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Hard 70's International Psychedelic Rock Rock 70's Space Rock Stoner Rock

Kadavar : P.R.O.P.H.E.T.I.C. [Interview]

Si de nombreux fans ont pu être déboussolés par les accents Pop du très aérien « I Just Want To be A Sound », sorti il y a tout juste six mois, qu’ils se rassurent, KADAVAR renoue avec le Stoner Rock très Psych et tirant sur le Hard Rock, qui a fait son succès jusqu’à aujourd’hui. Et la nouvelle est d’autant plus belle que les Allemands sont plus inspirés que jamais sur ce « K.A.V.A.D.A.R. », qui s’affiche ici en lettres capitales. En plein milieu d’un triptyque musical mis en œuvre sur le présent album, le quatuor explore une facette plus sombre et chaotique de son répertoire, jetant ainsi un regard acerbe et ironique sur un monde en pleine déliquescence. Non sans humour, Christoph ‘Lupus’ Lindemann, guitariste et chanteur du quatuor, vient apporter quelques éclaircissements sur une démarche que peu avait saisi.

– En mai dernier, vous aviez sorti « I Just Want To Be A Sound ». Et vous aviez déclaré que c’était un album nécessaire. Pour autant, beaucoup de monde ont aussi été surpris par son contenu. Etiez-vous à la fin d’un cycle ?

En fait, je pense que la fin du cycle a vraiment eu lieu au moment de la sortie de « For The Dead Travel Fast » en 2019. C’est ce qui a enclenché un nouvel élan et ouvert une nouvelle page. En ce moment, je dirai que nous sommes au milieu d’un nouveau cycle.

– Six mois plus tard, vous êtes donc déjà de retour avec « K.A.D.A.V.A.R. ». Lequel de ces deux disques est-il celui de la renaissance ? Et puis, sortir un album éponyme avec un titre en majuscule n’est pas anodin, non plus…

Oui, c’est vrai, et cela correspond bien à ce que représente ce nouvel album finalement. Nous nous sommes dit que le nom du groupe serait un bon titre. D’une certaine manière, les deux derniers disques correspondent ensemble, ils sont liés. Ils racontent une histoire commune. Beaucoup de morceaux sont aussi été écrits pour un album plus sonore, et ils ne figurent pas sur le disque. Je dirai que les deux derniers albums sont en fin de compte assez équivalents dans la démarche et dans leur élan.

– Finalement, il n’y a que six mois entre les deux albums. Aviez-vous commencé à travailler sur le nouveau juste après « I Just Want To Be A Sound » ? Ou a-t-il été une sorte de déclic ?

Oui, beaucoup de chansons étaient déjà écrites. Nous avons travaillé dans notre propre studio et c’est aussi plus facile de le faire dans une certaine continuité. Et puis, il n’y avait pas de tournée de prévu, non plus, ce qui nous a laissé du temps. « I Just Want To Be A Sound » avait été réalisé en août de l’année dernière et il n’est sorti qu’en mai. Nous avons donc eu plus d’un an sans obligation particulière, alors nous avons juste continué à composer, à écrire et à enregistrer. Et lorsque l’album est sorti, nous nous sommes dit que ce serait cool d’en avoir un autre pour la tournée qui allait suivre. Et puis, ils se suivent vraiment surtout.

– L’impression que donne ce nouvel album est que KADAVAR retrouve sa pleine puissance et prend même un nouveau départ. Et la première évidence est dans le son, qui a aussi gagné en amplitude. Cela vous a-t-il semblé nécessaire d’enregistrer en analogique pour y parvenir ?

En fait, c’est une manière d’y arriver. Il a plusieurs façons d’obtenir un bon résultat. Pour nous, enregistrer sur bande a toujours été quelque chose de très important, parce que je pense que notre son est vraiment taillé pour ça. Oui, pour nous en tout cas, c’est sans doute nécessaire. C’est vrai que nous avons aussi fait beaucoup d’enregistrement numérique auparavant, mais pour ce nouvel album de KADAVAR, cela ne pouvait se faire qu’en analogique.

– Ce nouvel album a de fortes sonorités Hard Rock et Stoner et les éléments psychédéliques sont aussi très présents. Avez-vous le sentiment d’avoir trouvé une forme d’équilibre dans votre musique ?

Non ! (Rires) J’adorerai, mais je ne pense pas ! (Rires) Tu sais, ce n’est jamais la même chose, chaque album est différent et à chaque fois que nous nous mettons à composer, ce n’est jamais la même chose. Par exemple, quelque chose qui est bien aujourd’hui pourra nous paraître mauvaise le lendemain. Mais je pense que pour cet album, nous y sommes parvenus. Je pense que l’équilibre est bon. J’aurais peut-être pu mettre plus d’éléments psychédéliques, mais ça, c’est juste mon opinion. (Sourires) Comme je te le disais, chaque album est différent, et à chaque fois que l’on commence à écrire, il faut recommencer beaucoup et essayer plein de choses. Il faut trouver de quoi il a réellement besoin. Est-ce qu’il faut qu’il soit plus joyeux, plus lourd, plus rapide ou plus lent ? Est-ce qu’il sera plus psychédélique ou Stoner Doom ? Ce n’est jamais la même chose et tout ça dépend vraiment de l’enregistrement. Une chose est sûre, c’est tout le temps différent.

– « K.A.D.A.V.A.R. » est également sombre et parfois même brutal avec un regard presque cynique sur le monde. Est-ce finalement notre époque qui vous a conduit à composer un album aussi contrasté et direct ?

Oui, c’est sûr. L’album précédent était plus axé sur le son avec beaucoup de travail sur les sonorités et les ambiances. Il était beaucoup plus personnel dans un sens. Tandis que celui-ci est clairement basé sur tout ce qui nous entoure, nos gouvernements, tout ce qui se passe mal dans le monde avec, en point d’orgue, la chanson « Total Annihilation ». Si nous continuons à détruire le monde tel que nous le connaissons, sa chute sera inévitable. C’est vrai que c’est un album très sombre, mais avec un peu d’humour quand même. C’est nécessaire d’avoir un sourire, une vision d’ensemble et une confiance aussi en la vérité et la réalité du monde. Alors, parfois, cela peut être drôle, car on ne peut pas faire grand-chose dans le domaine à titre uniquement personnel. Ce que l’on peut faire, c’est d’en parler en chantant et en espérant que cela finisse par aller mieux à un moment ou un autre… (Sourires)

– Ce nouvel album est aussi le plus varié de votre discographie. Après 15 ans, KAVAVAR a-t-il, selon vous, atteint une certaine maturité artistique qui vous permet d’explorer tous les styles que vous voulez ? Sans contrainte et avec maîtrise ?

Oui, je pense et je l’espère aussi. (Sourires) J’espère que nous sommes aujourd’hui dans une position où nous pouvons jouer la musique que nous voulons et écrire ce que l’on veut écrire… Et que les gens apprécient cela ! J’ai toujours été fatigué et ennuyé par le fait de composer un seul style de musique, car j’aime beaucoup de choses. Et c’est quelque chose avec laquelle j’aime jouer. J’adore tourner autour de ça et le traduire dans les chansons de KADAVAR. C’est vraiment quelque chose qui m’amuse et que j’aime beaucoup faire.

– J’aimerais que l’on parle du morceau « Stick It », qui est un moment fort et très Space Rock de l’album, où il y a même un passage parlé en français. D’où vous est venue cette idée ?

En fait, « Stick It » signifie « Enfonce-le toi dans le cul » ! (Rires) C’est vrai que cela nous est venu d’un truc en français que notre bassiste Simon (Bouteloup – NDR) a écrit. C’est vrai que c’est un morceau très Space Rock, un peu comme ce que faisait Hawkwind dans les années 60 avec ce type de solo, comme un groupe de voyageurs entourés de fleurs avec des fans japonaises… Et en effet, je pense que c’est une autre manière de dire « Fuck Off » ! (Rires) Trop, c’est trop : alors, allez tous vous faire foutre ! C’est une chanson, qui parle de ça, oui… (Rires)

– Par ailleurs, même si « K.A.D.A.V.A.R. » montre un songwriting très élaboré et solide, il donne aussi une impression d’insouciance et de grande liberté. Etait-ce votre état d’esprit au moment de sa composition ?

Oui, c’est toujours le but d’avoir un esprit libre et de laisser notre tête faire le travail, afin que les chansons sortent le plus naturellement possible. Alors, parfois ça marche et d’autres pas. Je pense que nous avons eu plus de facilités à composer ce deuxième album, parce que ce qui avait été fait ne nécessitait pas qu’on y donne une suite. C’était beaucoup plus simple, et il y a avait aussi moins de pression. Cela nous a libéré pour faire l’album parfait, car nous étions vraiment focalisé dessus et sur rien d’autre. Cela a d’ailleurs été très amusant de continuer à écrire et à enregistrer de la manière dont nous le souhaitions et en totale liberté. Et puis, personne ne savait que nous allions sortir un nouvel album, pas même notre label ! C’était donc très rigolo à faire ! (Rires)

– Enfin, ce nouvel album est donc le deuxième d’une trilogie, ou plutôt d’ailleurs d’un tryptique, car ils seront très différents les uns des autres. Ne me dites pas que vous travaillez déjà sur le troisième ? Si ?

Si, c’est vrai. Nous travaillons dessus, mais… (Silence) On verra bien, je ne peux vraiment pas t’en dire plus ! On en parlera quand ce sera terminé ! (Rires) Nous avons des idées, un sujet aussi et nous avons de quelle manière nous allons le faire. Dans l’immédiat, nous avons beaucoup de concerts et c’est ce que nous allons d’abord faire. Nous sommes concentrés là-dessus. Quand nous aurons le temps de nous réunir en studio, nous verrons à ce moment-là vers où on décidera d’aller…

– Parfait, nous avons donc juste six mois à attendre !

(Eclat de rire) Peut-être, c’est possible ! (Rires) Et peut-être qu’il arrivera même avant Noël, qui sait ??? (Rires)

Le nouvel album de KAVADAR, « K.A.D.A.V.A.R. », est disponible chez Clouds Hill.

Photos : Marina Monaco

Retrouvez la chronique de « I Just Want To Be A Sound » :

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Heavy Stoner Rock International Stoner Blues

Bone Church : a roots & bluesy side [Interview]

Ayant émergé de la brume et des ténèbres du Connecticut en 2016, BONE CHURCH n’a pas mis bien longtemps à conquérir un public toujours plus nombreux, grâce à un jeu aussi explosif que singulier. Si le quintet revendique développer des atmosphères sombres, il ne faut pas compter sur lui pour rester figer dans un registre unique. Les Américains sont des explorateurs sonores et si leurs racines vont puiser dans le Heavy Metal et le Doom marqué d’une touche 70’s, « Deliverance » vient prendre tout le monde de revers. C’est en effet sa facette la plus Rock et surtout Blues de son Stoner qui ressort de ce troisième album à la fois roots et addictif. Dan Sefcik, lead guitariste du groupe, nous en dit plus sur sa conception et sur les chemins tortueux empruntés par le quintet.

– BONE CHURCH a fait du chemin depuis 2017 et la sortie du premier album éponyme. Aujourd’hui sur « Deliverance », qui porte d’ailleurs bien son titre, vous affichez beaucoup d’assurance et de confiance. On vous sent à un sommet créatif. Est-ce aussi ton sentiment ?

Oui, je pense que c’est notre meilleur album à ce jour. Nous avions pour objectif d’écrire un disque de Rock qui deviendrait un classique et je crois que nous avons plutôt bien réussi. Après ça, ça ne pourra être que moins bien ! (Sourires)

– Sur vos deux premiers albums, les aspects Heavy Metal et Doom étaient nettement plus présents, même si une teinte bluesy était déjà perceptible. « Deliverance » est clairement Hard Rock, Classic Rock et surtout Blues. Est-ce le style de Stoner que vous avez toujours cherché à jouer, ou êtes-vous toujours en quête d’exploration sonore ?

