Doté d’une incroyable créativité, FOSTERMOTHER se présente avec « Echo Manor » où il parvient encore à surprendre, grâce à un subtil alliage de Stoner et de Rock, de Doom et de Psych, le tout dans une atmosphère progressive éclatante. Très bien produit, le digne successeur de « The Ocean » s’annonce comme l’une des pièces maîtresses de la discographie des Américains. Un modèle de diversité et une ouverture musicale totalement maîtrisée et envoûtante.
FOSTERMOTHER
« Echo Manor »
(Ripple Music)
Depuis sa formation en 2019, le combo de Houston ne cesse de surprendre. Dès son premier album éponyme l’année suivante, FOSTERMOTHER a su s’imposer jusqu’à signer chez Ripple Music qui a sorti « The Ocean » et mis tout le monde d’accord. Sur une base Stoner Doom, le power trio continue ses expérimentations et avec « Echo Manor », le leader et fondateur Travis Weatherred (chant, guitare, claviers), Stephen Griffin (guitare, basse, claviers) et Jason Motamedi (batterie) explorent de nouvelles contrées musicales.
Tout en évoluant au fil de ses réalisations, FOSTERMOTHER réussit pourtant à imprimer sa personnalité artistique, même si les grands écarts sont nombreux depuis ses débuts. Dans ce cas, difficile de définir précisément le style des Texans. Sur « Echo Manor », leur Stoner Rock s’engouffre dans des territoires Psych et surtout progressifs, lorgnant même du côté du post-Rock avec des passages très aériens. Ce nouvel opus est de loin le plus trippant des trois et l’invitation à ce voyage étonnant et varié est franchement irrésistible.
Si le Doom de FOSTERMOTHER s’est vraiment éclairci, il n’en demeure pas moins véloce et puissant. Très bien ciselé, cette troisième production joue sur les ambiances, multiplie les tempos et offre une palette de riffs à la fois racés et mélodiques. Intenses, les nouvelles compos ne font pas l’impasse sur l’aspect occulte que le groupe cultive depuis toujours (« Wraith », « All We Know », « King To A dead Tree », « In The Garden Of Lies » et l’excellent morceau-titre). Avec beaucoup d’élégance, « Echo Manor » est littéralement brillant.
Retrouvez les chroniques des deux premiers albums :
Cela fait maintenant trois ans que « Lifa Iotungard » a été joué pour ses fans américains et HEILUNG avait déployé une setlist entourée de mystère au rythme de percussions tribales, de chants envoûtants et presque chamaniques. Ce nouvel appel à la nature entre incantations et prières païennes rend cette performance dynamique et toujours aussi expérimentale. L’aspect hypnotique du combo prend ici une dimension si organique qu’il est difficile de ne pas se laisser emporter dans ce tourbillon extatique.
HEILUNG
« Lifa Iotungard (Live At Red Rocks 2021) »
(Season Of Mist)
Rares sont les groupes qui parviennent à s’imposer de manière aussi incontestable au point de même devenir une référence pour beaucoup d’autres en seulement une décennie et avec uniquement cinq albums, dont deux live, à son actif. Cependant, HEILUNG a réussi ce tour de force grâce à un style original et novateur qui va pourtant puiser son inspiration dans les rituels ancestraux. Et avec « Lifa Iotungard », le voyage musical est une fois encore saisissant et la magie opère instantanément.
Enregistré dans le magnifique écrin qu’est le fameux amphithéâtre de Red Rock dans le Colorado, « Lifa Iotungard » est un spectacle aussi sonore que visuel et pour cela le trio est entouré de sa troupe de guerriers et elle nous fait traverser les âges. Les concerts de HEILUNG sont de véritables cérémonies tribales, spirituelles et transcendantales, et ce n’est donc pas un hasard si Christopher Juul, Maria Franz et Kai Uwe Faust reviennent avec un nouvel opus live, d’ailleurs déjà capté en 2021.
