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Psych Stoner Doom Stoner Prog

Fostermother : une aventure éblouissante

Doté d’une incroyable créativité, FOSTERMOTHER se présente avec « Echo Manor » où il parvient encore à surprendre, grâce à un subtil alliage de Stoner et de Rock, de Doom et de Psych, le tout dans une atmosphère progressive éclatante. Très bien produit, le digne successeur de « The Ocean » s’annonce comme l’une des pièces maîtresses de la discographie des Américains. Un modèle de diversité et une ouverture musicale totalement maîtrisée et envoûtante.

FOSTERMOTHER

« Echo Manor »

(Ripple Music)

Depuis sa formation en 2019, le combo de Houston ne cesse de surprendre. Dès son premier album éponyme l’année suivante, FOSTERMOTHER a su s’imposer jusqu’à signer chez Ripple Music qui a sorti « The Ocean » et mis tout le monde d’accord. Sur une base Stoner Doom, le power trio continue ses expérimentations et avec « Echo Manor », le leader et fondateur Travis Weatherred (chant, guitare, claviers), Stephen Griffin (guitare, basse, claviers) et Jason Motamedi (batterie) explorent de nouvelles contrées musicales.

Tout en évoluant au fil de ses réalisations, FOSTERMOTHER réussit pourtant à imprimer sa personnalité artistique, même si les grands écarts sont nombreux depuis ses débuts. Dans ce cas, difficile de définir précisément le style des Texans. Sur « Echo Manor », leur Stoner Rock s’engouffre dans des territoires Psych et surtout progressifs, lorgnant même du côté du post-Rock avec des passages très aériens. Ce nouvel opus est de loin le plus trippant des trois et l’invitation à ce voyage étonnant et varié est franchement irrésistible.

Si le Doom de FOSTERMOTHER s’est vraiment éclairci, il n’en demeure pas moins véloce et puissant. Très bien ciselé, cette troisième production joue sur les ambiances, multiplie les tempos et offre une palette de riffs à la fois racés et mélodiques. Intenses, les nouvelles compos ne font pas l’impasse sur l’aspect occulte que le groupe cultive depuis toujours (« Wraith », « All We Know », « King To A dead Tree », « In The Garden Of Lies » et l’excellent morceau-titre). Avec beaucoup d’élégance, « Echo Manor » est littéralement brillant.

Retrouvez les chroniques des deux premiers albums :

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Desert Rock Psych

Ruben Romano : rush to the West

Avec « Twenty Graves Per Miles », RUBEN ROMANO a suivi ses envies et celles-ci l’ont mené à travers un univers Desert Rock entre Psych et musique de film. De western plus précisément. Le multi-instrumentiste et songwriter de The Freeks, batteur de Fu Manchu et ex-Nebula, prend ici un virage artistique aussi étonnant que parfaitement maîtrisé. Avec cette escapade musicale, l’Américain nous propose de sauter dans un wagon et de se laisser entraîner dans un périple saisissant.

RUBEN ROMANO

« Twenty Graves Per Mile »

(Desert Records)

Imaginer et concevoir la bande originale imaginaire d’un western imaginaire, telle a été l’entreprise de RUBEN ROMANO, artiste complet et ingénieur du son. Actuel leader de The Freeks dans lequel il officie au chant et à la guitare, mais aussi à la basse et à la batterie au niveau de la composition, il est également et surtout connu pour être, ou avoir été, derrière les fûts des mythiques formations Fu Manchu et Nebula. Un CV conséquent et qui en dit long, mais ce n’est pas de Stoner dont il est question ici. 

Loin des élans Rock’n’Roll qui le caractérise habituellement, RUBEN ROMANO a profité d’un break avec son groupe et c’est sans calcul que « Twenty Graves Per Mil » a vu le jour. Très organique, l’atmosphère Psych et Desert Rock de l’album possède en effet des allures de western. Immersif et très acoustique, c’est ce côté épuré que l’on retrouve sur l’intégralité de cette aventure solo aride et presqu’entièrement instrumentale, à l’exception de quelques voix sur « Jump Off Town (From Anywhere) » en toute fin.

