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Emerald Moon : céleste [Interview]

Arrivé il y a quelques jours dans les bacs, le premier album d’EMERALD MOON est LA sensation Classic Rock française de l’année. Il faut aussi avouer que le quintet compte dans ses rangs des musiciens chevronnés et bouillonnant d’idées. Guidés par leur chanteuse, les deux guitaristes multiplient les combinaisons sur une rythmique groovy à souhait et ce très bon « The Sky’s The Limit » vous renvoie avec bonheur dans les 70’s sur une production très actuelle et organique. Le fondateur et guitariste, Fabrice Dutour, revient sur la création du groupe, sa façon de travailler et surtout sur cette musique qui lui tient tellement à cœur.

– Au regard de vos parcours respectifs, j’imagine que vos chemins ont dû se croiser assez souvent au gré de vos projets. Quel a été le déclic pour monter EMERALD MOON et surtout pour en définir le style ?

Pour ma part, je joue déjà avec Laurent (Falso, batterie – NDR) et Vanessa (Di Mauro, chant – NDR) dans deux projets différents. J’ai eu le bonheur de partager l’aventure ‘United Guitars’ avec François (C. Delacoudre, basse – NDR), dans laquelle figurait également Michaal (Benjelloun, guitare – NDR). Tous les deux ont d’ailleurs eu plusieurs fois l’occasion de partager la scène, lorsque les chemins de Gaëlle Buswel, avec qui joue Michaal et de Laura Cox, avec qui jouait François, étaient amenés à se croiser. Vanessa et Laurent ne connaissaient donc pas Michaal et François. J’ai été l’entremetteur… Pour revenir à la genèse du projet EMERALD MOON, cela s’est passé en 2021, après l’enregistrement du « Volume 2 » d’’United Guitars’. Nous venions d’enregistrer un titre avec Fred Chapellier, le courant est vite passé et l’envie était commune. C’était aussi une évidence pour nous que François était le bassiste idéal. Yann Coste serait donc le batteur. Chacun de notre côté, Fred et moi avons composé plusieurs titres pour ce nouveau groupe, qui s’appellait alors Silverheads et que nous envisagions, logiquement au vu de nos influences, de faire sonner dans un style Classic Rock. Après plusieurs mois à la recherche d’un chanteur, j’ai proposé Vanessa, qui a fait l’unanimité. Nous devions enregistrer en mai 2022. Mais à quelques semaines du début des sessions, l’emploi du temps de Fred est bousculé en raison de sa collaboration à la tournée des Dutronc. L’album ne se s’est donc jamais ensemble. Mais début 2024, Vanessa, François et moi avons eu envie de faire aboutir ces titres que j’avais composés et sur lesquels Vanessa avait écrit des textes. J’avais quelques idées en tête pour cette place de guitariste et Michaal était mon choix numéro un, il a tout de suite accepté de rejoindre l’aventure. Et Laurent s’est imposé à moi comme une évidence également et il s’est joint à nous.

– Vous avez tous un CV conséquent et une connaissance affûtée du métier. Comment est-ce que cela s’organise pour la composition des morceaux et l’écriture des textes ? Chacun apporte-t-il ses propres idées, ou faites-vous confiance à certains d’entre-vous en particulier ? Je pense au noyau dur ayant évolué ensemble sur ‘United Guitars’ notamment…  

L’organisation, pour cet album, a été en partie dictée par nos emplois du temps respectifs et la distance qui nous sépare. Je dis en partie, car j’ai depuis longtemps l’habitude de composer ainsi, c’est-à-dire que je maquette l’ensemble du titre avec la batterie, la basse et les deux guitares. Les structures sont figées, les parties de  guitares harmonisées également mais, évidemment, la réinterprétation des lignes de chaque instrument est libre pour chacun. J’avais déjà six titres pour le projet initial, j’en ai composé cinq autres avant l’enregistrement de l’album et Michaal a également amené une composition. Après, toutes les idées et les contributions ont été les bienvenues.

– On vous avait découvert en octobre dernier avec « Phase One », un premier EP, presque de présentation finalement. Pourquoi le choix du format court ? C’était faute de temps en raison d’emplois du temps chargés, ou plutôt une manière de prendre la température et de voir quel en serait l’accueil, d’autant que l’on retrouve les quatre morceaux sur l’album ? 

Question très intéressante. Pour tout te dire, cet EP est la restitution de notre première session de répétition. Il n’y avait pas, initialement, l’idée de sortir quelque chose, nous enregistrions juste pour pouvoir prendre du recul. Il faut dire aussi que nous répétions chez Laurent qui, en plus d’être batteur, est plutôt très bon dans le domaine du son. Son local est équipé et il a coutume d’enregistrer toutes les répétions qui se font chez lui. Nous nous étions donc fixés quatre titres, trois compos et une reprise, « Ramble On » de Led Zeppelin, et nous nous sommes retrouvés pendant deux jours. L’objectif était juste d’aboutir un titre, « What You’re Told » et de le clipper, histoire d’avoir la possibilité de démarrer l’aventure. A ce moment-là, le groupe n’avait même pas de nom. Et puis, à la réécoute de cette session, on se dit que ça sonnait plutôt bien et cela confirmait la sensation de cohésion que nous avons tous ressentie dès les premières notes. Et de là a germé l’idée de sortir ces quatre titres. Vu l’esthétique, le format vinyle s’imposait aussi. Et tout cela a permis, effectivement, d’accélérer la naissance d’EMERALD MOON. 

– D’ailleurs, avez-vous apporté des modifications sur ces morceaux entre l’EP et l’album ?

Déjà, il était évident pour moi que ces trois titres faisaient partie d’un tout. Ils devaient figurer sur l’album. Sur la version EP, ils sont joués live, les amplis sont dans la même pièce que la batterie, il n’y a pas d’overdub ou de guitares additionnelles. Pour l’album, ils ont été totalement réenregistrés, au propre, avec plus d’arrangements, notamment sur les parties de guitares. Le fait de garder ces trois titres a également eu une incidence sur l’écriture. Il fallait que les personnes qui avaient déjà découvert ces trois premières compositions aient de la matière avec la sortie de l’album. Avant l’EP, l’idée était plutôt un album de neuf ou dix morceaux, « Phase One » a changé la donne et nous voilà avec 12 titres.

– Lorsque l’on voit par où vous êtes tous passés, le côté Rock et bluesy semble une évidence. EMERALD MOON présente donc un Classic Rock très 70’s dans l’esprit, mais pas forcément dans le son. On sent aussi beaucoup de plaisir entre vous en vous écoutant. C’est ce qui vous guide depuis le départ ?