Durant une heure et demie, c’est avec cette modernité qui la caractérise que la formation propose un moment de communion entre solennité, célébration et incantation. (« Alfadhirhaiti », « Hakkerskaldyr », « Svanrand »). Depuis ses débuts, le pouvoir de fascination de HEILUNG est intact et le public présent ce soir-là a assisté à un concert captivant (« Eddansurin », « Traust »). Entre le Danemark, la Norvège et l’Allemagne, la connexion est comme toujours d’une incroyable fluidité.
Retrouvez la chronique de « Drift », sorti il y a deux ans :
Avec « Keep Me Fed » », Daniela (chant, guitare), Paulina (batterie, chant) et Alejandra Villareal (basse, chœurs), également pianistes, affirment avec force une identité musicale désormais identifiable. Entre Rock et Metal, avec une touche combative très fédératrice, leur audace fait mouche sur ces 12 nouveaux titres, véritablement taillés pour la scène, devenue entretemps leur terrain de jeu favori. L’heure de la maturité a donc sonné pour les jeunes femmes qui ont fait de THE WARNING une machine bien huilée et irrésistible.
THE WARNING
« Keep Me Fed »
(Lava Records/Republic Records)
Alors qu’elles avaient sorti « XXI Century Blood » (2027) et « Queen Of The Murder Scene » (2018) juste après leur premier EP, « Escape The Mind » (2015), les trois sœurs n’étaient que très peu sorties de leur Mexique natal et avaient pourtant attiré mon attention dès 2020. S’en étaient suivi « Error » (2022) après le six-titres « Mayday » (2021) et c’est à partir de ce moment-là que THE WARNING a vraiment explosé, tant que le plan artistique qu’au niveau de sa notoriété, bien aidé par une maîtrise des réseaux sociaux avec lesquels elles ont grandi.
Depuis une grosse dizaine d’années maintenant, le trio de Monterrey suit une trajectoire parfaite, qui les propulse aujourd’hui parmi les révélations, et même un peu plus, de la scène Rock/Hard. Il faut dire qu’elles n’ont eu de cesse d’enchaîner les concerts aux côtés de grands noms, parmi lesquels leurs idoles de Metallica, et c’est même entre leurs tournées qu’elles ont composé « Keep Me Fed », où THE WARNING fait définitivement sa mue en se présentant avec des nouveaux titres beaucoup plus matures et toujours aussi accrocheurs.
La première chose qui surprend agréablement sur ce quatrième opus, c’est la puissance et le coffre de la production. Le trio montre ainsi toute l’ampleur de son potentiel et la fratrie Villareal se hisse à un niveau dont l’impact, tout en nuances, est saisissant. « Six Feet Deep », « S!ck », « More », « Consume » et celui qui devenu un hymne dans leur pays « Qué Más Quieres », chanté en espagnol, offrent un relief auquel THE WARNING ne nous avait pas encore habitué. Et cette rage toute féminine brille et résonne comme un rugissement.
C’est toujours un plaisir de pouvoir suivre la progression d’un groupe en qui l’on croit depuis ses débuts et de voir où il en est quelques années plus tard. Depuis son premier effort éponyme sorti juste avant la pandémie, MAUDITS suit son chemin et affine un style original déjà perçu à l’époque. Le trio ne cesse de bousculer son post-Metal instrumental, le parant de cordes notamment, et évoluant dorénavant dans des sphères encore plus progressives et cinématographiques. L’occasion de faire le point avec son guitariste et compositeur, Olivier Dubuc, et d’évoquer avec lui le très bon « Précipice », sorti il y a quelques semaines maintenant chez Source Atone Records.
– J’ai le plaisir de vous suivre depuis vos débuts en 2020 et je trouve votre ascension assez exemplaire. Vous en êtes à votre deuxième album, vous avez sorti un EP, un split avec SaaR et le live à l’Opéra de Reims. Vous n’êtes si MAUDITS ça au final !