Ce road-trip à travers les grands espaces menant vers l’Ouest américain demeure toutefois très narratif, malgré l’absence de textes. En ouvrant et en refermant « Twenty Graves Per Miles » avec le titre « Load The Wagon » décliné en deux parties, RUBEN ROMANO peut laisser son imagination et sa créativité s’étendre à travers des sonorités où chacun peut librement se raconter ses propres histoires. Car c’est d’histoires dont il s’agit, et de liberté aussi, dans cette ambiance paisible et captivante.

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Heavy Stoner Psych Progressif

The Swell Fellas : the last trip

Sans être pris au dépourvu, la déception est pourtant grande. Non pas que l’écoute de « Residuum Unknown » ne soit pas des plus agréables, car elle l’est, mais le groupe annonce mettre un terme à une histoire qui commençait franchement à prendre du volume. En l’espace de quelques réalisations, THE SWELL FELLAS aura marqué l’esprit des fans de Heavy Stoner Psych, grâce à un sens de la composition assez spécial. La liberté exacerbée de ses morceaux garde ici encore une place prépondérante et on souhaite les retrouver, même séparément, dans des projets aussi audacieux que celui-ci très bientôt.

THE SWELL FELLAS

« Residuum Unknown »

(Independant)

Certains albums laissent un goût amer et ce même quand leur qualité est irréprochable et révèle aussi le meilleur d’un groupe. C’est le cas avec « Residuum Unknown » qui marque la fin de l’aventure des Américains. Elle avait commencé il y a sept ans dans leur ville natale d’Ocean City dans le Maryland, avant que le power trio optent pour Nashville, Tennessee, où ils ont atteint l’apogée d’un Heavy Stoner Psych aux contours progressif et à l’esprit très jam, qui habite THE SWELL FELLAS depuis ses débuts.

Depuis la sortie de « The Big Grand Entrance », premier opus paru en 2020, jusqu’à ce « Residuum Unknown » qui sort aujourd’hui, l’évolution n’a jamais cessé et le style s’est peaufiné pour devenir l’un des plus originaux et créatifs de la scène actuelle. Au fil d’EPs et de singles captivants et pointilleux (« The Great Play Of Extension », « Death Race », « Novaturia »), THE SWELL FELLAS a gardé son indépendance, préférant adopter une liberté artistique totale, qui lui ressemble tellement. L’underground au sens noble.

Par conséquent, le combo a également soigné sa sortie et les frères Poole (Conner à la guitare et Chris à la batterie) avec Mark Rohrer (basse), assurant aussi tous les trois le chant, livrent probablement leur meilleur album à ce jour. Avec des paysages sonores toujours aussi lourds et un relief musical très varié, THE SWELL FELLAS parvient à se faire aérien et captivant à travers des morceaux d’une belle longueur (« Chlore To Bathe », « The Drain », « Pawns Parade », « Give Roses », « Next Dawn »). Ils nous manquent déjà !

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Stoner Metal

Orange Goblin : raw, not sweet

C’est enfin l’heure pour les fans de déguster la tant attendue déferlante ORANGE GOBLIN. Avec « Science, Not Fiction », les Britanniques viennent remettre les pendules à l’heure et démontrer par la même occasion qu’ils restent une référence inébranlable du genre. Taillé pour tout ravager sur son passage, ce dixième album se présente même comme l’un de leurs meilleurs. Epique, délicieusement Heavy et envoûtant, il est forgé de l’essence-même du Stoner et du Metal.

