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Erja Lyytinen : the northern star [Interview]

Très explosif et féminin, ce nouvel album de la Finlandaise vient bousculer le Blues déjà très Rock, auquel elle nous a habitués depuis une vingtaine d’année maintenant. Toujours aussi virtuose, elle sait aussi se faire plus sensuelle vocalement, soufflant le chaud et le froid à grand renfort de cette slide incroyable, dont elle a le secret. « Smell The Roses » sonne comme un retour aux fondamentaux, où le superflu n’a pas sa place. ERJA LYYTINEN offre une production très personnelle, intime et la fougue dont elle fait preuve ici ne laisse pas de place à l’hésitation. Rencontre avec une artiste passionnée et grande technicienne, qui se nourrit d’une sincérité de chaque instant.   

– « Smell The Roses » est l’un de tes albums le plus Rock et le plus brut, et pourtant on te voit poser avec une belle rose rouge. Quel contraste, ou sur quel paradoxe, as-tu voulu jouer sur cette pochette ?

Mon intention était de créer quelque chose de nouveau sur la pochette de l’album. Dès que j’ai su que le titre serait « Smell The Roses », j’ai voulu poser avec une rose, mais sous un angle différent de d’habitude. Sur la pochette, je la tiens dans ma bouche et mon expression légèrement surprise me dit : mais qu’est-ce que c’est ? Je voulais faire quelque chose de rafraîchissant, quelque chose qui donne envie de s’arrêter et de regarder à nouveau et de se demander ce qui se passe. Et pour les photos promotionnelles, nous avons opté pour un style plus classique, où la rose est idéalement placée entre les cordes de ma guitare. Il y a donc deux types de poses avec la rose. Et je trouve qu’elle va très bien avec le Rock !

– L’impression qui domine à l’écoute de « Smell The Roses », c’est cette production très épurée et sans fioritures, très instinctive. Est-ce que ton objectif était d’aller à l’essentiel, de ne pas trop d’encombrer d’arrangements superflus en livrant une expression très directe de tes chansons ?

Avec « Smell The Roses », je voulais faire un album purement Rock avec un groupe en formation classique. Et une guitare électrique, un orgue Hammond, une basse et une batterie constituent une base solide. Il n’y a pas beaucoup de superpositions. Nous voulions une ambiance live et créer des chansons et des sonorités qui donnent envie de se dire ‘Ouais, c’est du Rock !’. C’est mon album le plus heavy à ce jour, et j’y ai joué beaucoup de riffs de guitares. C’était rafraîchissant de faire simple. Je trouve qu’on a trop de fouillis de nos jours… trop de matériel, trop de tout. Donc, rester simple et directe, avec un esprit Rock des années 60 et 70 était vraiment l’objectif et nous y sommes parvenus.

– Cette fois encore, tu produis ce nouvel album. On peut facilement comprendre ton désir d’avoir la main sur tes chansons du début à la fin. Cependant, avec l’expérience que tu as aujourd’hui, tu n’as jamais été tenté par faire appel à un producteur américain, ou anglais, de renommée mondiale et qui t’ouvrirait peut-être nouveaux horizons musicaux, comme tu l’avais déjà fait avec David et Kinney Kimbrough dans le passé, par exemple ?

Oui, bien sûr, j’ai été tentée de faire appel à des producteurs de renommée mondiale ! Cependant, j’ai moi-même une vision claire et je n’ai pas peur de prendre des décisions. J’ai aussi enregistré moi-même mes solos de guitare et mes voix pour l’album, et j’apprécie beaucoup ce processus. Pour beaucoup d’artistes indépendants, produire ses propres enregistrements est aussi une option économique. J’ai adoré travailler avec Chris Kimsey et nous restons en contact. L’enregistrement de « Stolen Hearts » aux studios ‘State Of The Ark’ à Londres avec lui a été une expérience formidable en 2016. Il y a aussi des producteurs avec qui il serait intéressant de produire les prochains albums. On verra bien ce que l’avenir nous réserve pour la suite. Mais produire « Smell The Roses » seule était intéressant et assez facile, car je travaille avec mon groupe et mon ingénieur du son depuis un certain temps déjà. Tout s’est donc bien passé.

– Sur ce nouvel album, il y a des chansons comme « Going To Hell », « Abyss » ou « Empty Hours », qui sont très profondes avec des textes forts pleins de sens. Ce n’est pas la première fois que tu fais preuve d’autant d’audace, mais la thématique est peut-être plus sombre et plus dure aussi cette fois. C’est le monde actuel avec ses allures de chaos qui t’a poussé à aller dans ce sens ?

Le monde est dans un état étrange en ce moment et cela doit aussi se refléter dans la musique. Il y a aussi quelques ‘démons personnels’ que je libère toujours dans mes albums. Bien sûr, il y a aussi beaucoup de fiction, l’objectif étant d’émouvoir l’auditeur, de l’inciter à s’arrêter, à écouter et à trouver sa propre signification dans les chansons. Mais oui, cet album est bien plus sombre que mes précédents. Je n’ai pas peur d’aborder des sujets difficiles et d’apporter une touche de mysticisme à mes chansons. Par exemple, « Stoney Creek » est une histoire mystérieuse, qui n’a pas encore été résolue. Je trouve fascinant d’écrire des paroles dignes d’un film… de peindre un tableau pour l’auditeur.

– Tu as également multiplié les collaborations tout au long de ta carrière, dont beaucoup de très prestigieuses. Avec « Smell The Roses », tu donnes l’impression de vouloir revenir à quelque chose de plus personnel et de plus intime. Tu avais l’envie de revenir à l’essence-même de ton Blues Rock et à un style peut-être plus débridé ?

Personnel et intime, voilà ce dont nous avons besoin en ce moment. De l’honnêteté et de la sincérité. C’est la meilleure façon de toucher les gens : être ouvert et franc. C’est difficile pour nous, les gens, d’avoir ce genre de choses. Cet album doit être nouveau de ce point de vue, et je suppose que c’est pour cela que les gens l’apprécient. En écrivant les chansons, je ne voulais me limiter en aucune façon. La simplicité réside dans la production, mais les solos de guitare sont très intenses et je me suis efforcé de jouer différemment sur cet album que sur le précédent, « Waiting For The Daylight ». L’album est donc orienté Blues et Rock avec quelques touches de Hard Rock.

– Tu as déjà sorti cinq albums live et, justement, « Smell The Roses » a une sonorité très live et immédiate. Toi qui es une artiste de scène, tu as ressenti le besoin de revenir à un enregistrement qui se rapproche de tes prestations en concert ?