Non, non ! On avance ! (Rires) On travaille sur notre truc, on prend du plaisir. Je pense que, quelque soit le domaine, quand tu fais les choses de manière relâchée, ça se passe bien et le résultat est plutôt bon. En tout cas, chez MAUDITS, c’est ce que l’on fait et tout va bien.
– D’ailleurs, ce qui est remarquable, c’est qu’en quatre ans, vous avez pu expérimenter tous les formats existants, à savoir l’album, l’EP, le Live et le split. Est-ce que l’approche dans la composition est toujours la même, ou les exercices sont vraiment différents ?
Ca peut être différent, oui. Au niveau de l’évolution du projet et des sorties, il y a eu des choses assez similaires, mais où l’on a mis autant d’énergie à chaque fois. Et il y a eu des sorties de circonstances. Si tu prends le premier EP, « Angle Mort », nous n’avions pas prévu forcément de le sortir dans ce format-là. Ce sont des recompositions de morceaux déjà existants. Mais comme on avait sorti le premier album entre deux confinements, on s’est dit qu’on allait attendre, car personne ne savait ce qui allait se passer et on voulait vraiment le défendre en live. L’approche peut donc être différente suivant les circonstances. Mais elle n’est pas forcément moins libre. On peut garder une ligne directrice déterminée en fonction de ça.
– Vous venez de sortir votre deuxième album, « Précipices » il y a peu, et la première chose qui m’a frappé, c’est que je vous trouve moins ‘timides’, beaucoup plus sûrs de vous dans l’élaboration de votre style. J’ai le sentiment que vous faites enfin ce que vous avez en tête depuis le départ. C’est le cas ?
Oui, on peut le percevoir comme ça. Ca n’a pas forcément été ressenti de notre côté. On a fait ce que l’on avait à faire sur le moment. Nous n’avons pas eu de pression et au contraire, l’expérience acquise depuis les débuts nous a permis de trouver notre ton et notre son. En tout cas, de mon point de vue, c’est la meilleure réalisation que j’ai sortie et j’en suis content à 100%. Je pense que c’est très abouti et c’est le résultat de ces dernières années de travail. On a fait ce que l’on avait envie t’entendre, sans se préoccuper de donner dans tel ou tel style et sans aucune pression extérieure.
– Je ne sais pas si le titre va dans ce sens, mais il y a un vrai gouffre entre vos deux albums, si on ne tient pas compte des EPs. Sans aller jusqu’à dire que vous êtes méconnaissables, il y a une touche qui se précise et qui tient d’ailleurs aussi peut-être à la présence depuis quelques temps de Raphaël Verguin au violoncelle. L’apport des cordes distingue vraiment MAUDITS de la scène post-Metal française. De quelle manière est-ce qu’il intervient dans la composition ? Sur vos propositions, ou plutôt ses idées personnelles ?
C’est vrai qu’au niveau du style, le fait de mettre du violoncelle, d’en mettre beaucoup, et aussi de le laisser s’exprimer sur les morceaux, nous distingue du reste de la scène post-Metal. Elle n’en met pas la plupart du temps, ou alors juste sous forme d’arrangement et pas forcément avec de vrais instruments. C’est souvent noyé dans la musique du groupe. C’est vrai que Raphaël a vraiment mis sa patte. Et comme nous faisons tout à fond, et en vrai, ce nouvel album prend cette ampleur. On a aussi cherché à se marquer clairement dans un esprit de musique de film. On n’hésite pas et on ne s’enferme pas, non plus. On suit nos envies, sans aucune retenue. On essaie toujours de faire du mieux possible. Entre les deux albums, on a poussé les curseurs plus haut et cela s’entend probablement. On maîtrise vraiment notre sujet et on sait où on veut aller. Les choses se font de manière fluide et naturellement. Avec le recul, je pense que MAUDITS est également aujourd’hui plus marqué par le Rock Progressif dans les structures et la liberté de faire. Il y a un esprit 70’s, plus riche et plus travaillé.