C’était un choix délibéré lors de la composition de cet album. Comme la plupart des musiciens, je puise mon inspiration dans la musique que j’écoute le plus. Comme ce sont  principalement Lynyrd Skynyrd, Black Sabbath et ZZ Top, cela se reflète naturellement dans mes compositions. Cela dit, j’écoute aussi beaucoup de styles différents et il m’arrive de me passionner pour certains genres, ou groupes. Alors, qui sait, vous aurez peut-être le droit à un album de Country Outlaw ou de Funk de la part de BONE CHURCH à l’avenir ! (Rires)

– Pour rester sur le Blues, même si BONE CHURCH est avant tout un groupe de Stoner Rock, vous sentez-vous d’une manière ou d’une autre appartenir à cette famille musicale ?

Je pense que nous sommes une petite branche sur l’immense arbre du Blues, tout comme l’étaient Zeppelin ou Black Sabbath. Nous voulions juste que vous l’entendiez, car c’est un élément essentiel de notre son. Mais nous ne sommes certainement pas un groupe de Blues à part entière.

– En réécoutant votre discographie, une chose m’a amusé. Vos albums comptent assez peu de morceaux, même si certains s’étalent sur la longueur. Le premier en contenait cinq, le deuxième six et celui-ci sept. Y a-t-il eu cette fois un élan supplémentaire, ou est-ce votre univers qui s’élargit ?

Beaucoup de ces chansons ont été écrites au début du confinement lors de la pandémie, j’avais donc plus de temps qu’avant pour me consacrer entièrement à la musique. Huit chansons ont été enregistrées pour l’album « Deliverance », mais l’une d’entre elles ne correspondait pas tout à fait à l’ensemble. Elle finira cependant par être publiée un jour ou l’autre, je pense.

– Depuis « Acid Communion » sorti il y a cinq ans maintenant, vous avez beaucoup tourné et cela s’entend sur « Deliverance », car si vos thématiques sont les mêmes, vous évoquez dorénavant la vie sur la route et les joies simples du Rock’n’Roll. Le côté obscur de BONE CHURCH est-il en train de s’éclaircir, d’autant que vos morceaux sont aussi plus lumineux ?

Eh bien, la réponse est tout simplement oui. Nous voulions écrire des chansons qui soient simplement amusantes et dont les thèmes soient moins noirs ou pesants. En même temps, je pense que des chansons comme « Lucifer Rising » et « The Sin of 1000 Heathens » sont plus sombres que jamais. C’est donc juste une autre facette de notre personnalité que nous voulions montrer.

– Ce qui est aussi un peu surprenant sur « Deliverance », c’est cette approche plus Southern dans votre jeu, notamment sur « Goin’ To Texas » et « Muchachos Muchachin’ », évidemment. BONE CHURCH est-il en train de déplacer son centre de gravité du Connecticut vers le Sud, car il y avait aussi déjà eu la reprise de « Fortunate Son » de Creedence Clearwater Revival sur le tribute « Burn On The Bayou » ?

J’adore quand la musique peint un tableau vivant. C’est génial quand une chanson peut vous transporter dans un lieu et une époque précis. C’était donc l’intention derrière ces morceaux. Imaginez une longue route désertique et brûlante du Texas, menant au bar de motards du film « Pee-Wee’s Big Adventure », où il danse sur « Tequila » ! (Rires)

– « Deliverance » possède aussi un son très live, direct et spontané. Est-ce que l’idée était de s’approcher au plus près de cette ambiance très 70’s et roots qui règne sur l’album ?

Oui, c’était tout à fait intentionnel. C’est pour cette raison que nous avons choisi d’enregistrer au Dirt Floor Studios dans le Connecticut, car nous savions qu’Eric Lichter et Guido Falivene pourraient nous aider à obtenir ce son. C’est aussi là que nous avions réalisé la reprise de « Fortunate Son ». Nous enregistrons sans métronome, nous jouons simplement la chanson en direct jusqu’à ce que le résultat nous convienne, et nous ajoutons les autres éléments par la suite.

– Enfin, j’aimerais qu’on dise un mot sur « Deliverance », le morceau-titre qui clot l’album sur plus de huit minutes. Le groove et les guitares sont incroyables avec beaucoup d’émotion aussi et un crescendo exceptionnel. On sent BONE CHURCH pris d’une vulnérabilité assez rare. Qu’est-ce que cette chanson peut avoir de spécial pour vous, car elle se distingue un peu de votre répertoire ?

Elle a été écrite pendant une période extrêmement tumultueuse, tant au niveau mondial que dans ma vie personnelle. Lorsque j’ai commencé à l’écrire, je savais déjà quelles émotions je voulais transmettre avant même que la chanson ne soit terminée. Je savais juste qu’elle devait être très intense émotionnellement, au niveau des paroles comme du thème. Et elle a été interprétée de façon incroyable par le reste du groupe, et tout particulièrement par notre chanteur Jack (Rune- NDR). C’est un rappel poignant de ce que l’on ressent lorsque le monde entier s’écroule autour de soi. C’est en quelque sorte notre version apocalyptique de « Free Bird ». Je pense que c’est le meilleur morceau que BONE CHURCH ait jamais composé.

L’album de BONE CHURCH, « Deliverance », est disponible chez Ripple Music et d’un simple clic sur la bannière en page d’accueil.

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Blues International R&B Soul

Robert Finley : creative wisdom [Interview]

S’il a un parcours pour le moins atypique, ce n’est plus ce que l’on retient aujourd’hui de ROBERT FINLEY. De son incroyable rencontre avec Dan Auerbach, moitié de The Black Keys et patron du label Easy Eye Sound, à ses premières tournées, il sort aujourd’hui son cinquième album et il vient marquer une décennie de créativité et la réalisation d’un rêve d’enfant. Avec « Hallelujah! Don’t Let The Devil Fool Ya », le chanteur Soul s’adresse à toutes les générations dans un registre plus Gospel que jamais, fait d’un Blues aux contours très jam, comme s’il laissait un esprit s’emparer de ses nouveaux morceaux. Cette fois aussi, c’est en famille, avec sa fille Christy Johnson, qu’il partage ce nouvel opus. Loin d’être un passage de témoin, c’’est surtout une réunion qui prend tout son sens. Entretien avec un chanteur à la voix de velours, qui a su garder un enthousiasme fou.      

– Il y a dix ans maintenant, ta vie prenait une tournant important avec la sortie de ton premier album, « Age Don’t Mean A Thing ». Ensuite, beaucoup de choses se sont accélérées. Quel est ton état d’esprit aujourd’hui ? Est-ce qu’une certaine routine s’est installée, ou y a-t-il toujours de l’émerveillement dans ton quotidien ?

Cela signifie surtout que les rêves peuvent devenir réalité et je n’ai jamais perdu espoir. Je n’ai jamais abandonné ma fierté, non plus, et je crois toujours en ce que je fais, car c’était vraiment un rêve d’enfance.

– « Hallelujah ! Don’t Tell The Devil Fool Ya » est ton cinquième album en l’espace de dix ans, ce qui est une fréquence assez soutenue. Y a-t-il chez toi la volonté de rattraper le temps perdu, ou au contraire as-tu le sentiment de faire les choses à ton rythme ?

J’ai l’impression que tout arrive en temps voulu. Je n’ai aucun regret là-dessus. Si la même opportunité s’était présentée il y a 20 ou 30 ans, je ne sais pas si j’aurais été mentalement préparé pour ce succès. Donc, mon conseil à tous les jeunes artistes qui commencent est de toujours rester soi-même, car les rêves peuvent se réaliser tôt ou tard.

– D’ailleurs, est-ce que depuis toutes ces années et au fil des albums, il y a des chansons que tu gardais depuis longtemps, et auxquelles tu tenais, et que tu as enfin pu enregistrer ?

Non, tout s’est passé sur le moment. J’ai juste eu cette opportunité de m’exprimer et ce nouvel album est ma façon de dire que j’ai toujours de l’espoir en moi et que je ne l’abandonnerai jamais. Son titre parle pour lui… (Sourires)

– J’aimerais que l’on revienne un instant sur cette rencontre et cette formidable collaboration avec Dan Auerbach et son label Easy Eye Sound. Sans mauvais jeu de mot, est-ce que tu te dis parfois que c’est un petit miracle ? Une sorte d’alignement des planètes finalement ?

Je pense que c’était le début de quelque chose de nouveau. Je gère bien cette collaboration avec Dan et son équipe, car ils n’essayent pas de faire de moi quelqu’un que je ne suis pas. Ils m’acceptent comme je suis et c’est ce que je veux être avant tout, d’autant que personne ne peut mieux le faire que moi-même. Je suis le seul à avoir cet ADN, à porter ce nom parmi des milliards de gens. Donc, je suis le seul à vraiment pouvoir être moi-même. Mon conseil à toutes et à tous est de rester vous-mêmes !

– C’est aussi Dan qui a constitué l’excellent groupe qui t’accompagne sur ce nouvel album et il y règne une osmose et une connexion très particulière. Comment arrive-t-on à un tel feeling entre musiciens ?

Je pense que le plus important est que tout le monde ait pu jouer ce qu’il ressentait. Nous étions tous ensemble et c’est de cette manière que tout est venu. On n’avait pas de plan précis, pas de notes ou de direction particulière. Cela a vraiment été un cadeau et on a tous saisi cette chance. Le bassiste a pu jouer ce qu’il voulait, le guitariste aussi et il s’est vraiment passé quelque chose dans cette connexion, c’est vrai. C’est incroyable que des étrangers se retrouvent dans la même pièce et parviennent à créer un album aussi incroyable.

– Avec ce nouvel album, tu réalises enfin ton rêve qui était de faire un disque entièrement Gospel. Même s’il y a toujours eu des chansons Gospel sur tes albums, pourquoi ne l’avais-tu pas fait avant ? Avais-tu besoin de certitudes et/ou de peaufiner certaines chansons ou certains textes peut-être ?

Quand nous sommes allés en studio, j’ai prié, car je n’avais aucune note. Quand bien même j’en aurais eu, je n’aurais pas réussi à les lire, car je suis presque aveugle ! (Sourires) C’est de là que vient ma foi. J’ai demandé au seigneur ce qu’il attendait de moi et de tout le groupe. J’avais un problème avec les paroles, alors je m’en suis remis à Dieu. Il faut juste croire. Et en croyant, on reçoit. C’est le principal message de ce disque. Ecoutez-le et vous aurez un regard nouveau sur la vie. (Rires)

– Il est bien sûr beaucoup question de Dieu sur cet album, puisque le Gospel y est directement lié. Comment cela se traduit-il au niveau de l’écriture des textes pour les rendre si personnels ? Est-ce ton vécu qui te guide dans ces moments-là ?

En fait, le plus important est ce dont je n’ai pas besoin. Comme je ne peux pas écrire de textes, il faut juste que je parle de la vie, des choses que chacun doit gérer au quotidien. C’est la réalité, finalement. Ce n’est pas quelque chose que j’ai découvert, ce n’est pas un secret. Il faut saisir chaque opportunité et écrire la bonne chose au bon moment. C’est ce que cherche tout le monde et c’est aussi ce qu’attendent d’autres personnes. Lorsque j’ai rencontré Dan Auerbach, je n’avais jamais entendu parler de lui, je ne savais pas qui était The Black Keys, aussi parce que nous sommes issus de générations différentes. Mais quand nous sommes arrivés en studio, il m’a juste dire : sois toi-même. Et c’est tout ce que j’ai toujours voulu entendu toute ma vie ! Quand quelqu’un te dit ça, c’est qu’il apprécie qui tu es. Ensuite, j’ai rencontré beaucoup de gens, car il m’a emmené dans beaucoup d’endroits. J’ai fait de nombreuses premières parties en concert, mais jamais celles des Black Keys. En fait, je jouais au milieu de leurs concerts. Dan disait au public qu’il aimerait me présenter et qu’on m’écoute. J’étais très surpris car, au fond de mon cœur, je n’étais personne aux yeux du monde et de ce public. Ensuite, j’ai vendu beaucoup de disques ! (Rires) On avait besoin l’un de l’autre et nous avons mis les trente ans qui nous séparent de côté. Je cherchais juste l’opportunité de chanter pour tous, tout en restant moi-même et Dan aussi d’ailleurs.