J’adore jouer en live. Et en écrivant pour cet album, j’ai aussi réfléchi à ce que j’aimerais jouer sur scène ces deux prochaines années. Nous avons aussi répété les morceaux avec mon groupe pendant les balances de notre tournée européenne et cela a dû influencer le matériel : les chansons fonctionnent sur scène comme sur l’album. Il est très organique. Nous avons déjà joué beaucoup de morceaux en concert et ils fonctionnent très bien en live. Je n’ai pas eu besoin de composer grand-chose pour mes parties de guitare. Donc, pour moi, c’est parfait !

– Justement, puisqu’on parle de concert, tu as aussi sorti il y a quelques semaines l’album « 20 Years Of Blues Rock ! » enregistré dans ta ville natale d’Helsinki pour marquer les 20 ans de ton premier album « Wildflower ». C’est un disque très fort émotionnellement. Quel regard portes-tu sur cet album par rapport à « Diamonds on the Road – Live », notamment, qui était sorti l’année précédente ? Le premier est-il plutôt destiné à tes fans de la première heure ?

« 20 Years of Blues Rock! » est un album live que nous avons enregistré lors de mon concert pour les 20 ans de ma carrière au légendaire ‘Tavastia Club’ d’Helsinki. L’album comprend deux CD et un DVD, ce qui en fait un disque vraiment sympa. J’avais invité toutes mes sections rythmiques depuis 2003 à jouer ce soir-là. Il y avait donc cinq bassistes, cinq batteurs et plein d’autres invités. C’était très nostalgique, très exaltant, une longue soirée pleine de souvenirs ! Nous avons joué des morceaux de chacun de mes albums studio avec les formations originales. C’était vraiment génial ! C’est donc un produit que nous allons continuer à proposer pendant un certain temps, car il s’adresse vraiment à mes fans de longue date, qui suivent ma carrière depuis l’enregistrement de mon premier album en 2003.

– En réécoutant ton album précédent, « Waiting For The Daylight », mais surtout tes albums live, j’ai noté une évolution dans ton jeu, pas au sens strictement technique, mais plutôt dans le jeu et la façon d’aborder les mélodies. Quel regard poses-tu justement sur ta façon de jouer ? Qu’est-ce qui a le plus changé, selon toi, dans ton rapport à ton instrument ?

Je joue de la guitare depuis plus de trente ans et c’est agréable d’entendre que les gens perçoivent mon évolution. Je n’ai pas peur de dépasser les limites et, aujourd’hui, j’essaie d’utiliser ouvertement tout ce que j’ai appris au fil des ans sur la guitare et la musique. Je suis donc très ouverte à l’exploration de cet instrument. J’apprécie également la musique progressive et la fusion. À l’époque, lorsque je jouais principalement dans les clubs de Blues, je ne pouvais pas vraiment jouer de musique progressive, mais aujourd’hui, je m’exprime plus librement, en espérant que mon public l’appréciera aussi. Et il semble qu’ils aient été plutôt satisfaits de mon approche plus Rock et progressive, que ce soit dans les mélodies ou les harmonies.

– Tu as toujours eu un son européen qu’on pourrait même qualifier de ‘nordique’ au regard de la scène britannique, par exemple. C’est ce qui te rend immédiatement identifiable et unique sur la scène Blues Rock mondiale. Justement quel regard portes-tu sur l’actuelle et  effervescente scène Blues, et notamment sur les femmes qui commencent enfin de plus en plus à occuper les premiers rangs ?

Mes origines finlandaises ont forcément un impact sur ma musique. C’est pourquoi je mélange mes racines nordiques avec la tradition du Rock et du Blues britannique et américain. C’est fascinant de voir de plus en plus de femmes évoluer dans le monde de la musique. Cela diversifie le secteur, offre davantage de possibilités aux femmes et aux jeunes filles et les encourage à suivre leur propre voie. Je pense que cela contribuera à l’essor de toute l’industrie. Quand j’ai commencé la guitare électrique à quinze ans, le paysage musical était très masculin, et le changement a été considérable ces dix dernières années.

– Enfin, avec son côté presque frontal, très Rock et parfois rugueux, « Smell The Roses » est peut-être l’album qui te ressemble le plus dans ses textes, mais aussi dans ton jeu, où tu sembles revenir à l’essentiel avec beaucoup de facilité d’ailleurs. Est-ce que tu te sens à un sommet de ta carrière aujourd’hui artistiquement ?

Eh bien, j’apprécie vraiment cette aventure ! Certaines choses me semblent beaucoup plus faciles aujourd’hui. J’ai un groupe et une équipe formidables avec qui travailler, j’aime jouer en live et écrire des chansons. Je suis heureuse et c’est particulièrement important. Le chemin a été long pour en arriver là, mais je sens qu’il y a encore beaucoup à faire. En tout cas, j’ai très envie de continuer et de découvrir ce que l’avenir nous réserve de génial !

Le nouvel album d’ERJA LYYTINEN, « Smell The Roses », sort le 28 mars chez Tuohi Records. Elle sera par ailleurs en tournée en Angleterre du 2 au 13 avril. Toutes les infos et les dates sont à retrouver sur son site : https://erjalyytinen.com

Photos : Ville Juurikkala

Retrouvez aussi les chroniques de ses derniers albums :

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Heavy Blues Stoner Rock

The Devils : ultimate pact

Brut de décoffrage, le registre rocailleux des transalpins prend ici une toute autre direction musicale, même si leur touche reste intacte et leur esprit rebelle plus que vivace. Provocateur et irrévérencieux à souhait, THE DEVILS s’offre une virée dans les marécages avec un opus Stoner fait de Blues et de Soul, qui prend les traits d’un Heavy Blues sauvage au son primal et direct, façonné par un Alain Johannes des grands jours. « Devil’s Got It » traquent les décibels dans une séduisante et chaotique mixité. Magistral !

THE DEVILS

« Devil’s Got It »

(Go Down Records)

Survolté et électrisant, l’explosif duo napolitain fête ses dix ans d’existence avec un sixième album, dont le contenu paraît surprenant, mais dont le résultat colle terriblement à son image. Rock’n’Roll jusqu’au bout des doigts, Erika Switchblade (batterie, chant) et Gianni Blacula (guitare, chant) ont toujours mené leur carrière sans concession œuvrant dans un style hyper-roots entre Stoner et Garage. Epais et organique, THE DEVILS est d’une féroce authenticité et elle en est même devenue sa marque de fabrique. Une chaleur qui se répand délicieusement.

