. Du coup, il n’est plus qu’une note de bas de page dans ma discographie.

– Pour ceux qui, comme moi, ne sont pas sur TikTok, ta chanson « SelfCare » et même « Season Of The Witch » sont carrément devenues virales sur la plateforme. Tout d’abord, est-ce que tu t’y attendais et est-ce que ce genre de procédé va, selon toi, devenir la norme pour les artistes émergeants, plutôt que le circuit traditionnel ? A moins que tu ne le vois juste comme une sorte de tremplin ?

Je ne m’attendais vraiment pas à ce que ça devienne viral. Ça m’a semblé complètement incroyable, surtout en tant qu’artiste indépendante sans contrat. D’habitude, ce genre de viralité est réservé aux artistes soutenus par des majors. J’espère que davantage d’artistes émergents auront ce genre de moments, mais honnêtement, depuis que « SelfCare » et « Season Of The Witch » ont commencé à gagner en popularité, on dirait que TikTok privilégie davantage les artistes signés. Bizarrement, « SelfCare » n’affiche plus les statistiques de mes vidéos dans mon onglet ‘musique’, ce qui est dommage. On discute beaucoup avec eux là-dessus depuis des mois et toujours pas de solution. Je ne veux pas croire que c’est parce que les labels poussent les artistes indépendants comme moi hors des projecteurs pour promouvoir les leurs, mais… c’est difficile de ne pas y penser.

Enfin, devenir ‘viral’ n’était pas ce qui comptait le plus pour moi. Ce qui comptait avant tout, c’était de voir le chemin parcouru : tout ce qu’on peut faire toute seule, sans suivre les tendances et sans label. Ça faisait du bien. Je ne suis pas dans un esprit de compétition, pas du genre ‘Oh, cet artiste signé a eu tant de vues de ses vidéos et moi tel chiffre…’. Je ne suis pas du genre à comparer. Ce qui m’a vraiment touché, c’est de voir autant de gens s’identifier à ma chanson. Les gens l’utilisent pour créer des vêtements, peindre, parler de ce qui leur tient à cœur, ou simplement pour vibrer avec, et c’est ça qui compte. Cet effet d’entraînement créatif compte bien plus pour moi que les chiffres.

– Cependant, j’imagine que la scène reste le principal objectif pour toi. Alors, justement, lorsqu’on est une one-woman-band comme toi, comment t’organise-t-on en scène ? Est-ce que tu fais appel à d’autres musiciens pour t’accompagner ? 

(Rires) Je repense à l’époque où j’étais une vraie femme-orchestre sur scène, et waouh !, c’était énorme. Une guitare double-manche de 13 kg attachée sur mes épaules, un clavier sur le côté que j’avais du mal à atteindre et une loop station à mes pieds, qui refusait parfois de coopérer, un micro et la pression de chanter en plus. Terminé ! Parfois, la loop station plantait, ou le technicien-son avait des difficultés avec mon installation et c’était à moi de résoudre le problème en temps réel. J’adorais ce défi, mais c’était vraiment stressant.

Je suis vraiment reconnaissante de pouvoir maintenant m’entourer d’autres musiciens, à savoir généralement un bassiste, un guitariste et un batteur. Ça me soulage énormément et me permet de me concentrer davantage sur le chant, la guitare, parfois le clavier et plus simplement sur la scène. Je peux bouger, sauter, interagir avec le public… ce qui était impossible avec cet énorme double-manche. Ces derniers temps, je réserve les formations solo aux moments créatifs en ligne ou lorsque l’ambiance l’exige. J’intégrerai certainement quelques éléments de ce genre à mes prochaines tournées, mais rien de comparable à l’équipement complet que j’avais l’habitude de trimballer. J’ai gagné ma liberté et ma colonne vertébrale me remercie ! (Sourires)

– Pour rester sur les instruments, on te connait donc pour arborer, et jouer, d’une guitare double-manche signée Eastwood Guitars, et qui pèse tout de même 13kg ! Comment l’as-tu apprivoisé et qu’est-ce que cela demande en termes d’anticipation artistique pour gérer les riffs de la guitare, tout en maintenant le rythme de la basse ?

Je ne dirais pas que je la maîtrise parfaitement. Je ne pense d’ailleurs pas maîtriser aucun des instruments que je joue. J’aime à croire que j’apprends toujours quelque chose de nouveau à chaque fois que j’en prends un. Mais cette double-manche ! Honnêtement, ce n’est pas aussi difficile qu’on pourrait le croire, si l’on joue déjà de la guitare et de la basse. Le principal défi est de passer de l’un à l’autre en temps réel, surtout si l’on fait des boucles et que l’on essaie de placer une partie sur un temps ou une mesure spécifique. Ce genre de timing demande beaucoup de concentration. Et puis, le poids en général aussi. Cet engin est incroyablement lourd, si on reste debout trop longtemps. Je ne le répéterai jamais assez ! (Rires)

– Parlons un peu de ton univers musical. Il a une base Blues, Rock et Soul, des tonalités très 70’s et psychédéliques et les références à Prince notamment, mais aussi à Jimmy Page, sont perceptibles. Tout cela se fond dans un son très personnel. Est-ce que, justement, tu as facilement et rapidement trouvé ton empreinte sonore, ta façon de te démarquer des autres artistes ?

Ouais, ça m’a semblé naturel. Je n’ai pas réfléchi à tout, ni fait de grande réunion avec ma famille pour dire : ‘bon, il est temps de créer mon son !’ C’est juste… comme ça. Comme mon nom de scène, c’est juste mon surnom et mon nom de famille. Ce que je suis en tant qu’artiste est exactement qui je suis en tant que personne. Mais ça n’a pas toujours été comme ça. Plus jeune, j’avais peur d’être moi-même, peur de m’habiller comme je le voulais vraiment, peur d’être honnête avec moi-même. J’essayais sans cesse de me faire plus petite pour rentrer dans ce qui me semblait plus ‘acceptable’. Ensuite, je me suis enfin autorisée à être ce que je suis vraiment. Maintenant, je m’habille sur scène comme en dehors, sauf si je suis particulièrement paresseuse. J’accompagne ma mère au supermarché en pantalon patte d’éléphant, chemisier à volants et autres. Ce n’est pas un costume. C’est moi. Ne plus être moi-même depuis si longtemps, c’était presque comme vivre dans la peau d’une personne complètement différente. Mais maintenant, je me réveille en BELLA MOULDEN, et je me couche en BELLA MOULDEN. C’est tout. Pas de changement, pas de masque. Juste moi.

– On a parlé de ta musique, mais pas de ton chant. Là encore, est-ce que c’est venu de manière assez naturelle, ou as-tu été inspirée par certains modèles et je pense aux chanteuses Soul, évidemment ?

Oui, chanter m’est venu assez naturellement. J’ai suivi six mois de cours de piano classique et de chant à l’âge de neuf ans, mais on a tellement déménagé que j’en ai eu marre de changer constamment de professeur. J’ai donc commencé à apprendre en autodidacte. Ça me rappelle un peu comment on commence à écrire à l’école. On vous apprend à former les lettres et, avec le temps, votre écriture devient une entité unique et personnelle. C’était pareil avec ma voix. J’ai commencé par les bases, puis je l’ai laissée évoluer au fil de mes explorations. J’ai été profondément inspirée par des artistes comme Adèle, Amy Winehouse, Etta James, Janis Joplin et Big Mama Thornton. La Soul, le Blues et le courage : cette brutalité m’a vraiment attirée. Adèle restera toujours ma préférée. Sa maîtrise, son émotion… Elle a changé la donne, selon moi.

– Un mot enfin sur ta venue en Europe à la rentrée avec une halte à Paris le 9 septembre à ‘La Péniche Antipode’. J’imagine que c’est une belle aventure pour toi ? Comment est-ce que tu l’appréhendes ? Tu es également suivi par des fans européens et notamment français ?

Oui ! J’ai des fans en France, dans toute l’Union européenne et au Royaume-Uni et j’ai vraiment hâte de les rencontrer enfin. Ce voyage me semble être une étape importante dans ma carrière et je suis plus que ravie. Je me suis entraînée, j’ai travaillé mon endurance et, surtout, j’ai répété mes sets avec toutes les chaussures sophistiquées que je compte porter. (Rires) Plus sérieusement, j’ai tellement hâte de partir en tournée en Europe et au Royaume-Uni. Je ressens toujours beaucoup d’amour de la part de ces deux pays et c’est un tel plaisir de travailler avec des gens à l’étranger et de rencontrer mes fans en personne. Tous mes remerciements vont à eux. Ils ont été là pour moi d’une manière que je ne prendrai jamais pour acquise. Et puis… Je n’ai jamais joué sur un bateau auparavant, alors je vais certainement rayer ça de ma liste des choses à faire. (Rires) Enfin, merci beaucoup d’avoir pris le temps de t’intéresser sincèrement à ce que je fais. C’est très important et j’espère tous vous voir en septembre ! (Sourires)

La musique de BELLA MOULDEN est disponible sur toutes les plateformes et sur le site de l’artiste : www.bellamoulden.com

Elle sera donc le 9 septembre prochain en concert à Paris et la billetterie est déjà ouverte : www.helloasso.com/associations/tadam-records/evenements/concert-bella-moulden-et-the-wealthy-hobos

Catégories
International Proto-Metal Psychedelic Rock Rock 70's

Electric Citizen : sensational reveries [Interview]

Clairement ancré dans des sonorités Rock et Metal très 70’s, le quintet de Cincinnati, Ohio, fait un retour lumineux avec « EC4 », un quatrième album qui présente aussi un nouveau membre à part entière aux claviers et surtout une inspiration hors-norme. Sur un proto-Metal dominant, ELECTRIC CITIZEN s’engouffre dans des effluves psychédéliques où des passages Folk côtoient des ambiances plus Doom. Tout en restant attachés à une approche classique du genre, les Américains redoublent de créativité à travers d’incroyables arrangements, des riffs captivants et une voix envoûtante. C’est donc Laura Dolan, la frontwoman du groupe, qui revient sur l’élaboration de ce nouvel opus polymorphe et hypnotique, qui se révèle un peu plus à chaque écoute.    