– MAUDITS reste toujours ancré dans le post-Metal, mais les variations sont beaucoup plus nombreuses sur ce nouvel album. On y décèle des éléments post-Rock surtout, mais aussi Doom et progressifs. « Précipices » est clairement plus ‘cinématographique’ dans l’approche. C’est vers cela que vous voulez tendre depuis le split notamment ?
On voulait ça, même si ça s’est fait naturellement. Si tu prends le split, notre morceau (« Breken », qui est décliné en trois parties – NDR) est très écrit et très cinématographique. Il s’est construit aussi sur des arrangements de cordes avec du violon et du violoncelle. Lorsqu’on fait les maquettes, Raphaël intervient vraiment en dernier et souvent au moment des prises. Et c’est la même chose pour Emmanuel (Rousseau, multi-instrumentiste – NDR), qui est aussi co-producteur de l’album et qui écrit avec moi depuis le début. Il apporte beaucoup au niveau des arrangements. Et finalement, tout ça s’est un peu construit sans que l’on puisse le prévoir. Le projet est très libre, mais le postulat de départ est de faire le mieux possible et tant que nous ne sommes pas contents, on ne le sort pas. Il faut que l’on soit totalement satisfait, mais sans y passer trop de temps, non plus. Ca n’aurait plus de sens. Et là-dessus, nous sommes tous d’accord et on ne lâchera rien !
– J’aimerais aussi qu’on dise un mot de ce « Live at Opéra Reims », qui contient trois morceaux sur 30 minutes. Comment l’enregistrement s’est-il passé, car ce n’est pas un lieu habituel. Y avait-il du public, car ce n’est pas perceptible ? Et est-ce qu’il s’agit plus d’une performance que d’un Live finalement ?
C’est un peu les deux, car il n’y avait pas de public. En fait, lorsque cela a été tourné, c’était dans cette période avec beaucoup de confinements et où les concerts n’étaient pas autorisés. L’idée de départ était de trouver un beau lieu pour faire une belle vidéo de promo. On ne savait même pas que ce serait à l’Opéra de Reims, d’ailleurs. En fait, de par son activité professionnelle, Erwan (Lombard, basse – NDR) avait comme client le directeur de l’Opéra et au fil des discussions, il lui a proposé tout simplement de le faire là-bas. On lui a donné nos dates et il nous a gentiment prêté les lieux pendant deux jours avec tout le staff de l’opéra et gratuitement. On avait juste à apporter notre matos. On a donc pu faire plusieurs prises, mais on a gardé l’enregistrement fidèle et intact en y retouchant juste très légèrement quelques petits détails, qui arrivent naturellement dans tous les concerts. L’ensemble a juste été remixé et surtout remasterisé. Le gros du travail a été sur le montage des images.
– Est-ce qu’il y avait une portée particulière pour vous de vous produire dans un endroit aussi symbolique ?
Carrément, le lieu est super et l’acoustique est incroyable. Même s’il n’y avait pas de public, l’endroit est fou ! Et puis, on a été accompagné et soutenu par une équipe géniale, notamment au niveau des lumières. Mais c’est finalement après coup, en voyant les images, qu’on a vraiment pris conscience du lieu et du rendu. A ma connaissance, nous sommes le seul groupe de Metal, ou assimilé, à avoir fait ça à l’Opéra de Reims.
– Revenons sur l’album et notamment au morceau caché en toute fin que je laisse aux lecteurs le plaisir de découvrir. La petite surprise vient du fait que l’on y entend une voix féminine, ce qui peut surprendre de la part d’un groupe instrumental. Tu peux nous en dire plus sur cette présence énigmatique ?