Dès le début de l’aventure, les complicités ont été aussi évidentes que redoutables. Sur les deux premiers efforts, c’est Jim Diamond (The White Stripes, The Sonics) qui s’est chargé de la production, avant que le grand Alain Johannes (QOTSA, Chris Cornell, …) ne prenne le relais. Solidement forgé par deux personnalités aussi singulières, le son de THE DEVILS a pris corps et s’est pleinement affirmé entre de si bonnes mains. Et alors que l’on pouvait s’attendre à un déferlement sonore dans les règles, c’est le Blues et la Soul qui sont ici à l’honneur.

Avec l’ardent désir de rendre hommage à une scène qui les inspire depuis toujours, les Italiens sont allés puiser dans les moindres recoins, souvent reculés mais toujours très pertinents, de ce style d’une magique intemporalité. Après un traitement de choc en bonne et due forme, les morceaux de Reverend Charlie Jackson, Freddie Scott, Robert Wilkins, Muddy Waters, Magic Slam, Z.Z. Hill ou encore William Bell reprennent vie comme s’ils avaient vu le diable en personne. Une jouissive frénésie que THE DEVILS distille sans retenue. Encore !

Photo : Nathalie Rei

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Blues Rock Classic Rock France Soul / Funk

Red Beans & Pepper Sauce : magic souls [Interview]

Rarement un groupe aura laissé échapper autant de liberté et de joie sur un même album. Pour RED BEANS & PEPPER SAUCE, c’est un huitième opus haut en couleur qui vient marquer une nouvelle étape dans la carrière des Montpelliérains. Si l’esprit de corps dominait déjà dans le son et faisait la force du groupe, avec « Supernova », il prend une incroyable dimension. Autour de sa charismatique chanteuse, le quintet a fait un peu de place pour accueillir pas moins de neuf invités, français comme étrangers. Une très belle célébration de son Classic Rock teinté de Soul et de Blues, dont Laurent Galichon, le guitariste et principal compositeur, nous parle avec autant de fierté que d’émotion.

– Avant de parler de « Supernova », j’aimerais qu’on revienne un instant sur votre parcours. Huit albums studio et un live en 14 ans, le tout ponctué de tournées bien fournies, est un rythme vraiment effréné. Ca vous arrive quand même de prendre quelques pauses ?

Je trouve que c’est dur de se remettre au travail après une pause, j’ai pu le constater quand il a fallu s’y remettre après la pandémie de Covid. Alors je préfère éviter les pauses et battre le fer tant qu’il est chaud.

– Justement avec un tel rythme, toi qui signes l’ensemble des morceaux hormis « I Want To Take You Higher » de Sly & The Family Stone datant de 1969, quand prends-tu le temps de te poser pour composer ? Tu le fais aussi en tournée, ou tu t’imposes des moments dédiés ?

Dès que j’ai une idée, je l’enregistre sur mon smartphone, parfois même en voiture où je chante simplement la mélodie ou le riff pour archiver. Et quand vient le moment de travailler des morceaux, alors je pioche dans le tiroir à idée. Mais c’est vrai que quand on se retrouve à moins de six mois de la deadline pour envoyer le master au pressage, le travail s’intensifie et à chaque fois les derniers mois de production sont très intenses.

– « Supernova » est l’un de vos disques le plus direct et le plus clairement axé sur le Classic Rock, parfois Hard, avec toujours un côté Bluesy et Soul. Est-ce qu’il y a une envie cette fois-ci de prendre les morceaux plus à bras-le-corps et d’aller vers quelque chose de plus essentiel et de dense ?

Oui, tout à fait. Bien avant de commencer le travail, quand on parlait de ce nouvel album avec Niko Sarran (également batteur du groupe – NDR) qui les réalise, on avait en tête d’aller vers plus d’efficacité avec des titres plus courts et plus directs. Quand on attaque un nouvel album, on a souvent des discussions en amont, souvent dans le van en tournée, où on cherche des axes de travail, de nouvelles directions pour continuer d’évoluer et rester créatif.

– D’ailleurs, est-ce qu’au moment de commencer l’écriture d’un tel album, tu avais une sorte de ligne directrice ou une intention en tout cas de faire émerger une atmosphère et une énergie différente, plus massive ?

L’album précédent, « 7 », était très axé sur le Classic Rock et cette fois-ci, il y avait une envie de revenir à un équilibre entre Rock et Soul, mais toujours avec des riffs qui viennent du Blues. En fait, on essaie de faire des albums qui auraient pu sortir dans les 70’s et cette fois-ci, on a essayé de mettre du groove dans le Rock et inversement. Et puis, Niko a fourni un véritable travail d’orfèvre sur le son de l’album. Il y a passé quasiment deux fois plus de temps que sur les précédents.

– L’une des caractéristiques de « Supernova » est bien sûr le nombre d’invités, qui sont tout de même au nombre de neuf, ce qui fait beaucoup sur un même disque. Comment cela se décide-t-il, car c’est assez rare ? Tu as composé certaines chansons en fonction d’eux, ou les choses se sont faites plus naturellement en laissant une petite place à l’improvisation ? 

Inviter des musiciens faisait partie de ces axes qu’on se donne avant de commencer la production. On a donc laissé sur certains titres des plages pour permettre à nos invités de s’exprimer, mais sans savoir à l’avance de qui il s’agirait. Et c’est quand on se rapprochait de l’arrangement définitif qu’on prenait le temps de réfléchir à qui le proposer. Parfois, on est resté dans le style de l’invité comme avec Rabie Houti qui à l’habitude de jouer son violon arabo-andalou sur des rythmiques Rock, ou avec Johnny Gallagher sur une ballade Blues Rock. D’autres fois, on s’en est un peu éloigné comme avec Fred Chapellier qui nous rejoint sur un titre très Classic Rock avec un riff de guitare très ‘fat’, ou avec Sax Gordon qui vient jouer sur un titre vraiment très funky et plus éloigné de son Rocking Blues.

– Il est beaucoup question de ‘fusion’ sur cet album, et dans tous les sens du terme. En y prêtant bien l’oreille, on note le soin apporté aux arrangements notamment, tout comme à la production plus largement. « Supernova » a nécessité six mois de travail en studio. Vous êtes-vous laissés quelques respirations, histoire peut-être de prendre parfois un peu de recul, ou au contraire, les choses étaient déjà clairement définies dans ce que vous souhaitiez obtenir ?

C’est un travail de longue haleine, plus un marathon qu’un 100 mètres. Certains titres fonctionnent immédiatement, mais d’autres doivent passer par plusieurs étapes avant que nous soyons satisfaits du résultat. Et le travail continue même après la sortie de l’album, car certains morceaux doivent être repensés pour la scène. C’est un peu comme bâtir une maison : on passe des fondations à un bâtiment couvert très rapidement, mais les finitions, elles, prennent beaucoup plus de temps, car on entre dans les détails.