– Cela fait maintenant sept ans que l’on attend le successeur de « Helltown ». Même s’il y a eu la pandémie et que vous avez aussi beaucoup tourné, l’idée était-elle de faire un retour avec un album hors-norme comme c’est le cas, ce qui prend donc plus de temps ?

Dès le début, nous avons souhaité aborder cet album avec la même patience et le même soin que pour le premier, en le laissant se développer naturellement. Les sept dernières années ont été marquées par des défis auxquels nous avons tous les quatre été confrontés : le Covid, la famille, la santé, la vie quotidienne, mais malgré tout, nous n’avons jamais cessé d’écrire et de travailler sur « EC4 ». Nous adorons faire de la musique ensemble, et ce temps supplémentaire nous a aussi permis de créer quelque chose que nous sommes vraiment fiers de partager.

– Vous avez élaboré ce quatrième album pendant des années et cela s’entend. En quoi a-t-il nécessité plus de temps que les autres ? L’enregistrement en lui-même, ou son écriture ?

Avec des conflits d’emploi du temps entre les membres du groupe et les ingénieurs, nous aurions pu nous précipiter ou changer de cap, mais nous l’avons maintenu et continué à peaufiner les choses jusqu’à ce que l’album soit prêt à être présenté à un label. Pour « EC4 », nous voulions expérimenter avec des sons différents et superposés, un peu plus doux et avec de longues parties, qui ouvrent de nouveaux paysages sonores.

Ross (Dolan, guitare – NDR) gère la plupart de nos compositions instrumentales et ses idées ont tendance à se concrétiser rapidement, même si c’est toujours un travail collaboratif avec le groupe. Nick (Vogelpohl, basse – NDR) apporte des lignes de basse percutantes et une contribution créative. Owen (Lee, claviers – NDR) a co-écrit « Tuning Tree » et a ajouté des couches de clavier essentielles, tandis que la batterie et les percussions de Nate (Wagner, batterie – NDR) opèrent leur magie habituelle. Et enfin, j’écris les paroles et les mélodies vocales, bien que Ross ait eu les idées initiales pour « Lizard Brian ».

Je dois aussi aborder un sujet personnel, qui a certainement ralenti le processus. Pendant l’écriture de l’album, j’ai été confronté à un grave problème de santé : un mélanome. Grâce à un dépistage précoce et à une opération chirurgicale, je suis là aujourd’hui et complètement rétablie. Alors, tout le monde, faites examiner votre peau. Ce n’est pas seulement un conseil, c’est ce qui m’a sauvé la vie.

– Vous avez déclaré que « EC4 » amorçait un renouveau pour ELECTRIC CITIZEN. Même si musicalement, on note quelques changements, qu’entendez-vous par un retour aux sources ? Une façon de revenir à l’essentiel du Rock, même si vous ne vous en êtes jamais vraiment éloigné ?

C’est la première fois depuis notre premier album « Sateen » que nous composons avec un claviériste dédié. Sur « Higher Time » et « Helltown », nous avons fait appel à des musiciens invités pour apporter des parties sur des morceaux déjà terminés. Si ces collaborations ont été excellentes, le fait que ces textures soient intégrées dès le début de la composition façonne véritablement la façon dont le groupe aborde la musique. Nous sommes toujours restés très liés à notre son de base, mais nous avons aussi toujours souhaité évoluer en tant que musiciens. Cette approche nous permet d’explorer de nouveaux sons, tout en restant fidèles à nous-mêmes.

– Pour le mix et le mastering de l’album, vous avez fait appel à Collin Dupuis (Lana Del Rey, The Black Keys) et JJ Golden (Calexico), qui n’évoluent pas forcément dans le même univers que vous. Vous aviez besoin d’un regard neuf pour ces nouveaux morceaux ?

Ce sont tous deux des ingénieurs du son pour lesquels nous avons un immense respect. Nous avions déjà travaillé avec Collin sur « Higher Time ». C’est le genre de gars qui comprend immédiatement ce que l’on veut. Son véritable génie est de réussir à intégrer parfaitement chaque instrument dans le mix sans qu’ils se gênent. Pour cet album, il nous a recommandé JJ, et il a réussi à sublimer le tout en restant fidèle aux mixages originaux. Nous avons eu beaucoup de chance de travailler avec eux deux.

– Ce qui surprend sur « EC4 », c’est la construction des morceaux qui évoluent dans des ambiances très variées et surtout qui bénéficient d’arrangements particulièrement soignés. Votre objectif était-il de fusionner tous les genres qui forgent votre identité musicale ?

Oui, c’est une approche que nous défendons, car rien ne se crée de manière isolée. La musique s’appuie sur ce qui l’a précédée, à travers toutes les époques et tous les styles. Je pense que la clef est d’honorer toutes ces influences en créant en même temps quelque chose qui reste profondément personnel. Nous sommes attirés par les sonorités vintage, mais nous ne cherchons pas simplement à les reproduire. Pour nous, il s’agit d’intégrer cet esprit dans quelque chose de nouveau et d’actuel.

– Par ailleurs, le sentiment qui domine sur certains titres est qu’ils suivent tes lignes vocales. Avez-vous composé dans ce sens, ou peut-être avez-vous changé votre façon de travailler ?

Ross a toujours été notre moteur. Il pose d’abord les bases de chaque chanson et cette approche n’a pas changé. Pour ma part, je traite les mélodies vocales comme un instrument supplémentaire. Parfois, elles se faufilent dans la musique, parfois elles lui répondent. C’était particulièrement agréable de chanter sur « Tuning Tree », par exemple, grâce à la façon dont mon chant se combine à la basse, comme si elle était une seconde voix dans la conversation.

– Cette fois encore, vous puisez dans le proto-Metal, le Psych et le proto-Doom, ce qui est la marque de fabrique d’ELECTRIC CITIZEN. Est-ce que dans la déferlante de productions et les changements de supports d’écoute actuels, c’est le son et la créativité des années 70 qui vous touchent toujours le plus ?

Oui, on adore ces genres, surtout les sons des années 60 et 70. Mais on apprécie aussi le classique, la Soul et le Folk, pour n’en citer que quelques-uns. Nos goûts sont très variés. Quant aux sons Heavy du passé, ils alimentent ceux du futur. Et si on y participe, même un peu, c’est l’essentiel.

– Comme toujours, l’ensemble est très organique avec une forte présence de sonorités acoustiques, qui confèrent à « EC4 » un aspect presque épuré. C’est un contraste que lequel vous vouliez jouer également, malgré la densité des morceaux ?

Merci de l’avoir remarqué ! Oui, c’était intentionnel. Nous voulions des couches riches qui fonctionnent ensemble, et non les unes contre les autres. Le retour de la guitare acoustique, que nous n’avions d’ailleurs pas utilisée depuis notre premier album, a permis de libérer ce potentiel. Elle apporte des textures Folk très organiques, tout en ajoutant une profondeur qui s’intègre parfaitement au mix.

– Un petit mot aussi sur la pochette de l’album signée Neil Krug, qui avait réalisé celle de votre premier album, « Sateen ». On peut d’ailleurs y voir beaucoup de symbolique, dont j’aimerais que tu nous parles. Est-ce que cela fait-il aussi partie de ce retour dont vous parliez ?

Nous avons l’immense chance de collaborer avec Neil Krug, car sa vision photographique est unique. Les images de la pochette et de la back cover proviennent de ses archives. Nous lui avons parlé de notre nouvel album et de sa direction générale, et il a trouvé la perle rare. C’est l’un de ces moments heureux, où des morceaux distincts s’assemblent comme s’ils étaient faits pour être ensemble. Les thèmes de ces chansons, qui s’articulent toujours autour de visions surnaturelles, de futurs apocalyptiques et de démons intérieurs obsédants, s’accordent avec ses images d’une manière que nous n’aurions jamais pu imaginer.

– Enfin, j’aimerais qu’on dise aussi un mot sur votre changement de label avec une signature chez Heavy Psych Sounds. Qu’est-ce qui a motivé le choix d’une maison de disques européenne ?

Nous sommes ravis de collaborer avec Heavy Psych Sounds. Ils nous correspondent parfaitement et ont été des partenaires fantastiques sur cet album. Pour nous, la question de savoir si un label est américain ou européen ne s’est jamais vraiment posée, puisque nous tournons sur les deux marchés.

Cela dit, nous serons toujours reconnaissants à Riding Easy Records d’avoir lancé notre groupe. Ils nous ont permis de démarrer et nous entretenons toujours une excellente relation. Nous continuons de collaborer sur les licences de nos trois premiers albums, dès que l’occasion se présente.

Le nouvel album d’ELECTRIC CITIZEN, « EC4 », est disponible chez Heavy Psych Sounds.

