Avec des aspects soniques et explosifs d’un côté et des contours plus extatiques et progressifs de l’autre, cette deuxième réalisation d’ALCONAUT montre à quel point le Doom est un registre vaste et surtout au sein duquel il existe une multitude de possibilités. Au-delà de l’épaisseur qui enlise souvent, la vitesse prend aussi le dessus, caressant parfois même le Sludge. « Endless Skies » est constitué de toutes ces composantes et l’expédition musicale passe de la balade à une course effrénée en un rien de temps.
ALCONAUT
« Endless Skies »
(Independant)
Originaire de Corse, ALCONAUT a vu le jour en 2017 du côté de Bastia, où il s’est d’abord fait la main en reprenant les morceaux de ses groupes préférés estampillés Stoner et Desert Rock. Deux ans plus tard, le trio sortait son premier album, « Sand Turns To Tide », dans lequel il montrait déjà de belles dispositions et une réelle originalité. Avec « Endless Skies », c’est à un voyage presque cosmique auquel il nous convie entre Doom et Psych Rock.
Sur une base Stoner, ALCONAUT tend à la fois vers le Rock et le Metal, une sorte d’aller-retour entre Black Sabbath et Kyuss. Une manière aussi de muscler ses morceaux et de s’engouffrer dans des sphères Doom épaisses et massives. Après « Slug » qui est assez soutenu, place à « Lost » beaucoup plus lent et écrasant, malgré quelques fulgurances plus tendues. Vocalement, on imagine bien Lemmy poser sa voix sur ces rythmes chaotiques.
La production ronde et aérée d’« Endless Skies » offre aussi l’occasion au combo d’intégrer d’autres sonorités et même quelques notes d’harmonica pour le côté Desert. ALCONAUT prend surtout le soin de ne pas se répéter et se livre à un dépaysement en règle sur des titres très différents, avec notamment le triptyque ascensionnel « Ascending », le très Fuzz « Icarus Down » et le solide « Gelmir’s Path ». Une belle variété pour un opus créatif.
Le Bluesman du Sud-ouest fait partie de ce cercle très restreint de ceux qui chantent le Blues en français, preuve s’il en est, qu’il sonne aussi bien que ses homologues américains et qu’il présente aussi l’avantage d’être compris par tous. Et CADIJO, c’est aussi un, et même plusieurs, harmonica qui donne de la lumière, des couleurs et la tonalité d’un style qu’il est allé puiser du côté du Swamp et du Shuffle. « C’est Ainsi » est touchant, souvent drôle et toujours attachant.
CADIJO
« C’est Ainsi »
(Independant/Inouie Distribution)
Cela fait déjà un bon moment que la scène Blues hexagonale se porte comme un charme avec une nouvelle génération également, qui vient confirmer sa bonne santé. Pourtant en dehors de quelques uns, Benoit Blue Bloy, Paul Personne et Bill Deraime pour ne citer qu’eux, très peu de musiciens osent franchir le pas pour s’exprimer dans la langue de Molière dans ce style aux saveurs tellement américaines. Mais CADIJO le fait, et il fait très bien.
Avec huit albums à son actif, le Gascon n’a plus grand-chose à prouver et, mieux, il s’est créé une identité musicale riche et originale, où son harmonica fait des merveilles et mène divinement la danse. Avec « C’est Ainsi », le chanteur et compositeur invite le Delta chez nous et nous fait voyager grâce à des textes plein d’humour, qui sont autant d’instants de vie authentiques. CADIJO raconte de belles histoires, le sourire aux lèvres, et où chacun peut se reconnaître.
Sur une base de Chicago Shuffle et de Swamp Blues, il délivre des paroles d’une douce poésie, d’une belle tendresse et de traits d’esprit bien sentis (« Quelle Sale Journée », « Tondre Le Gazon », « Faut Pas Rêver », « J’T’Attendrai », « Elle N’a Jamais le Temps »). Très bien entouré, CADIJO et son harmonica jouent à la fois la décontraction tout en se montrant parfois mordant. « C’est Ainsi » est un délicieux moment de Blues à travers un quotidien joyeux et enthousiaste.