Pour l’anecdote, au tout début, nous avions quatre jours pour enregistrer quatre chansons en studio. C’était la proposition de départ de Dan et il en avait parlé avec mon manageur. Et je les ai faites en quatre heures ! On a bien rigolé ! (Rires) Et durant les trois jours restant, nous avons créé l’album « Gold Platinum », que Dan, Patrick (Carney, batteur et autre moitié des Black Keys – NDR) et Bobby Woods avaient déjà écrit en amont. Nous avons vraiment passé trois jours de plaisir. Ce n’était pas vraiment un travail pour moi d’aller en studio. Je flânais un peu et lorsqu’ils avaient terminé la musique, tous les arrangements, ils m’appelaient pour savoir si j’étais prêt à chanter. Ensuite, nous avons juste parlé de la façon dont j’allais le faire, rien de plus. C’était très simple et j’étais vraiment le plus heureux au monde ! (Sourires)

– D’ailleurs, contrairement à « Black Bayou » qui était plus direct, il règne ici un esprit très jam avec des morceaux qui véhiculent une sorte de transe R&B. Les musiciens prennent aussi possession de plages instrumentales plus importantes et tu te mets un peu en retrait vocalement. Est-ce que c’est le style de l’album qui veut ça, ou ce sont les musiciens qui t’accompagnent, qui ont créé cette nouvelle dimension musicale ?

J’ai adoré ça ! Je ne peux pas prendre le crédit de quelque chose que je n’ai pas créé, car ce sont les musiciens qui ont travaillé ensemble pour obtenir ces chansons fascinantes. Je leur ai dit de laisser la lumière briller et que chacun fasse ce qu’il a à faire. C’est finalement très simple et j’ai adoré partager cet élan, même si ce n’est pas moi qui ai inventé tout ça. C’était la combinaison d’un tout. Tous les gens qui sont crédités sur l’album ont participé à cette création. Ce n’est pas seulement ROBERT FINLEY. Chacun a joué comme il le sentait, et lorsqu’il me manquait quelque chose, ils ont su parfaitement le combler. Nous nous sommes amusés à réaliser l’album, d’autant que tous ont bénéficié d’un moment à eux sur les chansons. Beaucoup de jeunes artistes m’ont demandé durant ces deux dernières années comment j’avais fait pour réinventer un peu le style. Je leur réponds toujours qu’il faut toujours croire en soi-même et ne jamais oublier ses rêves. Et on n’est jamais trop vieux pour les réaliser ! (Sourires)

– Cette fois, ta fille Christy Johnson, qui est également chanteuse, est présente sur l’ensemble de l’album et jusque sur la pochette. Comment s’est passée cette collaboration familiale ? J’imagine que cela rapproche aussi un peu plus…

Tu sais, ma fille chante le Gospel depuis ses deux ans. C’est comme cela que nous l’avons élevé, elle n’avait pas vraiment le choix ! (Sourires) C’est dans la famille : sa mère, sa grand-mère, tout le monde chantait du Gospel. Ma mère avait un groupe qui s’appelait The Harmonified et c’est là que j’ai commencé à chanter. Tout le monde était dans le groupe, les frères, les sœurs, les fiancés, la belle-famille… Et ça marchait tellement bien que tous les enfants aussi voulaient chanter dans le groupe, ce qu’on a fait plus tard avec Brother Philly And The Gospel System. On chantait en direct à la radio chaque samedi matin et les sponsors ont commencé à s’y intéresser. Christy était la voix que tout le monde voulait entendre sur KMAR Radio à Williamsburg en Louisiane, alors qu’elle était si jeune. Et ensuite, nous avons fait des concerts dans les années 70 et 80. Tout vient de là… (Sourires)

– Enfin, tu as aussi beaucoup tourné ces dernières années, et  notamment en France où tu étais tout ce mois d’octobre. As-tu créé un lien particulier avec le pays et avec le public français ?

Partout où je vais, c’est la même chose. Je ne me contente pas de chanter, de prendre l’argent et de m’en aller. Le plus important, ce sont les gens sans qui ma carrière n’existerait pas. Je prends des photos avec des fans de 8 à 80 ans et il n’y a jamais un sentiment négatif. C’est une belle récompense. Le secret est de toujours rester humble et concentré. C’est la clef du succès…. Et ça commence au plus jeune âge, dans le jardin d’enfants. Et c’est quelque chose qu’il faut entretenir toute sa vie, à chaque étape. Tu sais, ici en France, je ne comprends grand-chose à ce qu’on peut me dire, mais je vois les sourires sur les visages et dans les voix. Ma musique les touche au cœur et c’est la plus belle chose pour moi. Je représente juste la vérité, et la vérité vous libère. Cette hospitalité me touche beaucoup, car je suis accueilli tel que je suis. Je ressens tout cet amour dans les applaudissements, dans les sourires… Je ne sais pas comment le dire, mais j’aime la France ! (Sourires)

Le nouvel album de ROBERT FINLEY, « Hallelujah! Don’t Let The Devil Fool Ya », est disponible chez Easy Eye Sound.

Photos : Jim Herrington (1, 2, 4, 5)

Retrouvez la chronique de « Black Bayou » :

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Heavy Stoner Prog International

Howling Giant : ascensionnel [Interview]

Toujours aussi progressif et s’engouffrant même dans des fulgurances cosmiques fortes et aériennes, le jeu des Américains atteint de nouveaux sommets. Avec « Crucible & Ruin », un cap est franchi par le combo de Nashville dans la maîtrise du songwriting notamment, mais aussi avec l’arrivée d’un nouveau membre à la guiatre et claviers, qui va permettre au désormais quatuor du Tennessee de s’élever encore un peu plus. Entouré d’une équipe de producteurs redoutables, HOWLING GIANT multiplie les mélodies accrocheuses et met en avant une maîtrise technique incroyable, qui lui permet à peu près tout. Le Heavy Stoner Prog du groupe prend de la hauteur et Tom Polzine (guitare, chant) ne cache pas sa grande satisfaction. Entretien.

– Ce troisième album sort dix ans après votre premier EP éponyme. C’est un cap souvent important dans la vie d’un groupe. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur cette première décennie de HOWLING GIANT ? 

Ces dix dernières années ont été formidables. Je pense que nous avons accompli bien plus que ce que j’espérais et il nous reste encore tellement de choses à faire. Découvrir la musique que nous avons pu composer ensemble a été une expérience incroyable et j’ai hâte de voir où cela nous mènera. Et j’espère aussi que nous reviendrons bientôt en France !

– Une chose est sûre, c’est que « Crucible & Ruin » est votre album le plus abouti, grâce notamment à un songwriting très créatif et efficace. Avez-vous changé votre façon d’aborder les morceaux, ou est-ce au contraire le fruit de toutes ces années de travail ?

Je pense que notre processus de composition évolue constamment. Je suis vraiment fier de tout le travail que nous avons accompli jusqu’à présent, et « Crucible & Ruin » n’est que la prochaine étape de notre parcours créatif. Nous n’avons pas nécessairement abordé cet album différemment de « Glass Future » du point de vue de la composition, mais nous aimons avoir un thème, ou du moins des images fortes en tête, lorsque nous composons. « Crucible & Ruin » a une ambiance thématique différente de celle de « Glass Future », et la composition s’y est forcément adaptée d’elle-même.

– Il y a quelques changements qui entourent ce nouvel album à commencer par l’arrivée aux claviers et à la guitare d’Adrian Lee Zambrano. C’est vrai qu’il apporte beaucoup de relief et de nouvelles tessitures au son de HOWLING GIANT. Est-il le membre qui manquait au groupe pour élever un peu plus son niveau de jeu, et en quoi sa première contribution a-t-elle consisté ?

Adrian est un musicien incroyablement talentueux et nous avons vraiment de la chance de l’avoir parmi nous. Lorsque nous l’avons intégré au groupe, l’album « Crucible & Ruin » était déjà pratiquement terminé, mais il a pu apporter sa contribution en ajoutant des sonorités et des nuances auxquelles nous n’avions pas pensé. Je pense que ces ajouts ont vraiment apporté une touche spéciale à cet album et ont contribué à donner vie à ces morceaux.

– Cette deuxième guitare apporte bien sûr de la puissance à l’ensemble, ainsi qu’un nouvel équilibre au groupe et il en ressort beaucoup de force. Cela vous ouvre aussi de multiples possibilités. Est-ce que, justement, vous avez pu expérimenter des choses inédites pour vous jusqu’à présent dans l’écriture ou le son ?

Lorsque j’enregistre un album, j’adore ajouter des couches de guitare supplémentaires et j’ai toujours inclus des harmonies complémentaires. Le problème, c’est que lorsque nous jouons en concert à trois, nous devons interpréter une version du morceau qui ne correspond pas toujours à l’enregistrement. Cette harmonie de guitare supplémentaire manquait jusqu’à présent. Maintenant qu’Adrian fait partie du groupe, nous pouvons les inclure, ce qui apporte une nouvelle dimension à nos performances live. Je suis impatient d’écrire le prochain album avec lui, en partant de zéro. Attendez-vous à plus de riffs et à plus de lignes mélodiques harmonisées ! Et j’en suis ravi.

– Pour conclure sur ce sujet, qu’est-ce que la formule à quatre a véritablement changé pour HOWLING GIANT, car celle du power trio est souvent synonyme de spontanéité ?

Je trouve qu’un groupe de quatre musiciens a un son plus ample sur scène et nous permet d’explorer des compositions plus complexes. Jouer en trio a son charme, mais cela comporte aussi des limites. Je pense que la version à quatre musiciens de HOWLING GIANT va nous ouvrir de nouvelles perspectives exceptionnelles.

– Pour la première fois, vous avez même quitté le « Bunker » où vous avez toujours enregistré vos albums, pour vous retrouver aux Almish Electric Chair Studios d’Athens en Ohio. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre cette décision ? C’était le bon moment pour sortir d’une certaine zone de confort et peut-être aussi de tourner une page ?

Nous savions dès le départ que nous voulions que notre prochain album présente une qualité sonore améliorée du point de vue de la production. A chaque album que nous sortons, nous souhaitons montrer une certaine progression, ou évolution, de notre son et Neil Tuuri des studios Amish Electric Chair a fait un travail extraordinaire pour nous aider à atteindre cet objectif.

– Justement, vous avez aussi travaillé cette fois avec Neil Tuuri, Kim Wheeler et James Sanderson. Est-ce que cette nouvelle équipe vous a ouvert des perspectives, car « Crucible & Ruin » est plus progressif, entre autres ? Et y a-t-il eu un travail particulier sur les atmosphères et les arrangements notamment ?

C’est vraiment l’équipe de rêve ! Neil nous a aidés à enregistrer les meilleurs sons possibles et a mixé cet album à la perfection. Kim nous a permis d’obtenir certaines des meilleures pistes vocales que nous n’ayons jamais enregistrées et ses conseils sur l’équilibre du mixage ont été inestimables. James Sanderson est l’un de mes meilleurs amis depuis longtemps et l’un des meilleurs auteurs-compositeurs que je connaisse. Son apport créatif nous a permis de donner une dimension supplémentaire aux chansons sur lesquelles nous travaillions. Je me sens vraiment chanceux d’être entouré de personnes aussi talentueuses et cela me donne beaucoup de confiance pour l’avenir de nos prochains albums.

– Enfin, j’aimerais qu’on dise un mot au sujet de « Beholder » que vous avez décliné en deux parties : « Downfall » et « Labyrinth ». Quel a été le déclic pour vous lancer dans un tel morceau qui sort vraiment des standards habituels, et comment vous y êtes-vous pris pour sa composition ? Etait-ce un bloc peut-être trop long que vous avez préféré scinder en deux ?

Les morceaux « Beholder I » et « Beholder II » ont été composés individuellement, mais ils illustrent l’influence d’un personnage particulier au sein du concept de l’album. « Beholder I » annonce l’arrivée d’une entité chaotique lovecraftienne issue de l’abîme cosmique, et « Beholder II » dépeint l’humanité vivant dans les conséquences d’un monde ravagé par l’impact de cet événement.

Le nouvel album de HOWLING GIANT, « Crucible & Ruin », est disponible chez Magnetic Eye Records.

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International Psych Prog Rock 70's

The Vintage Caravan : a taste of freedom [Interview]

Rétro, mais pas trop ! Les Islandais poursuivent leur irrésistible ascension avec « Portals », et ce sixième album vient confirmer une créativité toujours aussi présente. Audacieux, THE VINTAGE CARAVAN combine avec beaucoup de savoir-faire des élans classiques et une aspiration très moderne dans un Rock, qui s’aventure dans des contrées progressives, Folk et psychédéliques au parfum 70’s. Depuis quelques années maintenant, le power trio n’a de cesse d’écumer les scènes et cela s’en ressent dans ce nouvel opus très mature. Óskar Logi Ágústsson, chanteur et guitariste du groupe, revient sur sa conception et son enregistrement sous le soleil de Porto.