ORANGE GOBLIN

« Science, Not Fiction »

(Peaceville Records)

Alors que beaucoup sont restés plus que mitigés après « The Wolf Bites Back » sorti il y a six ans, cette fois, les Londoniens vont mettre tout le monde d’accord. Respirant le Rock’n’Roll à plein poumons, ils renouent somptueusement avec ce Stoner Metal si brut et racé, qui les a distingués et maintenus au sommet pendant trois décennies maintenant. ORANGE GOBLIN n’a rien laissé au hasard et l’arrivée du bassiste Harry Armstrong y contribue largement, tant la dynamique s’étend sur l’ensemble de ce nouvel opus.

En confiant la production de « Science, Not Fiction » à Mike Exeter, dont le travail avec Judas Priest et Black Sabbath notamment lui a valu un Grammy, le quatuor a vu juste. Totalement débridé, le groupe fait parler la poudre assénant des riffs aussi lourds que véloces sur des compos qui deviennent vite addictives. L’empreinte laissée par Motörhead sur ORANGE GOBLIN inspire même plus de respect qu’autre chose. L’héritage de Lemmy est entre de bonnes mains et il est ici ravivé, surpuissant et très actuel.

Dès les premières notes « The Fire At The Center Of The Earth Is Mine », les Anglais renouent avec leurs bonnes habitudes en se montrant accrocheurs et massifs. Gras et hyper-efficaces, ils se montrent implacables, grâce une utilisation subtiles de quelques claviers qui donnent encore plus de corps à l’ensemble (« (Not) Rocket Science », « Cemetery Rat »). Et ORANGE GOBLIN monte encore dans les tours et déploie des arguments monumentaux (« Ascent The Negative », « False Hope Diet », « The Justice Knife », « The Eye Of The Minotaur »). Classe !

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Heavy Stoner Doom Southern Stoner

Thunder Horse : passage en force

L’authenticité très rugueuse à laquelle les Texans nous ont habitués depuis leur formation se retrouve cette fois encore sur ce premier album live. Mieux, la puissance du combo se trouve ici exacerbée et cette tornade Stoner et Metal ne faiblit un seul instant sur ce « Dead Live In Texas », qui annonce la couleur dès la cover, où la photo de son frontman résume à elle seul l’intensité de cette performance, qui s’achève d’ailleurs sur un « Aces Of Spades » assez savoureux. Une bien belle célébration.

THUNDER HORSE

« Dead Alive in Texas »

(Ripple Music)

Si jouer à domicile a pour effet de décupler la motivation, du moins pour le sport, avec THUNDER HORSE, c’est carrément un doux euphémisme. C’est la foudre qui s’est abattue sur Cibolo, petite ville de la périphérie de San Antonio. En l’espace de six ans, le quatuor a sorti trois albums et a participé à « Burn On The Bayou », une compilation Heavy Stoner en hommage à Creedence Clearwater Revival, initiée par son label Ripple Music. Et il faut admettre que depuis leur premier effort éponyme, c’est un sans-faute.

Même si l’on pouvait légitimement imaginer que les prestations live du groupe seraient largement à la hauteur de ses réalisations studio, « Dead Live In Texas », vient en apporter la confirmation. Mené par un Stephen Bishop (chant, guitare) aussi exalté que sur la pochette, Todd Connaly (lead guitare), Dave Crow (basse) et Johnny Lightning (batterie) s’en donnent à cœur-joie sur neuf morceaux, qui ont dû faire trembler plus d’une fois les murs. Façon rouleau-compresseur, THUNDER HORSE entraîne tout sur son passage, public compris.

Avec une setlist resserrée et assez courte, les Américains ont décidé de se concentrer sur leurs titres les plus explosifs, en faisant honneur à leur trois opus. Avec cette faculté à englober son Stoner de Doom, de Heavy Metal et d’un Rock massif et Southern, ils nous plongent dans un chaudron bouillonnant dans les pas des légendes du genre. Une folle énergie a toujours submergé THUNDER HORSE et « Dead Alive In Texas » vient couronner un élan ravageur (« New Normal », « Song For The Ferryman », « Monolith », « Chosen One »).