Le plaisir est ce qui nous guide dans notre métier de musicien. C’est une chance infinie de vivre de notre passion. C’est déjà vrai lorsque l’on joue la musique des autres, c’est encore plus intense lorsque l’on défend ses propres chansons. Pour ce qui est de nos influences et nos parcours, nous avons beaucoup de choses en commun comme des racines Blues et le Rock/Hard Rock Seventies. On a voulu restituer ça avec un son plus contemporain, sans aller trop loin, de sorte à garder la dynamique, le grain et les nuances propres à ce style. 

– D’ailleurs, même si votre registre retrouve des couleurs depuis quelques temps maintenant, est-ce qu’EMERALD MOON est là aussi pour palier un certain manque, car il y a vraiment un public en demande concernant le Classic Rock notamment ?

Il n’y a pas de calcul sur le bon endroit ou le bon moment. Il y a juste l’envie de faire ce que l’on aime faire et que l’on fait chacun depuis longtemps : Michaal avec Gaëlle Buswel, François avec Laura Cox, Laurent avec Jack Bon et moi avec Back Roads. Et surtout, de le faire ensemble. C’est une magnifique équipe et il nous tarde d’être sur scène tous les cinq.

– Vous êtes en autoproduction, ce qui n’est pas franchement une surprise étant donné que vous êtes tous rompus à l’exercice du studio et que trouver votre son n’a dû pas être très compliqué. Est-ce un avantage aussi de pouvoir mener votre projet vous-mêmes, et avez-vous tout de même fait appel à des personnes extérieures pour l’enregistrement, le mix ou le mastering ?

Il est certain, comme je te le disais tout à l’heure, que le fait que Laurent ait les compétences et le matériel pour enregistrer et mixer un album est un atout essentiel. On a pu avancer à notre rythme. De la même manière, Michaal et François peuvent gérer leurs prises chez eux. On peut travailler ensemble ou à distance, c’est très confortable. Et pour ce qui est de la production et des choix artistiques, on avait déjà des idées, puis le temps et les propositions ont affiné tout cela. On a passé, Laurent et moi, le temps nécessaire pour aboutir les titres comme nous le souhaitions. 

– Avec Michaal Benjelloun, vous formez un beau duo de guitaristes. L’esprit est très zeppelinien avec des teintes Blues et Southern. Comment est-ce que deux musiciens aussi aguerris se partagent-ils les rôles, même s’il y a aussi de beaux passages de twin-guitares ?

De manière très naturelle. Déjà, dans l’écriture, il y avait beaucoup de place laissée aux guitares. Et c’est logique, puisqu’initialement, c’est un projet de guitaristes… On aborde un titre avec comme question : ‘tu préfères faire le premier ou le deuxième solo ?’. Après, tout est libre, les idées d’arrangements sur les parties rythmiques, le choix des guitares et des sons. On s’écoute, l’idée de l’un fait rebondir l’autre, on cherche toujours à se compléter et à mettre en valeur nos qualités respectives.

– Est-ce que, lorsque l’on joue et compose du Classic Rock comme EMERALD MOON, l’idée est de toujours faire évoluer le style en y apportant quelques touches modernes, ou plus simplement juste de se faire plaisir ? Car cela impliquerait de fait une certaine finitude du registre… 

Je me souviens d’une chronique d’album qui se concluait par cette phrase : « Ils n’ont pas inventé la poudre, mais ils savent la faire parler ». C’est une très belle formule. Quand je compose, il m’arrive de faire des citations volontairement appuyées comme pour « What You’re Told », qui sonne très Thin Lizzy. Il arrive également que l’on me dise que telle composition est inspirée de tel titre, alors que ce n’était pas une piste de départ consciente… Il est évident que nous sommes imbibés de toutes nos écoutes et que ces influences transpirent fatalement dans notre écriture. Je n’ai absolument pas l’idée de révolutionner le style, mais j’essaie de m’appliquer, lorsque je compose un titre à lui donner une première lecture fluide. J’essaie également de le remplir de petites surprises à travers les arrangements, la réexposition des thèmes, la structure et un ensemble de choses qui fait que la première impression d’évidence évolue au fur à mesure des écoutes. Parce que l’idée est là : façonner et penser notre musique dans l’esprit de celle que nous écoutions il y a trente ans, lorsque les moyens technologiques ne nous permettaient pas d’accéder à tous les albums de tous les groupes en un clic. On avait, en gros, un album par mois, on prenait le temps de l’écouter et d’en extraire la totalité des subtilités. Si les gens qui s’intéressent à notre album nous font l’honneur de prendre le temps de se l’approprier, je veux qu’ils puissent découvrir des choses au fil des écoutes. 

– Enfin, avec un tel premier album, on attend forcément une suite à cette belle aventure. Est-ce que vous vous projetez déjà dans l’avenir avec des concerts à venir, par exemple, et/ou déjà le projet d’un deuxième album en tête ? Comme vous êtes tous les cinq engagés avec dans d’autres formations, j’espère qu’EMERALD MOON n’est pas un one-shot…  

L’album est sorti le 13 juin, via Inouïe Distribution, et nous étions sur scène ce jour-là, ainsi que les trois jours qui ont suivi. Mais nos emplois du temps respectifs ont effectivement limité les possibilités de concerts pour 2025. On travaille sur 2026 pour pouvoir mieux s’organiser et avoir plus de visibilité. Et effectivement, l’idée du deuxième album est déjà là.

Le premier album d’EMERALD MOON, « The Sky’s The Limit », est disponible chez Inouïe Distribution.

Photos : Christian Viala (3) et Richard Guilhermet (4).

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Classic Rock Southern Rock

The Speaker Wars : rockin’ peace

Faire dans la nouveauté à Nashville n’est pas l’exercice le plus facile, c’est vrai. Cependant, élever le niveau et produire un album de qualité en jouant sur une monumentale expérience et un talent qui n’est plus à prouver depuis longtemps est largement dans les cordes de THE SPEAKER WARS. Son Classic Rock teinté de Southern ne souffre d’aucune faille et le plaisir des protagonistes s’entend même sur chaque chanson. « The Speaker Wars » est de ces disques à mettre entre toutes les mains.

THE SPEAKER WARS

« The Speaker Wars »

(Frontiers Music)

Il y a des rencontres qui font des étincelles et qui semblent même être le fruit du destin. Celle entre le songwriter texan Jon Christopher Davis et l’emblématique Stan Lynch en fait clairement partie. Pour rappel, ce dernier est membre du Rock And Roll Of Fame, a fondé les célèbres Heartbreakers de Tom Petty avec qui il a œuvré durant deux décennies avant d’écrire, avec succès, pour des artistes comme les Eagles, Don Henley, The Byrds, Toto ou The Fabulous Thunderbirds. Les bases sont donc solides chez THE SPEAKER WARS.