– Un mot sur les guests en commençant par les artistes français où l’on retrouve Manu Lanvin, Fred Chapellier, Yarol Poupaud ou encore le violoniste Rabie Houti. Ce sont tous des musiciens avec lesquels vous avez déjà joué sur scène. Ces rencontres se sont-elles transformées en collaborations que vous teniez vraiment à réaliser depuis un moment déjà ?

Ce sont surtout des rencontres marquantes qui ont lieu parfois en tournée avec tout le groupe, ou alors par un seul d’entre nous en dehors. Mais dans tous les cas, elles sont si importantes qu’elles donnent l’envie de faire de la musique ensemble. Et on a été ravi que tout le monde nous réponde ‘Oui’ ! Certains enregistrements ont dû être faits à distance à cause de l’éloignement et des emplois du temps, et d’autres ont donné lieu à des séances en studios qui nous ont marqué. J’ai kiffé de passer du temps avec Boney Fields dans le studio de Niko à Montpellier, ou avec Manu Lanvin dans son studio à Paris. Des belles sessions, où tu sens qu’il se passe quelque chose.

– Et puis, il y a l’aspect ‘international’ de l’album avec les présences du Camerounais Emmanuel Pi Djob, des Américains Boney Fields, Fred Wesley et Sax Gordon, sans oublier l’Irlandais Johnny Gallagher. Là encore, le casting est époustouflant. Est-ce que chacun d’entre-eux avait une partition à respecter, ou est-ce qu’on laisse plus facilement des talents comme les leurs s’exprimer librement avec une sorte de carte blanche ? 

Pour chacun d’entre eux, c’était carte blanche. Mais forcément, il y avait des échanges. Parfois, notre invité avait une idée très précise, parfois, il hésitait entre plusieurs. Alors, on discute, on échange, on essaye des choses. Par exemple, c’était vraiment génial de passer du temps avec Manu et de le voir proposer tellement de choses avec la générosité qu’on lui connaît. Mais surtout, ils nous ont tous offert ce qu’on attendait, c’est-à-dire le meilleur d’eux-mêmes. On peut entendre la voix incroyable et le groove d’Emmanuel Pi Djob, l’explosivité et le ‘fonk’ de Yarol, le toucher tout en finesse de Fred Chapellier, la générosité et la puissance de Manu Lanvin, le groove qui claque de Boney Fields, l’énergie de dingue de Sax Gordon, la maîtrise et le son envoûtant de Rabie Houti et le feeling de Johnny Gallagher. Et puis, il y a eu la session avec Fred Wesley. J’étais là quand il a commencé à jouer dans le studio : c’était un voyage dans le temps. J’entendais le « Doing It To Death » de James Brown que j’écoutais en boucle plus jeune. C’est un moment précieux que je garderai en moi toute ma vie. Il fait partie des gens qui ont inventé cette musique. En deux notes, tu sais qui est dans la pièce. Tous ces musiciens exceptionnels ont été d’une grande générosité avec nous. Ils ont élevé chacun des titres auxquels ils ont participé à un niveau supérieur, et nous leur en sommes éternellement reconnaissants.

– J’aimerais qu’on dise un mot sur cette reprise de Sly & The Family Stone sur laquelle il y a du beau monde et où le line-up de RED BEANS & PEPPER SAUCE est le plus élargi de l’album. Comment est-ce qu’on tient tout le monde dans ce cas-là, car il règne un esprit jam manifeste ? Et par ailleurs, pourquoi avoir choisi ce morceau-là en particulier ?

J’ai plutôt l’impression que c’est ce morceau qui m’a choisi, car j’ai une histoire particulière avec lui. Je l’ai découvert au début des années 90 à la télévision, en voyant des musiciens que je ne connaissais pas le jouer sur une énorme scène, devant des milliers de spectateurs aux États-Unis. Il s’agissait en fait de George Clinton et de Funkadelic/Parliament, avec Larry Graham et d’autres invités. Ce titre m’a transpercé et j’ai adoré le fait qu’il soit interprété par autant de musiciens sur scène : tout le monde dansait, tout le monde chantait, c’était la grosse teuf. J’ai ensuite découvert qu’il s’agissait d’un morceau de Sly & the Family Stone, et l’album « Stand » fut une nouvelle claque. A la même époque, d’autres artistes que je ne connaissais pas se sont produits à Béziers : FFF, puis les JB’s avec Maceo Parker, Fred Wesley et Pee Wee Ellis. Ces trois découvertes, en quelques mois, ont été ma porte d’entrée vers la Soul Music : James Brown, la Stax (avec les disques d’Otis Redding de mon père), la Motown, etc… Alors qu’à l’époque, j’écoutais plutôt du Rock des années 60/70 comme Led Zeppelin, Jimi Hendrix, Deep Purple… Cette période a complètement bouleversé mon orientation musicale. Alors aujourd’hui, enregistrer ce morceau avec Yarol de FFF et Fred Wesley des JB’s qui ont également participé à ce changement, dans une version avec un groupe élargi en mode ‘jam’ comme dans la version de George Clinton, c’est une histoire complètement folle.

– Enfin, « Supernova » est probablement aussi votre album le plus varié avec des aspects Southern, Heavy Rock, Blues, Funky et plus largement très Rock’n’Roll. RED BEANS & PEPPER SAUCE devient de plus en plus inclassable et c’est une très bonne chose. Est-ce une façon aussi de vous débarrasser peut-être de certaines cases dans lesquelles on a pu vous mettre auparavant, ou plus simplement un signe de maturité qui se traduit par beaucoup plus de liberté affichée ?

Ce n’est pas vraiment calculé. Tout le monde dans le groupe a des influences diverses et variées et c’est l’association de nos personnalités musicales qui fait ce qu’est RED BEANS & PEPPER SAUCE. Je ne suis même pas sûr qu’on puisse y changer quoi que ce soit. On peut seulement l’encadrer en se donnant quelques directions, mais au final on sonne comme on sonne et il me semble qu’on reste cohérent d’un album à un autre.

Le nouvel album de RED BEANS & PEPPER SAUCE, « Supernova », est disponible chez Crossroads/Socadisc.

Photos : Cristina Gomes Morgadinho (1), Thierry Wakx (2, 3, 5) et Monsieur Mind (4).