Photos : Kevin Blumeyer (1), Sally Townsend (4) et Andrew Benge (5).

Catégories
Heavy metal International

Motorjesus : God’n’Roll [Interview]

En 25 ans, les Allemands se sont forgé une solide réputation, tout en restant à leur place, une volonté affirmée. Après un « Hellbreaker » resté dans les mémoires, le quintet surgit avec « Streets Of  Fire », un disque toujours aussi Rock’n’Roll dans l’esprit et l’attitude et terriblement Heavy Metal dans le son. Basé sur une énergie constante, des riffs racés et une rythmique qui ne lève jamais le pied, MOTORJESUS régale avec une septième réalisation, qui s’annonce déjà comme l’un des albums phares de l’année. L’occasion d’en parler avec son fougueux frontman, Chris Birx, heureux lui aussi de remettre le feu.

– Quatre ans près « Hellbreaker », vous êtes de retour avec « Street Of Fire », un nouvel album nerveux, qui dégage une certaine urgence. Vous étiez impatients de présenter ces nouveaux morceaux, dont on peut sentir la pleine puissance ?

Oui, un peu, comme c’est le cas à chaque album d’ailleurs. On a déjà présenté plusieurs singles : « Somewhere From Beyond », « New Messiah Of Steel », « Streets Of Fire » et « Return To The Badlands », mais nous étions impatients que l’album sorte enfin ! Tu sais, on l’a mixé en octobre dernier et il est prêt depuis un bon moment maintenant, plus de six mois. Oui, c’est cool qu’il soit enfin là, car ça commence à faire long pour nous aussi.

– Vous avez à nouveau travaillé avec Dan Swanö (Opeth, Edge Of Sanity) pour la production. J’ai l’impression qu’avec lui, vous avez trouvé le son qui correspond le mieux à MOTORJESUS. Comment travaillez-vous ensemble ? Lui laissez-vous carte blanche sur certaines choses ?

Oui, sur plusieurs parties. Nos échanges pour le mix et le mastering se sont faits par email. Je lui ai d’abord envoyé les morceaux et il m’a proposé de changer certaines choses et d’en améliorer d’autres. Tout s’est passé de manière très simple, dans une bonne ambiance et le contact entre nous a vraiment été facile, très fluide et réactif. On a eu de bonnes vibrations, car c’est quelqu’un de très agréable et aussi l’un de mes musiciens préférés. C’est toujours génial de le rencontrer, car j’ai tellement d’albums de lui des années 90 avec Edge Of Sanity et Opeth notamment. Il en a fait tellement ! C’est un mec super ! Je pense que, maintenant, nous avons vraiment trouvé notre façon de travailler ensemble, on a la bonne recette. On sait très bien de quoi il est capable et c’est un honneur de travailler avec lui. C’est une icône en plus d’être humainement très agréable ! (Sourires)

– Un mot aussi sur la pochette de « Street Of Fire », qui est signée Sebastian Jerke. C’est la troisième fois que vous travaillez avec lui. Comme pour Dan Swanö, ce sont des collaborations de longue date. Y a-t-il une sorte d’esprit de famille chez MOTORJESUS, qui se traduit par cette grande fidélité ?

Oui, c’est vrai. Tu sais, si cela fonctionne aussi bien, pourquoi devrions-nous changer d’équipe ? Sebastian est un mec super, qui est aussi très connu en Allemagne. Il a réalisé beaucoup d’autres pochettes d’albums pour des groupes ici, comme Orden Organ par exemple. Quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois, c’était pour travailler sur le visuel d’un t-shirt. C’est cool de continuer à travailler avec lui, car il est devenu célèbre chez nous. Il a parfaitement saisi l’esprit ‘Comics’ de MOTORJESUS sur nos trois derniers albums. C’est devenu une marque pour nous et c’est génial d’avoir quelque chose d’unique pour le groupe. C’est un style qui nous est propre maintenant et qui nous appartient en quelque sorte.

– L’une des principales particularités de « Street Of Fire » par rapport à « Hellbreaker », c’est que vous êtes revenus à un style nettement plus Heavy Metal, comme un retour aux sources, peut-être moins Rock’n’Roll dans l’intention en tout cas. C’était l’objectif ?

En fait, l’objectif avec « Streets Of Fire » était de faire un disque dans la continuité de « Hellbreaker », qui a vraiment bien marché en Allemagne et s’est même hissé dans le Top 20 des charts. Cela a été une sorte d’accomplissement pour nous. L’accueil a été incroyable. On a eu le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien avec « Hellbreaker », et nous avons essayé de retrouvé cette même vibration et j’espère que c’est le cas avec « Streets Of Fire ». Nous nous sommes amusés à faire des chansons rapides, avec un esprit punk assez fun et aussi plus agressif dans le jeu. Pour moi, il n’y a pas de grande différence entre les deux albums, c’est plutôt une continuité.

– Vous terminez ce nouvel album avec une outro et le début de « Somewhere From Beyond » fait aussi penser à une intro. Il y a un petit côté Old School très agréable qui était souvent utilisé dans les albums-concepts notamment. Même si on devine une thématique globale, y a-t-il un lien direct entre tous les morceaux de l’album ?

L’intro et l’outro sont assez similaires en termes de composition, car nous avons utilisé les mêmes vibrations assez synthétiques d’un esprit proche des 80’s et du Synth Wave. C’est quelque chose d’assez populaire en ce moment et surtout, cela correspond parfaitement à l’atmosphère de l’album. On a juste essayé d’envelopper le disque dans cette ambiance qui nous plait beaucoup et de placer les morceaux entre les deux. Et puis, l’objectif de « Streets Of Fire » était de transporter l’auditeur dans les années 80, que ce soit un peu Cyberpunk et S-F dans l’esprit. En ce sens, l’intro et l’outro correspondent parfaitement à l’atmosphère qu’on souhaitait développer.

– Comme toujours, il n’y a ni ballades, ni morceaux mid-tempo. On en revient à cette impression d’urgence avec ce rythme très soutenu et les titres sont très accrocheurs et intenses. Est-ce qu’au moment de la composition, vous aviez en tête leur rendu et leur impact sur scène ? Car l’album est très fédérateur…

En fait, nous composons sans trop y réfléchir, c’est un peu un jeu pour nous. Les ambiances des morceaux ne sont pas forcément une priorité consciente pour nous. Le principal reste le travail sur le riff, qu’il soit accrocheur, que le rythme soit soutenu, et que le groove soit très présent : c’est l’essence-même de MOTORJESUS. Ensuite, les arrangements ont une part importante et, pour ma part, j’essaie aussi d’être le plus concis dans les textes et d’élever aussi mon niveau de chant. Si ce n’est pas le cas, je jette. On veut toujours écrire avec la plus grande liberté d’esprit possible et sans calcul. Juste laisser agir le flow… (Sourires)

– Justement à propos de scène, vous avez déjà commencé les concerts et en plus des salles et des festivals, vous serez aussi dans des plus petits clubs. C’est important pour vous de garder cette proximité avec vos fans ?

Oh oui, vraiment ! On adore jouer dans ces petits endroits, car je pense que MOTORJESUS est définitivement un groupe de club ! On a tout essayé, on a joué dans beaucoup de festivals majeurs comme dans des toutes petites salles. Pour nous, une jauge entre 150 et 250 personnes est la dimension parfaite pour MOTORJESUS. Sur les grosses scènes ou les grands festivals, c’est plus stressant. On a juste une heure pour jouer, il faut se préparer rapidement et remballer aussitôt. Il y a toujours un facteur stress dans ces conditions. Dans les clubs, c’est plus intime et plus calme. Tu as le temps de bien te préparer, les gens sont beaucoup plus proches de la scène et tu peux proposer un set plus long aussi. Il y a une bonne pression et c’est tellement plus Rock’n’Roll surtout ! Oui, c’est la bonne taille pour MOTORJESUS, c’est plus adapté à ce que nous voulons offrir.

– A propos de ce nouvel album, il y a aussi votre changement de label avec un passage d’AFM Records à Reaper Entertainment. Vous aviez besoin de changer d’air ?

Tout d’abord, il y a eu des changements majeurs chez AFM Records en interne et beaucoup de groupes ont quitté le label. Nous avons été de ceux-là et nous avons rapidement trouvé un nouveau point de chute chez Reaper Entertainment. Cela a d’ailleurs été cool que cela se fasse aussi vite. On savait aussi que c’était des gens très impliqués, d’autant que la partie financière n’est pas la plus importante à nos yeux. Nous ne faisons pas ça pour l’argent. On le fait pour le fun, pour l’amour du Rock’n’Roll et du Heavy Metal ! Certes, c’est un bon deal pour nous, mais ce n’était pas la priorité. Le plus important est que les gars de Reaper sont très expérimentés, ils sont vraiment cool et ils ont tous travaillés chez Nuclear Blast en Allemagne. Ils savent donc ce qu’ils font et c’est agréable de se savoir entre de bonnes mains.

– L’année prochaine, MOTORJESUS fêtera ses 20 ans d’existence, fort de sept albums studio, un live et un EP. Quel regard portes-tu sur ce beau parcours?

C’est vrai que le groupe existe depuis 25 ans maintenant. Avant MOTORJESUS, on s’appelait The Shitheads et nous avions sorti un album éponyme en 2006. Donc, l’aventure date de 25 ans environ. On a toujours essayé de faire de bons concerts, de rester proches de nos fans, de parler avec eux après les concerts et de rester connecter. Et c’est quelque chose que l’on tient à continuer à faire. L’objectif est de faire encore des disques et de rester en bonne santé. C’est vraiment ce que nous souhaitons pour les années à venir. 