Sans entrer dans les détails, Chris (Christophe Hiegel, batterie – NDR) a perdu quelqu’un de proche durant le processus de composition. L’idée était de rendre hommage à cette personne en faisant un morceau caché. C’est d’ailleurs une décision qui s’est prise au dernier moment. Au départ, c’était juste une piste instrumentale. Puis, j’ai eu l’idée de lui demander s’il pouvait récupérer des vidéos ou des messages parlés pour les mettre en fond. Et la décision était aussi de cacher le morceau et de ne pas en parler. On voulait un vrai hommage. Ainsi, on a fait un montage à partir de voix récupérées sur des messages vocaux, via une amie de cette personne. J’ai ensuite écrit une trame atmosphérique avec des accords que j’avais en tête avec Emmanuel. Je connaissais un peu la personne en question et à la fin, on était vraiment rincé. C’était vraiment épuisant, surtout lorsqu’on connait les circonstances et le contenu de son propos. Je suis très content du résultat, car ce n’est pas de la pleurnicherie. C’est beaucoup plus un hommage serein que triste.
– Enfin, j’aimerais qu’on évoque aussi la scène, puisque vous venez d’achever une mini-tournée avec le groupe Parlor. J’imagine que vous avez définitivement trouvé vos marques et peut-être aussi votre public. Qu’en retenez-vous au final ?
Oui, on a fait cette petite semaine de tournée qu’on a monté entièrement nous-mêmes. Ca a été un gros boulot d’environ deux/trois mois qu’on a fait avec Yann de Parlor pour trouver des dates, des salles, négocier les cachets et la logistique. Globalement, ça s’est bien passé. C’est une belle expérience, assez éreintante quand même, car on n’a pas de roadies et on a tout fait nous-mêmes. C’était vraiment sympa d’enchainer les dates comme ça, dans des lieux et des configurations différentes aussi, car ce n’est pas quelque chose qu’on a l’habitude de faire. Et puis, on s’est très bien entendu avec Parlor, qui est composé d’anciens membres de SaaR qui s’était séparé après le split justement. Nos registres sont très différents, eux sont dans un Hard-Core avec un côté Punk très second degré. C’était vraiment une super expérience !
Le dernier album de MAUDITS, « Précipice », est disponible chez Source Atone Records.
Retrouvez aussi les chroniques et les interviews du groupe accordées à Rock’n Force :
Entre mysticisme et atmosphère vintage, le Heavy Blues Rock de BIRDSTONE se déploie avec toujours autant de résolution et de modernité dans le son. Rugueux, mais aussi aérien, le registre de la formation de Poitiers se renouvelle au fil des réalisations et « The Great Anticipation », sa troisième, atteint même des sommets en termes de créativité et de finesse dans l’interprétation. Près d’une décennie après ses débuts, le combo s’est forgé une identité artistique comme nul autre dans l’hexagone.
BIRDSTONE
« The Great Anticipation »
(La Cage)
Le trio approche les dix ans d’existence et livre un troisième album toujours aussi original et personnel dans un registre, qui voit s’entrechoquer un Heavy Rock fiévreux et un Blues très brut dans des couleurs Stoner. Au fil des productions, BIRDSTONE affine son style, ce qui le rend assez unique en son genre. D’ailleurs, c’est dans cet esprit qu’a été conçu « The Great Anticipation » qui vient en quelque sorte compiler les singles sortis depuis « Loss », précédent opus sorti en 2022 et qui était déjà lui aussi particulièrement massif.
Avançant en toute indépendance depuis sa création, BIRDSTONE s’est aussi résolu à fonder sa propre structure, La Cage, titre de son premier EP paru en 2017. Les temps ont changé donc, et les trois musiciens ont décidé de s’adapter à la nouvelle donne pour diffuser leur musique. Une chose ne change cependant pas, c’est le line-up composé d’Edwige Thirion (basse), de Basile Chevalier-Coudrain (guitare, chant) et de Benjamin Rousseau (batterie). Ces deux derniers évoluant également avec The Necromancers.