Retrouvez aussi l’interview du groupe à l’occasion de la sortie de l’album « 7 » :

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Stoner Blues Stoner Rock

Shotgun Sawyer : sans détour

Brut et authentique, le Blues que parcourt SHOTGUN SAWYER a beau emprunter les mêmes chemins que la scène plus ‘traditionnelle’, le poids et la lourdeur de sa rythmique notamment, mais aussi de la guitare, viendront heurter, puis assommer les amateurs de l’aspect léger et délicat du genre. Ici, C’est tout de même le Stoner Rock qui domine l’ambiance bluesy et Rock’n’Roll de ce « Shotgun Sawyer » immersif. Entre des lignes de basse bien grasses et une batterie très appuyée, ça frappe et cogne sans retenue… et ça fait du bien !   

SHOTGUN SAWYER

« Shotgun Sawyer »

(Ripple Music)

Depuis 2016, SHOTGUN SAWYER livre sa vision du Blues depuis la petite ville d’Auburn en Californie et son premier effort, « Thunderchief », avait d’ailleurs tapé dans l’œil de Ripple Music, qui s’était empressé de le signer. Trois ans plus tard, « Bury The Hatchet » est venu confirmer l’assise et l’originalité du combo. Car si le trio évolue bel et bien dans un registre proche d’un Blues hyper-roots, c’est aussi du côté Stoner qu’il s’illustre tant les riffs épais et fuzz sont légions et traversent des compositions inspirées du Classic et même du Hard Rock.

Par la suite et comme pour beaucoup de groupes, le Covid a mis un coup d’arrêt aux activités de SHOTGUN SAWYER, menant même à une brouille entre le chanteur/guitariste Dylan Jarman et son ami et batteur David Lee. Celui-ci a d’ailleurs mis les voiles et c’est Cody Tardell de Slow Season qui est derrière les fûts depuis ce début d’année. Le power trio est donc de retour avec un troisième opus éponyme, très révélateur de son identité artistique. « Shotgun Sawyer » est toujours aussi rugueux, bluesy et terriblement Rock.

Finalement, ces cinq ans ont peut-être été bénéfiques aux Américains, dont les morceaux n’ont jamais été aussi élaborés et l’émotion aussi présente. En faisant aussi appel à quelques invités à l’harmonica et aux claviers, SHOTGUN SAWYER élargit son spectre musical et le travail de Patrick Hills des Earth Tone Studios à Sacramento y est pour beaucoup. La production est ample, généreuse et organique (« Cock N’ Bulls », « The Sky is Crying », « Tired », «  Isildur’s Bane », « Master Nasty », « Hopeless »). Imposant !

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Classic Rock Hard Blues

Lions In the Street : on the hunt

On n’en voudra pas à LIONS IN THE STREET d’être allé puiser dans de vieux morceaux pour constituer ce « Moving Along », bien au contraire. Sur une production tonique et vive, le quatuor américano-canadiens annonce la couleur et donne le ton. Rock’n’Roll jusqu’au bout des doigts, parfois bluesy, toujours groovy et avec un petit côté sudiste qui leur confère une saveur légèrement vintage, les lions entrent dans l’arène et ne font pas dans le détail. Réjouissants, imperturbables et honnêtes, les quatre musiciens se révèlent comme les prétendants à une relève très attendue. Un magnifique pavé dans la marre ! 

LIONS IN THE STREET

« Moving Along »

(Interior Castle Music)

Fondé en 2006, l’histoire de LIONS IN THE STREET a de quoi laisser songeur. Alors que le groupe avait toutes les cartes en main pour mener à bien une belle carrière, il n’en fut rien, même s’il n’est jamais trop tard, bien sûr. Managé par Allen Novac (Mötley Crüe, Blondie), signé chez TVT Records (Nine Inch Nails), puis 604 Records (Nickelback), le quatuor a tout envoyé balader et s’est retrouvé blacklisté par une industrie musicale rancunière. Mais après une longue traversée du désert, le retour est enthousiasmant et sonne comme une belle revanche.

Après deux Eps (« Cat Got Your Tongue » en 2006 et « On The Lam » en 2013), le combo, composé pour moitié de Canadiens de Vancouver et d’Américains de San Diego, a également sorti un premier album, « The Years » en 2016. Mais tout ceci s’est passé relativement dans l’ombre, sous les radars, ne parvenant pas à capter la chaleur des projecteurs pourtant bien méritée. Cette fois, Sean Casey (guitare), Enzo Figliuzzi (basse) et les frères Kinnon (Chris au chant et à la guitare et Jeff à la batterie) font rugir LIONS IN THE STREET pour de bon !

Et le bouleversement à l’œuvre avec l’avènement des plateformes et des réseaux sociaux a aussi bien aidé et ragaillardi la formation, qui fait son retour le couteau entre les dents. Armé d’un Classic Rock musclé et un brin arrogant, elle déroule ce « Moving Along » frais et fougueux avec une volonté exacerbée. Situé quelque part entre les Rolling Stones (même tout près !) et les Black Crows, LIONS IN THE STREET s’affirme à travers des titres entêtants (« Already Gone », « Gold Pour Down », « Shangri La », « Moving Along », « Truer Now ») Intègre !

(Photo : Gregory Crowe)

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Blues Rock Heavy Blues

Steve Hill : une leçon de vie

Sorte d’ode à la résilience et à la persévérance, « Hanging On A Still » montre toute la détermination d’un bluesman dans sa volonté d’artiste complet, mais aussi d’homme. Semés d’embûches, l’élaboration et l’aboutissement de cet album exceptionnel n’auront pas été une mince affaire pour STEVE HILL. Reconnu et récompensé pour ses talents de compositeur et d’homme-orchestre, cette nouvelle réalisation est probablement la plus belle de sa carrière, tant la force qui en émane est prodigieuse.

STEVE HILL

« Hanging On A String »

(No Label Records)

Le Canadien, originaire des Trois-Rivières au Québec, offre un retour réjouissant avec « Hanging On A String », un nouvel opus qui vient s’ajouter à la bonne douzaine qu’il a déjà sorti. Avec beaucoup d’authenticité, il revient en musique sur les mésaventures qui ont émaillé sa vie, y compris les plus récentes. Et en 30 ans de musique, STEVE HILL semble les collectionner. Si les ennuis se sont accumulés, il est parvenu à en faire un disque, qui n’est pas si sombre qu’il y paraît. Et cette belle émulation rejaillit dans les chansons, le son et la production.

Alors que le multi-instrumentiste se rendait au studio 606 à Los Angeles, c’est un accident de voiture quelques minutes après son arrivée à l’aéroport, qui l’a contraint à reporter l’enregistrement, la faute à quelques côtes cassées. Quelques mois plus tard, au début de cette année, c’est un STEVE HILL réoxygéné et déterminé qui a investit les mêmes studios avec un nouveau challenge : celui de mettre en boîte « Hanging On A Still » en six jours seulement… Il en mettra cinq ! Le résultat est époustouflant et scintillant de vérité. Une persévérance hors-norme.