Les deux compositeurs se sont rapidement attelés à l’écriture, à Nashville, puis se sont mis en quête de musiciens. Aux côtés de Jan Michael Smith (guitare), Brian Patterson (basse), Steve Ritter (percussions) et Jay Brown (claviers), Jon Christopher Davis a pris le micro et Stan Lynch retrouve enfin sa batterie avec un sens du groove imparable. Autant dire que ça ronronne et nos deux têtes pensantes ont fait de THE SPEAKER WARS un groupe vraiment efficace et dont ce premier album éponyme ne devrait être qu’un début.

C’est à Denton, Texas, que le sextet a enregistré ce très organique « The Speaker Wars » d’où émane une douce nostalgie, celle d’un Classic Rock entre tradition et saveurs sudistes. Et si l’on retrouve quelques références notables, THE SPEAKER WARS tire magnifiquement son épingle du jeu. Après une entame très Rock et relevée, les Américains présentent une seconde partie plus Southern avec émotion et sur des mélodies entêtantes (« It Ain’t Easy », « Never Ready To Go », « When The Moon Cries Wolf », « Sit With My Soul »). Savoureux !

Photo : Michelle Ganeles

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Cirkus Prütz : southern breath from the north

A entendre CIRKUS PRÜTZ, on se croirait dans le Sud des Etats-Unis, tant la sincérité dégagée et surtout le savoir-faire et le son de « Manifesto » ont des résonances américaines. Pourtant, direction le grand Nord et la Suède d’où est originaire le groupe. Ici aussi, on sait faire du Southern Blues Rock, d’un calibre très largement comparable. Dynamique et intense, on doit aussi cette superbe production à Peter Tägtgren (Pain, Hypocrisy) et il faut admettre que l’ensemble prend une dimension explosive. Ca chauffe, ça claque et ça fait un bien fou !

CIRKUS PRÜTZ

« Manifesto »

(Metalville)

Il a œuvré chez les Hard Rockers de W.E.T le temps de quelques albums dans les 90’s, puis avec Jeff Scott Soto où il a tenu la basse dans les années 2000 dans un registre similaire. Mais ce qui a toujours titillé le bassiste Jerry Prütz, c’est le Blues Rock, sous toutes ses coutures. Pourtant, c’est assez tardivement, en 2017, qu’il sort « All For the Boogie And The Blues » et qu’il annonce la couleur. Si certains le voient comme le pendant suédois de ZZ Top, CIRKUS PRÜTZ se présente dans un registre un peu plus musclé et les raisons sont aussi multiples qu’évidentes. Et ces quatre-là se sont franchement bien trouvés.

Tout d’abord, avec Cristian Carisson à la guitare, et dont le chant rauque n’est pas sans rappeler le regretté Danny Joe Brown de Molly Hatchet, et qui œuvre dans le groupe Stoner Rock The Quill, le quatuor s’assure une certaine rugosité. Ensuite, on y retrouve, l’ex-Electric Boys Franco Santunione à la seconde six-corde et enfin (et non des moindres !) Per Kholus à derrière les fûts, lequel a cogné chez W.E.T. également, mais aussi Spectrum, Skin And Bone et Lipstick. Ca vous pose un line-up et il ne faut pas attendre bien longtemps pour comprendre les (très bonnes) intentions de CIRKUS PRÜTZ, car l’ensemble est savoureux.

« Manifesto » est donc le quatrième album de nos ardents bluesmen, et il y a de l’électricité dans l’air. Sur un Blues Rock véloce, aux saveurs Southern, Hard Boogie et Classic Rock, la potion magique prend dès les premiers accords de « White Knuckle Blues ». Il y a une belle âme chez CIRKUS PRÜTZ, de bonnes ondes et du cœur. Intense et sans faux pas, on se délecte des twin-guitares, des solos endiablés et torrides et de ces compos au songwriting millimétré (« Handyman Boogie », « Walking In The Rain », « Pack Your Bags » et l’hypnotique « Water Into Wine », entre autres). Tellement authentique !

Photo : Kent Renker

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Classic Rock Hard 70's

The Damn Truth : truth serum

Il y a des rencontres qui font des étincelles et, d’une côte à l’autre, le Canada a permis la connexion entre THE DAMN TRUTH et le producteur Bob Rock, qui s’est totalement reconnu dans la musique du combo. Grâce à de belles guitares, une rythmique groovy et une frontwoman qui a gagné en assurance, la formation de la Belle Province fait le pont entre un Hard Rock 70’s et des sensations très contemporaines avec beaucoup de saveurs et un plaisir palpable.

THE DAMN TRUTH

« The Damn Truth »

(Spectra Musique)

Il y a quatre ans, THE DAMN TRUTH faisait exploser son plafond de verre montréalais avec « Now Or Nowhere », un troisième album qui l’a révélé et l’a mené un très long moment sur les routes. Il faut reconnaître que les Québécois avait frappé fort avec une version très actuelle et pleine d’audace de Classic Rock, le tout produit par le grand Bob Rock qui n’avait pas hésité un instant à appliquer sa propre recette sur des morceaux entêtants et particulièrement enthousiastes. Et ils sont aujourd’hui tous de retour avec la même envie.

Enregistré à Vancouver dans les Warehouse Studios de Bryan Adams sur une période de deux mois, « The Damn Truth » se révèle comme la réalisation la plus aboutie du quatuor et si elle est éponyme, c’est aussi parce qu’elle le représente et le définit le mieux. Accrocheurs, mélodiques et hyper-Rock, les onze titres sont d’une énergie fulgurante. Même si la guitariste et chanteuse Lee-La Baum fait de plus en plus penser à Beth Hart dans sa façon de chanter haut, THE DAMN TRUTH impose une réelle identité.

Déjà convaincant sur les quatre singles sortis (« Love Outta Love », « I Just Gotta Let You Know », « The Willow » et « Better This Way »), le groupe dévoile de nouvelles facettes de son jeu et l’excellent travail effectué sur le son apporte puissance et relief à l’ensemble. Sensible sur la power-ballade « If I Don’t Make It Home » ou plus frontal sur « Addicted », THE DAMN TRUTH brille par la qualité du songwriting et des arrangements. Avec ses sonorités familières et fédératrices, « The Damn Truth » modernise le Hard Rock… vintage !