En observateur avisé de notre société et animé par une curiosité qui ne le quitte jamais, BERNIE BONVOISIN se livre en solo avec un cinquième album que l’on n’attendait pas forcément si tôt. Moins d’un an après « Propaganda » de Trust, c’est dans un registre très différent, mariant sa culture Rock au Blues et même par certains aspects à la Country, que le chanteur révèle une facette moins connue que celle affichée avec son groupe. Original, très acoustique et toujours guidé par des textes affinés et affûtés, « Amo Et Odi » offre des couleurs inattendues et attachantes. Entretien avec le mythique frontman français.
– Ton nouvel album sort tout juste neuf mois après « Propaganda » de Trust, ce qui est très court. Les morceaux étaient déjà en boîte et les textes écrits, ou est-ce que tout s’est fait rapidement ? On te sait très créatif quand tu entres en studio et tu aimes aussi enregistrer en condition live…
Tout s’est fait dans la foulée. On est entré en studio presque sans rien. On avait préparé plusieurs choses chez moi, où on avait énormément travaillé en acoustique.
– Qu’est-ce qui t’a motivé à retourner aussi rapidement en studio ? C’est assez rare de voir quelqu’un sortir deux albums en moins d’un an, où alors c’est l’envie de vite retrouver la scène qui t’y a poussé ?
On me l’a proposé et j’ai accepté, tout simplement. Un album solo est toujours très différent, dans le travail comme dans l’approche. C’est une autre manière de faire les choses.
– Beaucoup de morceaux ont été écrits en studio. Comment as-tu sélectionné les 13 qui composent « Amo Et Odi » ? Est-ce que dans ces cas-là, on pense à l’intégralité du disque et à sa cohérence, ou plutôt aux moments forts ?
On a fait une sélection de 18 morceaux. En fait, on a fait 13 titres sans batterie et cinq autres avec. Oui, on a réfléchi au tracklisting ensemble. C’est un album qui s’est fait assez simplement et avec des gens en qui j’ai pleinement confiance. On a travaillé sereinement, on a cherché des choses. Ca a été une sorte de laboratoire en fait.
– Sur le même sujet, pour ce nouvel album solo, tu te distingues vraiment de ce que tu fais avec Trust, ce qui est très compréhensible. Pourtant, musicalement sur certains titres et surtout au niveau des textes, il y a aussi des similitudes dans l’engagement notamment …
Oui, mon écriture reste mon écriture. Ca se passe surtout dans la manière d’écrire, qui est cette fois plus intime et plus personnelle. Mais l’essence reste la même. Sinon, c’est un aspect des choses sur lequel je ne me penche pas plus que ça. Je sais comment je vais aborder les chansons. Ma source d’inspiration reste la même : je vis dans un monde et une société que j’essaie de comprendre. Je suis traversé par des choses et j’en parle. L’aspect qui est radicalement différent par rapport à Trust, c’est qu’il s’agit d’un album de chansons, plus encore que les quatre autres disques.
– D’ailleurs, ton avant-dernier album solo, « Organic », date de 2010. Ils sont tous très espacés depuis « Couleur Passion » en 1986. Est-ce que tu attends toujours le moment propice, celui de l’inspiration, ou ce sont tes autres activités qui guident un peu les sorties ?
Là, c’était vraiment une question d’opportunité. J’ai reçu un coup de fil un matin pendant la deuxième période Covid. On m’a proposé de faire un album solo, j’ai dit pourquoi pas et nous y sommes. Ca s’est vraiment passé aussi simplement que ça.
– Justement sur le même thème, notre époque incite clairement à la révolte, pour ne pas dire à la révolution, tant les injustices sont grandes et surtout n’épargnent pas grand-monde. J’imagine que cela doit aussi se bousculer dans ta tête au moment de coucher un texte. Tes choix se font sur ce qui te touche le plus et comment te places-tu par rapport à l’urgence de certains sujets ?
Il y a aussi une notion d’instant T. C’est très divers et varié. C’est ce qui est dans l’air, il n’y a pas de thématique appropriée ou de choses dont on peut parler spécifiquement. Une idée est quelque chose de volatile.