– Et qu’en est-il de la nouvelle génération du Metal allemand ? Est-ce que, selon toi, la relève est assurée ?

En fait, en Allemagne, il y a toujours beaucoup de flux, ça va et ça vient. Globalement, la scène est constante et elle reste très bonne et les gens viennent toujours aux concerts. Depuis la pandémie, il y a aussi un nouveau public, plus jeune aussi qui vient. Tu sais, les parents ici amènent leurs enfants aux concerts et il y a donc un certain renouvellement. C’est vraiment cool, il se passe toujours quelque chose ! Il y a pas mal de gens qui n’avaient jamais entendu parler de nous et qui viennent maintenant nous voir. Ils aiment le côté ‘Comics’ du groupe. Et puis, il y a le gars qui joue Jesus sur scène avec nous et cela amuse vraiment les gens ! Ça marque un peu les esprits ! (Sourires

– Une question beaucoup plus légère pour terminer : quand on s’appelle MOTORJESUS, on a forcément dû avoir un œil sur le récent conclave au Vatican (l’interview a été réalisée début mai). Que penses-tu du nouveau Pape ? A-t-il l’esprit suffisamment Rock’n’Roll à ton avis ?

(Rires) Je ne sais pas ! Je suis très septique que le fait qu’il soit américain ! Ça me paraît vraiment très étrange, même super étrange ! (Rires) Avec ce nouvel ordre mondial venu des Etats-Unis et de la Russie, c’est vraiment bizarre d’avoir un Pape américain ! Mais, si tu veux tout savoir, je ne m’intéresse pas vraiment aux questions religieuses ! (Rires)

– Mais il faut quand même lui envoyer ce nouvel album !

(Rires) Oui, peut-être ! On va voir ça ! (Rires)

Le nouvel album de MOTORJESUS, « Streets Of Fire », est disponible chez Reaper Entertainment.

Retrouvez la chronique de « Hellbreaker» :

Catégories
Blues Rock International

When Rivers Meet : successful confluence [Interview]

En moins de dix ans, WHEN RIVERS MEET a connu une ascension assez incroyable avec une reconnaissance de ses pairs dès son premier album, « We Fly Free ». Depuis, Grace et Aaron Bond enchaînent albums et tournées avec une idée de plus en plus précise de leur musique. Produit sur son propre label, le duo affiche une liberté artistique étonnante et parvient à surprendre à chaque réalisation, preuve d’une créativité constante. Avec « Addicted To You », les Britanniques franchissent encore un palier avec ce style inimitable fait de Rock, de Blues et de notes d’Americana. Le moment idéal pour faire le point avec ce couple si complémentaire, qui livre un nouvel album d’une folle diversité et d’une maîtrise totale.   

– Je me souviens de notre première interview, lors de la sortie de « We Fly Free », votre premier album. Et vous étiez nerveux tous les deux à l’idée de la réception qu’il recevrait. Et nous voici quatre ans plus tard et avec un quatrième album, ainsi que plusieurs Live. Le rythme est très soutenu et pourtant vos disques sont assez différents. Le plus important est que votre personnalité artistique est devenue très claire. Est-ce aussi votre sentiment ?

Absolument, elle est désormais très claire, tout comme la direction que nous prenons. Chaque album nous a semblé très différent, reflétant toujours notre état d’esprit du moment, tant sur le plan personnel que créatif. Cela inclut notre façon d’enregistrer, les instruments utilisés et ceux que nous utilisons aussi pour la composition. Sur « Addicted To You », par exemple, nous souhaitions intégrer des touches très changeantes, ce qui est devenu un fil conducteur tout au long de l’album. Nous souhaitions également privilégier les guitares, en y ajoutant une deuxième, ce qui donne à de nombreux morceaux une sonorité plus ample. Et comme nous savions que nous jouerions cet album en live à six, nous avons intégré des harmonies à six voix pour refléter cette énergie qu’on retrouvera sur scène. Cet album est également plus acoustique qu’auparavant, ce qui lui confère une toute nouvelle dimension. Donc oui, même si chaque album est différent, nous avons une idée précise de qui nous sommes et de ce que nous voulons transmettre, et cela façonne vraiment tout ce que nous faisons.

– Restons un peu 2021, où vous recevez pas moins de quatre Blues UK Awards, une pluie de distinctions incroyable dès votre premier album. Cela a aussi dû apporter beaucoup de confiance pour la suite ? Car « Saving Grace » avait quelque chose de resplendissant…

Absolument et le fait que « Saving Grace » soit notre deuxième album impliquait forcément cette pression, cette notion de ‘deuxième album difficile’. On s’inquiétait de savoir s’il serait à la hauteur de « We Fly Free », surtout après l’accueil favorable de ce premier album. Mais avec « Saving Grace », on a volontairement opté pour un son plus Heavy et Rock. « We Fly Free » était un mélange de Blues, de Rock, d’Americana, de Folk et même de touches de Country, tandis que « Saving Grace » avait un côté plus direct et plus percutant. On ne savait donc pas comment le public réagirait à ce changement. Au final, on a été bluffés par l’accueil. Remporter quatre UK Blues Awards était surréaliste et un immense honneur. L’adhésion de la communauté Blues nous a vraiment beaucoup apporté, et ça nous a donné un énorme regain de confiance pour l’album suivant. Et maintenant, après « Addicted To You », on est plus enthousiastes que jamais pour ce qui nous attend : on a de grands projets, et cela ne fait que commencer.

– Dans la foulée, vous sortiez « We Fly Free Tour Live », un album enregistré en public, ce qui ne manque pas d’audace après seulement deux albums studio. Cela vous a-t-il paru comme une évidence à l’époque ?

Oui, on a sorti « We Fly Free Tour Live » dès notre toute première tournée, mais ce n’était pas du tout prévu comme un album live. Au départ, on l’avait filmé et enregistré juste pour nous, pour pouvoir le revoir, voir ce qui marchait, ce qui ne marchait pas et en tirer des leçons. Mais on n’arrêtait pas de nous demander si on allait le sortir, et après l’avoir regardé attentivement, on s’est dit : « Ouais, pourquoi pas ? » C’était honnête et brut, avec tous ses défauts, et c’est ce qui le rendait si spécial. Il reflétait exactement où on en était à ce moment-là. Depuis, c’est devenu une partie intégrante de notre travail. On aime immortaliser chaque tournée avec un album live, comme pour les albums studio, c’est un instantané. Et pour nous, l’aspect visuel et la performance sont tout aussi importants que la musique elle-même. Offrir un concert puissant fait partie intégrante de l’expérience, donc tout est cohérent.

– Ensuite, c’est « Aces Are High », encore accompagné d’autres récompenses, qui vient poser un nouveau statut pour WHEN RIVERS MEET. Est-ce que vous l’avez pris comme ça, à savoir être un groupe dont la réputation est établie et qui compte dorénavant beaucoup sur la scène Blues britannique ?

Quand on a enregistré « Aces Are High », on était vraiment à fond sur la guitare fuzz, ce qui a marqué le tournant entre « Saving Grace » et « Aces Are High ». C’est clairement un album plus Heavy et Rock. Même s’il y avait encore beaucoup d’influence Blues, notamment avec la guitare slide et le phrasé bluesy, on ne s’est pas demandé si c’était assez Blues, ou pas. On a toujours eu du succès sur la scène Blues avec « We Fly Free » et « Saving Grace », mais quand on écrit et qu’on enregistre, on n’essaie pas de rentrer dans une case particulière. C’est juste une question de savoir où on en est créativement à ce moment-là. On fait la musique qu’on aime et on espère que d’autres s’y intéresseront aussi, mais si certains préfèrent un album plutôt qu’un autre, c’est très bien aussi. C’est la beauté de la musique : chacun s’y retrouve différemment selon ses goûts, que ce soit pour les sons de guitare, le chant ou l’ambiance générale. On se considère toujours comme étant en pleine évolution, pas comme ’établis’ sur une scène en particulier. Nous suivons simplement notre instinct, et si les gens apprécient, tant mieux, car nous aimons vraiment ce que nous créons. Sinon, nous espérons qu’il y aura quelque chose d’autre dans notre catalogue qui leur plaira.

– Avant de parler de ce très bon « Addicted To You », j’aimerais qu’on évoque ce groupe qui vous suit depuis le départ, avec notamment Adam Bowers, qui est votre claviériste, bassiste, batteur, choriste et surtout producteur. Et tout est réalisé sur votre label One Road Records. C’est important aussi pour vous d’évoluer dans un environnement stable comme celui-ci ?

Ce qui compte vraiment pour nous, c’est que tous les membres de l’équipe travaillent dans la même direction, partagent notre vision et Adam y parvient avec brio. C’est non seulement un producteur incroyable, mais aussi un gars vraiment formidable. Dès notre rencontre en 2019, le courant est tout de suite passé. Il a immédiatement compris ce que nous voulions faire et où nous voulions aller, et il a su le faire pour chaque projet depuis. Aujourd’hui, on a presque plus besoin de s’expliquer, on partage une idée et il s’y met aussitôt, lui donnant vie d’une manière qui nous époustoufle toujours. Son talent est incroyable et il sublime tout ce que nous faisons. Ce genre de relation créative est rare, et nous avons vraiment de la chance de l’avoir. Pour nous, c’est ce qu’un producteur devrait faire : voir la vision, y croire et l’améliorer encore. Et Adam y parvient à chaque fois.