Pour relever ce défi, ce sont Darrell Throp (Foo Fighters, Radiohead), lauréat de dix Grammy, derrière la console et au mix, et Michael Romanowski au mastering, qui en a emporté six de son côté, qui ont capté l’énergie et toute la substance du Blues Rock de STEVE HILL. Il en ressort des sonorités presque Garage, très roots et sans détour. Il a composé, chanté et joué tous les instruments et, au beau milieu de ces électrisantes chansons, on peut retenir cette dantesque reprise des Doors, « When The Music’s Over », longues de huit intenses minutes. Magique !

(Photo : Jean-Sebastien Desilets)

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Heavy Blues Rock

Red Giant : insaisissable

Entre Rock brut, Heavy Blues et même Pop très British, RED GIANT présente un style, qui peut au départ décontenancer, mais qui devient très vite familier et attachant. Grâce à un frontman au caractère bien trempé et à une paire basse/batterie qui en impose, les Anglais montrent toute leur expérience et surtout un sens du songwriting étonnant et irrésistible. « Red Giant » est une réalisation à la production brute et virevoltante avec une assise solide, qui lui permet bien des écarts, toujours bien négociés.

RED GIANT

« Red Giant »

(Radio Silent Records)

Bâti autour de Dave Simpson, auteur-compositeur, guitariste et chanteur, RED GIANT est le nouveau combo du musicien, qui a déjà fait ses preuves et écumé les scènes du Royaume-Uni avec le Dave Simpson Trio et qui a décidé de prendre une direction artistique nouvelle. Sur ce premier opus éponyme, il a donc fait appel à John Joe Gaskin à la batterie, qui martèle avec un groove pour le moins massif ces nouvelles compositions. Première bonne pioche, puisque la seconde est la jeune bassiste Carina Powell, dont l’impact et la technique éclaboussent littéralement les morceaux. Le duo rythmique fait plus que de tenir la maison.   

Cependant, il y a eu un changement majeur dans le line-up actuel du groupe, car si Carina assure ici la basse et les chœurs, elle a quitté le groupe après l’enregistrement de « Red Giant » et a été remplacée pour le moment pour quelques concerts par Keira Kenworthy, une jeune bassiste de talent également, qui officie chez JoanOvArc. RED GIANT est donc d’humeur assez changeante. Et c’est un peu à l’image de cet opus, où s’entrechoquent des titres très Rock, Heavy Blues ou d’autres carrément dans la droite lignée d’une Pop anglaise convenue, sirupeuse et facile (« Why ? », « What It All My Fault ? »).

Mais au regard de l’album, il s’agit de détails, puisque les trois Britanniques livrent aussi et surtout des chansons très bien écrites, pleines d’émotion et avec un état d’esprit sauvage, tout en étant très sensible (« Tell Me », « Free Me », « The Dark Of Me », « You Say, I Say » et le bluesy « What You Gonna Do ? »). Assez introspectif, RED GIANT joue sur la corde raide avec talent et une efficacité redoutable, qui ne l’empêche pas de se montrer aussi très fin dans une interprétation parfois rugueuse. En jouant la carte de l’authenticité, au niveau des textes comme de la musique, « Red Giant » se montre complet et rafraîchissant.   

Dave Simpson (guitare, chant), John Joe Gaskin (batterie) et Carina Powell (basse, chœurs), qui a malheureusement quitté le trio, mais dont la prestation est exceptionnelle.

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The Cold Stares : cap au sud

En l’espace d’une quinzaine d’années, le groupe, désormais basé dans l’Indiana, s’est fait un nom dans le monde du Blues au sens large du terme, au point d’être adoubé par Joe Bonamassa himself. Trois ans après sa signature chez Mascot Records et l’album « Voices », THE COLD STARES a grossi ses rangs avec l’arrivée d’un bassiste et de nouvelles ambitions. « The Southern » est foncièrement contemporain, Rock et Psychédélique par moment, tout en intégrant quelques saveurs du sud des Etats-Unis. Une fusion qui fait mouche et donne à la formation une nouvelle impulsion.

THE COLD STARES

« The Southern »

(Mascot Records)

Septième album au compteur et six EP depuis 2014 et « Cold Wet Night » pour le combo originaire du Kentucky, qui se présente avec une nouveauté de taille sur « The Southern ». Fondé par le guitariste et chanteur Chris Tapp et le batteur Brian Mullins, THE COLD STARES accueille Bryce Klueh et c’est une très bonne chose. Certes, on connait la qualité de certains duos, qui font d’ailleurs souvent l’impasse sur le bassiste, mais il y manque souvent ce troisième homme qui apporte groove et rondeur à un jeu souvent un peu sec.

Le Heavy Blues des Américains prend donc une nouvelle dimension et cette mue en power trio ouvre bien des perspectives. Si le son et le registre d’origine ne souffraient pas franchement d’absence de variété, l’apport d’un nouveau membre donne du coffre et du relief à « The Southern ». Toujours aussi moderne dans l’approche, et même un brin urbain dans le son, THE COLD STARES a décidé de se pencher sur l’aspect Southern de ses nombreuses influences, ce qui le propulse forcément dans un esprit plus roots et brut.

Cela dit, ce nouvel opus ne s’inscrit vraiment dans un Rock Sudiste pur et dur. Non, il est plutôt question de Blues Rock et de Hard Blues très actuels. Seuls « Coming Home » et « Mortality Blues » sonnent vraiment southern, ce qui n’enlève rien à la qualité de cette réalisation à la production très organique, profonde et souvent sombre qui offre un petit côté héroïque à THE COLD STARES. On ne s’ennuie pas une seconde entre riffs musclés, solos très bien sentis et un chant vraiment flamboyant. Mature et inspiré. 

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Thomas Frank Hopper : génération crossover [Interview]

THOMAS FRANK HOPPER fait partie de cette génération d’artistes qui s’est nourrie d’un vaste spectre musical, et qui a su en garder le meilleur. Résolument Rock dans ce qu’il a de plus ‘Classic’, à savoir les bases posées dans les 70’s et qu’il a fortement modernisé, le Belge évolue pourtant dans un Blues nerveux et actuel. Avec « Paradize City », son dernier album en date, le guitariste et chanteur revitalise un genre, qui fait d’ailleurs son retour sur le devant de la scène. Entretien avec un passionné de musique, bien sûr, et aussi d’instruments et à l’univers très personnel.     

Photo : Nathalie Paesmans

– Avant de parler de « Paradize City », j’aimerais que l’on revienne sur ton parcours, qui n’est pas vraiment linéaire. Avant de te lancer en solo, tu as joué notamment dans Cheeky Jack que tu avais fondé et dans un registre plus Pop. Avec le recul, tu penses que c’était une sorte de tremplin ?