Photo : Frédéric Dugit
– Izo, David Jacob et Jean-Pierre Bucolo et son dobro t’accompagnent et l’ensemble sonne très bluesy en dehors de du très beau piano/voix sur « A S’en Ouvrir Les Veines ». C’est plus facile de travailler avec une équipe restreinte ? Et est-ce cette tonalité était celle que tu avais en tête dès le départ ?
Oui et il y a même des choses Country sur l’album. Jean-Pierre est un ami depuis 1977. On est très proche et c’est un très grand compositeur. Il a apporté une manière différente de travailler, d’aborder les chansons. C’est vraiment une super expérience. Au final, en grande partie sur cet album, c’est la musique que j’écoute. J’ai un spectre d’écoute qui va de La Calas à Led Zeppelin. J’écoute énormément de Country comme du Rap colombien aussi. Je suis basiquement très curieux, comme pour tout dans la vie. Je n’ai jamais été dans une chapelle, je préfère les ponts que les murs. Durant cette période, on s’est beaucoup retrouvé chez moi, on a écouté de la Country, de choses comme ça. C’est pour ça qu’on a fait des morceaux avec juste un dobro et une voix. On a vraiment essayé des choses différentes.
Et c’est aussi plus facile de travailler en équipe restreinte dans la mesure où on n’est pas dans une contrainte de genre. Chacun peut vraiment amener toutes ses idées. Tout est bon à prendre et à essayer. Il y a des morceaux dans cet album qui ont été structurés et déstructurés trois/quatre fois jusqu’au dernier moment. Le morceau « Amy », par exemple, a été fait en cinq minutes, parce que notre ingénieur du son a eu l’intelligence de mettre un micro, lorsque nous avons improvisé le titre. On a fait deux prises et celle qui est sur l’album est la première. J’aime travailler comme ça, et que chacun puisse s’exprimer et exprimer sa différence. C’est essentiel ! C’est ce qui amène des couleurs et des tons différents.
– Un petit mot sur ce panneau qui sera sur scène et où sera indiqué : ‘On ne joue pas « Antisocial »’. Effectivement, il n’a rien à voir avec ton travail en solo, dont acte. J’aimerais juste savoir comment tu arrives à raviver l’envie de le chanter, plus de 40 ans après sa sortie ?
Oui, c’était une joke, parce que c’est quelque chose qu’on me demande à chaque concert. De toute façon, je ne mélange pas les choses. Maintenant, je souhaite à tous les artistes d’avoir une croix comme celle-là à porter.
Photo : Maury Golini
– Justement pour les concerts à venir, l’idée est de faire le focus sur ce nouvel album, ou est-ce que tu joueras également des morceaux de tes autres disques solos ?
Pour le moment, l’idée de travail est de jouer l’album tel qu’il est, c’est-à-dire sans batterie avec une formation où nous serons quatre avec David Jacob, Izo, Jean-Pierre Bucolo et moi-même. Izo va réaliser un gros travail de programmation que l’on va entrecouper avec une session acoustique et avec des anciens titres, bien sûr. En fait, les morceaux des autres albums solos seront abordés de cette manière et viendront s’intégrer au reste. C’est ça aussi qui est intéressant, de prendre juste une guitare acoustique sans autre ajout. On va essayer de monter une setlist pour se faire plaisir et aussi pour contenter les gens qui viendront aux concerts.
– Pour conclure, beaucoup se pose évidemment la question, car on a pu lire tout et n’importe quoi sur le sujet : qu’en est-il de Trust ? L’aventure va-t-elle continuer ?
Je ne sais pas. Quand on s’est reformé en 2016, on était parti pour jouer trois mois et on a joué deux ans et demi. En ce qui concerne « Re-Ci-Div », c’est différent, parce que j’avais eu cette idée en pleine période de pandémie où nous étions bloqués. Ca s’est passé pendant un déjeuner où j’ai soumis l’idée et le directeur du label, qui était là, a trouvé qu’elle était bonne et ça s’est monté comme ça. Mais je ne vois pas la nécessité d’en faire un systématisme pour les autres albums. Pour les trois premiers, c’était réjouissant et rigolo de le faire, c’était un challenge aussi, car on l’a fait en trois jours. En tout cas, l’adapter aux autres, on n’y a pas pensé.