– Si l’on prend vos albums un par un, à savoir « Voyage », « Arrival », « Gateways » et « Monuments », sans compter votre premier opus éponyme, ils ont tous en commun un titre assez conceptuel. Est-ce que c’est quelque chose que vous faites consciemment, et est-ce qu’un titre peut vous inspirer la direction d’un disque ?

Oui, c’est vrai que nous avons principalement abordé le concept de mouvement en ce qui concerne les titres de nos albums, ce qui semble tout à fait approprié au nom du groupe. Nous avons parfois plaisanté en disant que le prochain album s’appellerait « Bagages encombrants » ou « Porte A23 » (« Bulky Luggage » ou « Gate A23 » – NDR). Les titres étaient généralement choisis après l’enregistrement des albums et ce n’est que cette fois-ci que le titre a influencé l’album lui-même. Stefán (Ari Stefánsson, batterie – NDR) a trouvé le titre en référence à Porto, où nous avons enregistré l’album. Et nous avons toujours voulu inclure des interludes sur l’un de nos albums, alors j’ai eu l’idée de créer « Portail I, II », etc… Alex (Örn Númason, basse – NDR) les a réalisé en utilisant de vieilles cassettes, en les étirant et en créant de véritables boucles, puis en y ajoutant des synthétiseurs, des enregistrements d’oiseaux, des conversations de personnes dans des restaurants et toutes sortes d’autres sons.

– D’ailleurs, en restant sur la notion de concept, quel est celui de « Portals », ou du moins sa ligne directrice ? En ponctuant l’album d’interludes du même nom et au nombre de cinq, quelle a été votre intention ? Marquer des chapitres ?

Il n’y a pas vraiment de concept précis. On voulait simplement faire le meilleur album possible et le plus expérimental qu’on ait jamais réalisé. On a souhaité essayer de nouvelles choses, ne pas avoir peur d’expérimenter, minimiser les superpositions de guitares, installer les baffles et les amplis dans la même pièce que nous et enregistrer comme si c’était un concert en direct. L’idée était de prendre des risques. Par exemple, tous les solos sont enregistrés en direct. Si je me ratais, on devait insérer une autre prise complète avec la basse, la batterie et tout le reste. Et si ça ne marchait pas, on devait carrément refaire une autre prise.

– « Monuments » est sorti il y a déjà quatre ans et il avait marqué un tournant dans votre style, qui était devenu plus volumineux et massif notamment. Avec « Portals », vous enfoncez le clou avec une démarche peut-être plus moderne dans le son surtout. C’était votre objectif ?

Curieusement, c’était la première fois que nous enregistrions sur bande et ce fut une expérience incroyable. Nous avons utilisé beaucoup d’amplis vintage. Alex a ajouté pas mal de synthétiseurs et un vieux Farfisa (marque de claviers italienne – NDR) pour créer de belles textures sonores. Notre approche était de faire en sorte que l’on ressente les synthétiseurs plutôt que de les entendre distinctement.

– Justement, est-ce qu’en modernisant votre approche musicale, THE VINTAGE CARAVAN est-il toujours aussi vintage ?

Je pense que nous sommes simplement en train de mûrir et de trouver notre propre style et notre propre voie. Il y a toujours un aspect vintage dans notre approche, mais nous avons toujours fait figure d’exception au sein des genres auxquels on nous a associés. Nous jouons du Rock’n’Roll un peu comme un groupe de Metal. D’ailleurs, les deux autres membres faisaient partie de groupes de Metal avant de rejoindre le groupe. Tandis que moi, j’ai toujours été dans THE VINTAGE CARAVAN ! (Rires) Mais au final, nous jouons ce que nous ressentons sans trop nous poser de questions, nous laissons la musique s’exprimer librement et nous la jouons avec sincérité.

– « Monuments » vous avait permis de beaucoup tourner et c’est toujours profitable pour la cohésion d’un groupe, ainsi que pour l’aspect expérimental que cela représente en public. Qu’avez-vous appris de tous ces concerts sur votre son, car « Portals » a également une production très live ?

Nous sommes en tournée intensive depuis 2014 et nous apprenons constamment de nouvelles choses. L’une des choses que nous voulions faire différemment était de minimiser les ajouts en post-production et d’aborder l’enregistrement comme un album live. Nous avons travaillé dur pour trouver le bon son dès le départ, puis nous avons commencé l’enregistrement. L’utilisation de la bande magnétique nous a incités à jouer différemment, à prendre plus de risques et il y a beaucoup d’imprévus et d’erreurs sur l’album, mais c’est précisément ce qui le rend authentique.

– Cela nous amène au morceau « The Philosopher », qui ouvre l’album, avec la présence de Mikael Åkerfeldt d’Opeth avec qui vous avez tourné. Cette collaboration est-elle née sur la route, ou l’avez-vous contacté une fois la chanson composée ?

Je lui ai envoyé un message après l’enregistrement. Il nous avait proposé d’enregistrer du mellotron sur l’album plus tôt dans l’année, lors de notre rencontre au festival ‘Bloodstock’. Alors, quand on a parlé de trouver quelqu’un pour faire des voix additionnelles, son nom est revenu. Je lui ai envoyé la chanson et il l’a aimée. On a encore du mal à croire que ça ait marché, c’est un musicien exceptionnel et un type formidable. Nous lui sommes très reconnaissants d’avoir accepté et de nous avoir donné l’opportunité de faire leurs premières parties sur trois tournées.

– Vous avez parlé d’un pont entre générations portées par le Prog pour ce morceau. Qu’est-ce que vous entendez par là ? Vous pensez à une succession, comme l’avenir d’un héritage ou à un rapprochement ?

Je ne sais pas qui a dit ça ​​! (Rires) Mais oui, il n’y a pas de réflexion profonde derrière cette collaboration, juste nous qui jouons la musique en laquelle nous croyons et que nous aimons, et heureusement, Mikael était partant.

– Pour l’enregistrement de « Portals », vous avez quitté votre Islande natale pour le Portugal. C’est un contraste géographique saisissant. Aviez-vous besoin de nouvelles sources d’inspiration ? Pourtant, vous êtes toujours accompagnés par votre ami Axel ‘Flexi’ Árnason. Est-il le garant de votre son d’une certaine manière, d’autant que l’enregistrement s’est fait cette fois sur bande comme tu l’as rappelé ?

Nous nous sommes simplement délectés de leur café et de leur Super Bock, après les sessions évidemment, et c’était une source d’inspiration suffisante ! (Sourires) Tu sais, Flexi joue un rôle important dans notre histoire. Il a été un mentor, mais cette fois-ci, nous avions plus d’expérience que lorsque nous avons travaillé ensemble sur « Arrival » en 2015, et nous savions ce que nous voulions. Flexi est vraiment incroyable et il parvient à faire ressortir quelque chose de spécial en nous.

– « Portals » présente les éléments caractéristiques de THE VINTAGE CARAVAN, c’est-à-dire un Heavy Rock 70’s teinté de Blues et de Stoner. Il est cependant plus nerveux et véloce que ses prédécesseurs. Est-ce vos participations au Wacken Open Air, au HellFest et votre tournée avec Opeth, donc des univers Metal, qui vous ont conduit à durcir le ton ?

Non, pas vraiment. Nous jouons dans des festivals de Metal depuis 2012 et nous participons régulièrement au Wacken et à d’autres festivals du même genre depuis 2014. Donc, cela ne nous a pas vraiment influencés. Je pense qu’il y avait pas mal de morceaux à tempo moyen sur le dernier album et j’avais juste envie de composer des morceaux plus rapides.

– Enfin, est-ce que le Psychédélisme originel des 70’s dans lequel vous avez commencé a, selon toi, évolué ces dernières années et aujourd’hui surtout à l’ère du tout numérique ?

Oui, je pense que cette scène perd en popularité et en créativité. Il y a de moins en moins de grands groupes et c’est aussi de plus en plus difficile à bien des égards. Mais nous sommes comme l’herpès : nous revenons toujours… et plus forts que jamais ! (Rires)

Le nouvel album de THE VINTAGE CARAVAN, « Portals », est disponible chez Napalm Records.

Photos : Stefen Ari Stefensson (1, 4, 5)

Retrouvez le groupe en interview à l’occasion de la sortie de « Monuments », ainsi que la chronique de l’album et celle du Live :

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International Metal Fusion Rap Metal

Senser : perpetual rebellion [Interview]

Plus de 30 ans après le phénoménal « Stacked Up », qui les a révélé et aussi marqué toute une génération de fans curieux, SENSER n’a pas pris la moindre ride et, surtout, n’a pas dévié de son registre si atypique dans lequel certains ont pourtant tenté de s’engouffrer. Une intemporalité dans le son comme dans la forme, qui tient à une faculté d’adaptation hors-norme du sextet à se renouveler sans jamais trahir son ADN Rap et Metal. L’incontournable fondateur et frontman, Heitham Al-Sayed est toujours le garant de l’identité du combo britannique, tout comme tous les musiciens de l’explosive formation, dont le socle a très peu changé depuis le début. Avec « Sonic Dissidence », son septième album, le groupe joue encore et toujours sur les dualités : riffs acérés vs scratchs, voix féminine et masculine, le tout soutenu par un duo basse/batterie sans concession. Ce nouvel opus est à ranger parmi les meilleures productions de l’année, tant elle défie les genres avec talent et un impact qui ne faiblit pas. Entretien avec le rappeur et chanteur, qui fait le point sur la démarche hors-norme de SENSER et le chemin parcouru.

– On en parlait hors interview, et c’est vrai que votre premier album, avec des morceaux comme « Age Of Panic » ou « Eject », représente des moments de vie importants pour une certaine génération. Il y avait beaucoup de liberté dans ce premier effort. Quel est ton regard aujourd’hui sur cette époque et ce qu’elle a apporté ?

Les conditions étaient différentes dans le paysage musical, pas seulement pour les groupes. L’industrie et la technologie étaient telles que si tu avais quelque chose d’intéressant à présenter, il suffisait juste d’acheter un moyen de transport, d’y mettre tes instruments et de partir booker des dates. Et puis sur place, tu pouvais toujours imprimer des t-shirts, faire des cassettes pour créer des moments fun, le tout dans un esprit très DIY, comme à la maison. Tu ne pouvais peut-être pas totalement vivre de la musique, mais tu pouvais au moins créer quelque chose. Ensuite, il y avait plein de petits labels indépendants et c’était plus facile pour obtenir les contacts et avoir une présence dans le monde entier, créer des vidéos, etc… Il y avait tout un réseau qui faisait ça. Aujourd’hui, c’est très différent. Tu me parlais de la liberté de la musique. Elle a toujours été là, en fait. C’est un choix que nous avons fait. Mais on n’est pas toujours obligé de rester dans des choses révolutionnaires. Nous écoutons toujours plein de musiques différentes comme le Hip-Hop ou la Pop-Dance avec la même passion. Et nous avons tout incorporé dans notre musique. Et l’avantage qu’on avait aussi, c’est qu’on pouvait tout jouer en live, juste le guitariste et moi au chant et aux samples. On avait besoin de beaucoup moins de choses finalement. 

– Il y a un peu plus de 30 ans déjà, SENSER faisait irruption sur la scène britannique en brisant les codes, grâce à un Metal Fusion, jusqu’alors assez inédit. Que ce soit au niveau du Metal, du Rap ou de l’Electro, vous étiez au top de tous ces styles. Comment s’était formé le groupe, qui avait d’ailleurs des allures de collectif aussi à l’époque ?