Retrouvez les chroniques consacrées au groupe :

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Hard 70's Occult Rock Proto-Metal Psych

Occult Witches : une fantasmagorie prégnante

On le croirait tout droit sortis des années 70, tant la maîtrise affichée par OCCULT WITCHES a quelque chose d’évident dans la démarche, comme dans l’écriture de ce Rock/Hard aux atmosphères parfois baroques, épiques et même légèrement Doom et Stoner. Les Canadiens proposent un univers Dark, qui tranche cependant avec la majorité des combos actuels du même mouvement. Par sa diversité et une prestation vocale en parfaite adéquation avec les parties instrumentales, « Sorrow’s Pyre » est aussi captivant que frénétique. Une prouesse !

OCCULT WITCHES

« Sorrow’s Pyre »

(Black Throne Productions)

Depuis « Morning Walk » sorti en 2021, OCCULT WITCHES avance sur une cadence effrénée à raison d’un album par an. Pourtant, cette fertile productivité, loin d’être surabondante, a la particularité de préciser et d’affiner le registre des Québécois. L’évolution est manifeste et même implacable, tant les réalisations qui se succèdent viennent peaufiner leur propos et leur style, qui se nourrit autant de Classic Rock, que d’un Blues musclé, de Stoner, de psychédélisme et d’un proto-Metal forcément vintage, mais si rafraîchissant.

Après un deuxième opus éponyme en 2022, puis « Mastermind » en 2023, le quatuor livre donc « Sorrow’s Pyre » et semble toujours aussi inspiré. Mieux, il atteint une sorte d’apogée qu’on sentait poindre depuis un petit moment déjà. L’identité musicale d’OCCULT WITCHES est éclatante et doit aussi sans doute beaucoup à sa chanteuse, Vanessa San Martin, littéralement habitée par des ambiances forcément sombres, tournées vers un occultisme, qu’elle fait vivre avec autant de puissance que de délicatesse. La maîtrise est totale.

Entourée par le flamboyant guitariste Alec Sundara Marceau, et soutenue par le duo basse/batterie composé de Danick Cournoyer et Eliot Sirois, la frontwoman est le point d’équilibre du groupe, dont chaque membre apporte sa touche dans un ensemble très organique, capable de se déployer dans des moments intenses et musclés comme à travers des passages plus légers. OCCULT WITCHES passe de l’ombre à la lumière avec un irrésistible côté hypnotique (« Malice », « Faustian Bargain », « Flesh And Bones », « The Fool »).   

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Dark Folk Heavy Stoner Doom Stoner Doom

Moon Womb : transcendental

L’une des premières choses qui surprend chez MOON WOMB, c’est cette production à la fois rugueuse et sauvage, et pourtant très lumineuse, qui se caractérise par une volonté d’authenticité et d’une certaine pureté. La délicatesse presque vulnérable de la voix fait face à des distorsions guitaristiques où l’étrangeté musicale reste étonnamment familière et transcendante. Les Américains donnent le sentiment d’avoir totalement électrifié un registre acoustique pour lui donner du corps et le résultat est plus qu’ingénieux.   

MOON WOMB

« Moon Womb »

(Firelight Records)

Rangé derrière une étiquette Heavy Rock un peu étriquée, MOON WOMB fait partie de ses groupes complètement atypiques, qui semblent avoir un don inné pour désarçonner leur auditoire. Car sur ce premier album éponyme, les frontières stylistiques sont abattues pour laisser libre-court à l’inspiration du duo, qui nous embarque dans un périple musical contemplatif, globalement assez sombre, mais toujours pertinent et original. Ici s’entrechoquent Folk et psychédélisme sur fond d’ésotérisme et de magie.

Originaire de Woodland en Caroline Du Nord, Brandy (chant, batterie et cymbales) et Richard Flickinger (guitare et amplification) se sont créé un univers très personnel, composé de paysages sonores aux reliefs saisissants. Très organique dans le son, « Moon Womb » est guidé par la voix de sa chanteuse, qui n’a pas son pareil pour donner aux morceaux des aspects presqu’incantatoires avec une douceur enchanteresse. MOON WOMB se montre très intimiste dans l’approche et même assez minimaliste dans la composition.