Photo : Natali Ortiz

Retrouvez l’interview du groupe en 2021 à la sortie de « Now Or Nowhere »…

… Et la chronique de l’album :

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Blues Rock Classic Rock

Ellis Mano Band : polymorphe

Un pied dans un Blues très actuel et l’autre dans un Classic Rock intemporel, ELLIS MANO BAND continue sa belle aventure en se dévoilant un peu plus sur ce quatrième opus, où il semble avoir digéré les nombreuses références qui rassemblent les cinq musiciens. Et le style n’en est pas plus resserré pour autant. Au contraire, « Morph » montre un visage aux multiples facettes, tout en se faisant très rassembleur et sans perdre le sens très affiné et raffiné de son jeu. Les disques de ce calibre se font rares et lorsqu’ils montrent autant de facilité et d’évidence dans le jeu, cela devient une réelle gourmandise, dont on dévore chaque miette.

ELLIS MANO BAND

« Morph »

(SPV Recordings)

Après un somptueux album live en mars de l’année dernière (« Access All Areas »), ELLIS MANO BAND est cette fois retourné en studio pour y enregistrer son quatrième album. Et la formation internationale y a encore fait des merveilles. Très inspirés, les cinq musiciens font parler l’expérience et se présentent avec dix nouveaux titres, plus un morceau enregistré en public, « The Fight For Peace », petit chef d’œuvre de sept minutes. Et les surprises se succèdent, tant le groupe du chanteur Chris Ellis et du guitariste Edis Mano sort de son habituel Blues Rock. Une façon aussi de franchir certaines frontières musicales et de se faire plaisir sans rien se refuser. Et avec autant de talent, tout paraît si simple et spontané.  

Car si ELLIS MANO BAND œuvre pour l’essentiel dans un Blues très contemporain sur « Morph », il n’hésite pas très longtemps à prendre le parti d’un Classic Rock solide et enlevé, histoire aussi d’appuyer son propos comme sur le génial « For All I Care » ou « Countdown To Nothing ». Les Suisses montrent une incroyable variété dans les ambiances, et ce n’est pas pour déplaire à leur frontman, qui livre une prestation entre émotion et pleine puissance (« Scars », « Virtually Love »). Le jeu d’Edis Mano est, quant à lui, toujours aussi virtuose. Le six-cordiste reste d’une dextérité et d’une fluidité absolue et se garde bien de ne pas tomber dans le démonstratif, malgré une technique souvent très impressionnante.

Toujours justes et jamais superflus, les claviers portent les mélodies, tandis que la rythmique élève un peu plus ces nouvelles compositions, comme sur « Madness And Tears » qui n’est pas sans rappeler un certain David Bowie, preuve s’il en est qu’ELLIS MANO BAND est à son aise dans des registres où on ne l’attend pas forcément.  Il est question de délicatesse aussi, bien sûr, quand le quintet se fait plus Blues (« Count Me In », « 20 Years », « Stray »). Un mot aussi de la très belle production de « Morph » qui, parfaitement équilibrée, dévoile au fil des écoutes des arrangements d’une grande finesse et des variations sonores assez stupéfiantes. Les Helvètes placent la barre toujours plus haut avec beaucoup de naturel.

Photo : Tabea Hüberli

Retrouvez la chronique de leur précédent album live :

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Classic Rock Glam Rock International

Gyasi : glittin’ Rock [Interview]

En quelques années seulement et avec un nouvel album qui vient tout juste de sortir, GYASI s’est imposé comme un artiste à la fraîcheur outrancière. Bousculant les codes d’une scène Rock actuelle qui ne cesse de se cloner, l’Américain nous renvoie à une époque créative et insouciante, où la liberté d’explorer de nouveaux univers était presque la norme. Entre Classic Rock et Glam, le chanteur et guitariste se présente avec « Here Comes The Good Part », où il va encore plus loin dans la découverte de son propre monde. Forcément hors-norme, il a pourtant la tête sur les épaules et chaque nouveau disques se veut plus imaginatif que le précédent. L’occasion d’en parler et de revenir sur ce personnage insaisissable qu’il incarne avec beaucoup de classe et sans retenue.

– En mai dernier, tu avais sorti « Rock n’Roll Swordfight », ton premier album live. Lors de notre première interview, on avait justement parlé de cet esprit très ‘live’ qui t’animait. J’ai presque l’impression que cela s’est fait de manière très naturelle pour toi, même s’il arrive vite dans ta discographie. C’est aussi ton sentiment ?

Oui, ça s’est fait très naturellement. Sur scène, la musique devient vraiment quelque chose de vivant, qui respire et où chaque musicien contribue et interagit avec les autres et avec le public. Souvent, les concerts ne sont pas suffisamment bien enregistrés pour être publiés, donc le point de départ pour cet album était que nous ayons trois concerts enregistrés en multipiste, afin de pouvoir leur offrir un bon mix. C’était la condition sine qua none, juste avoir les enregistrements bien réalisés entre les mains. Ce que je voulais montrer, c’était comment beaucoup de chansons avaient changé et s’étaient développées au fur et à mesure que nous les jouions et que nous improvisions chaque soir en tournée. J’ai donc pensé que cela leur offrait une nouvelle perspective et qu’elles méritaient d’être publiées, même si c’était un peu tôt dans la discographie. Nous nous sommes juste dit, pourquoi pas ? Et on l’a fait !

– D’ailleurs, dans cet album live, tu nous avais dévoilé les morceaux « Cheap High », « Baby Blue » et « 23 ». Tout d’abord, aimes-tu tester tes chansons sur scène ? Et ensuite, est-ce que cela veut aussi dire que ce nouvel album était déjà prêt, du moins en partie ?

Oui, je pense que tester les chansons en live peut être utile. Parfois, cela les aide à devenir ce qu’elle doive être. D’ailleurs, nous avions joué une première version de « Sweet Thing » (qui ouvre le nouvel album – NDR) en live et il était évident qu’elle n’était pas encore terminée. Alors je suis allé la réécrire pour qu’elle soit telle qu’elle est sur le disque. Je pense souvent à la façon dont une chanson s’intégrera dans notre set live lorsque j’écris. Donc si elle semble vraiment ajouter au flux du set, alors je la joue parfois en live avant même que nous l’ayons enregistrée. Ces trois chansons ont certainement été les premières écrites pour cet album. Je les avais en tête depuis un moment, et je les ai terminées l’année dernière quand j’ai eu un peu de temps.