Oui, il y avait cette impression car, comme beaucoup de groupes, on a souvent dû changer de musiciens. On a eu un premier batteur excellent, mais qui a eu des problèmes psychologiques, un DJ qui n’était pas vraiment dans le même univers que nous, etc… Donc, au début, il y a eu plusieurs changements. A partir de l’album « Staked Up », le line-up s’est stabilisé, même si Johnny (Morgan, batterie – NDR) et moi sommes allés sur d’autres projets. Mais, nous sommes toujours revenus. Et si tu prends SENSER aujourd’hui, c’est le même groupe à la seule différence du DJ. Cela fait un an et demi qu’il est avec nous. L’ancien s’était un peu radicalisé à l’extrême droite et nous, c’est quelque chose qu’on ne peut absolument pas revendiquer. C’est même tout le contraire de ce que je chante ! (Rires)

– Après quelques singles à succès et surtout l’album « Stacked Up », SENSER a explosé dans tous les sens du terme, puisque tu es aussi parti fonder Lodestar. Que s’était-il passé ? Un succès trop soudain ? Une pression devenue trop forte ?

Cela n’a pas été soudain, car on tournait depuis des années avec notre petit van. On a fait beaucoup, beaucoup de choses. Puis, on a enregistré l’album, nous avons tourné et tout cela a duré quelques années. Si tu fais le compte, entre le début de la conception de « Stacked Up » jusqu’à la fin du cycle, cela représente environ cinq ans de la vie du groupe. J’étais presque un ado et à la fin j’avais 25 ans et je n’en pouvais plus ! J’avais besoin d’une pause pour explorer quelque chose de différent. On avait pourtant commencé à composer un autre album dans la foulée, mais c’était comme un citron qu’on aurait trop pressé : ça ne venait pas naturellement. On ne voulait pas pour autant quitter le groupe. Et puis, il y a eu quelques pressions du mangement, qui a vu l’opportunité de faire deux projets. Ca voulait dire plus de ventes, des concerts, parfois de l’argent aussi et il nous a poussé à le faire en nous disant qu’on pouvait assurer les deux projets en même temps. Mais, on aurait peut-être dû prendre juste une pause. Ensuite, les autres membres étaient partants aussi. Et deux ans plus tard, nous sommes revenus pour SENSER et là on était prêts. Tout le monde a eu l’impression que ça a explosé mais, en fait, non… (Sourires)

– Malgré les deux albums suivants (« Asylum » et « Parallel Charge »), c’est avec « SHEMAtic » que vous retrouvez la lumière en 2004. Il aura fallu dix ans pour retrouver l’élan de vos débuts et cette inspiration. Y a-t-il eu un déclic ?

Pas vraiment, car nous avons toujours eu ça en nous. On voulait vraiment continuer à faire ce genre de musique ensemble. J’avais juste besoin d’un break, car le fait de tourner pendant cinq ans avec les mêmes personnes dans ces conditions-là est assez difficile. Nous n’étions pas le genre de super-groupe avec son propre bus, où tu vas jouer dans des villes où tu peux rester un peu, etc… C’était assez intense et j’ai eu besoin de lever le pied. Pendant ce temps-là, je me suis marié, j’ai retrouvé une sorte de vie normale et après j’ai déménagé à Paris aussi. Il fallait que je me retrouve un peu, avoir une relation plus saine avec moi-même pour renouer aussi avec l’inspiration qui m’animait sur le premier album. Mes batteries étaient vides à ce moment-là. On n’aurait pas fait tous ces albums et celui qui vient de sortir, si nous n’avions pas pris un peu de recul et procéder aussi à des changements dans notre quotidien. Nos vies n’étaient pas normales !

– L’une des particularités de SENSER est d’avoir toujours garder ce mélange de chant féminin et masculin. Est-ce que, selon toi, c’est aussi ce qui rend le groupe incontournable et unique en son genre ?

Oui, c’est quelque chose de très important. Dans le Hip-Hop, et dans le Metal aussi, tu peux compter sur les doigts d’une main le nombre de femmes au chant depuis les années 80 ! Dans le Rap, leur présence se résumait surtout à des featurings, où la chanteuse venait juste en soutien du chanteur. C’est le masculin qui dominait l’ensemble. Il y avait juste Digable Planets de Brooklyn et un ou deux autres, mais pas les plus connus. Et en ce qui nous concerne dans SENSER, nous sommes arrivés ensemble et ce n’est pas du featuring…. (Sourires)

– D’ailleurs, ce qui est surprenant en se replongeant dans « Staked Up » et en enchaînant directement sur « Sonic Dissidence », c’est que la fougue, la volonté et l’envie n’ont pas changé. Seuls le son et la production sont plus actuels. Aviez-vous, dès le début, le sentiment de créer une musique aussi intemporelle ?

Non, pas vraiment, dans le sens où je n’arrivais pas à me projeter. Franchement, j’ai toujours pensé que j’allais mourir à 27 ans ! Quant tu as cet âge-là, je ne pense que tu puisses imaginer concrètement ton avenir. Je suis vraiment très reconnaissant, car on a beaucoup de chance de pouvoir mener un projet aussi personnel et sans compromis pendant 30 ans ! Je me rends bien compte à quel point c’est rare et c’est génial. Il y a des gens qui sont toujours là, qui achètent nos disques et qui viennent aux concerts. Je trouve ça ultra-touchant, oui… (Sourires)

– D’ailleurs, depuis combien de temps êtes-vous sur la composition de ce sixième album, et est-ce que chacun apporte sa contribution, car votre style est très riche ?

Avant, quand on vivait dans tous dans le même pays, la même ville et presque les mêmes quartiers, il y a avait beaucoup de jams où tout le monde venait. Et ça, c’était épuisant ! On passait nos journées dans les salles de répétition, on faisait tourner des idées en boucle. C’était très difficile de sortir quelque chose à partir de séances, de bœufs improvisés. Alors, bien sûr, il y avait des contraintes et chacun faisait des petites démos chez lui. Je pense que la technologie d’aujourd’hui a libéré tout le monde. J’ai même fait des maquettes cette fois-ci sur mon téléphone ! Donc, il y a des démos qui viennent d’un peu partout et on se les repasse tous entre-nous. A partir de là, tu peux ajouter plein de choses et vraiment te lâcher, ou au contraire les mettre de côté. C’est plus facile aussi pour mettre tout le monde d’accord. On échange beaucoup de cette manière maintenant.

– J’aimerais qu’on parle aussi des textes, qui ont toujours été très engagés chez SENSER. Quelles différences notes-tu depuis vos débuts, et est-ce que les combats ne sont finalement pas un peu les mêmes dans une société, qui manque peu à peu de repères et de valeurs ?

Oui, il y a toujours eu de l’engagement dans SENSER. Mes premières influences viennent des premiers Rap que j’ai écoutés et qui étaient surtout constitués de breaks et d’électronique. Ensuite, ça a été Public Enemy, Run DMC, etc… . Ce n’est pas super engagé, mais il y avait quand même quelque chose de revendicatif. Public Enemy a été très important pour moi, ainsi que Crass (collectif d’artistes britannique d’anarcho-punk, fondé en 1978 – NDR). Là, j’ai compris que je pouvais aborder mes propres sujets. J’adorais ces groupes Punk et ce qu’ils exprimaient. Il y a d’ailleurs beaucoup de similitudes entre Crass et Public Enemy quand on y pense. Chuck D. s’est présenté avec du design sur l’image avec des logos simples et une grande éducation sur l’histoire politique du mouvement des droits civils aux Etats-Unis. Il y avait une pensée derrière, des idées. Très rapidement, je me suis rendu compte que c’était ce que je voulais faire, proposer une sorte de miroir de la société. Tout le monde regarde la télé, son téléphone ou va manifester pour s’exprimer. De mon côté, je voulais le transmettre à travers notre musique. C’est un processus très naturel, en fait, et un choix très conscient.

– J’allais justement y venir, car il y a vraiment le sentiment que ce nouvel album se fait le témoin de notre époque, avec toute sa noirceur et aussi sa luminosité. Est-ce dans ce sens que vous l’avez souhaité et composé ?

Oui, ça a toujours été ça ! En effet, c’est certainement une sorte de miroir au niveau des paroles. Il ne faut pas oublier que cela a toujours existé dans le Rap avec Public Enemy ou KRS-One, par exemple, mais pas à ce point, c’est vrai. C’était ultra-engagé, tout comme les groupes Punk d’ailleurs. Dans le Metal, c’est un peu différent. Il y a des groupes comme Napalm Death et d’autres où tu ne peux pas te tromper sur leurs idées politiques, leurs positions et leurs points de vue sur le monde, comme Sepultura aussi dans un sens. Même Slayer, si tu écoutes bien, fait un peu la même chose avec la religion dans un cadre plus morbide. Il faut voir sous quel angle ils tiennent le miroir sur ce qui est important. Ca a toujours été présent avec différentes manières de l’exprimer.  Et pour moi, le Rap s’y prête également, bien sûr. Après, le style s’est énormément matérialisé avec des gens comme Puff Daddy, et notamment ‘P. Diddy & the Bad Boy Family’ qui ont vraiment fait de la merde ! Mais, parallèlement, ils sortaient des trucs mortels, alors que le reste était conçu pour la grande consommation. Maintenant, je comprends très bien l’idée d’avoir du succès, de l’argent… et de fétichiser tout ça. Je comprends l’impulsion qui est derrière et ce désir de sortir d’une certaine situation socio-économique où l’on n’a pas peur de montrer son argent. Mais artistiquement, c’est vide !

– Enfin, revenons à votre dualité vocale dans SENSER. Avec Kerstin Haigh qui s’est imposée, vous formez un tandem explosif et je trouve aussi qu’elle est plus présente sur « Sonic Dissidence » et que l’équilibre est parfait. De quelle manière travaillez-vous cette complémentarité ? Le faites-vous ensemble sur les lignes de chant, notamment ?

Sur les lignes vocales, oui, un peu plus. Mais sur les paroles : zéro ! (Rires) Sur les textes, on fait chacun notre truc, c’est ça qui est incroyable. On a déjà essayé de travailler ensemble sur des morceaux, une fois ou deux, et ça ne marche pas trop. Parfois, on reprend une ligne de l’autre, comme je peux le faire sur scène, par exemple. Et à d’autres moments, si mes lignes sont plus adaptées à elle, elle reprend certaines de mes paroles. Dans ces cas précis, ça marche, mais on expérimente rarement. En fait, on essaie de se suivre et de créer une continuité dans l’interprétation. Mais on n’écrit jamais ensemble, c’est bizarre, hein ? (Sourires)

Le nouvel album de SENSER, « Sonic Dissidence », est disponible sur le Bandcamp du groupe : https://senser.bandcamp.com/album/sonic-dissidence-2

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Americana Blues International Soul / Funk

Laura Evans : le scintillement d’une étoile [Interview]   

« Out Of The Dark » est un album qui emporte par ses mélodies soignées, cette voix aussi proche qu’attachante et une osmose de chaque instant sur des compositions aux arrangements très soignés. Entre Americana et Blues Rock, LAURA EVANS glisse quelques touches vocales Pop malicieuses et sensuelles. L’univers de la Galloise est aussi vaste qu’authentique et si ce n’est pas la précision et le feeling des guitares qui vous saisissent, ce sera à coup sûr ce chant aussi puissant que familier et troublant. La frontwoman et compositrice affiche aujourd’hui un style très personnel, qui vient se nourrir de vécu et de musiques aux horizons variés. Entretient avec une artiste, qui a façonné un disque où elle va à l’essentiel dans une liberté totale.

– Beaucoup de gens vont te découvrir avec ce nouvel album, « Out Of The Dark », dont tu as déjà sorti quelques singles. Pourtant, l’aventure a commencé en 2014 avec ton premier EP « Remember When ». Le style était plus épuré et très acoustique. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur tes débuts ?

Je repense à cette époque avec beaucoup d’émotion. « Remember When » a été mon premier véritable pas dans le partage de ma musique avec les gens. A l’époque, le son acoustique et épuré me semblait la manière la plus authentique de m’exprimer. Je n’avais ni de grande équipe, ni une production élaborée. J’étais seule avec les histoires que je voulais raconter. Ces débuts étaient purs et bruts, et ils ont véritablement posé les bases de tout ce que j’ai fait depuis.

– Tu as ensuite sorti deux singles en 2020 avant ton premier album « State Of Mind » deux ans plus tard. C’est à ce moment que tu as rencontré le producteur et multi-instrumentiste Josiah J. Manning du Kris Karras Band. Sachant que tu es aussi auteure et compositrice, qu’est-ce qui a changé à ce moment-là dans ta manière de concevoir ta propre musique ?