Le tandem est en symbiose totale et si la voix semble ouvrir le chemin, la guitare baryton aux sonorités brutes et singulières donne le ton aux ambiances qui s’engouffrent dans des passages très sombres et atmosphériques. On est proches d’une Dark Folk où se mêlent contes de fées et folklore dans une ode à la nature. La lenteur des compositions de MOON WOMB libère d’étonnantes impressions de liberté et d’espace et des éléments empruntés au Drone, voire au Doom, se joignent à ce mélange artistique créatif et inattendu.         

Photo : Agatha Donkar Lund
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International Stoner Rock

Greenleaf : indestructible foundation [Interview]

A la tête de deux institutions, qui sont autant de locomotives du Stoner européen, Tommi Holappa mène de front les groupes Dozer et GREENLEAF. Alors que le premier a sorti « Drifting in the Endless Void » l’an dernier, c’est avec le très bon « The Head & The Habit » qu’il réapparait aujourd’hui, toujours animé d’une passion inébranlable et d’une bonne humeur contagieuse. Très prolifique, le guitariste et ses trois camarades de jeu livrent un nouvel album riche et compact, tout en restant véloces et accrocheurs. Ce neuvième opus est l’un des meilleurs des Suédois et il s’accompagne aussi d’un changement de label. Entretien avec un musicien toujours aussi créatif.  

– La première sensation qui ressort de l’écoute de « The Head & The Habit » est une impression d’aboutissement, une sorte d’apogée du style de GREENLEAF. C’est aussi ton sentiment, celui d’être aller au bout d’un processus de création fort ?

Je peux te dire qu’après avoir eu le mixage final de l’album pendant presque cinq mois avant sa sortie, j’aime toujours beaucoup l’écouter ! Habituellement, bien sûr, j’apprécie chaque nouveau disque que nous faisons, mais avec le temps, on finit par avoir quelques favoris et aussi des chansons qui ne se sont peut-être pas révélées aussi bonnes qu’on l’aurait souhaité. Cela peut, par exemple, être de petits détails dus au mixage, comme le son de la guitare qui n’est pas parfait sur un solo. Des choses comme ça peuvent parfois m’énerver, donc je ne peux plus supporter certains morceaux ! (Rires)

Mais cet album, je peux l’écouter du début à la fin et j’en suis très satisfait ! L’écriture des chansons est forte, la production est excellente, il y a beaucoup d’énergie et on a l’impression que tout le travail acharné que nous avons prodigué a payé ! Alors oui, pour le moment, j’ai l’impression que c’est probablement notre album le plus fort à ce jour. Redemande-moi dans un an et on verra s’il aura résisté à l’épreuve du temps ! (Rires)

– Vos précédents albums gardaient toujours un petit côté imprévisible, tandis que celui-ci est assez direct avec un songwriting plus resserré aussi. L’objectif de « The Head & The Habit » était d’aller à l’essentiel, de gagner en efficacité ?

Quand nous avons commencé à écrire des chansons, nous savions que nous voulions faire un album un peu plus ‘joyeux’. « Echoes From A Mass » était un album assez sombre, parce qu’Arvid était en instance de divorce et il se sentait déprimé pendant la composition. Cette fois-ci, il n’y a pas eu de divorce et tout le monde était dans une bonne situation de vie personnelle. Donc, il s’est agit de passer un bon moment, de profiter de la compagnie de chacun et de composer le meilleur album possible. Bien sûr, les textes sont toujours aussi sombres, car Arvid ne peut pas écrire de paroles joyeuses ! (Rires) Mais la musique est plus énergique et un peu plus entraînante.