– On te retrouve donc avec « Here Comes The Good Part », digne successeur de « Pronounced Jah-See ». Un petit mot sur le titre : est-ce que cela veut dire que le premier était une sorte d’essai ? Un premier jet pas forcément abouti, car ce n’est pas l’impression qu’il donnait ?

Non, je pense que le premier disque était déjà abouti. C’était certainement plus une introduction. Le titre de celui-ci est plus ludique et je voulais qu’il soit ouvert à l’interprétation. Quelle est la bonne partie ? Est-ce qu’on le sait quand on l’a trouvée ? C’est tellement subjectif. Chacun se fera sa propre idée…

– Ce nouvel album est co-produit avec Bobby Holland et ton empreinte musicale semble nettement mieux définie, comme si vous étiez allés dans vos derniers retranchements en explorant beaucoup plus de sonorités. C’est dû à une plus grande maîtrise, ou y avait-il des choses que tu t’étais peut-être interdites ou que tu n’avais pas osées sur le précédent ?

Un peu des deux. Pour moi, c’est la clef pour progresser. C’est le processus que j’aime le plus. Faire mon premier disque tout seul a été le déclic pour pouvoir faire celui-ci. Et faire celui-ci m’a également fait avancer en étant capable de faire ce que j’écris maintenant. J’explore et je me pousse toujours de manière créative. J’ai clairement exploré plus de sons sur celui-ci et Bobby Holland y a joué un rôle énorme. C’est un producteur et un ingénieur incroyablement talentueux qui m’a beaucoup aidé à traduire sur le disque ce que j’entendais dans ma tête. Avec lui, je me suis senti plus en confiance pour explorer des choses que je n’avais pas la capacité de réaliser dans ma chambre sur mon magnétophone huit pistes, comme arranger des cordes ou écrire au piano.

– Bien sûr, jouer du Glam Rock en 2025 renvoie forcément à l’âge d’or du style avec toujours les mêmes noms qui reviennent. Est-ce que ce n’est pas usant parfois d’entendre toujours les mêmes critiques, alors justement que ton jeu apporte vraiment du neuf ?

Oui, c’est fatiguant, mais je pense qu’au fil des albums, ma propre voix se solidifie. Sur chaque disque, je me demande toujours quelle est la partie qui me correspond le plus ou qui est la plus unique et comment je peux amplifier et explorer ça. Comme je suis capable de combiner mes différentes influences et de créer la musique que je veux, je pense que certaines de ces comparaisons vont se dissiper. D’un autre côté, la plupart des artistes qui sont mentionnés sont ceux que je considère comme le summum de la musique et de l’art. Donc, je suis souvent honoré d’être comparé favorablement.

– Pour rester sur le Glam Rock, vous êtes assez peu nombreux à en jouer aujourd’hui dans sa forme ‘classique’ en tout cas et en reprenant les codes du genre. Est-ce que tu te sens parfois étranger à la scène Rock actuelle, ou au contraire, cela t’ouvre beaucoup plus de portes que tu ne l’aurais pensé ?

Je me sens un peu étranger à la scène Rock actuelle, c’est vrai. Il y a beaucoup de nostalgie et peu de nouveautés qui semblent vitales et intéressantes au niveau de la création. Honnêtement, je me sens généralement plus connecté à ce que je vois se passer dans d’autres cercles que la scène Rock. Mon espoir est cependant de ramener un peu de cette vitalité créative au Rock et de le rendre passionnant et vital.

– L’impression immédiate que m’a donnée « Here Comes The Good Part » est que ta musique évolue en même temps que toi, ou que ton personnage au sens large à travers ton look notamment, et c’est précisément ce qui donne toute cette fraîcheur au disque. Est-ce que tu travailles, ou explores, ces deux facettes de manière simultanée et est-ce que l’une prend parfois le dessus sur l’autre ? Le look sur la musique, par exemple ?

Je pense qu’ils sont tous les deux en constante évolution. A mon avis, la musique vient en premier et que l’aspect visuel, c’est-à-dire le personnage, s’adapte ensuite à elle. J’élargis simplement mon univers à chaque album et donc il est amené à assumer de nouveaux rôles.

– Revenons à l’album et j’aimerais que l’on parle des arrangements, qui sont aussi nombreux que soignés. On y retrouve du piano et des cuivres, et ta guitare qui donne le ton. Est-ce que c’est un moyen de s’évader d’un Rock souvent brut et direct pour pouvoir exprimer plus d’émotions, notamment à travers des textes qui peuvent peut-être mieux respirer ?

Oui, je pense que la lumière et l’ombre sont nécessaires pour qu’une œuvre paraisse complète. J’aime aussi les surprises et, au fil d’un album, on a la possibilité d’emmener l’auditeur dans des lieux différents et de vivre d’autres émotions. C’est ce que j’aime dans l’expérience de l’album, le voyage que l’on peut faire au fil du disque. Je voulais avoir des couleurs différentes dans les arrangements pour que cela reste intéressant et surprenant et aussi pour lui donner une certaine ampleur émotionnelle.

– J’aimerais qu’on dise encore un mot sur ton look qui te donne beaucoup de relief à travers une personnalité finalement difficile à cerner. Est-ce une manière pour toi de te protéger, ou peut-être de te cacher derrière un personnage presqu’intouchable et qui ose tout ?

Oui, il y a vraiment beaucoup de ça. J’ai toujours aimé les ‘Rock Stars’ plus grandes que nature comme Little Richard, Mick Jagger ou David Bowie. C’est ce que je recherche chez un artiste, c’est pourquoi j’ai créé ce personnage pour cette musique, un personnage qui transmute la musique en un monde unique sur scène. Cela me donne la permission d’aller au-delà de ce que je pourrais être moi-même. Et cela me permet également de me libérer de tous les fardeaux de la réalité et d’entrer dans un nouveau monde avec des règles et des possibilités différentes. Et j’espère que ce monde touchera d’autres personnes et les transportera également ailleurs.

– Enfin, un petit clin d’œil au sujet de Nashville où tu résides depuis un moment déjà. Comment est-ce que cela se passe au milieu des cowboys et des cowgirls ? L’envie d’écrire un album de Country Music ne te titille pas encore ? 

(Rires) Non, pas encore ! Et c’est une voie que je ne pense pas emprunter de sitôt. La Folk ou le Blues des origines peut-être, mais la Country n’est pas vraiment dans mes cordes. Et il y en a beaucoup qui le font bien mieux que moi. Mais Nashville est un endroit formidable pour moi. J’ai trouvé tous mes groupes ici et il y a une scène musicale vraiment florissante, qui a un sens de la camaraderie que je n’ai trouvé nulle part ailleurs.