– La première chose qui surprend sur « Addicted To You », c’est cet équilibre parfait entre les voix, que ce soit les vôtres comme celles des choristes qui vous accompagnent. De quelle manière vous répartissez-vous les rôles tous les deux ? Chacun chante ses compositions ?

Avec « Addicted To You », l’un de nos objectifs était de mettre davantage en avant la voix d’Aaron. Nous n’avons pas opté pour un plan strict du genre ‘tu chantes celle-ci, je chante celle-là’. Il s’agit toujours de savoir ce qui correspond à l’émotion de la chanson et quelle voix la raconte le mieux. Nous voulions aussi explorer davantage de duos sur cet album. Nous avons toujours été inspirés par The Civil Wars (un duo américain composé des chanteurs-compositeurs Joy Williams et John Paul White – NDR). C’était l’un des meilleurs duos du moment, et leur influence est profondément ancrée dans notre musique. Ce mélange de voix, cette connexion émotionnelle, c’est ce que nous avons toujours recherché. Pour ce qui est des chœurs, nous sommes tous les deux passionnés. Sur cet album, nous voulions qu’ils créent un mur sonore plus imposant, quelque chose qui puisse se suffire à lui-même tout en soutenant le chant principal sans le surcharger. Nous avons beaucoup réfléchi et travaillé pour trouver cet équilibre, et nous sommes ravis qu’il soit à la hauteur de nos espérances.

– Toujours à propos du chant, certes il y a encore et toujours des duos, mais j’ai l’impression que vous chantez également plus ensemble, sans systématiquement vous répondre. L’idée était-elle de communier le plus possible vocalement en étant très présents tous les deux en même temps ?

Oui, l’une des choses que nous aimons le plus, c’est raconter des histoires ensemble. Que nous chantions à l’unisson, que nous échangions nos répliques ou que nous nous répondions, tout se résume à ce qui sert le mieux la chanson et l’histoire. Pour « Addicted To You », il s’agissait en grande partie de capturer les points de vue masculin et féminin, deux voix partageant la même expérience, mais l’exprimant différemment. Parfois, c’est plutôt : ’voici ce que pense Grace, voici ce que pense Aaron’, et d’autres fois, nous chantons ensemble pour refléter cette unité émotionnelle. Il y a même une section où les chœurs tourbillonnent pour refléter des pensées changeantes, comme un dialogue intérieur qui prend vie. Nous ne voulons jamais jouer la sécurité vocalement. Nous cherchons toujours à créer quelque chose de mémorable, quelque chose qui reste gravé dans la mémoire. « Addicted To You » nous a donné l’occasion de nous plonger pleinement dans ces couches, musicalement et vocalement, et nous sommes fiers de la façon dont tout cela s’est déroulé. Il s’agit toujours de servir la chanson et de donner vie à l’histoire de la manière la plus puissante possible.

– A l’écoute d’« Addicted To You », l’impression qui domine est qu’il est probablement le plus complet de votre discographie. Que ce soit au niveau des compositions, qui sont très variées, il y a beaucoup de soins apportés aux arrangements, et pas seulement vocaux. Est-ce un aspect du disque sur lequel vous teniez vraiment à être le plus pointilleux possible ?

Oui, avec cet album, nous voulions vraiment créer quelque chose de frais et de différent, mais qui reste indéniablement nous-mêmes. Nous avons apporté de nouveaux éléments, des touches virevoltantes, des couches de guitare supplémentaires, davantage de textures acoustiques, des harmonies à six voix, et même joué avec les signatures rythmiques, tout cela pour repousser nos limites créatives et créer quelque chose qui se démarque vraiment des autres albums. Mais comme toujours, il reflétait notre état d’esprit du moment. C’est ainsi que nous abordons chaque album, capturant un instantané de notre créativité à un moment précis. Le prochain nous emmènera probablement vers de nouveaux horizons, mais c’est ce que nous aimons : avoir la liberté d’évoluer et de continuer à faire ce qui nous passionne.

– D’ailleurs, si la production reste toujours très organique, elle semble aussi plus aérée et légèrement épurée. L’idée était-elle de diffuser cette sensation de liberté qui semble ne jamais vous quitter jamais sur les onze chansons ?  

Oui, absolument, ce sentiment de liberté est quelque chose que nous voulions vraiment capturer sur cet album. Même si la production reste très organique et ancrée dans de vrais instruments, nous avons voulu donner aux chansons plus d’espace pour respirer. Nous ne voulions pas surcharger les arrangements, mais plutôt laisser chaque élément briller et laisser l’émotion des chansons transparaître sans trop de superflu. Cette ‘légèreté’ que tu évoques est exactement ce que nous recherchions. Cela rejoint l’atmosphère générale d’« Addicted To You » : il y a de l’intensité, mais aussi de la légèreté, de l’espace et du mouvement. Nous voulions que l’album tout entier soit fluide, comme s’il vous transportait sans jamais être forcé ou alourdi.

– Enfin, vous interprétez une incroyable chanson en fin d’album, dont le titre est tout simplement « When Rivers Meet ». Comment est venue l’idée, car ce n’est jamais anodin de composer un morceau qui porte le nom de son groupe ? Il y a beaucoup de symbolique… 

Oui, celle-là est vraiment spéciale pour nous. Ecrire une chanson intitulée « When Rivers Meet » a été un moment important, on ne voulait pas forcer les choses, alors on a attendu que ça vienne naturellement. Et quand c’est arrivé, ça nous a semblé juste. L’idée est venue de tout ce qu’on a vécu avec nos fans, surtout ces dernières années. Il ne s’agit pas seulement de nous en tant que groupe, mais de la communauté qui s’est formée autour de la musique. Il y a un vrai sentiment de connexion, de rassemblement et « When Rivers Meet » capture cet esprit. Il y a vraiment beaucoup de symbolisme dans le titre : des rivières qui se rencontrent, des chemins qui se croisent, des histoires qui s’entremêlent. C’était la façon idéale de conclure l’album : un hommage à notre parcours, à ceux qui nous ont soutenus et à l’idée que la musique rassemble vraiment les gens.

Le nouvel album de WHEN RIVERS MEET est disponible sur son label One Road Records et sur le site du groupe : https://whenriversmeet.co.uk/

Photos : Rob Blackham

Retrouvez les interviews accordées au site, ainsi que les chroniques dédiées :

Catégories
Alt-Country Blues Rock International Soul

Samantha Fish : bluesy adventures [Interview]

Affichant désormais neuf albums à son actif, SAMANTHA FISH n’en finit plus de surprendre en empruntant des voies la menant là où on ne l’attend pas. Plus éclectique que jamais, elle se présente avec « Paper Doll », un disque dans lequel son fougueux jeu de guitare fait toujours autant d’étincelles, mais surtout avec une confiance vocale aussi étonnante qu’attendue. S’il est toujours question d’un Blues très Rock, son vagabondage musical nous mène cette fois aussi dans des contrées Alt-Country, Folk et Soul. Entretien avec une artiste qui ne lève que très rarement le pied, et qui s’épanouit en musique.

– Notre dernière interview date de la sortie de « Death Wish Blues », ton album en duo avec Jesse Dayton. Quel souvenir en gardes-tu et surtout de la tournée qui a suivi ? Tes fans ont-ils été un peu surpris ?

J’ai beaucoup appris de cette expérience. Travailler avec Jesse et notre producteur, Jon Spencer, nous a permis de comprendre comment nous démarquer tout en nous soutenant mutuellement. C’est une dynamique intéressante quand on se produit en duo. Jesse et moi avons tous les deux beaucoup travaillé sur cet album et nos concerts étaient vraiment passionnants. Je pense que nous sommes tous les deux connus pour nos styles musicaux particuliers, donc c’était une collaboration un peu inattendue. Cette expérience a réuni de nombreux fans de musique différents. Lorsque nous avons reçu une nomination aux Grammy, nous avons été à la fois surpris et touchés. C’était une expérience formidable à tous les niveaux et quelque chose qui, je le sais, a changé nos vies.

– Ton dernier album studio et en solo « Faster », remonte déjà à quatre ans. Quand as-tu vraiment commencé à te plonger dans l’écriture de « Paper Doll » ? Avais-tu déjà une trame en tête au moment de « Death Wish Blues » ?

Je savais qu’après « Death Wish Blues », j’aurais besoin d’un album qui mette vraiment en valeur mes ‘super-pouvoirs’. Je me pousse constamment à me dépasser, mais j’avais l’impression que celui-ci marquait un retour en forme, d’une certaine manière. En écrivant, les paroles se sont imposées naturellement. J’écris sur ce que je connais, mais j’aime aussi collaborer et écrire avec d’autres. Je voulais créer un album avec des sons de guitare vraiment excellents. Je voulais que le Blues soit la racine et le fondement de tout l’album, mais je voulais aussi m’aventurer dans des contrées captivantes et dépasser les frontières des genres. Et puis, je voulais aussi mettre en valeur mon chant. Mais avant tout, l’essentiel dans les chansons consiste à avoir de bonnes accroches et de belles mélodies.

– On le sait, tu n’es jamais aussi bien que sur scène. Tu es même l’une des rares artistes de Blues à te produire autant. C’est assez rare de donner des concerts de manière aussi soutenue. C’est de là que vient ta créativité ? C’est une manière d’entretenir ton flux artistique ?