– On retrouve bien sûr l’ADN de GREENLEAF avec ce savant mélange de Fuzz, de Desert Rock et de Blues enrobé d’un Stoner Rock véloce et percutant. Et l’album est aussi très bien équilibré. Justement, comment avez-vous travaillé cette fois-ci, et est-ce que vous avez œuvré, dès le départ, pour trouver la manière de rendre l’ensemble le plus homogène et complet possible ?

Lorsque nous commençons à travailler sur du matériel pour un nouvel album, cela prend toujours du temps avant d’entrer véritablement dans le flow. Nous pouvons avoir deux ou trois bonnes idées, mais qui ne nous semblent pas géniales pour autant. Cela peut prendre des semaines, ou parfois des mois, avant d’avoir cette idée de chanson qui nous fait vraiment dire ‘Wow !’. Pour cet album, « Avalanche » a été la chanson qui a tout déclenché. Cela devient plus facile d’écrire tranquillement quand on a une idée de morceaux qui nous inspirent vraiment. Ensuite, le reste arrive naturellement et après un certain temps, on a en quelque sorte un fil rouge qui traverse tout cela, et on commence à entendre ce qui manque à l’album. Les deux dernières chansons écrites ont été « That Obsidian Grin » et « An Alabastrine Smile », parce que nous avions déjà des titres très rythmés et on voulait ralentir un peu les choses. Et la tracklist de cet album a été décidée avec l’idée du vinyle en tête, car nous voulions deux faces, qui se terminent toutes les deux par un titre plus doux. C’est vrai que nous consacrons beaucoup de temps à essayer de trouver l’ordre parfait des morceaux, car un bon album doit être comme un bon film : avoir des hauts et des bas, ainsi que te tenir en haleine et te captiver jusqu’à la fin.

– Comme pour « Echoes From The Mass » et depuis très longtemps maintenant, vous avez travaillé avec Karl Daniel Lidén, qui vous connait très bien. Pourtant, le son paraît plus clair sur « The Head & The Habit » et la production plus accessible et accrocheuse aussi. Est-ce que cela tient tout simplement au contenu de l’album et des textes, ou c’est le son que vous cherchiez à obtenir depuis un moment déjà ?

Oui, Karl Daniel est en quelque sorte le cinquième membre du groupe et il sait exactement ce dont les chansons ont besoin. Habituellement, lorsque nous arrivons à la moitié d’un album, nous faisons un enregistrement merdique des chansons en répétition et en direct avec nos téléphones, puis nous l’envoyons à Karl Daniel. C’est à ce moment-là qu’il élabore généralement un plan sur la façon dont l’album devrait sonner. Il écoute les chansons et commence alors à entendre dans sa tête comment devrait être la production. Il fait vraiment ressortir le meilleur de nous !

– Un mot aussi au sujet des textes qui sont très introspectifs et qu’Arvid Hällagård a écrit en se servant de son expérience personnelle avec des personnes en souffrance. Et c’est vrai que l’album a un aspect très narratif dans son déroulé. On a l’impression que vous avez voulu apporter plus de profondeur et d’émotion en explorant ces thématiques. Pourtant, l’ensemble est étonnamment lumineux. Votre envie était-elle de jouer sur ces contrastes ?

Comme je te le disais, Arvid a du mal à écrire des paroles ‘joyeuses’ sur les voitures rapides, les filles et l’alcool ! (Rires) Nous laissons ça à d’autres groupes, qui le font mieux que nous. Sur cet album, les textes parlent principalement de problèmes de santé mentale et de dépendance et nous avons pensé qu’il était intéressant d’avoir des contrastes entre la musique et les paroles. La chanson peut être entraînante et dansante, mais ensuite les mots peuvent te transporter dans un endroit totalement différent.

– Ces dernières années, tu avais pu te consacrer uniquement à GREENLEAF et l’an dernier Dozer a aussi fait son retour (et quel retour !) avec le très bon « Drifting In The Endless Void ». De quelle manière mènes-tu les deux groupes de front ? Je pense surtout à la composition, à ton jeu de guitare et à ton son ? C’est facile de passer de l’un à l’autre ? Et est-ce que ta configuration personnelle est différente sur ton instrument et sa sonorité ?