Le nouvel album de Gyasi, « Here Comes The Good Part » est disponible chez Alive Natural Sound.

Retrouvez la première interview de l’Américain…

… Et la chronique du précédent album live :

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Ginger Evil : solid as a Rock

Avec un telle entrée en matière, le combo nordique ne risque pas de passer inaperçu. Composé de musiciens chevronnés, GINGER EVIL s’aventure dans un Rock qui se fait de plus en plus rare et qui reprend les codes d’un registre efficace et mélodique. Avec « The Way It Burns », c’est une sorte de retour aux fondamentaux qu’il propose et la belle surprise vient aussi de sa chanteuse, Ella Tepponen, qui s’impose grâce à une technique irréprochable et une grande capacité à varier les intonations vocales. Très mature, ce premier album va réconcilier les fans de Rock au sens large.

GINGER EVIL

« The Way It Burns »

(Frontiers Music)

Voici la nouvelle sensation Rock finlandaise et c’est peu de le dire ! Les membres de GINGER EVIL n’en sont pas à leur coup d’essai, puisqu’on retrouve ici le guitariste Tomi Julkunen et Veli Palevaara qui faisaient tous deux partie de The Milestones. Rejoints par le batteur Toni Mustonen, le combo a enfin affiché complet avec l’arrivée d’Ella Tepponen au chant, laquelle offre au groupe sa véritable identité musicale et, entre Power et Heavy, son Rock est musclé, accrocheur et surtout parfaitement interprété.

En confiant la production de « The Way It Burns » à Teemu Aalto (Insomnium) et le mastering à Svante Forsbäck (Rammstein, Volbeat, Apocalyptica), GINGER EVIL a mis tous les atouts de son côté et ce premier opus est de ceux qui font franchement du bien. Cela dit, il ne faut pas s’attendre à une grande révolution, mais le Rock des Scandinaves a cet aspect très frais et fédérateur, qui peut faire d’eux une valeur sûre. Et puis, ce savoureux mix de Rock US, d’Alternative Rock et de Classic Rock séduit sans mal.

Très moderne dans son approche comme dans le son, GINGER EVIL ne met pas bien longtemps à tout emporter. Dès « Rainmaker », la vivacité des riffs et la puissance vocale de la frontwoman prennent le dessus et la suite s’annonce solide. Très américain dans le style, le quatuor multiplie les ambiances avec des clins aux 70’s comme à la scène californienne des 90’s (« Dead On Arrival », « Shame On », « Hands Move To Midnight », « Better Get In Line », « Not Your Fool »). Actuel et intemporel : une réussite.

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Blues Rock Classic Rock France Soul / Funk

Red Beans & Pepper Sauce : magic souls [Interview]

Rarement un groupe aura laissé échapper autant de liberté et de joie sur un même album. Pour RED BEANS & PEPPER SAUCE, c’est un huitième opus haut en couleur qui vient marquer une nouvelle étape dans la carrière des Montpelliérains. Si l’esprit de corps dominait déjà dans le son et faisait la force du groupe, avec « Supernova », il prend une incroyable dimension. Autour de sa charismatique chanteuse, le quintet a fait un peu de place pour accueillir pas moins de neuf invités, français comme étrangers. Une très belle célébration de son Classic Rock teinté de Soul et de Blues, dont Laurent Galichon, le guitariste et principal compositeur, nous parle avec autant de fierté que d’émotion.

– Avant de parler de « Supernova », j’aimerais qu’on revienne un instant sur votre parcours. Huit albums studio et un live en 14 ans, le tout ponctué de tournées bien fournies, est un rythme vraiment effréné. Ca vous arrive quand même de prendre quelques pauses ?

Je trouve que c’est dur de se remettre au travail après une pause, j’ai pu le constater quand il a fallu s’y remettre après la pandémie de Covid. Alors je préfère éviter les pauses et battre le fer tant qu’il est chaud.

– Justement avec un tel rythme, toi qui signes l’ensemble des morceaux hormis « I Want To Take You Higher » de Sly & The Family Stone datant de 1969, quand prends-tu le temps de te poser pour composer ? Tu le fais aussi en tournée, ou tu t’imposes des moments dédiés ?

Dès que j’ai une idée, je l’enregistre sur mon smartphone, parfois même en voiture où je chante simplement la mélodie ou le riff pour archiver. Et quand vient le moment de travailler des morceaux, alors je pioche dans le tiroir à idée. Mais c’est vrai que quand on se retrouve à moins de six mois de la deadline pour envoyer le master au pressage, le travail s’intensifie et à chaque fois les derniers mois de production sont très intenses.

– « Supernova » est l’un de vos disques le plus direct et le plus clairement axé sur le Classic Rock, parfois Hard, avec toujours un côté Bluesy et Soul. Est-ce qu’il y a une envie cette fois-ci de prendre les morceaux plus à bras-le-corps et d’aller vers quelque chose de plus essentiel et de dense ?

Oui, tout à fait. Bien avant de commencer le travail, quand on parlait de ce nouvel album avec Niko Sarran (également batteur du groupe – NDR) qui les réalise, on avait en tête d’aller vers plus d’efficacité avec des titres plus courts et plus directs. Quand on attaque un nouvel album, on a souvent des discussions en amont, souvent dans le van en tournée, où on cherche des axes de travail, de nouvelles directions pour continuer d’évoluer et rester créatif.

– D’ailleurs, est-ce qu’au moment de commencer l’écriture d’un tel album, tu avais une sorte de ligne directrice ou une intention en tout cas de faire émerger une atmosphère et une énergie différente, plus massive ?

L’album précédent, « 7 », était très axé sur le Classic Rock et cette fois-ci, il y avait une envie de revenir à un équilibre entre Rock et Soul, mais toujours avec des riffs qui viennent du Blues. En fait, on essaie de faire des albums qui auraient pu sortir dans les 70’s et cette fois-ci, on a essayé de mettre du groove dans le Rock et inversement. Et puis, Niko a fourni un véritable travail d’orfèvre sur le son de l’album. Il y a passé quasiment deux fois plus de temps que sur les précédents.

– L’une des caractéristiques de « Supernova » est bien sûr le nombre d’invités, qui sont tout de même au nombre de neuf, ce qui fait beaucoup sur un même disque. Comment cela se décide-t-il, car c’est assez rare ? Tu as composé certaines chansons en fonction d’eux, ou les choses se sont faites plus naturellement en laissant une petite place à l’improvisation ? 