Ma rencontre avec Josiah a été un tournant pour moi. J’avais écrit tellement de chansons pour l’album suivant, et Josiah m’a encouragé à oser mes arrangements et à me tourner vers des textures plus naturelles et organiques, qui me plaisaient naturellement. Cela a insufflé une nouvelle énergie à mon écriture et m’a aidé à façonner « State of Mind » en quelque chose d’authentique mais de plus vaste.

– D’ailleurs, de toutes tes réalisations, « State Of Mind » est celle qui possède le son le plus brut et le plus roots. L’album t’a aussi distingué du reste de la scène féminine de l’époque. Etais-tu guidée par le désir d’une sorte de retour aux racines sans fioritures de l’Americana, du Blues et du Rock ?

Absolument. A ce moment-là, je voulais me débarrasser de tout artifice superflu et me concentrer sur l’essentiel des chansons : l’émotion, la narration et la musicalité. Je voulais aussi me démarquer en tant qu’artiste. Avec « State of Mind », je pense que j’ai pu apporter ma touche personnelle au son Blues Rock, et je pense que c’est cette honnêteté qui le distingue.

– On te retrouve donc aujourd’hui avec « Out Of The Dark », qui porte d’ailleurs très bien son nom, puisque ce deuxième album est très lumineux et propose aussi une production plus claire et moderne. L’idée première était-elle de faire sonner un registre intemporel avec un aspect très actuel ?

Oui, c’était vraiment l’objectif. Je voulais créer quelque chose qui conserve la chaleur et la sincérité de mes premiers travaux, mais en les transposant dans un espace plus contemporain. « Out Of The Dark » marque un nouveau chapitre, tant sur le plan personnel que musical. Il était donc naturel de viser un son à la fois intemporel et frais, capable de trouver un écho auprès des auditeurs de longue date comme auprès du nouveau public. Je voulais aussi faire quelque chose de différent pour moi-même : j’ai été profondément inspiré par de nombreuses musiques et sonorités nouvelles, et c’était tellement excitant de créer et de me dépasser avec cet album.

– Cette fois, c’est avec le producteur Ian Barter (Amy Winehouse, Paloma Faith) que tu as travaillé et on te découvre aussi dans d’autres tonalités. Ton talent de conteuse est intact et ta musique offre une autre dynamique et un nouvel élan. Avais-tu besoin d’un nouveau collaborateur pour faire évoluer un peu plus tes chansons ?

Absolument. Je pense qu’il est important d’évoluer et de se remettre en question sur le plan créatif. Travailler avec Ian a apporté une perspective différente à ma musique. Il a une excellente oreille pour mélanger des éléments organiques et modernes, et il m’a vraiment poussé à explorer de nouvelles textures et dynamiques. C’était rafraîchissant d’entrer en studio avec quelqu’un qui avait un parcours musical et une vision différents. Cela a permis aux chansons de se développer de manière inattendue et magnifique.

– La première chose que l’on remarque sur « Out Of The Dark » est ton incroyable performance vocale. Il y a beaucoup plus de liberté et de puissance dans ta voix. Comment as-tu travaillé cet aspect et est-ce que Ian Barter est pour quelque chose dans ce qui ressemble à une véritable éclosion ?

Merci, ça me touche beaucoup. Vocalement, j’ai abordé cet album avec plus d’assurance. Ces dernières années, j’ai beaucoup progressé en tant qu’interprète et j’ai appris à vraiment faire confiance à ma voix. Ian a grandement contribué à créer un environnement, où je me sentais libre d’expérimenter et de repousser mes limites. Il m’a encouragé à abandonner mes idées préconçues et à chanter, et cette liberté transparaît vraiment dans les enregistrements.

– D’ailleurs, « Out Of The Dark » rassemble plusieurs couleurs musicales qui vont du Blues Americana aux ballades plus Soul, en passant par des ambiances plus Pop, Rock, Funky, ainsi que Country et Southern. C’est dans l’assemblage de tous ces styles que tu trouves ta véritable identité artistique et que tu te révèles vraiment ?

Oui, à 100 %. Je ne me suis jamais sentie confinée à un seul genre, et « Out Of The Dark » m’a donné l’occasion de m’y immerger pleinement. Tous ces styles font partie intégrante de mon ADN musical, et les mélanger m’a semblé naturel plutôt que forcé. Pour moi, le fil conducteur est la narration. Quel que soit le style, les chansons sont authentiques. Cet album m’a permis de révéler d’autres facettes de moi-même et, d’une certaine manière, de révéler ma véritable identité artistique.

– On l’a dit, tu écris toutes tes chansons et notamment les textes. Est-ce que tu as voulu installer uns sorte de fil conducteur sur « Out Of The Dark », car il y a une réelle unité dans l’aspect musicale et dans les paroles, et tout s’enchaîne parfaitement ?

Oui, il y a clairement un fil conducteur. « Out Of The Dark » parle de croissance, de résilience et de retrouver la lumière après des moments difficiles. Même si les styles musicaux varient, les thèmes ont tous un lien entre eux : c’est un voyage, tant au niveau des paroles que de la sonorité. J’ai voulu créer un album cohérent, où chaque chanson participe à un récit plus vaste.

– Ce deuxième album est très fédérateur et complet. Est-ce l’objectif que tu t’étais fixé dès le départ, et est-il aussi le plus personnel des deux ?

C’est vrai. Dès le départ, je voulais que cet album soit une œuvre complète, un reflet de qui je suis aujourd’hui, en tant qu’artiste et en tant que personne. Il est clairement plus personnel. Beaucoup de chansons sont nées d’expériences réelles et de moments de découverte personnelle. Je pense que c’est ce qui le rend si rassembleur. Il est sincère du début à la fin.

– Enfin, tu es aussi actrice, même si la musique semble passer aujourd’hui au premier plan. Qu’en est-il de ce côté-là ? Accordes-tu définitivement la priorité à ton activité actuelle, au-delà de la sortie de l’album, ou tu ne fermes aucune porte ?

La musique est sans aucun doute ma principale préoccupation en ce moment, surtout avec la sortie de « Out Of The Dark » et tout ce qui va avec. Mais le métier d’acteur a toujours fait partie de moi, et je ne le considère pas comme quelque chose que je vais abandonner. J’aime garder les portes ouvertes et suivre mon énergie créative. Pour l’instant, cette énergie est principalement centrée sur la musique, mais qui sait ce que l’avenir nous réserve ! (Sourires)

Le nouvel album de LAURA EVANS, « Out Of The Dark », est disponible sur le site de l’artiste : https://thelauraevans.com/shop

Photos : Rob Blackham

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International Technical Thrash

Coroner : creative theory [Interview]

32 ans ! Que l’attente fut longue, mais que l’offrande du power trio suisse est belle ! Officiellement reformé en 2010, il n’a pourtant pas été question de nouvelles compositions avant un interminable moment, juste de quelques apparitions scéniques. Ce sixième album vient donc sceller le retour du groupe également en studio, et on se sentirait presque au lendemain de la sortie de « Grin ». Le style de CORONER est décidemment indémodable, inégalable et paré d’une production actuelle, il fait toujours office de mètre étalon. « Dissonance Theory » est véloce, massif et puissant et le Technical Thrash des Helvètes parvient encore à s’élever, ce dont une majorité de groupes rêverait. Grand architecte du combo depuis ses débuts, le guitariste Tommy Vetterli revient sur les décennies écoulées et livre sa vision de ce nouvel opus, comme de son registre atypique et si personnel.

– La première question que j’ai envie de te poser est de savoir de quelle manière la pression de cette attente s’est traduite pour vous ? A-t-elle été une source de motivation, voire d’inspiration ?

Tu sais, en fait, on s’est réuni une première fois en 2011 et on voulait juste faire quelques concerts. Ensuite, il y a 14/15 ans, Mark (Edelmann aka ‘Marquis Marky’, batterie – NDR) a décidé d’arrêter. Mais Ron (Broder, chant et basse – NDR) et moi avions vraiment envie de continuer, car on y prenait beaucoup de plaisir. Alors bien sûr, nous étions un peu obligés d’écrire de nouveaux morceaux à ce moment-là. Evidemment, il y a eu un peu de pression avant de s’y mettre. On s’est demandé comment cet album devrait être, ce genre de questions. Mais je me suis assez rapidement rendu compte que cela n’avait aucun sens de regarder dans le passé. Je n’avais pas envie de réécrire un nouveau « R.I.P. » (sorti en 1987 – NDR). Nous sommes 40 ans plus tard, et je suis aussi une personne différente. Tu sais, on a toujours écrit pour nous, et non pour le public. C’est aussi pour ça que notre musique a toujours été un peu bizarre. (Sourires) On a juste pris notre temps et patienter un peu…

– En 30 ans, vos vies ne se sont pas arrêtées et chacun d’entre-vous a développé divers projets et activités. Que s’est-il passé après « Grin » ? Y a-t-il eu une forme de lassitude chez CORONER ?

Oui, nous nous sommes arrêtés en 1996. Après notre dernier concert, le manageur de Kreator m’a contacté et m’a demandé si je voulais rejoindre le groupe. J’ai donc joué dans Kreator pendant quatre ans. Ensuite, j’ai joué avec Stephan Eicher durant quelques années aussi. Finalement, j’ai toujours été très occupé ! Après, au début des années 2000, j’ai arrêté la guitare pour me concentrer sur la production. J’ai travaillé dans un grand studio, qui est d’ailleurs celui où je suis aujourd’hui. Par la suite, j’ai rencontré le groupe 69 Chambers, qui était celui de mon ex-femme. J’y suis allé pour leur donner un coup de main, un peu comme un roadie d’ailleurs ! (Rires) J’avais juste fait un titre comme ça pour m’amuser et j’y suis resté en fin de compte. Et j’ai donc recommencé à jouer…

– Chaque album de CORONER est d’une incroyable minutie, tant au niveau de la composition que de la production. Depuis combien de temps travaillez-vous sur « Dissonance Theory », et est-ce que ce sixième opus vous a demandé plus d’effort ?

J’ai commencé à écrire en 2015 et c’était d’ailleurs sur l’ouverture du riff de « Renewal ». Mais tu vois, j’ai terminé le morceau cette année, ou en fin d’année dernière. Cela a pris beaucoup de temps, et cela s’est aussi passé par blocs. Cela vient du fait que j’ai travaillé pendant très longtemps comme producteur. J’ai fait environ 60 albums durant cette période de pause du groupe. Par exemple, j’en ai fait deux pour Eluveitie et ils étaient en studio pendant deux ou trois mois, et je ne pouvais pas jouer de guitare à ce moment-là. Quand ils sont partis, il m’a fallu quelques jours pour réapprendre à jouer et retrouver mes marques sur ma guitare. Ensuite, j’ai aussi du retrouver le bon rythme et le bon état d’esprit pour composer. Pour diverses raisons, je n’arrivais pas à le faire dans mon propre studio car, dans chaque coin où je posais les yeux, j’y voyais toujours du travail. J’ai donc dû prendre quelques jours et je suis allé dans la montagne, tout seul, et tout s’est remis à fonctionner normalement. Ensuite, un nouveau groupe est arrivé et cela m’a freiné à nouveau. C’est la raison pour laquelle cela m’a pris dix ans. Et puis, il y a la vie aussi qui s’en mêle : des amis sont décédés, mon père est mort, j’ai divorcé de ma femme et après il y a aussi eu le Covid. Ca fait beaucoup, d’autant qu’on voulait vraiment faire un super album !

– « Dissonance Theory » est aussi le premier album avec Diego Rapacchietti (69 Chambers) à la batterie. Est-ce que son arrivée a elle aussi apporté une nouvelle impulsion à CORONER, sachant le rôle primordial de la rythmique chez vous ?

Oui, mais tu sais, je connais Diego depuis longtemps, bien avant qu’il ne joue avec 69 Chambers. J’avais beaucoup travaillé avec lui sur différentes productions dans mon studio. C’est un véritable batteur de session. Il est capable de jouer tous les styles que ce soit de la Pop ou du Metal… Il sait tout faire ! Lorsque nous avons travaillé pour la première fois ensemble, c’était il y a une vingtaine d’années. Nous partageons une forte connexion tous les deux. Pour moi, c’était une évidence qu’il devienne le nouveau batteur de CORONER quand Marky est parti. Et, étant donné qu’il peut absolument tout jouer, cela a été une grande liberté pour moi au niveau de la composition.