Etant donné que plusieurs titres ont déjà été dévoilés au fil de ces derniers mois, la surprise n’est donc pas totale concernant le contenu, même s’il reste quelques agréables découvertes. Et ce qui est aussi remarquable, c’est l’homogénéité de « The Great Anticipation », qui n’apparaît pas comme un empilement de morceaux. La cohésion est évidente et BIRDSTONE parvient sans mal à nous imprégner de son univers (« Eyes On The Calling », « Alcyon », « Cinnamon Creek » et « Méandres »).
Aérienne et captivante, la nouvelle réalisation d’AIRBAG vient confirmer l’assise du combo dans l’univers du Prog. La qualité est encore au rendez-vous et devient même sa principale caractéristique. Les solos de guitare de toute beauté, la délicatesse du chant et le groove imparable mêlés à des claviers somptueux offrent un lustre incroyable à un ensemble qui ne souffre d’aucun défaut. Avec « The Century Of The Self », le trio brille par une interprétation pointilleuse et des titres dans lesquels on plonge avec plaisir.
AIRBAG
« The Century Of The Self »
(Karisma Records)
Devenu en quelques années la figure incontournable et la référence du Rock Progressif norvégien, le trio s’est donné quatre ans pour livrer un sixième album très attendu. Depuis deux décennies et la sortie de son premier EP « Come On In », le style s’est considérablement personnalisé pour être aujourd’hui plus identifiable que jamais. Désormais loin des Porcupine Tree et Pink Floyd, auxquels on les compare avec faiblesse depuis toujours, AIRBAG fait du AIRBAG et c’est incontestable. Et encore plus ici d’ailleurs.
La question est surtout de savoir si le groupe est capable de faire aussi bien, sinon mieux, que l’éclatant « A Day At The Beach » (2020) qui avait frôlé la perfection dans le domaine. Et la réponse est qu’Asle Tostrup (chant, claviers, programmation), Henrik Bergan Fossum (batterie) et Bjørn Riis (guitare, basse, claviers et chœurs) ont fait bien plus que récidiver. Toujours aussi organique, puissant et limpide, « The Century Of The Self » fait d’AIRBAG un modèle du genre, tant au niveau de sa créativité que de la production présentée.
En l’espace de cinq morceaux s’étendant de près de sept minutes à plus de 14, les Scandinaves font étalage de leur technicité et de leur feeling sur ce nouvel opus, dont le titre en dit déjà long. On y parle de cancel culture, de mensonges et de peur sans pour autant que « The Century Of The Self » ne sombre dans la morosité ambiante. Immersif et jouant sur les émotions, AIRBAG lance une invitation à un voyage sublime où la virtuosité impressionne (« Dysphoria », « Tyrants And Kings », « Tear It Down »). Brillant… encore !
Entre Heavy Psych et Desert Rock, les Québécois de MOOCH semblent avoir cerné leur terrain de jeu, et les atmosphères présentes sur « Visions », viennent confirmer la belle créativité du combo. Avec un côté brut soigné, on se laisse porter par des morceaux aux climats à la fois apaisants et aussi propres à la réflexion. Costaud ou plus léger, le voyage proposé par la formation de Montréal combine des références évidentes avec une personnalité affirmée.
MOOCH
« Visions »
(Black Throne Productions)
Non seulement MOOCH possède une identité musicale singulière, mais en proposant un regard philosophique très pertinent à travers ses textes, il parvient à se réinventer à chaque album. Avec « Visions », son troisième, il nous transporte dans un Heavy Psych Rock qui va puiser dans la scène de Seattle de la belle époque, tout comme dans l’univers psychédélique des 70’s. Mais s’il y a une agréable touche vintage dans le jeu des Canadiens, on la doit aussi à l’unité et la complémentarité qui règnent au sein du trio.
Car l’une des forces de MOOCH est d’être composé de trois chanteurs, tous multi-instrumentistes. Les configurations sont donc aussi nombreuses que les paysages sonores explorés. Et « Visions » donne cette fois encore une autre facette que celle perçue sur « Wherever It Goes ». Ben Cornel, Julien Lac et Alex Segreti jouent aussi sur les émotions à travers des plages instrumentales captivantes et si l’ombre des Doors plane sur ce nouvel opus, le groupe s’en détache habillement avec beaucoup d’originalité.