Parfois, des idées me viennent sur scène. Je crois que ma méthode personnelle d’écriture la plus efficace est de me promener en voiture. Il suffit de laisser sa concentration vagabonder. Des mélodies me viennent à l’esprit par moments, et il faut les capturer à l’instant où elles sont présentes dans ma tête.

– D’ailleurs, « Paper Doll » a été enregistré en pleine tournée, à la fois à Austin au Texas et à Los Angeles en Californie. Tu n’avais pas envie de te donner un peu de répits et te concentrer sur la scène ? D’attendre la fin des concerts et de te poser plus tranquillement en studio ensuite ?

Bien sûr, mais notre emploi du temps ne le permettait pas. Je savais que je voulais enregistrer un nouvel album. Il s’agissait donc simplement de faire le nécessaire pour y parvenir. Le fait de faire les choses comme il fallait le faire, c’est-à-dire par séquence, a contribué à donner à l’album un côté live et une énergie particulière. Je pense donc que cela a joué en notre faveur.

– On peut aussi y voir une certaine continuité de cette tournée, dans l’esprit en tout cas, avec beaucoup d’énergie et surtout avec les musiciens qui t’accompagnaient à ce moment-là sur scène. L’idée était-elle de garder cette vibration très live ?

Oui et c’est comme ça que cela s’est passé. Le groupe de tournée que j’accompagne est phénoménal, donc c’était agréable d’explorer leur créativité. Je pense que le temps passé sur scène nous a permis de nous entendre assez rapidement.

– Un mot aussi sur la production signée Bobby Harlow de Detroit et avec la collaboration ponctuelle de Mick Collins de The Gories, tous deux issus du Garage Rock. On vous retrouve d’ailleurs en duo sur « Rusty Razor ». Après Jesse Dayton, tu t’aventures à nouveau hors du monde du Blues. C’est une façon aussi de quitter une certaine zone de confort ?

Je pense que tout ce que je fais est ancré dans le Blues. C’est comme ça que j’ai appris à jouer et à chanter. Chaque chanson commence par un hommage à un riff ou à une idée qui vient de là. C’est agréable aussi de pouvoir intégrer d’autres styles pour enrichir ma vision du Blues. Je me sens à l’aise pour créer ma propre version des choses. Je veux écrire des chansons qui définissent mon son, tout en étant ouverte à d’autres influences.

– Et il y a aussi la chanson « Sweet Southern Sounds » que tu as composé avec ton fougueux voisin de la Nouvelle Orleans, Anders Osborne. C’est un morceau incroyablement intense et chaleureux. Vous n’avez pas eu l’envie de le chanter ensemble ? Là encore, cela aurait été un beau duo…

Anders est génial. On a écrit cette chanson ensemble en sachant qu’elle finirait sur mon nouvel album. D’ailleurs, je ne pense pas qu’il ait eu l’intention de la chanter. Mais je suis sûre qu’on le fera ensemble un jour sur scène.

– Vocalement, on te sent très libre et forte à la fois. Tu as dit avoir trouvé ta voix en studio. Que voulais-tu dire ? Que c’est exercice différent de celui de la scène, et qui demande peut-être un placement plus précis et un peu opposé aux concerts, où l’énergie prime ?

Les performances live ont un avantage : elles permettent d’être plus libre. Je cherche à créer une connexion avec le public, donc je ne me concentre pas tant sur la précision et la perfection. Le studio peut être complexe, car il n’y a pas grand-chose à exploiter, si ce n’est sa propre inspiration. Il m’a fallu du temps pour trouver comment me détendre et me concentrer naturellement sur ma voix.

– Musicalement aussi, « Paper Doll » est une fois encore un album très varié, où l’on retrouve ton Blues avec ses côtés Rock et Soul et teinté de Country et de Folk. Justement, est-ce que tu cherches un certain équilibre au moment de la composition, ou c’est seulement ton inspiration qui te guide ?

J’ai parfois une idée en tête quand j’écris une chanson, mais quand on va en studio, quelque chose d’autre prend souvent le dessus. Il faut parfois laisser la chanson se développer toute seule.

– Pour tout le monde, tu es la très électrique guitariste à la cigarbox. Dans quelle mesure cet instrument trouve-t-il sa place dans la composition et dans l’enregistrement de tes morceaux sur ce nouvel album ?

J’essaie de l’intégrer de temps en temps en studio. Mais si ça ne convient pas à la chanson, je ne vais pas l’imposer de force. J’aime bien lui donner une place en concert, mais je ne veux pas qu’un instrument dicte le potentiel d’une chanson. Il faut être ouvert à la nouveauté. J’ai toujours cette idée en tête et je saute sur l’occasion de l’utiliser quand c’est le bon moment.

– Une dernière question plus personnelle pour conclure. Ta sœur Amanda a sorti un très bel album dans un style différent du tien l’année dernière. Evidemment, on imagine qu’une collaboration artistique serait incroyable. Avez-vous déjà évoqué le sujet toutes les deux ?

Amanda et moi avons toujours été assez indépendantes. Je pense qu’étant donné notre âge très proche, il est important pour nous d’être autonomes et libres dans notre musique et nos carrières. Mais peut-être plus tard. Qui sait ? Cela dit, en ce moment, nous aimons nous soutenir mutuellement et faire notre propre musique séparément.

« Paper Doll », le nouvel album de SAMANTHA FISH, est disponible chez Rounder Records.

Photos : Aries Photography (2, 3) et Doug Hardesty (4).

Retrouvez la précédente interview de l’artiste et la chronique de son album avec Jesse Dayton :

Catégories
Blues Rock International

Ally Venable : rich blue notes [Interview]

Qu’il semble loin le temps où la toute jeune ALLY VENABLE faisait ses premiers pas avec « Wise Man » en 2013. Pourtant, c’est déjà avec un sixième album que la Texane de 26 ans seulement affirme aujourd’hui un jeu très mature et une voix qui porte bien plus qu’à ses débuts. Avec « Money & Power », elle franchit un palier supplémentaire, forte d’une assurance et d’une confiance à toute épreuve. En restant attachée à ses racines Blues Rock, la guitariste et chanteuse s’aventure même dans des registres inexplorés jusqu’à présents, et cela lui réussit plutôt bien. Entretien avec une musicienne qui a la tête sur les épaules, affirme des convictions fortes et a une idée très précise de sa musique.

– « Money & Power » est déjà ton sixième album et il dégage beaucoup de maturité. De quelle manière es-tu abordé son écriture, toujours accompagné de ton batteur et producteur Tom Hambridge ? Aviez-vous déjà une idée globale de sa thématique ?

Nous souhaitions explorer ces thèmes sous différents angles, en les canalisant dans notre un Blues Rock brut et plein d’émotion. La production de Tom a été essentielle pour donner vie à cette vision. Je suis très fière du résultat de cet album : c’est notre œuvre la plus ciblée et la plus percutante à ce jour. J’espère que les fans se sentiront concernés par les thèmes et l’énergie que nous y avons mis.

– Alors que tes précédents albums étaient clairement Blues Rock, avec « Money & Power », tu explores des registres plus Soul et cuivrés, funky, avec aussi une petite touche Alt-Country et même légèrement Reggae. Avais-tu besoin d’explorer d’autres sonorités et aussi de varier ton jeu ?

Tu as raison, avec « Money & Power », j’ai clairement élargi ma palette sonore au-delà du Blues Rock pur et dur de mes précédents albums. C’était une décision consciente d’explorer de nouveaux territoires musicaux et d’y incorporer des éléments de Soul, de Funk, de Country alternative et même d’un peu de Reggae. Mais le son blues de ma guitare et l’émotion qui le sous-tend resteront toujours au premier plan.

– Ce nouvel album est aussi une déclaration féministe, au moment où les femmes n’ont jamais été aussi présentes sur la scène Blues mondiale. Si cela va mieux en termes d’exposition et que les talents émergent enfin, que manque-t-il encore pour que la reconnaissance soit totale, selon toi ?

« Money & Power » a une forte connotation féministe, ce qui est important compte tenu de la présence croissante des femmes sur la scène Blues mondiale. Si des progrès sont réalisés en termes de visibilité et de reconnaissance du talent féminin, je pense qu’il reste encore du travail à faire. C’est pour cela que je pense qu’il est crucial pour les femmes du Blues et du Rock de se rassembler, de créer leurs propres espaces et de s’encourager mutuellement. L’unité et le refus de se laisser monter les unes contre les autres sont une force. Lorsque nous sommes solidaires, il devient beaucoup plus difficile de nous rejeter.

– Tu as toujours beaucoup aimé les duos. Après Devon Allman et Kenny Wayne Shepherd sur « Heart Of Fire », puis Joe Bonamassa et Buddy Guy sur « Real Gone », tu accueilles cette fois Christone ‘Kingfish’ Ingram et la chanteuse new-yorkaise Shemekia Copeland. Qu’est-ce qui te plait dans cet exercice ? Le partage ? La communion ?

Echanger des riffs avec Kingfish a été un vrai plaisir. On perçoit vraiment les personnalités distinctes de chaque artiste, qui transparaissent dans ces collaborations. Que ce soit le jeu de Kingfish ou la maîtrise vocale inébranlable de Shemekia, ils ont chacun laissé leur empreinte sur l’album et une présence qui l’a propulsé au niveau supérieur ! Et c’est génial pour ça de travailler avec ses amis ! J’ai été honoré qu’ils acceptent !