L’album solo de BERNIE BONVOISIN, « Amo Et Odi », est disponible chez Verycords.
Couvert d’un voile bluesy savoureux et chaleureux, le Hard Rock distillé par DOLLOSTER nous renvoie à une époque bénie du genre, tout en étant d’une modernité incontestable. Avec « New Tomorrow », les Français s’approprient de manière éclatante un style que se partagent toujours les Etats-Unis et l’Australie. Tonique et tout en feeling, la formation épate et fédère brillamment.
DOLLOSTER
« New Tomorrow »
(Independant)
L’hexagone compte très peu de groupes de Hard Rock à l’américaine, mais la poignée en activité fait bien plus que tenir la route. Il y a du niveau, une belle fraicheur et une inspiration qui s’inscrivent à la fois dans la lignée des formations d’outre-Atlantique, tout en présentant un son et une approche originale. Et en ce sens, c’est une sorte d’hérésie de voir que DOLLOSTER ne soit pas encore signé, ni placardé un peu partout.
En effet, après un premier opus en 2016, les Bordelais confirment leur marche en avant avec « New Tomorrow », 13 ans après leur formation. Une flopée de concerts plus tard, DOLLOSTER est un quatuor aguerri, technique et tout en maîtrise et il donne une version très actuelle du Hard Rock doré des 90’s. S’ils lorgnent du côté d’Extreme, Skid Row, Whitesnake, G N’R et même The Saints, The Angels ou Rose Tattoo, ils le font avec brio.
Doté d’un fougueux frontman, d’un guitariste d’expérience qui n’est pas sans rappeler George Lynch et d’une rythmique plein de groove et bien huilée, DOLLOSTER enchaîne les titres aux refrains imparables (« New Tomorrow », « Riot », « The Real Fighter », « Our Call Our Will », « Misfits », « Wich Way », « Ride The Tide » et une piquante reprise du « Hot Stuff » de Donna Summer). Très bien produit, cet album est un concentré de vitamines !
Rock ou Metal, le Glam reste le style le plus festif de ces deux genres. Et s’il a connu ses années de gloire, notamment du côté de Los Angeles, il y a quelques décennies, certains s’accrochent toujours à cet esprit joyeux et décadrant, sans limite et aux textes volontairement excessifs. C’est ce qu’offre BLAZON FIRE avec son nouvel opus, « The Dark Side Of The Pussy ». Alors, si tu aimes les paillettes, les quatre Français vont t’en faire bouffer !
BLAZON FIRE
« The Dark Side Of The Pussy »
(Independent/Distrokid)
Terre de Glam Metal s’il en est, la Moselle très toujours très saillante en la matière, on le sait ! Pour son troisième album, BLAZON FIRE explose les conventions et offre carrément 14 morceaux portés par l’outrance, la provocation et transgresse avec un grand sourire tout ce qui se conforme aux normes actuelles. Du Glam, quoi ! Ancré musicalement dans les 80’s et 90’s, les Mötley Crue d’hier et les Steel Panther d’aujourd’hui donnent presque l’impression de faire dans la dentelle.
Si les textes sont clairement crus et sans équivoque, la musique de BLAZON FIRE aspire à la détente alors, sauf si vos enfants sont bilingues, invitez-les à se rapprocher des enceintes. Il n’est jamais trop tôt pour se familiariser avec ce Metal/Rock gavé de fun, de bonnes ondes et, forcément, de soleil. Et il faut reconnaître aussi que nos gaillards ont opéré une quasi-transformation technique et le niveau de jeu du quatuor s’est considérablement professionnalisé depuis sa formation en 2015.
Sérieusement, mais sévèrement plongés dans la déconne, nos French Glamers enquillent les compos aux titres très évocateurs avec une pêche d’enfer (« Shaved Balls », « Mega Bukkake », « Fistin’ Chapel », « Orgy In Hell », « Speed Sex Cocaine », « Spermbag », …) Vocalement, il y a un air de ressemblance flagrant avec le Vince Neil de la première époque et musicalement, les influences californiennes dominent (Ratt, Poison, …). Cependant, BLAZON FIRE a trouvé son style et s’en sort plus que bien.