Inviter des musiciens faisait partie de ces axes qu’on se donne avant de commencer la production. On a donc laissé sur certains titres des plages pour permettre à nos invités de s’exprimer, mais sans savoir à l’avance de qui il s’agirait. Et c’est quand on se rapprochait de l’arrangement définitif qu’on prenait le temps de réfléchir à qui le proposer. Parfois, on est resté dans le style de l’invité comme avec Rabie Houti qui à l’habitude de jouer son violon arabo-andalou sur des rythmiques Rock, ou avec Johnny Gallagher sur une ballade Blues Rock. D’autres fois, on s’en est un peu éloigné comme avec Fred Chapellier qui nous rejoint sur un titre très Classic Rock avec un riff de guitare très ‘fat’, ou avec Sax Gordon qui vient jouer sur un titre vraiment très funky et plus éloigné de son Rocking Blues.

– Il est beaucoup question de ‘fusion’ sur cet album, et dans tous les sens du terme. En y prêtant bien l’oreille, on note le soin apporté aux arrangements notamment, tout comme à la production plus largement. « Supernova » a nécessité six mois de travail en studio. Vous êtes-vous laissés quelques respirations, histoire peut-être de prendre parfois un peu de recul, ou au contraire, les choses étaient déjà clairement définies dans ce que vous souhaitiez obtenir ?

C’est un travail de longue haleine, plus un marathon qu’un 100 mètres. Certains titres fonctionnent immédiatement, mais d’autres doivent passer par plusieurs étapes avant que nous soyons satisfaits du résultat. Et le travail continue même après la sortie de l’album, car certains morceaux doivent être repensés pour la scène. C’est un peu comme bâtir une maison : on passe des fondations à un bâtiment couvert très rapidement, mais les finitions, elles, prennent beaucoup plus de temps, car on entre dans les détails.

– Un mot sur les guests en commençant par les artistes français où l’on retrouve Manu Lanvin, Fred Chapellier, Yarol Poupaud ou encore le violoniste Rabie Houti. Ce sont tous des musiciens avec lesquels vous avez déjà joué sur scène. Ces rencontres se sont-elles transformées en collaborations que vous teniez vraiment à réaliser depuis un moment déjà ?

Ce sont surtout des rencontres marquantes qui ont lieu parfois en tournée avec tout le groupe, ou alors par un seul d’entre nous en dehors. Mais dans tous les cas, elles sont si importantes qu’elles donnent l’envie de faire de la musique ensemble. Et on a été ravi que tout le monde nous réponde ‘Oui’ ! Certains enregistrements ont dû être faits à distance à cause de l’éloignement et des emplois du temps, et d’autres ont donné lieu à des séances en studios qui nous ont marqué. J’ai kiffé de passer du temps avec Boney Fields dans le studio de Niko à Montpellier, ou avec Manu Lanvin dans son studio à Paris. Des belles sessions, où tu sens qu’il se passe quelque chose.

– Et puis, il y a l’aspect ‘international’ de l’album avec les présences du Camerounais Emmanuel Pi Djob, des Américains Boney Fields, Fred Wesley et Sax Gordon, sans oublier l’Irlandais Johnny Gallagher. Là encore, le casting est époustouflant. Est-ce que chacun d’entre-eux avait une partition à respecter, ou est-ce qu’on laisse plus facilement des talents comme les leurs s’exprimer librement avec une sorte de carte blanche ? 

Pour chacun d’entre eux, c’était carte blanche. Mais forcément, il y avait des échanges. Parfois, notre invité avait une idée très précise, parfois, il hésitait entre plusieurs. Alors, on discute, on échange, on essaye des choses. Par exemple, c’était vraiment génial de passer du temps avec Manu et de le voir proposer tellement de choses avec la générosité qu’on lui connaît. Mais surtout, ils nous ont tous offert ce qu’on attendait, c’est-à-dire le meilleur d’eux-mêmes. On peut entendre la voix incroyable et le groove d’Emmanuel Pi Djob, l’explosivité et le ‘fonk’ de Yarol, le toucher tout en finesse de Fred Chapellier, la générosité et la puissance de Manu Lanvin, le groove qui claque de Boney Fields, l’énergie de dingue de Sax Gordon, la maîtrise et le son envoûtant de Rabie Houti et le feeling de Johnny Gallagher. Et puis, il y a eu la session avec Fred Wesley. J’étais là quand il a commencé à jouer dans le studio : c’était un voyage dans le temps. J’entendais le « Doing It To Death » de James Brown que j’écoutais en boucle plus jeune. C’est un moment précieux que je garderai en moi toute ma vie. Il fait partie des gens qui ont inventé cette musique. En deux notes, tu sais qui est dans la pièce. Tous ces musiciens exceptionnels ont été d’une grande générosité avec nous. Ils ont élevé chacun des titres auxquels ils ont participé à un niveau supérieur, et nous leur en sommes éternellement reconnaissants.

– J’aimerais qu’on dise un mot sur cette reprise de Sly & The Family Stone sur laquelle il y a du beau monde et où le line-up de RED BEANS & PEPPER SAUCE est le plus élargi de l’album. Comment est-ce qu’on tient tout le monde dans ce cas-là, car il règne un esprit jam manifeste ? Et par ailleurs, pourquoi avoir choisi ce morceau-là en particulier ?

J’ai plutôt l’impression que c’est ce morceau qui m’a choisi, car j’ai une histoire particulière avec lui. Je l’ai découvert au début des années 90 à la télévision, en voyant des musiciens que je ne connaissais pas le jouer sur une énorme scène, devant des milliers de spectateurs aux États-Unis. Il s’agissait en fait de George Clinton et de Funkadelic/Parliament, avec Larry Graham et d’autres invités. Ce titre m’a transpercé et j’ai adoré le fait qu’il soit interprété par autant de musiciens sur scène : tout le monde dansait, tout le monde chantait, c’était la grosse teuf. J’ai ensuite découvert qu’il s’agissait d’un morceau de Sly & the Family Stone, et l’album « Stand » fut une nouvelle claque. A la même époque, d’autres artistes que je ne connaissais pas se sont produits à Béziers : FFF, puis les JB’s avec Maceo Parker, Fred Wesley et Pee Wee Ellis. Ces trois découvertes, en quelques mois, ont été ma porte d’entrée vers la Soul Music : James Brown, la Stax (avec les disques d’Otis Redding de mon père), la Motown, etc… Alors qu’à l’époque, j’écoutais plutôt du Rock des années 60/70 comme Led Zeppelin, Jimi Hendrix, Deep Purple… Cette période a complètement bouleversé mon orientation musicale. Alors aujourd’hui, enregistrer ce morceau avec Yarol de FFF et Fred Wesley des JB’s qui ont également participé à ce changement, dans une version avec un groupe élargi en mode ‘jam’ comme dans la version de George Clinton, c’est une histoire complètement folle.