– J’aimerais qu’on dise un mot de la pochette de ce nouvel album, car elle sort littéralement des standards que l’on peut voir dans le Blues en général. L’idée était-elle de provoquer avec un visuel fort ? De marquer les esprits ?

Je voulais créer un visuel fort et provocateur qui capterait immédiatement l’attention de l’auditeur et donnerait le ton aux thèmes abordés sur l’album. L’image de moi assise au bureau d’un grand patron, la guitare à mes côtés, comptant de l’argent et savourant un cigare et un whisky, fait assurément forte impression.

– Par rapport à tes précédents albums, je te trouve un peu moins démonstrative et plus au service des chansons. Ton intention était-elle de plus te concentrer sur la composition, les textes et les mélodies ? 

Il était également important pour moi d’éviter de tomber dans le piège du culte du guitar-heros, qui peut parfois survenir dans le monde du Blues Rock. Si je suis fière de mes compétences techniques, je ne veux pas que cela occulte les intentions artistiques et émotionnelles profondes qui se cachent derrière ma musique.

– Il y a six ans déjà, tu avais participé à la fameuse « Blues Caravan » de Ruf Records, aux côtés de Katarina Pejak et Ina Forsman. Un casting entièrement féminin, qui renvoie forcément à la thématique de ton album. Quels souvenirs en gardes-tu et y as-tu pensé en composant « Money & Power » ?

Ina et Katarina sont toutes deux des artistes dynamiques et j’étais émerveillée de les voir dominer la scène soir après soir. Mais au-delà de ça, elles étaient aussi des partenaires de groupe formidables et d’un grand soutien. Nous avions une véritable camaraderie et un sens de la communauté qui, je pense, ont vraiment trouvé un écho auprès du public devant lequel nous avons joué. Cette tournée a été une expérience formatrice pour moi, en tant que musicienne et en tant que femme dans ce milieu. Ainsi, même si la tournée « Blues Caravan » remonte à des années, son influence est toujours très présente dans mon processus créatif. C’est une pierre angulaire qui me rappelle la force et la complicité que nous pouvons trouver lorsque nous nous unissons en tant que femmes dans ce milieu.

– Enfin, la scène Blues féminine au sens large compte aujourd’hui de grandes musiciennes qui sont unanimement reconnues. Parmi elles, de qui sens-tu la plus proche ? Je pense à Ana Popovic, Samantha Fish, Joanne Shaw Taylor, Sue Foley, Grace Bowers, Ghalia Volt, Erja Lyytinen, Gráinne Duffy, la Française Laura Cox, Dana Fuchs, Susan Tedeschi et j’en oublie beaucoup…

Bien que j’éprouve une profonde affinité et une profonde admiration pour toutes les femmes que tu as mentionnées. Je dois dire que je suis particulièrement attirée par le talent artistique de Samantha Fish, Susan Tedeschi et Joanne Shaw Taylor. Il y a quelque chose dans leur jeu de guitare qui est brut et sans complexe, et leur voix pleine d’âme résonne vraiment en moi. Voir d’autres femmes s’éclater sur scène est une source constante de motivation pour moi. C’est un puissant rappel que nous pouvons absolument nous affirmer, que nos voix et notre talent artistique méritent d’être entendus.

Le nouvel album d’ALLY VENABLE, « Money & Power » est disponible chez Ruf Records.

Photos : Jeremiah Shepherd (1, 3, 4)

Retrouvez aussi les chroniques de ses albums précédents :

Catégories
Blues Rock International

Jennifer Lyn & The Groove Revival : 70’s passion [Interview]

Originaire du Minnesota et dorénavant basée dans le Dakota du Nord, la chanteuse, guitariste et compositrice JENNIFER LYN poursuit son chemin avec sa formation, THE GROOVE REVIVAL, devenue une redoutable machine. Dans un Blues Rock costaud, entraînant et mélodique, elle nous fait part aujourd’hui d’une évolution notable, que ce soit dans son jeu, mais aussi dans cet esprit de groupe, forgé au fil du temps, et que ce troisième album vient véritablement consacrer. Live et organique, « Retrograde » nous plonge dans des atmosphères très 70’s que la production très actuelle parvient à parfaitement conserver. Entretien avec une artiste passionnée et touche-à-tout, qui semble avoir trouvé le parfait équilibre dans sa musique.   

– Je t’avais découvert en 2019 à la sortie de « Badlands », qui faisait suite à ton premier album « I’m All Wrong For You Baby ». Tu as ensuite enchaîné avec les EP « Nothing Holding The Down » et « Gypsy Soul », puis « Live From The Northern Plains ». Alors que sort « Retrograde », quel regard portes-tu sur ton parcours de ces six dernières années ?

Quelle aventure ! Se remémorer les débuts de l’album rend le voyage encore plus surréaliste. Des albums comme « Badlands » et « I’m All Wrong for You Baby » semblent comme des échos d’une autre époque. D’ailleurs, il s’agissait plutôt de démos brutes : je dirigeais alors un trio et je commençais tout juste à façonner ma voix d’auteure-compositrice. Maintenant, avec un groupe de cinq musiciens derrière moi, nous créons enfin le son que j’ai toujours imaginé et nous construisons un répertoire, qui capture exactement ce que nous voulions créer. Ce fut une évolution aussi folle qu’enrichissante.

– Alors que tu ne fait qu’aller de l’avant ces dernières années, ton troisième album s’intitule « Retrograde », ce qui peut surprendre. Tu as souhaité faire un contraste fort entre le titre et le contenu, ou y a-t-il un autre message ?

Mon co-auteur et membre du groupe, Richard Torrance, et moi composons une musique imprégnée de cette ambiance Rock si caractéristique des années 70. C’est cette époque qui a façonné nos goûts et qui alimente encore aujourd’hui tout ce que nous créons. Parce que notre son s’inspire de cet esprit vintage, nous avons intitulé l’album « Retrograde », en clin d’œil à cette tendance à contre-courant. C’est notre façon de prendre le contre-pied et de rendre hommage à la musique qui nous touche le plus.

– Pour te suivre depuis un moment maintenant, je trouve que ton chant a considérablement évolué. Il est nettement plus libre et le registre plus ample aussi. C’est un aspect de ta musique que tu as beaucoup travaillé et sur lequel tu t’es plus concentrée, car il est également plus fluide et varié ?

Merci, j’apprécie que tu me dises cela. Je perfectionne constamment mon jeu. Une routine régulière et ciblée m’a aidé à élargir ma tessiture et ma technique vocales au fil du temps. Chanter est une exploration continue, et j’essaie de l’aborder avec patience et curiosité : il s’agit de découvrir ce qui est possible, une note à la fois.

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on dise un mot de ton jeu de guitare. J’ai noté une évolution, pas au sens strictement technique, mais plutôt dans la façon d’aborder les riffs et les mélodies. Qu’est-ce qui a changé, selon toi, dans ton rapport à ton instrument ?

La guitare a toujours été une passion. Je m’y mets dès que j’en ai l’occasion et cette motivation constante m’a permis de progresser. Ecrire avec mon partenaire Richard, qui est un guitariste exceptionnel, me permet d’aller encore plus loin dans cette évolution. C’est lui le maître des riffs, tandis que je me concentre sur la mélodie. Ensemble, c’est un véritable processus collaboratif et créatif.

– Avec toujours cette touche 70’s, ton Blues Rock est toujours aussi percutant et sonne aussi très actuel. Cette dynamique, on la doit aussi aux musiciens qui t’accompagnent. On sent une réelle connexion entre vous. Est-ce qu’ils ont aussi participé à l’écriture de l’album, ou as-tu composé seule les chansons de « Retrograde » ?

Chaque chanson de l’album a été co-écrite avec Richard. Ensemble, nous gérons tous les aspects de l’écriture, de la composition aux arrangements jusqu’aux paroles, créant ainsi une structure complète pour chaque morceau. Une fois les chansons écrites, nos compagnons de groupe leur donnent vie en concevant chaque partie dans le respect de ces limites. S’ils ne contribuent pas à l’écriture en elle-même, leur musicalité, leur expérience et leur interprétation ajoutent profondeur et dimension à la performance finale.

– Au niveau du son, « Retrograde » est très bien produit et il offre un relief et un volume irréprochable. Dans quelles conditions l’avez-vous enregistré et as-tu aussi participé à son élaboration ?

Richard et moi coproduisons nos albums et tous nos albums studio sont enregistrés dans mon home-studio, où je m’occupe de l’ingénierie, du mixage et du mastering. Le studio est devenu mon sanctuaire créatif. J’adore le processus du début à la fin. Prendre le contrôle total de l’enregistrement est à la fois un défi et une étape extrêmement enrichissante de notre parcours.

– « Retrograde » a aussi un aspect très live. C’est important pour toi de conserver cette approche directe et toujours très Rock ?

Lors de l’enregistrement, notre objectif est de capturer le plaisir de faire de la musique ensemble. Il ne s’agit pas seulement des morceaux : nous apprécions sincèrement la compagnie des autres et cette connexion nourrit l’énergie créative qui règne dans la pièce. On nous a dit que l’album avait un côté live et nous pensons que cela reflète le plaisir et l’alchimie que nous avons partagés pendant l’enregistrement.

– Ce qui ressort aussi de « Retrograde », c’est cette belle complicité avec Richard Torrance à la guitare. Y a-t-il beaucoup d’échange entre vous sur le jeu et de quelle manière vous répartissez-vous les rôles entre la rythmique et le lead ?