Mené de main de maître depuis quatre ans et autant d’albums, le vaisseau UNITED GUITARS vogue toujours au rythme des riffs, des solos et des chorus envoûtants de celles et ceux qui viennent se greffer à ce projet au départ un peu fou. Parfaitement produit, comme toujours, « #4 » nous fait parcourir l’univers de cette trentaine de guitaristes et le voyage est encore une fois enchanteur.
UNITED GUITARS
« #4 »
(Mistiroux Productions)
Chez UNITED GUITARS, on ne fait jamais les choses à moitié. Depuis le début de l’aventure en 2019, Ludovic Egraz et sa compagne et productrice Olivia Rivasseau ont livré quatre doubles-albums, dont voici le petit dernier. Et comme on ne change pas les bonnes habitudes, pas moins de 33 guitaristes se relaient sur deux bonnes heures de musique, où un grand nombre de styles sont abordés avec classe et une dextérité de chaque instant.
Chaque volume réservant son lot de surprises, « #4 » ne déroge pas à la règle. Et lorsque l’on connait le principe de base d’UNITED GUITARS, celle-ci est de taille. En effet, presqu’érigé en règle immuable, les précédentes réalisations étaient entièrement instrumentales, l’objectif étant de se mettre au service de la six-codes avant tout. Avec « Stay Real », Jessie Lee Houllier s’invite au chant pour un Blues Rock au groove imparable… et à trois guitares !
Tout en finesse et virtuosité, « #4 » nous invite notamment à faire connaissance avec le bluesman Robben Ford, le jeune prodige russe Max Ostro ou encore le Canadien Nick Johnston. Et UNITED GUITARS garde toujours une petite place pour ses habitués dont Yvan Guillevic (Heart Line), Saturax, NeoGeoFanatic ou Youri de Groote, toujours aussi créatifs. Soutenu par une rythmique royale, ces musiciens-là ne manquent vraiment pas de maestria.
Jessie Lee Houllier, LA chanteuse de l’album – Photo : La Chaîne Guitare
Tous ses amis n’avaient évidemment pas pu figurer sur le premier « Tribute To Eric Bouillette », alors une deuxième réalisation s’imposait, afin que toutes et tous puissent faire un ultime clin d’œil à leur ami et musicien, dont la générosité et l’amitié manquent. SONGS FOR AN ANGEL n’a rien de larmoyant, même s’il est touchant, et il en ressort une douce sensation exacerbée par le talent des artistes présents.
SONGS FOR AN ANGEL
« Tribute to Eric Bouillette Vol. 2 »
(FTF Music)
Quelques mois après la sortie d’un premier volume très réussi, SONGS FOR AN ANGEL complète avec ce second volet le bel hommage rendu à Eric Bouillette après sa disparition. Là encore, on y retrouve ses complices, compagnons de route et membre d’une famille musicale, qui est décidemment très nombreuse. Assez différent de son prédécesseur, celui-ci s’inscrit dans un style qui ressemble beaucoup plus aux dernières inspirations et créations du Niçois.
Cette fois encore, c’est cet élan spontané et très sensible qui donne ce splendide éclat à l’album. SONGS FOR AN ANGEL ne se contente pas de raviver le souvenir du multi-instrumentiste d’exception, il rayonne par l’absence de calcul et l’absolue sincérité des participants. Et si chacun a composé et enregistré son morceau de son côté, il règne une réelle harmonie et une unité artistique surprenante, compte tenu des différents registres.
Comme sur le premier disque, Eric, sa guitare et son violon sont présents sur plusieurs morceaux et le plaisir est intact. Il est bien sûr difficile de mettre en avant certains titres plus que d’autres sur ce SONGS FOR AN ANGEL aux multiples saveurs. Chacun fera ses choix, même si on peut retenir quelques moments forts comme les prestations de Riccardo Romano Land, Hogan’s Hooligans, F.A.C.E., XCIII, AchElas, Colin Timpson et No Limits. Un beau partage.