Tout d’abord, merci de m’accorder cette interview. Il est important que les artistes ‘locaux’ aient accès à différents médias pour s’exprimer. Merci donc à toi !

Donc, oui, absolument. Cheeky Jack a été mon premier groupe avec lequel je me suis fait les dents. Nous étions six musiciens et ce fut une grande expérience pour moi. Nous étions jeunes à l’époque, avec des désirs différents les uns des autres. A la fin, les tensions étaient trop palpables et, personnellement, je ne me retrouvais plus trop dans le style que nous jouions sur scène (une espèce de Pop-Rock plutôt groovy). Mais j’en garde un bon souvenir.

– Ensuite, il y a eu l’EP « No Man’s Land » et l’album « Searching Lights ». La direction musicale était encore différente. Cela t’a paru complexe de trouver ton style ? Tu as ressenti le besoin d’expérimenter encore un peu plus et dans divers courants musicaux ?

Pour moi, ce sont des essais. Sortes d’ébauches pour trouver ma voie. J’en parle rarement, car elles ne correspondent pas vraiment à ce que je propose à mon public aujourd’hui. A l’époque, je n’avais pas vraiment trouvé mon style, ni même les musiciens dont j’avais besoin. J’ai travaillé avec plusieurs artistes d’horizons très différents. Par conséquent, ces deux compilations musicales sont un ‘mach-up’ de plusieurs compositions très variées. Cela m’a permis de trouver ma véritable identité musicale.

Photo : Loreta Mander

– J’ai pu lire que c’est un voyage au Pays de Galles qui a en quelque sorte révélé, ou réveillé, ton identité musicale. En dehors de la découverte de la guitare Weissenborn, dont on reparlera, en quoi le pays a-t-il déclenché en toi le besoin de composer une musique plus roots et surtout plus authentique ?

Je ne pense pas que ce soit le Pays de Galles en tant que tel qui ait éveillé mon identité musicale. Je pense que c’est le voyage en lui-même. Dans ma famille, nous avons tous la bougeotte. Mes sœurs et moi aimons voyager. Et nous avons beaucoup bourlingué. C’est un héritage que mes parents nous ont légué depuis que je suis né. Ils nous ont toujours emmenés dans leurs périples, en Afrique notamment. Ma mère y travaillait alors comme institutrice et mon père en tant qu’ingénieur-architecte.

Et dans ma vingtaine, j’avais l’habitude de partir seul avec mon sac à dos pendant des semaines, en auto-stop, pour me perdre dans des contrées inconnues. Je pense sincèrement que nos voyages dans cette vie ne sont pas aléatoires ou désordonnés. Au contraire, ils sont tissés de manière complexe, nous menant aux endroits et aux gens que nous sommes destinés à rencontrer. Chaque personne que nous rencontrons, chaque expérience que nous vivons avec d’autres, ou seul dans la nature, nous façonnent et donne un sens à notre vie.

Photo : Yves Maquinay

– Est-ce que c’est ce ‘déclic’ qui t’a plongé plus profondément dans le Blues, le Classic Rock et le Blues Rock, ou est-ce que c’est une culture musicale que tu possédais déjà ?

Quand j’étais enfant, dans la voiture de mon père, j’écoutais déjà le Blues de Lightnin’ Hopkins ou de Ray Charles, mais également le Rock de Supertramp, The Rolling Stones, Janis Joplin, The Doors, Pink Floyd ou Genesis. Alors bien sûr, aujourd’hui encore, je suis inspiré par ces formidables musiciens. Cela dit, je dois bien avouer que le Rock n’a jamais cessé de battre dans mon cœur depuis le jour où j’ai découvert « Nevermind » de Nirvana, seul dans ma chambre d’adolescent sale et désordonnée. Je fais partie de cette génération ‘crossover’, où les styles musicaux se sont fortement mélangés, parfois avec des résultats surprenants. Adolescent, j’ai donc beaucoup écouté des groupes légendaires comme Led Zeppelin, Aerosmith, Guns N’Roses et des artistes comme John Butler, Ben Harper, Alanis Morissette, Sheryl Crow ou Lenny Kravitz. Mais également des groupes comme RHCP, Foo Fighters, Limp Bizkit, Blink 182, NOFX, System Of A Down, RATM ou même Deftones. Ainsi que quelques groupes de Rock français comme Noir Désir, Louise Attaque ou Mathieu Chedid. Quel que soit le style, tous ces musiciens ont contribué à nourrir ma passion, et certains d’entre eux m’inspirent encore énormément aujourd’hui. C’est pour cela que je définis ma musique comme un véritable ‘Crossover’ entre du Blues et du Rock.

– Parlons de cette fameuse et galloise Weissenborn, qui s’apparente à une lapsteel. Est-ce que c’est un type d’instrument que tu avais déjà pratiqué, toi qui est guitariste ?

Comme je le disais, j’ai beaucoup voyagé. Et une année, je me suis donc retrouvé au Pays de Galles. Par hasard, je suis tombé sur une famille de luthiers, qui fabriquait des Weissenborn. Cela m’a rappelé que certains des artistes que j’ai toujours admirés utilisaient, et utilisent encore, cet instrument incroyable, dont le son m’est si cher. Je suis revenu en Belgique avec une Weissenborn sur le dos. Et depuis, elle ne me quitte plus. Je ne cesse d’apprivoiser cet animal mystérieux.

– Par rapport à une guitare classique, en quoi l’approche est-elle différente pour toi ? Elle te permet d’explorer des sonorités particulières qui manquaient jusqu’alors à ton registre ?

En réalité, la Weissenborn est une marque hawaïenne de guitares en bois de koa, un bois originaire d’Hawaï justement. Personnellement, j’utilise peu la Weissenborn sur scène. J’utilise plus la lapsteel électrique. Mais que ce soit la lapsteel ou la Weissenborn, j’adore le son que cela produit et la façon dont la Steelbar glisse sur les cordes. On ne pince pas les cordes ici, on fait glisser la steelbar dessus, ce qui donne le côté slide. Et effectivement, les couleurs que cela produit sont différentes d’une guitare classique. Et j’adore !

– Pour l’anecdote, je t’ai vu jouer sur une lapsteel conçue sur une planche de skateboard. Quelles sont les sensations que cela procure, car c’est plutôt insolite ? Et est-ce que, dans un autre registre, tu fais un parallèle avec la cigarbox ?