En fin de compte, c’est facile car Fredrik (Nordin – NDR) et Arvid travaillent tous les deux de manière différente et ce sont des chanteurs très distincts aussi. Si je soumettais une idée de riff à Fredrik, puis la même à Arvid, cela donnerait deux chansons totalement différentes. Mais bien sûr, il y a des parties de guitare dans GREENLEAF, qui pourraient être celles de Dozer et inversement. Les trucs les plus Blues que je propose vont toujours à GREENLEAF et les trucs plus durs à Dozer. Et par ailleurs, je ne travaille pas sur des chansons pour les deux groupes en même temps, ça prêterait à confusion, je pense. Un album à la fois et avec un seul groupe. Et puis, j’ai la chance de travailler et de faire de la musique avec deux grands chanteurs.

– D’ailleurs, les albums de GREENLEAF et de Dozer sont assez proches dans leur sortie respective. Comme allez-vous défendre « The Head & The Habit » sur scène, est-ce que l’on pourrait rêver à une affiche regroupant les deux groupes, comme on a déjà pu le voir avec d’autres musiciens ?

C’est une bonne idée ! Mais je pense que Sebastian (Olsson – NDR), qui est aussi le batteur des deux groupes, et moi mourrions sur scène si nous faisions deux sets d’affilée ! (Rires) Et ce ne serait pas juste envers le groupe qui joue en dernier d’avoir Sebastian et moi après deux ou trois heures de scène dans les pattes ! (Rires)

– Tu es à la tête de deux groupes majeurs de la scène Stoner européenne, qui se distinguent dans des approches différentes et créatives. Même si les journées ne font que 24h, est-ce que tu pourrais avoir l’envie, ou juste l’idée, de créer une autre entité dans une nouvelle déclinaison Stoner ?

On m’a demandé de rejoindre différents projets, mais pour le moment, je n’ai pas le temps. Jouer dans ces deux groupes, avoir un travail quotidien, puis une famille et une fille m’occupent 24 heures. Mais un jour, je monterai un groupe avec Karl Daniel et Peder de Lowrider. Nous en parlons depuis des années. Nous sommes tous des gens très occupés, mais dans le futur, cela arrivera. C’est sûr !

– Enfin j’aimerais qu’on dise aussi un mot sur votre changement de label. Vous avez quitté Napalm Records pour Magnetic Eye Records. Pour quelle raison et est-ce un label qui répond plus et mieux à vos attentes et qui s’éparpillent aussi peut-être moins dans son catalogue ?

Nous avons changé de label, parce que nous avions fait trois albums avec Napalm. Ils ont fait du bon travail, mais il était temps d’essayer autre chose. Nous voulions revenir à un label un peu plus petit, où nous serions l’un des plus grands groupes au lieu d’être un petit groupe de Stoner parmi beaucoup de groupes de Power Metal. Jusqu’à présent, tout se passe très bien avec Magnetic Eye Records ! Nous sommes heureux et eux ont l’air de l’être aussi… C’est un accord parfait !

Le nouvel album de GREENLEAF, « The Head & The Habit », est disponible chez Magnetic Eye Records.

Retrouvez la chronique de l’album précédent de GREENLEAF…

…Et les deux interviews de Tommi pour DOZER :

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Stoner Rock

Sons Of Arrakis : flux et reflux

Le voyage proposé par SONS OF ARRAKIS sur son deuxième opus est captivant à bien des égards. Derrière l’épaisseur des guitares, une paire basse/batterie redoutable et un chant très aérien, les Canadiens parviennent à rendre leur Stoner Rock très accessible en nous plongeant subtilement dans l’aspect conceptuel de leur propos. Véloce et accrocheur, « Volume II » montre une étonnante diversité, très rassembleuse, tant elle parcourt des couleurs musicales très changeantes.