Guitariste complet au toucher inimitable et producteur-arrangeur aguerri, PHIL MANCA a multiplié les expériences dans une vie d’artiste bien remplie. Depuis quelques années, c’est en solo qu’il donne librement court à son inspiration, et il s’échappe ici un temps du Blues Rock pour voguer cette fois sous des cieux Hard et Metal avec ce très bon « Layers Of Pain ».
PHIL MANCA
« Layers of Pain »
(Tremolo Prod/Kuroneko)
Après avoir sévi chez TNT, Sortilège, Era et réalisé plusieurs bandes originales de films, le guitariste rentre du Canada où il était parti enregistrer les neufs morceaux de son nouvel album, « Layers Of Pain ». Après « Signs » (2019) et « Dancing Spirits » (2021) qui étaient plutôt dans une veine Blues Rock musclé, PHIL MANCA durcit encore un peu plus le ton et livre un disque de Hard Rock aux tonalités très Heavy.
Entouré d’Eric Lafont à la batterie, de Chris Danetz à la basse et également à la co-production et de Josselin Jobard qui offre une superbe prestation au chant, le musicien, qui assure aussi les claviers et qui a co-produit et arrangé l’ensemble, montre beaucoup de polyvalence. Que ce soit à travers des titres où il passe de riffs bruts en passages assez shred, PHIL MANCA affiche un panel très large.
Si « Layers Of Pain » est costaud, il reste bien sûr quelques lueurs bluesy, dont on se délecte toujours. Grâce à un frontman qui s’adapte très facilement aux multiples ambiances en offrant une vraie couleur au disque, on passe avec fluidité d’un Hard Rock assez classique à un autre plus mélodique et accessible avant de revenir à des compos nettement plus Heavy (« The Race Is On », « Flat Brains », « Night Stalker », « High And Short »). Efficace.
D’une intégrité sans faille depuis plus de quatre décennies d’une carrière bien remplie, c’est sous son nom que le frontman présente « Amo Et Odi », un album de chansons entre Rock et Blues, où le verbe tient comme souvent le première rôle. Entouré des fidèles David Jacob, Izo Diop et de son ami Jean-Pierre Bucolo, BERNIE BONVOISIN est un éternel révolté, mais toujours très positif, volontaire et solidaire. Un disque authentique et réaliste.
BERNIE BONVOISIN
« Amo Et Odi »
(Verycords)
Ses albums solos, BERNIE BONVOISIN les distille au compte goutte. Il faut remonter en 1986 avec « Couleur Passion » pour voir l’emblématique chanteur se livrer pour la première fois sans son groupe. Puis, il a sorti « En Avoir Ou Pas » (1990), « Etreinte Dangereuse » (1993) et « Organic » (2010). Autant dire que « Amo Et Odi » s’est fait attendre et, plus surprenant, il arrive neuf petits mois après « Propaganda », le récent et douzième album de Trust, preuve d’une belle dynamique.
Cela dit, BERNIE BONVOISIN a toujours des choses à dire et dans cette société, et surtout par les temps qui courent, l’auteur ne manque pas de matière et avec le regard aiguisé qu’on lui connait, appuyer là où ça fait mal tient presque du réflexe. Cependant, cette cinquième réalisation a quelque chose de différent des autres. Sur ses premiers disques, on percevait un côté plus intime en le découvrant de manière plus personnelle et dans un contexte moins revendicatif.
Musicalement très acoustique et bluesy, « Amo Et Odi » se rapproche un peu de l’atmosphère et du ton des derniers Trust. Mais l’intention de BERNIE BONVOISIN n’est pas la même ici. Bien sûr, les textes restent engagés et très lucides (« A Nos Aînés », « Allons Zenfants », « A Genoux »), mais il se présente aussi avec pudeur et tendresse (« Si C’était A Refaire », « A S’en Ouvrir Les Veines »). L’auteur d’« Antisocial » (qu’il ne jouera pas en concert !) dénonce, combat et se révolte toujours face au cynisme ambiant et à l’injustice.