– Lorsqu’on a connu, comme moi, le groupe à ses débuts, la première écoute de « Dissonance Theory » a été un moment très particulier, entre une énorme impatience et aussi peut-être une certaine crainte, car on s’imagine légitimement toutes sortes de choses. Or, c’est un album qui est d’une incroyable fluidité et surtout qui n’a absolument rien de passéiste. L’idée était-elle de vous concentrer sur les envies de CORONER en 2025 ?

En fait, j’ai toujours eu les sonorités de l’album en tête, ainsi que la manière dont cela devait être assemblé. Tout d’abord, je voulais une production moderne, car cela sonne mieux que les anciennes. Quand c’est bien fait, en tout cas. Nous avons utilisé diverses machines actuelles, mais avec une approche un peu à l’ancienne. Aujourd’hui, beaucoup de groupes font juste deux prises et les retravaillent pendant des heures. De notre côté, nous avons préféré les refaire jusqu’à ce que nous soyons pleinement satisfaits du résultat. Nous n’avons pas réédité les choses à l’infini. Pas du tout, et même bien au contraire. Cette manière de faire nous a permis d’obtenir un son très moderne avec une approche Old School et je pense que toute la sensibilité de l’album s’en ressent.

– Ce qui est aussi fascinant sur « Dissonance Theory », c’est qu’il n’y a aucune redite et qu’il possède donc cette touche très moderne, fidèle à l’avant-gardisme dont vous avez toujours fait preuve. Pourtant, le CORONER du XXIème siècle est très brut et organique. C’était important aussi pour toi de garder cette grande proximité dans le son et la production ?

Oui, absolument, c’était vraiment très important. Nous avons pris beaucoup de temps pour enregistrer et trouver les différentes sonorités, car nous voulions juste faire le meilleur album possible. Nous avons utilisé uniquement des choses authentiques, de vrais amplis et même pour les claviers, ce sont de véritables Hammond. Tout ça sort directement des amplis et cela nous a bien sûr demandé beaucoup de temps. Mais nous voulions vraiment un disque chaleureux et honnête, pas quelque chose d’artificiel. C’était vraiment le plus important dans tout le processus.

– L’une des impressions qui domine aussi sur l’album est cette facilité dans votre jeu. Pourtant votre Technical Thrash est souvent très complexe. De quelle manière parvenez-vous à le rendre aussi abordable et évident ?

En fait, je pense que la différence principale avec ce que vous avons produit par le passé, c’est que nous ne jouons pas de manière très technique juste pour offrir un rendu esthétique pointu. Auparavant, nous voulions toujours montrer au monde entier que nous répétions beaucoup et que nous étions très forts techniquement dans le jeu. Peut-être trop démonstratifs d’ailleurs. Aujourd’hui, c’est surtout le côté émotionnel de la musique qui nous importe le plus, pas sa complexité. Donc, on se retrouve très bien dans ce Thrash Old School, et on ne le fait pas pour la façade.

– A l’écoute de votre nouvel album, vous donnez l’impression d’être littéralement dans votre monde, car vous ne ressemblez à personne et aucun nouveau groupe ne cherche d’ailleurs à vous ressembler. Vous coupez-vous volontairement de toute influence extérieure, ou est-ce que CORONER ne change pas, mais ne cesse juste jamais d’évoluer ?

Ah ! Tu sais, évidemment que j’écoute les nouveaux groupes et ce qu’ils font. Mais je pense que cela a déjà été fait. Je pense qu’il y a un vrai problème aujourd’hui. Beaucoup de nouvelles formations ont le même son, la même production, les mêmes plugins, des riffs similaires… Et ça ne m’intéresse pas du tout. CORONER est notre groupe, notre art et nous ne voulons bien sûr copier personne. Evidemment qu’il peut y avoir quelques influences aussi chez nous. Peut-être que certains accords ressemblent à d’autres, mais c’est aussi difficile de réinventer tout ça. Tu sais, nous composons avec notre cœur et voilà simplement ce qu’il en ressort ! (Sourires)

– Enfin, c’est très rare qu’un groupe fasse un tel retour. « Dissonance Theory » est tellement enthousiasmant, spontané et honnête qu’on ne souhaite qu’une seule chose, c’est que CORONER entame une deuxième partie de carrière la plus longue possible. Qu’est-ce ce que vous avez à l’esprit en ce moment ? Le retour des fans ? Les concerts à venir ?  

Oui, nous avons aujourd’hui une super équipe de management, une nouvelle agence de booking pour l’Europe et les Etats-Unis, comme pour le reste du monde. Tu sais, nous portons beaucoup d’espoir dans ce nouvel album de CORONER et nous souhaitons vraiment lui donner la meilleure exposition possible. Nous voulons jouer au maximum et le plus longtemps possible ! (Sourires) En ce moment, nous sommes tous très excités et motivés, d’autant que quelques festivals sont déjà confirmés. Et il y a encore beaucoup de choses en cours ! Nous voulons juste jouer le plus possible et que 2026 soit une très belle année ! (Sourires

Le nouvel album de CORONER, « Dissonance Theory », est disponible chez Century Media Records.

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Hard'n Heavy International

Dirkschneider & The Old Gang : un nouvel assaut [Interview]

Alors que le projet, né en 2020 au moment des confinements et des annulations successives de tournées, était destiné à soutenir son entourage, Udo Dirkschneider et une poignée d’amis avaient sorti «  Arising ». Réuni autour d’une même cause, le groupe composé de musiciens chevronnés n’avaient sûrement pas imaginé l’engouement qui se produirait autour de ce premier EP. Aujourd’hui, et entre plusieurs activités musicales, DIRKSCHNEIDER & THE OLD GANG présente un album complet, « Babylon », sur lequel la formation allemande évolue entre Hard Rock et Heavy Metal, deux registres qu’elle connait bien. Du nouveau aussi vocalement, puisqu’en plus de l’ancien frontman d’Accept, on retrouve au chant Peter Baltes et la chanteuse Manuela Bibert, qui apporte beaucoup de fraîcheur et une belle sensibilité féminine. Entretient avec le tenace leader du sextet…  

– Tout d’abord, j’aimerais que l’on revienne sur la genèse du groupe, qui était au départ un projet caritatif destiné à aider les artistes durant la pandémie. Comment s’est-il formé à l’époque et à l’initiative de qui ?

Oui, tout a démarré pendant la pandémie où nous avions écrit quatre morceaux. En fait, l’idée était de reverser l’argent à notre équipe, aux membres du groupe et aussi à notre entourage pour les soutenir pendant cette période. Il n’y avait pas de travail et c’était donc l’idée première. Ensuite, quand nous avons sorti ces quatre chansons, beaucoup de gens nous ont dit qu’on devrait faire un album. Or, ce n’était pas prévu à ce moment-là. On a donc commencé tout doucement en regardant un peu comment cela se passait jusqu’à ce que l’on arrive à un album complet. Pour ce qui est de la création du groupe, c’est parti d’une idée commune. On voulait vraiment aider les gens autour de nous et un EP nous a paru être une bonne idée. Et puis, pour le nom, en rassemblant Peter (Baltes, basse, chant – NDR), Stefan (Kaufmann, guitares – NDR), Mathias (Dieth, guitares – NDR) et moi-même, THE OLD GANG nous a semblé évident ! (Sourires)

– Dès 2020, puis l’année suivante avec la sortie de l’EP « Arising », le succès a été au rendez-vous. Vous attendiez-vous à un tel engouement aussi rapidement ?

C’est vrai qu’à la sortie de « Arising », les retours ont été très, très bons et les gens nous ont demandé plus. Mais tout ça n’était pas prévu ! Alors, nous nous sommes posés, on a discuté et nous nous sommes dits qu’en fonction du temps qu’on avait, on se mettrait à la composition d’un album. On se doutait que cela irait lentement. Je suis très occupé avec mes projets parallèles, et cela demande aussi du temps. Il nous a donc fallu attendre d’en avoir pour se retrouver tous ensemble et commencer à composer.

– Ce qui se voulait être un projet caritatif s’est donc transformé en véritable groupe. Cinq ans après sa création, votre premier album « Babylon » voit le jour. Qu’est-ce qui a changé pour vous depuis le début ? DATOG est-il devenu votre activité principale aujourd’hui ?

En fait, je pense que c’est avant tout un projet dans la mesure où rien n’a été prémédité. Nous n’avions rien planifié. C’est comme ça que nous le voyons et c’est surtout pour le fun que nous le faisons.

– Vous vous connaissez tous les six très bien, sur scène comme en studio. Comment se passe la composition des morceaux ? Est-ce que tout le monde y participe dans un même élan collectif ?

Oui, nous faisons tout ensemble. Personne ne compose seul les morceaux. Chacun apporte ses idées que ce soit Manuela (Bibert, chant, chœurs, claviers – NDR), Stephan, Peter, mon fils Sven (Dirkschneider, batterie – NDR) ou moi-même. C’est quelque chose que nous faisons vraiment tous ensemble, à partir des idées de chacun.

– D’ailleurs, l’une des particularités du groupe est que vous êtes trois au chant. Cela offre beaucoup de possibilités. Comment vous répartissez-vous les rôles et est-ce que chacun écrit ses propres parties ?

Là aussi, on travaille sur les voix ensemble. Il n’y a pas de leader de ce côté-là, non plus. Bien sûr, on retrouve certains d’entre-nous plus impliqués sur certaines chansons dont ils sont à l’origine. Mais au final, l’ensemble du travail est collectif sur tous les titres. Au début, j’ai enregistré quelques démos sur lesquelles on a ensuite travaillé. Mais pour les mélodies, c’est un travail de groupe et c’est le même processus sur tout l’album.

– Vous auriez aussi pu inclure les morceaux de « Arising » dans « Babylon », en les réenregistrant, par exemple. Mais vous avez préféré livrer un album entièrement inédit. Est-ce que dès vos premiers titres il y a cinq ans, vous avez été immédiatement convaincu que l’histoire ne faisait que commencer ?

En fait, une fois l’EP réalisé, il fallait passer à autre chose. « Arising » n’était que le début, c’est vrai, et c’est à ce moment-là que tout a commencé. Pour « Babylon », tous les morceaux sont inédits, en dehors de « Blindfold » qui est une chanson de Manuela et dont nous avons fait une nouvelle version.

– Globalement Hard Rock et aussi très Heavy, on retrouve des ambiances variées comme la très orientale « Babylon », la ballade « Strangers In Paradise » ou encore « Beyond The End Of Time », qui conclue l’album sur presque huit minutes…

« Strangers In Paradise » est bien sûr une idée de Manuela, qui en a trouvé le thème et sur lequel nous avons ensuite tous travaillé. Et c’est vrai que « Beyond The End Of Time » est une chanson très longue qui vient conclure l’album. Au départ, elle était même encore plus longue ! (Sourires) C’est d’ailleurs l’une de mes préférées de « Babylon ».

– Bien sûr, cinq ans se sont écoulés entre « Arising » et « Babylon » et DATOG a aussi changé de label entretemps. Est-ce que cela a aussi pu changer la trajectoire et l’élan du groupe ?

En fait, j’ai changé de label avec U.D.O. et Reigning Phoenix Music a pris le relais. Ils m’ont dit qu’ils aimeraient aussi avoir ce nouvel album de DATOG, et cela s’est fait tout seul finalement, car on se connait depuis très longtemps. Etant donné qu’ils travaillaient auparavant chez AFM Records, il n’y a donc eu aucun souci.

– Enfin, avec trois chanteurs, l’accent est aussi forcément mis sur les chœurs et des refrains très fédérateurs, taillés pour la scène et pour emporter le public. Est-ce quelque chose que vous aviez en tête dès le début, connaissant l’objectif premier du projet ? Et vous verra-t-on bientôt en concert ?

Oui, c’est vrai que nous avons trois très bons chanteurs que ce soit Peter ou Manuela et moi au milieu. Et celui qui a harmonisé l’ensemble en équilibrant les chœurs et les voix de tête sur les morceaux est Stephen, notre guitariste. Il connaît ma voix depuis très longtemps, il connaît aussi très bien celle de Peter et de Manuela bien sûr. Son implication a été totale et il a très bien su constituer les associations. Il a travaillé sur toutes les parties, ligne vocale par ligne vocale et a parfaitement défini qui devait chanter avec qui sur chaque morceau. C’est vraiment lui le grand organisateur du travail sur le placement de nos voix.