– Enfin, « Supernova » est probablement aussi votre album le plus varié avec des aspects Southern, Heavy Rock, Blues, Funky et plus largement très Rock’n’Roll. RED BEANS & PEPPER SAUCE devient de plus en plus inclassable et c’est une très bonne chose. Est-ce une façon aussi de vous débarrasser peut-être de certaines cases dans lesquelles on a pu vous mettre auparavant, ou plus simplement un signe de maturité qui se traduit par beaucoup plus de liberté affichée ?

Ce n’est pas vraiment calculé. Tout le monde dans le groupe a des influences diverses et variées et c’est l’association de nos personnalités musicales qui fait ce qu’est RED BEANS & PEPPER SAUCE. Je ne suis même pas sûr qu’on puisse y changer quoi que ce soit. On peut seulement l’encadrer en se donnant quelques directions, mais au final on sonne comme on sonne et il me semble qu’on reste cohérent d’un album à un autre.

Le nouvel album de RED BEANS & PEPPER SAUCE, « Supernova », est disponible chez Crossroads/Socadisc.

Photos : Cristina Gomes Morgadinho (1), Thierry Wakx (2, 3, 5) et Monsieur Mind (4).

Retrouvez aussi l’interview du groupe à l’occasion de la sortie de l’album « 7 » :

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Classic Rock Hard Blues

Lions In the Street : on the hunt

On n’en voudra pas à LIONS IN THE STREET d’être allé puiser dans de vieux morceaux pour constituer ce « Moving Along », bien au contraire. Sur une production tonique et vive, le quatuor américano-canadiens annonce la couleur et donne le ton. Rock’n’Roll jusqu’au bout des doigts, parfois bluesy, toujours groovy et avec un petit côté sudiste qui leur confère une saveur légèrement vintage, les lions entrent dans l’arène et ne font pas dans le détail. Réjouissants, imperturbables et honnêtes, les quatre musiciens se révèlent comme les prétendants à une relève très attendue. Un magnifique pavé dans la marre ! 

LIONS IN THE STREET

« Moving Along »

(Interior Castle Music)

Fondé en 2006, l’histoire de LIONS IN THE STREET a de quoi laisser songeur. Alors que le groupe avait toutes les cartes en main pour mener à bien une belle carrière, il n’en fut rien, même s’il n’est jamais trop tard, bien sûr. Managé par Allen Novac (Mötley Crüe, Blondie), signé chez TVT Records (Nine Inch Nails), puis 604 Records (Nickelback), le quatuor a tout envoyé balader et s’est retrouvé blacklisté par une industrie musicale rancunière. Mais après une longue traversée du désert, le retour est enthousiasmant et sonne comme une belle revanche.

Après deux Eps (« Cat Got Your Tongue » en 2006 et « On The Lam » en 2013), le combo, composé pour moitié de Canadiens de Vancouver et d’Américains de San Diego, a également sorti un premier album, « The Years » en 2016. Mais tout ceci s’est passé relativement dans l’ombre, sous les radars, ne parvenant pas à capter la chaleur des projecteurs pourtant bien méritée. Cette fois, Sean Casey (guitare), Enzo Figliuzzi (basse) et les frères Kinnon (Chris au chant et à la guitare et Jeff à la batterie) font rugir LIONS IN THE STREET pour de bon !

Et le bouleversement à l’œuvre avec l’avènement des plateformes et des réseaux sociaux a aussi bien aidé et ragaillardi la formation, qui fait son retour le couteau entre les dents. Armé d’un Classic Rock musclé et un brin arrogant, elle déroule ce « Moving Along » frais et fougueux avec une volonté exacerbée. Situé quelque part entre les Rolling Stones (même tout près !) et les Black Crows, LIONS IN THE STREET s’affirme à travers des titres entêtants (« Already Gone », « Gold Pour Down », « Shangri La », « Moving Along », « Truer Now ») Intègre !

(Photo : Gregory Crowe)

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Classic Rock Hard 70's

Winecraft : pied au plancher

Même si les influences sont manifestes, tout comme l’intention d’ailleurs, la formation de l’Est de la France nous embarque 50 ans en arrière au temps des pionniers et des légendes du Hard Rock et du Classic Rock. Pourtant, le propos de WINECRAFT est très actuel, seule sa musique libère une couleur vintage. Costaud et mélodique, il invoque les névroses de notre époque et ne boude pas son plaisir à faire de ces tensions des envolées inspirées et entêtantes. Une entrée en matière très réussie avec ce « Witchcraft’n Excess Wine » relevé.

WINECRAFT

« Witchcraft’n Excess Wine »

(Independant)

De toute évidence, il souffle un air de revival sur le Rock actuellement (c’est cyclique, comme dirait l’autre !) et la scène française commence à tirer son épingle du jeu dans le domaine. Bien sûr, on ne peut ignorer les deux beaux représentants issus des terres bretonnes, Komodor et Moundrag (et leur fusion !), et il faut dorénavant mentionner également WINECRAFT, dont le premier effort s’inscrit dans cette même veine. Le Classic Rock du quintet évoque bien entendu, et avec beaucoup d’efficacité, les 70’s et leur grain de folie.

Récemment rassemblés du côté de Strasbourg, les membres du groupe se sont déjà aguerris au sein d’autres formations, puis ont enchaîné avec quelques concerts. Car, c’est justement l’ADN et le nerf de la guerre chez WINECRAFT : la scène ! Ça l’est même au point que « Witchcraft’n Excess Wine » a été enregistré dans des conditions live, afin de capter au mieux l’énergie et la fougue de ses six morceaux… auxquels il faut d’ailleurs ajouter un septième issu en l’occurrence d’une prestation en public (« Who’ll Make It Out Alive ? »).

Bien produit, ce premier EP, long d’une bonne demi-heure tout de même, expose ce son brut et organique, qui constituait la saveur et l’authenticité de cette époque bénie si créative. WINECRAFT maîtrise et connait son sujet, ce qui lui offre une évidente légitimité et une belle crédibilité dans ses compos. Musicalement, l’ambiance renvoie à Led Zeppelin, l’orgue à Deep Purple et certaines parties vocales à Motörhead. Autant dire qu’on s’y sent bien et « Witchcraft’n Excess Wine » régale (« A Protest Love Song », « Back In Town »).

(Photo : Les Photos d’Alumine)