Toujours autoproduit, ORPHEUM BLACK continue de faire grandir son univers, tant musicalement que visuellement. Après le très bon « Sequel(s) » où l’on a pu découvrir un groupe très créatif et assez singulier, « Outer Space » prend des chemins de traverse sans pour autant renier cet esprit très progressif à l’œuvre depuis le début. Aujourd’hui, le quintet a renouvelé sa rythmique et un souffle nouveau apparaît à travers des morceaux toujours aussi soignés. Entretien avec Romain Clément, guitariste du quintet orléanais.
Photo : Chloé Dauma
– Lors de notre dernière interview pour la sortie de « Sequel(s) », vous affirmiez vraiment votre style, ainsi que votre démarche, après un premier EP très réussi. On se retrouve donc pour « Outer Space », qui est très différent. S’il en reste quelques bribes, j’ai l’impressionqu’il est moins progressif. C’était votre intention de faire encore évoluer la musiqued’ORPHEUM BLACK ?
J’ai surtout le sentiment que le terme de musique progressive est un peu à la mode et utilisé un peu rapidement. Justement, je crois que le fait que ce nouveau disque soit différent du précédent rentre bien dans l’idée d’une esthétique ‘progressive’.
Au départ, le groupe s’est forgé sur l’idée de mixer les disciplines artistiques et de proposer à chaque sortie quelque chose de différent, mais de cohérent dans notre univers. A chaque fois, nous cherchons à renouveler la formule afin de proposer une expérience nouvelle. Nous n’avons pas envie de proposer le même disque. C’est quelque chose de très important, car cela permet de garder une vraie émulsion et stimulation lors de la conception d’un album.
Je pense que la différence notable vient vraiment que nous avons axé la composition autour du duo vocal. L’idée était de rapidement capter l’attention de l’auditeur sans pour autant rogner sur la partie instrumentale. Parce que, si on regarde le disque dans son ensemble, il n’y a pas beaucoup de morceaux avec une structure conventionnelle type couplet/refrain.
En résumé, on peut dire qu’on offre une musique qui est accessible, mais qui reste très travaillée sur les arrangements.
– Même s’il y a toujours ce gros travail sur les arrangements et qu’on découvre un peu plusvos morceaux au fil des écoutes, je trouve que les mélodies notamment sont plus efficaces etque votre jeu est aussi plus direct. Il y avait un désir de proposer quelque chose deplus accessible ?
Nous avons cherché à mieux capter l’attention lorsqu’on écoute notre musique. Nous avons davantage travaillé nos top-lines et je pense que c’est ce qui rend nos morceaux plus efficaces. L’arrivée de Nathan à la basse dans le groupe a aussi apporté ce côté plus direct. Il vient d’une musique plus extrême et plus directe. En peu de temps, il a su influer cet esprit plus tribal et c’est une facette vraiment complémentaire de ce que nous proposions jusque-là.
Photo : Chloé Dauma
– L’autre spécificité également sur « Outer Space », c’est ce changement de rythmique avecl’arrivée d’un nouveau bassiste et d’un nouveau batteur. Est-ce que ça a aussi modifié ladynamique du groupe et peut-être l’exploration de nouveaux tempos ?
En fait Alexis, le nouveau batteur, nous a rejoint après l’enregistrement du disque, lorsque nous avons terminé la tournée dédiée à « Sequel(s) ». Sur « Outer Space », c’est la présence de Nathan qui est à remarquer. Je pense sincèrement que l’on a trouvé le line-up qui pourra écrire l’histoire d’ORPHEUM BLACK. On a beaucoup de retours très enthousiastes depuis la reprise des concerts sur ce nouveau duo basse/batterie. Ils ont dépoussiéré les morceaux et y ont apporté beaucoup de dynamisme et de contraste. C’est un vrai plaisir de jouer avec eux et j’ai hâte d’écrire de la nouvelle musique ensemble.
– Sur « Sequel(s) », je trouvais que vos voix jouaient beaucoup sur le contraste, tandis quecette fois, on a le sentiment que vous avez plutôt cherché l’harmonie et la complémentarité.L’idée était qu’elles se fondent et qu’elles prennent le relais entre elles, tout en faisant corpsaussi ?