En ce qui concerne les concerts, rien n’est prévu pour le moment, ce n’est pas l’un de nos objectifs. En fait, j’ai beaucoup de travail avec U.D.O. et avec Dirkschneider et il y a aussi les 40 ans de l’album « Balls To the Wall ». Jusqu’à la fin de l’année, je dois aller jouer en Australie, au Japon, aux Etats-Unis, au Canada, … Je vais être très occupé. (Sourires) Et puis, je suis également en train de travailler sur le prochain album d’U.D.O. ! Donc, nous verrons si nous trouvons le temps plus tard. Je dis toujours qu’il ne faut jamais dire jamais, alors qui sait ? Peut-être une petite tournée ? En tout cas, à l’heure actuelle, il n’y a aucun projet de côté-là.

« Babylon », par DIRKSCHNEIDER & THE OLD GANG, sort chez Reigning Phoenix Music.

Photos : Eddi Bachmann Photography

Retrouvez aussi la chronique du dernier album de Dirkschneider et celles d’U.D.O. :

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Classic Rock International Roots Rock Southern Rock

Mynd Reader : to the roots of the soul [Interview]

Alors que son premier album éponyme ne sera dévoilé dans son entier qu’en janvier prochain, MYND READER a déjà laissé s’échapper quelques six singles et le septième, « Birdsong », est attendu fin octobre. Fondé par un duo quasi-fusionnel, puis rejoint par des musiciens littéralement habités par cette musique qui les unie, les Américains font partie de cette catégorie de groupe qu’on adore d’entrée de jeu et qu’on attend presque plus. Porté par une émotion de chaque instant et des mélodies entêtantes, on entre en communion avec ce savoureux mélange de Classic Rock et de Southern redéfini dans un American Roots Rock authentique, sincère… et virtuose. Entretien avec un Brian Sachs, batteur et compositeur, très heureux et impatient de présenter prochainement ce « Mynd Reader » stellaire.

– MYND READER s’est formé relativement récemment et malgré quelques singles, on vous connait finalement assez peu. Est-ce que vous pourriez vous présenter à nos lecteurs ?

Tout d’abord, merci de nous donner l’opportunité de nous présenter à votre public français. MYND READER est une rencontre cosmique. Le groupe est composé de Tonin, notre multi-instrumentiste et source d’inspiration inépuisable, de l’incroyable Shelby Kemp, dont la voix et la présence font de lui un véritable leader moi-même à la batterie et à l’écriture. Nous sommes basés à Boulder, dans le Colorado, et le groupe s’est formé comme par miracle, né de l’amitié, d’une vision commune et d’un amour profond du Rock’n’Roll.

– On vous a donc découvert en octobre 2024 avec « Radio Warning », votre premier single. Depuis, vous les distillez au compte goutte et « Home », le dernier en date, est sorti en août. C’est une stratégie qui peut surprendre, notamment dans le monde du Rock. Est-ce une manière de faire durer le suspense et aussi d’être présent sur les plateformes en les alimentant régulièrement ? 

Nous vivons dans ce que j’appelle une ‘économie du déficit d’attention’. Chaque jour, les gens sont bombardés d’informations, d’algorithmes et de distractions. Sortir un album complet d’un coup, aujourd’hui, même un album aussi monumental qu’« Abbey Road », pousse à se demander si serait vraiment efficace pour se démarquer.

Pour moi, la musique est faite pour être vécue. Mes disques préférés sont devenus la bande-son de ma vie parce que j’ai eu le temps de m’y attarder, de les revisiter et de les laisser respirer. En publiant notre musique progressivement, nous donnons à chaque morceau l’occasion de mûrir avec l’auditeur, de prendre du sens et de créer une véritable connexion au fil du temps.

– Votre premier album est attendu pour janvier prochain, soit plus d’un an après « Radio Warning ». Est-ce que, justement, vous vouliez d’abord voir les réactions du public, ou l’album est-il prêt depuis un bon moment déjà ?

En vérité, l’album est terminé depuis un bon moment et nous sommes déjà bien avancés sur le deuxième et le troisième album. Mais nous croyons en l’importance de construire une relation durable avec notre public. A une époque où la société semble plus divisée que jamais, nous voulons que notre musique mette en lumière ce qui nous unit, c’est-à-dire la joie, l’amour, le chagrin, la peur, l’isolement et la connexion.

Notre single « Home » a pour refrain ‘More life, please’, qui est devenu pour nous une sorte de prière. Peu importe les difficultés de la vie, nous en voulons toujours plus et partager ce sentiment avec nos auditeurs est quelque chose de sacré. Nous ne sommes pas pressés. Nous sommes là pour le long terme, pour créer une musique qui accompagnera notre public pendant des années… (Sourires)

– MYND READER présente un concentré d’une partie du Rock américain avec un aspect très roots, un peu vintage aussi, mais dans une production très actuelle. Est-ce votre manière de donner un nouvel éclat à vos racines musicales ?

J’ai grandi en vénérant le Classic Rock, à savoir Deep Purple, Rainbow, Elton John, Black Sabbath, les Beatles, Led Zeppelin, Pink Floyd… En tant que batteur, j’ai joué de tout, du Funk de James Brown aux orchestres de fosse, mais je n’avais pas touché à ce que j’appelle le ‘Rock d’arène’ depuis mon premier groupe de garage, lorsque j’étais enfant. Et c’est ce que je voulais faire revivre.

Dans mon esprit, nous sommes en 1978 et MYND READER est le plus grand groupe du monde, mais je veux aussi que ce sentiment résonne en 2025 ! (Sourires) Le Rock’n’Roll intemporel ne se démode jamais. Si « Animals » de Pink Floyd ou « Paranoid » de Sabbath sortaient aujourd’hui, ils sonneraient toujours aussi frais et révolutionnaires. C’est cette énergie que nous canalisons : un Rock sincère, sans filtre et qui semble éternel.

– Vous êtes donc originaires de Boulder dans le Colorado et c’est vrai que la musique de MYND READER est très Americana dans l’esprit avec une sensation très organique à laquelle la voix de Shelby Kemp donne littéralement une âme. L’idée était-elle aussi de donner une touche Southern à l’ensemble ?

Quand Tonin et moi avons commencé à écrire, nous savions que les chansons exigeaient une voix aussi audacieuse et pleine d’âme que celle de quelqu’un comme Chris Stapleton. Mais des voix comme celles-là sont rares. Mon ami Eddie Roberts de The New Mastersounds m’a fait écouter des morceaux de son groupe The Lucky Strokes, avec Shelby. Dès que j’ai entendu sa voix, j’ai dû m’arrêter net, car ça m’a figé. Puis je l’ai vu en concert et c’était indéniable : c’est une Rock Star, un point c’est tout ! (Sourires)

Lorsque Shelby est arrivé, nous avons enregistré « Radio Warning », « Simply Avanti » et « Falling Down » en une seule session. C’était un éclair, et soudain, tout a basculé. L’élément southern n’était pas intentionnel, c’était juste ce que la musique demandait. Shelby lui a donné cette âme et cette fougue et c’était comme accepter son destin.

– Comme j’ai eu la chance d’écouter votre album avant sa sortie, une chose m’a un peu étonné. Vous avez réalisé de très bons arrangements avec des cordes, des sons de sitar et d’autres plus sophistiqués. C’est très rassembleur et aussi très audacieux. L’objectif était-il aussi de donner une certaine intemporalité à cette première réalisation ?

Les chansons se sont révélées couche par couche. Chacune avait sa propre énergie, et nous avons suivi son chemin. Mon rôle consiste souvent à déceler les manques et à pousser jusqu’à ce que le morceau paraisse complet. Cordes, sitar, textures supplémentaires : tout cela n’était pas prévu, mais c’était simplement ce que les chansons exigeaient.

Et lorsque Michael Brauer a mixé l’album, il a su parfaitement utiliser ces couleurs pour amplifier l’émotion au cœur de chaque morceau. C’est de là que vient l’intemporalité, non seulement de l’instrumentation, mais aussi de la sincérité de l’émotion qui la sous-tend.

– Et puis, il y a également un gros travail sur les guitares qui posent les fondations de MYND READER. Cela a-t-il été le point de départ de la composition de l’album ?

Tonin capture constamment ce que j’appelle des ‘pépites’, ces petits riffs, fragments ou grooves. Il les oublie souvent, mais je suis le ‘cultivateur de pépites’. Mon rôle est de les assembler pour en faire des chansons complètes, avec mélodies et paroles. Sa musicalité permet aux chansons de s’écrire pratiquement toutes seules.

J’ai joué pendant des années dans un trio d’Acid Jazz sans guitare, et j’en mourais d’envie. Alors, quand on a lancé MYND READER, je n’arrêtais pas de dire : j’ai la fièvre et le seul remède, c’est plus de guitare. On voulait faire du pur ‘Guitarmageddon’ ! (Rires)

– J’aimerais que l’on dise aussi quelques mots sur la production et le mix de Michael Brauer (Coldplay, My Morning Jacket, The Rolling Stones), qui offrent beaucoup de relief et de profondeur à l’album en évitant brillamment de le surproduire. Est-ce cet équilibre entre un son organique et moderne que vous avez recherché en faisant appel à lui ?

Michael est un génie. Il ne se contente pas de mixer le son, il mixe l’émotion. Il joue les faders de tout son corps, à la recherche de l’expressivité de l’émotion musicale. Il prend des risques, mais il ne trouve pas toujours le juste milieu. Il aborde les artistes de deux manières : ‘Puis-je mixer ce morceau ?’ et là, il peaufine la vision de l’artiste, ou alors, c’est ’Je mixe !’, où il a une totale liberté créative. Nous lui avons accordé cette dernière option. Il a reçu sept Grammys pour cette raison-là. Nous voulions que Michael soit et fasse du Michael. Quand nous avons reçu les mixes, c’était comme réentendre les chansons pour la première fois. Il a toujours été parfait.

– L’album est très homogène, entraînant et est constitué de chansons accrocheuses. Et il contient également un morceau (presque !) instrumental qui porte le nom du groupe. Avouez que c’est assez intriguant. Que voulez-vous signifier et pensez-vous qu’il résume bien la musique et l’esprit du groupe, au point qu’aucune parole ne soit nécessaire ?

Quand Tonin et moi avons lancé MYND READER, nous pensions sincèrement que ce serait un simple projet instrumental. Juste deux gars improvisant sans attentes, comme des ados avec du matériel sophistiqué. Mais ensuite, de vraies chansons avec des paroles ont commencé à émerger et tout a basculé. Le morceau « Mynd Reader » reflète ces racines. Il rappelle la joie qui a tout déclenché : deux amis redécouvrant le pur plaisir de faire de la musique ensemble. Et cet esprit jeune, joyeux, libre est toujours au cœur du groupe ! (Sourires)

– Enfin, j’imagine qu’après ce long teaser et ce storytelling étonnant, vous devez être impatients de présenter ce premier album à vos fans et au public. Et est-ce que des concerts sont déjà prévus pour accompagner cette sortie ?

Oui ! (Rires) Nous terminons l’écriture du deuxième album et commençons même le troisième, mais sortir notre premier album est un rêve. C’est en fait un album conceptuel : un personnage en quête d’amour, de connexion et d’un sentiment d’appartenance. De « Radio Warning », où il déclare : ‘Il n’y a pas de joie à vivre seul toute sa vie’ jusqu’aux derniers morceaux, c’est un voyage à travers la vulnérabilité, l’amour, la perte et la rédemption.

Nous assurerons la première partie de l’album en live. Pour nous, les concerts ne sont pas que des performances, ce sont des rassemblements, une célébration de la communauté. Nous appelons cela ‘l’église du Rock’n’Roll’. Quand les gens quittent un concert de MYND READER, nous voulons qu’ils soient transportés, unis et chantent notre prière : ‘plus de vie, s’il vous plaît !’ (Sourires)

Le premier album éponyme de MYND READER sortira en janvier prochain. En attendant, n’hésitez pas à allez à la découverte des nombreux singles déjà disponibles sur les plateformes !

Photos : Lisa Siciliano (Dog Daze Photo)