SONS OF ARRAKIS

« Volume II »

(Black Throne Productions)

Avec ce « Volume II », SONS OF ARRAKIS passe à la vitesse supérieure et laisse exploser tout le potentiel aperçu sur le premier volet. L’univers Sci-Fi du groupe s’inspire toujours de paysages musicaux variés, mais aussi de littératures diverses. Cette fois, c’est le livre ‘Dune’ de Frank Herbert qui sert de fil rouge et c’est vrai que vu les récentes sorties cinématographiques couronnées de succès, le choix est plutôt judicieux d’autant que l’œuvre en question est vaste et le champ d’investigation ouvre bien des portes.

Bien produit, ce deuxième album présente un Stoner Rock multi-facette et sur une même thématique, les Québécois se montrent autant à leur aise dans des sonorités Psych, Desert et Prog que Doom et carrément Classic Rock. SONS OF ARRAKIS ne s’interdit rien et des twin-guitares galopantes à des riffs plus lourds et des solos hyper-Heavy, le quatuor s’amuse le plus sérieusement du monde. La dynamique du jeu de faiblit pas un seul instant et on se laisse agréablement guider dans cette épopée ambitieuse.

Avec beaucoup d’efficacité dans l’écriture, le combo de Montréal ne néglige pas pour autant une certaine complexité dans la structure de ses morceaux, bâtis pourtant sur un modèle de chansons. Mélodique, le groove n’en est pas moins costaud et la puissance affichée par la rythmique notamment libère une sorte d’euphorie captivante. SONS OF ARRAKIS se montre original dans l’approche, mariant des effets très actuels avec des passages presque vintage soigneusement élaborés. Un bel album rétro-futuriste et une belle vision du Stoner.

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folk Psych

Dorian Sorriaux : éclatant de sérénité

La musique de DORIAN SORRIAUX est le signe d’une certaine intemporalité qui, pourtant, se renouvelle grâce à l’apport de sonorités variées. D’un classicisme assumé et d’une précision toute moderne et aérienne, l’élégance de ce premier album séduit autant par la diversité des ambiances à l’œuvre, que par une interprétation remarquable. Très organique, « Children Of The Moon » a été enregistré en Bretagne, mixé en Suède et les compositions n’en sont que plus éclatantes, tant leur esthétisme dégage une rare intensité.

DORIAN SORRIAUX

« Children of the Moon »

(The Sign Records)

Le Breton est réputé pour son esprit d’indépendance et DORIAN SORRIAUX s’inscrit parfaitement dans cette lignée. Alors qu’il avait entamé une belle carrière à l’international avec Blues Pills en tant que guitariste principal du groupe suédois, qui sortira d’ailleurs son nouvel opus, « Birthday », début août, il a préféré retrouver sa liberté artistique après six ans de bons et loyaux services. Un retour au bercail qui date de 2018 et depuis lequel le Finistérien s’est forgé un univers musical plus personnel.  

Du haut de ses 28 ans, le songwriter est, on le sait, déjà aguerri grâce à de multiples tournées, ainsi que par le travail en studio avec son ancienne formation. Après un premier EP, « Hungry Ghost » il y a six ans déjà, DORIAN SORRIAUX se livre sur la longueur avec dix morceaux relativement acoustiques et assez éloignés de son registre précédent. Délicat, paisible et intimiste, « Children Of The Moon » évolue dans une Folk très 70’s sur le fond, mais très contemporaine dans la forme, malgré des références assez évidentes.

Et le compositeur n’est pas seul, puisqu’on retrouve notamment la fratrie Moundrag à ses côtés apportant une touche psychédélique à un style assez éprouvé que DORIAN SORRIAUX pare de beaucoup de fraîcheur (« Light In The Dark », « Shine So Bright », « To The Water » et le troublant « Believe That You Can Change »). Sur des arrangements très soignés, l’ensemble est d’une profonde richesse et est mené par une vision authentique et préservée de toute intention nostalgique ou revival.