Richard est notre guitariste principal et il a une façon unique de s’exprimer à travers ses solos : ils sont vraiment parlants. Lorsqu’un morceau nécessite deux parties de guitare solo, c’est là que j’interviens. J’aime échanger et superposer des lignes solo avec lui lorsque cela enrichit le morceau. Côté rythmique, nous nous concentrons sur la création de parties complémentaires qui étoffent la gamme de fréquences de la guitare, en utilisant des voicings (la disposition des notes pour réaliser un accord – NDR) et des textures variés qui se complètent et soutiennent le son global.

– L’album fait aussi la part belle aux émotions avec des chansons plus calmes et mid-tempos, et l’orgue apporte aussi beaucoup de chaleur. L’objectif était-il aussi d’être le plus organique possible, de rester connecter au Blues originel, tout en restant très électrique et actuel dans l’ensemble ?

Absolument. La musique que nous aimons créer est profondément ancrée dans le Blues, et puiser dans ces racines apporte richesse et profondeur à tout ce que nous faisons. Barb Jiskra, notre claviériste, apporte ce caractère vintage au mix, ajoutant des sonorités Soul et Old School, qui complètent parfaitement les guitares et le groove de Jim Anderson à la batterie et de Nolyn Falcon à la basse. C’est ce mélange qui donne à notre son sa signature.

– Enfin, ces dernières années, tu as été plusieurs fois nominée aux ‘Independent Blues Music Awards’ et tes trois derniers disques se sont touts classés dans le Top 10 des radios Blues américaines. Malgré toutes ces reconnaissances, tu n’es pas intéressée par une signature sur un label, ou est-ce que tu tiens à garder ta liberté artistique ?

Les labels ont leur place dans l’industrie, mais nous n’avons jamais laissé l’absence de représentation majeure nous freiner. Notre lien avec les fans a toujours été notre principal moteur. Au-delà de la musique elle-même, c’est le fondement de tout ce que nous faisons. Rester indépendant présente de réels avantages. Des artistes comme Joe Bonamassa ont ouvert la voie et cela se produit désormais dans tous les genres. Certes, il faut se démener pour ouvrir des portes qui autrement resteraient fermées sans label, mais elles ne sont pas verrouillées. Il suffit de continuer à frapper.

Les albums de JENNIFER LYN & THE GROOVE REVIVAL sont disponibles sur le site de l’artiste : https://jlynandthegrooverevival.com/

Catégories
Heavy metal International Old School

Teaser Sweet : feel the impulse [Interview]

A mi-chemin entre Hard Rock et Heavy Metal,  mais solidement ancré dans les années 80, TEASER SWEET évolue dans une torpeur Old School savoureuse et fougueuse. Avec une fraîcheur très actuelle, les Suédois sortent un troisième album, « Night Stalker », accrocheur d’où émane une sorte d’insouciance très entraînante. Aux côtés de son frère Marcus à la guitare, Hampus Steenberg à la basse et Kent Svensson derrière les fûts, Therese Damberg se révèle être une redoutable frontwoman, dont la voix est l’une des forces du quatuor. Entretien avec la chanteuse de ce groupe, qui devrait ravir les fans de Heavy vintage.

– Cela fait déjà dix ans que TEASER SWEET existe et vous sortez aujourd’hui votre quatrième album. A l’époque, quel a été le déclic pour passer d’un groupe qui reprend du Kiss à l’écriture de vos propres chansons ?

Quand on a commencé le groupe, on n’avait pas de matériel personnel, c’est pour cela qu’on jouait des morceaux de Kiss. ​​Mais à la base, on n’a jamais voulu faire des reprises, ce n’était vraiment pas notre objectif. Alors, on a composé nos propres morceaux le plus vite possible. Et c’est vraiment à partir de ce moment-là que tout a vraiment commencé pour le groupe !

– On imagine très bien qu’avec de tels débuts, vos influences se situent dans les années 70 et 80, et d’ailleurs cela s’entend. Vous n’avez jamais été tentés par un style plus moderne, ou est-ce justement pour vous démarquer un peu de l’actuelle scène Metal suédoise ?

On a toujours été attirés par le Metal classique, c’est-à-dire influencé par les années 70 et 80, et qu’on ne retrouve pas dans le Metal moderne. Actuellement, le Metal a un son très numérique et rigide, et ce n’est pas ce qu’on recherche. C’est même tout le contraire ! Nous voulons jouer ce qu’on aime et, bien sûr, on désire aussi développer notre propre son. Pour se démarquer, il faut aussi être soi-même et nous sommes tous d’accord là-dessus. Nous sommes des gens sympas qui aimons la musique et on espère que ça se reflète dans notre façon de composer. On veut que les gens qui nous écoutent se sentent heureux, pleins de vie et prêts à affronter la vie.

– « Night Stalker » marque aussi votre arrivée chez High Roller Records, qui est d’ailleurs un label qui vous correspond parfaitement. Qu’est-ce que cela change pour vous concrètement ?

Nous avons l’opportunité de toucher un public plus large ce qui, espérons-le, nous permettra d’attirer un plus grand nombre de fans et faire aussi plus de concerts que si nous avions à nous en occuper seuls. Nous sommes donc reconnaissants à High Roller Records de nous avoir pris sous son aile.

– D’ailleurs, je trouve que ce nouvel album tranche vraiment par rapport à « Monster ». La production est solide et surtout vos compositions ont pris une nouvelle dimension. Est-ce que, dans un sens, cette signature vous a donné des ailes et fait franchir un nouveau cap ?

Absolument ! On apprend toujours de ses erreurs et on cherche constamment à progresser dans notre musique. Nous avons aussi grandi en tant que musiciens et on a voulu repousser nos limites créatives sur cet album. C’est super d’entendre que tu constates des progrès !

– « Night Stalker » garde aussi un son vintage et une approche Old School très chaleureuse et live. C’était important pour vous de présenter une production si organique, malgré le tout-numérique actuel ?

Absolument. Le son est très important pour nous. Il transmet des émotions et il représente vraiment qui nous sommes. Avec un son numérique moderne, cela aurait été comme bien s’habiller pour une mauvaise occasion.

– A l’écoute de ce nouvel album, les références à la NWOBHM sont évidentes et vous puisez du côté du Heavy Metal comme du Hard Rock. Est-ce que c’est un équilibre que vous avez cherché et souhaité dès les débuts de TEASER SWEET ?

Quand nous créons ensemble, à quatre, le son est là et se créer de manière naturelle. Ce n’est pas un objectif auquel nous aspirons, c’est comme ça que ça se produit. Nous sommes heureux d’être arrivés au point, où nous savons aussi exactement comment nous voulons sonner et, bien sûr, nous sommes influencés par ce que nous écoutons nous-mêmes de notre côté.

– Etonnamment, on ne retrouve pas énormément de similitudes avec des groupes qui ont aussi une chanteuse, en tout cas dans l’intention, même si on peut penser à Warlock, par exemple. « Night Stalker » est un album puissant et volontaire. L’important pour vous est-il de conserver l’image d’un style massif et véloce ?

L’important n’est pas forcément d’avoir un style massif et rapide, même si bien sûr, j’aime les chansons très rythmées. C’est ce que je dis toujours aux autres: jouez plus vite ! Mais il est important d’avoir toujours le bon tempo, et qu’il soit rapide ou non. L’essentiel est qu’il colle à la chanson.

– Il y a beaucoup de force et un côté mélodique prononcé dans ta voix et on pense à Doro, bien sûr, mais aussi à Johanna Sadonis de Lucifer, ainsi qu’à la Canadienne Lee Aaron. J’ai l’impression que c’est plutôt le côté Rock qui t’inspire. Est-ce le cas, et peut-être même ta façon d’apporter une touche féminine à TEASER SWEET, d’adoucir son aspect Metal ?

Il y a toujours de l’inspiration venant des chanteurs talentueux, que ce soient des hommes comme des femmes. Mais je n’essaie pas de ressembler à quelqu’un d’autre. J’avance en fonction de ce que je ressens et de qui je suis. Mais si le groupe avait un chanteur, ça ne sonnerait pas pareil, c’est certain.

– TEASER SWEET est aussi une histoire de famille, puisque tu as fondé le groupe avec ton frère Marcus, qui est guitariste. Comme la combinaison guitare/voix est souvent la base pour composer, est-ce que votre proximité est le point de départ de vos morceaux et de quelle manière prennent-ils vie ? D’abord une ligne de chant, ou un riff ?

Ça commence souvent par un riff sur lequel on construit ensuite, et même parfois les deux : un riff avec une ligne vocale. On s’inspire aussi souvent assez vite des idées de l’autre. Mais parfois, c’est vraiment difficile de décrire le résultat final, du moins pour moi. Je ne suis pas aussi douée que les autres pour jouer d’un instrument, mais le reste du groupe a appris à bien me connaître et à comprendre ma façon d’exprimer ce que je souhaite obtenir.

– Enfin, vous avez un répertoire conséquent avec ce quatrième album. Comment établissez-vous vos setlists et surtout, est-ce qu’une tournée est prévue pour cet été ou la rentrée de septembre ?

Nous choisissons les chansons que nous aimons, ainsi que celles que nos fans adorent. Nous les prenons vraiment en considération et nous incluons souvent d’anciens morceaux. Mais la setlist, qui sera jouée dans les concerts à venir, sera principalement composée de titres de « Night Stalker ». Malheureusement, il n’y a pas encore de tournée organisée, mais nous l’espérons fortement !

L’album de TEASER SWEET, « Night Stalker », est disponible chez High Roller Records.