L’instrument a été fabriqué par un ami luthier dans son atelier de Bruxelles, Rafael Van Mulders (Jug Instruments). C’est un instrument inhabituel, en effet. Avant de devenir un instrument de musique, cette planche a été utilisée comme skateboard. Véridique ! C’est en quelque sorte une seconde vie qu’on lui donne ici. Les gens sont toujours intrigués lorsque je l’utilise sur scène. J’ai décidé de l’appeler la ‘lapboard’, car c’est un mélange entre la lapsteel et le skateboard. Par ailleurs, j’aime beaucoup la cigarbox que j’utilise d’ailleurs dans un des titres du nouvel album, « April Fool ». Et en effet, le son de ma lapboard est très proche de celui d’une cigarbox, même si je trouve qu’il est plus complet.

Photo : Loreta Mander

– « Paradize City » est sorti il y a quelques semaines et il donne l’impression que tu as réalisé l’album qui te ressemble sans doute le plus. Il marie un Classic Rock nerveux et moderne avec des touches de Blues appuyées, authentiques et savamment dosées. La production est également très organique et brute. C’est le disque que tu en avais en tête dès le début ?

Merci beaucoup. On est très content du résultat final. Pourtant, ça n’a pas été simple de sortir cet album. On a pas mal hésité sur les voix et le mix. Notre ingénieur du son, Alexandre Leroy, a fait un boulot formidable. Encore une fois, c’est un beau travail d’équipe. Nous nous sommes pas mal inspirés de groupes mythiques actuels que nous écoutons régulièrement comme Rival Sons, Queens of the Stone Age, Larkin Poe, Dewolff… Et le résultat est très satisfaisant.

– S’il y a un gros travail sur les guitares, il y a également un grand soin apporté aux parties vocales. Tu as donné autant d’attention à l’une et à l’autre, ou as-tu privilégié l’un des deux aspects ? Car tu évolues aussi en quintet avec un second guitariste…

En réalité, nous avons enregistré tous les instruments au studio Six, à Bruxelles. On fait du Blues Rock moderne, donc il nous faut une belle ‘room’ pour les grattes et la batterie. Pas de click, pas d’auto-tune (beurk !) et, excepté pour les solos guitares et quelques rajouts post-prod’, on a enregistré les instruments simultanément, c’est-à-dire qu’on joue tous ensemble.

Pour les voix, j’ai tout fait chez moi. J’ai besoin de ma bulle, mon espace et ma machine à café à porter de main. Quand je m’attaque à l’enregistrement des voix, je n’aime pas être dérangé. J’ai besoin de me couper du monde. Cela m’aide à sentir les couleurs des morceaux. Je peux alors donner le meilleur de ce que j’ai.

Photo : Marc Gilson

– Cette formule électrique sur l’album te va très bien et tu joues aussi régulièrement en formule acoustique en concert. Dans quel registre es-tu le plus à ton aise ? Et ce dernier t’ouvre-t-il d’autres possibilités artistiques ?

La scène nourrit l’esprit et le corps de tout musicien. Donc peu importe la formule, on est toujours heureux d’être sur scène. Alors, il est vrai que de temps en temps, nous proposons le duo, lorsque la situation s’y prête. C’est très agréable, car le jeu en acoustique crée une atmosphère chaleureuse et intime. Cela donne beaucoup d’espace à ma voix et je peux varier davantage les couleurs. Mais pour découvrir un album en concert, il n’y a rien de mieux qu’un groupe au complet. C’est lorsque nous sommes cinq sur scène que toute l’énergie vitale et l’âme du projet se révèlent.

 – Enfin, alors que « Paradize City » a une dominance plus Rock que Blues, as-tu dans un coin de la tête l’idée de faire un album entièrement Blues à l’avenir ?

Mmmmm… Pas sûr. Je vais décevoir les puristes de Blues ! (Rires) Mais je ne suis pas un musicien de Blues, du moins je n’ai pas la prétention de l’être. Je fais ce que je sais faire de mieux, c’est-à-dire un mélange de Blues et de Rock : un ‘crossover’. Finalement, ma musique n’est que le reflet de mon âme. Une âme nourrie par tous mes voyages et qui trouve de l’inspiration à travers les œuvres de ces artistes de Blues, de Rock et de ceux qui ont judicieusement mélangé les styles, ajoutant ainsi des couleurs à une palette déjà existante.

Encore plus d’infos sur le site THOMAS FRANK HOPPER :

www.thomasfrankhopper.com

Retrouvez la chronique de l’album :

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Thomas Frank Hopper : red rockin’ devil

Avec une approche très live et un son inspiré du Sud des Etats-Unis, THOMAS FRANK HOPPER nous fait voyager dans les grands espaces, grâce à un registre Blues Rock relevé, mélodique et que le groupe qui l’accompagne rend littéralement lumineux. Guitariste accompli, le Belge se révèle également redoutable vocaliste, tant il mène ce « Paradize City » de main de maître, malgré sa jeune expérience. Incandescentes, ses compositions affichent déjà une belle assise et une créativité certaine.

THOMAS FRANK HOPPER

« Paradize City »

(Independant)

Contrairement à sa compatriote Ghalia Volt, le guitariste et chanteur THOMAS FRANK HOPPER n’a pas encore franchi l’océan qui le sépare des Etats-Unis, et c’est depuis sa Belgique natale qu’il distille son Blues Rock. Deux ans après « Bloodstone » où il avait déjà montré de bien belles choses, avec « Paradize City », le songwriter se montre plus audacieux et aussi plus brut dans son jeu. Assez Heavy dans l’ensemble, sa nouvelle réalisation est avant tout très roots et sans artifice.

Particulièrement bien entouré, THOMAS FRANK HOPPER évolue en quintet, ce qui donne sa pleine dimension à des morceaux finement ciselés. Même si ce deuxième album s’inspire des piliers et fondateurs du genre, il s’inscrit terriblement dans l’air du temps, celui du Blues et du Rock. Ainsi dans les arrangements et la production, on perçoit quelques inspirations puisées chez Jack White, Larkin Poe bien sûr, QOTSA et Rival Sons. Mais le Belge affiche un répertoire très personnel, et pour cause !

Le son si particulier de THOMAS FRANK HOPPER vient directement de l’instrument sur lequel il interprète la majorité des titres : une Weissenborn. Sorte de lapsteel qui se joue donc à plat, la guitare libère une chaleur et un grain proche des sonorités Southern. Dès « Troublemaker » au faux air de Queen dans la voix, la guitare se fait grinçante. Entre chansons musclées (« Tribe », « Paradize City », « April Fool », « Crossroads ») ou plus calmes (« Dog In An Alley », « Boundless »), le frontman est très convaincant dans ce bel équilibre.

Photo : Marc Gilson