Exactement, sur « Sequel(s)», nous avions cherché à démarquer le plus possible les deux voix. Finalement, on s’est rendu compte que parfois ça perdait un peu les gens en rendant les mélodies moins instinctives. Sur « Outer Space », nous avons totalement revu la façon de les travailler. Nous avons voulu leur donner plus de liant et de cohésion tout en leur donnant plus de place dans l’espace sonore. Un peu comme avec deux guitares qui se complètent, mais qui forment un tout.
– Sur ce nouvel album, et même s’il reste quelque solos très Heavy, il y a nettement moins desonorités Metal. L’ensemble contient aussi plus de moments presque contemplatifs. Vousavez effectué un travail plus important sur les atmosphères pour « Outer Space » ?
Clairement, on a composé cet album comme la bande originale d’un film. Les auditeurs en sont les protagonistes. On a aussi envie de se démarquer de la proposition musicale Metal que l’on écoute tous au sein du groupe. Les phases très ambiantes de certains morceaux permettent à chacun de se projeter et d’imager sa propre histoire. La production du disque y joue aussi un grand rôle. Par exemple, « Inner World » est joué sur une guitare sept cordes et est construit sur un vrai riff Metal. Pour autant, on lui a donné une esthétique plus Rock et électronique. On a envie de surprendre !
Photo : Chloé Dauma
– Le premier album était basé sur un concept global avec même certaines reprisesmélodiques sur certains titres. Qu’en est-il de « Outer Space » ? Vous l’avez composé etconçu sur le même schéma ?
« Outer Space » est la suite et la conclusion du travail entamé sur « Sequel(s) ». Les clips sont d’ailleurs liés et vont nous permettre de clore ce chapitre de l’histoire d’ORPHEUM BLACK avant d’aborder de nouveaux thèmes et histoires. Au contraire du précédent opus, les morceaux sont toujours liés par leur thème, mais ils peuvent être écoutés indépendamment les uns des autres. La tracklist, même si elle est réfléchie d’un point de vue musical, n’a plus de lien chronologique en termes de storytelling.
– J’aimerais que tu me dises un mot au sujet de « My Tribe », un morceau que vous avez dédié àvotre public. C’est une démarche assez particulière. C’est une idée qui est venuespontanément ?
L’idée de ce morceau est née durant notre précédente tournée, qui nous a permis de jouer partout en France. Nous en avons profité pour tester nos nouveaux morceaux et nous avions envie de faire participer le public. « My Tribe », par son refrain hyper fédérateur, est vraiment devenu un moment très important et efficace de nos concerts. Lorsque tu pars loin de chez toi toutes les semaines, tu perds certains liens avec tes amis, tes proches, ta famille. Du coup, c’est le public qui remplit ce rôle de lien social et qui devient en quelque sorte une nouvelle famille. Pour la petite histoire, « My Tribe » s’intitulait au départ « Outer Space ». C’est la tournée qui nous a permis de lui trouver son titre définitif.
– Enfin, comme pour « Sequel(s) », les univers du théâtre et du cinéma sont encoreétroitement liés sur « Outer Space », d’où est aussi né un court-métrage en deux épisodes.Concevez-vous les deux exercices en même temps et comment cela se passe-t-il au niveau del’écriture du scénario, du tournage et de la réalisation ?
On ne pense pas directement aux vidéos lorsque l’on compose nos morceaux. Une fois qu’on a tout le contenu sous la main, on prend le temps de la réflexion pour voir lesquels seraient les plus impactants. La mise en production de nos vidéos est un vrai travail en collaboration avec le réalisateur. On choisit avec qui on travaille en fonction de ce que l’on souhaite, mais aussi selon leurs sensibilités. On échange beaucoup sur le scénario et l’ambiance globale, mais on laisse une grande liberté aux équipes. On sort un vrai court-métrage pour accompagner la promotion de l’album. C’est très stimulant et excitant. Pour un projet comme le nôtre, c’est plus de dix jours de tournage dans cinq lieux différents. C’est énormément de boulot, mais nous sommes très fiers du résultat !
Retrouvez la première interview du groupe réalisée à l’occasion de la sortie de « Sequel(s) » :