Grâce à une production très organique, probablement analogique, il émane énormément de chaleur de ces nouvelles compositions, où les ambiances acoustiques rayonnent au côté d’autres plus Rock, Desert et Stoner. Vocalement, l’empreinte du grand Jim Morrison habite littéralement « Visions », ce qui le rend très attachant. Non sans d’émotion, MOOCH étend son univers unique avec une profondeur pleine d’optimisme (« Hangtime », « Vision », « Together », « Intention, « Morning Prayer »). L’odyssée est belle et envoûtante.
Devenu trio pour cette nouvelle réalisation, les Hollandais continuent l’exploration de leur Doom aux ramifications Funeral, Death et post-Black Metal avec « The Rot Of The Soul ». Très bien produit, ce nouvel album se lance dans une immersion mélancolique au cœur de sentiments qui viennent se heurter sans ménagement. ANGMODNES en fait pourtant découler une certaine élégance, pourtant meurtrie par un sujet difficile à aborder. Techniquement irréprochables, il nous entraîne dans un tourbillon de sensations.
ANGMODNES
« Rot Of The Soul »
(Meuse Music Records/Tragedy Productions)
Pourtant formé en 2013, à Utrecht aux Pays-Bas, il aura fallu attendre neuf longues années avant que ne sorte « The Weight Of Eternity », un EP sur lequel ANGMODNES a bâti les fondations de son Funeral Doom Metal. Composé de M.V. (batterie) et d’Y.S. (guitare, basse, chant), le duo s’est extrait de son groupe Apotelesma pour ce nouveau projet. Cette fois aussi, les Hollandais officialisent l’arrivée de F.S. au chant, qui était d’ailleurs déjà apparue sur le premier effort il y a deux ans. Une présence féminine qui apporte un brin de légèreté avec des choeurs captivants et lumineux dans cet océan de ténèbres.
Car sur « Rot Of The Soul », le propos est forcément sombre et parler de mélancolie est même un doux euphémisme. ANGMODNES, qui tient d’ailleurs son nom de l’anglais ancien signifiant ‘angoisse’ ou ‘chagrin’, nous plonge dans les obscures pensées d’un protagoniste en proie à une profonde dépression. Et au fil de l’écoute et de ses interrogations, c’est assez saisissant de voir de quelle manière le trio aborde le sujet en multipliant les atmosphères, comme les sonorités, se faisant peu à peu envoûtant, tant on passe d’émotion en émotion avec une fluidité et une progression incroyables.
L’utilisation, avec parcimonie, du piano sur certaines intros notamment accentue encore la dramaturgie des morceaux dépassant pour l’essentiel largement les dix minutes, et instaure un climat qui s’assombrit et se durcit méthodiquement. Entre growl et chant clair, passages presque Lo-Fi et fulgurances Black Metal, ANGMODNES se livre à l’envie dans un Death/Doom mélodique, dont les structures témoignent de la mise en place d’une atmosphère très personnelle. Difficile d’en extraire un titre plus qu’un autre, tant « The Rot Of The Soul » se montre inspiré. Un travail d’orfèvre.
Formé il y a seulement cinq ans, à l’aube d’une pandémie qui leur a peut-être donné des idées, KARKARA poursuit sa route, chemine dans les antres du psychédélisme et se frotte au shamanisme musical avec de plus en plus de grâce et d’habileté. Plus inspirée encore, « All Is Dust » est une réalisation pertinente, obsédante et surtout interprétée et composée sans bride, ce qui lui offre et libère un sentiment de totale liberté. Alors, on se laisse aller, on se laisse prendre dans ce flux fantasmagorique et enchanteur… et le voyage est beau, bien que mouvementé ! Il y a même une certaine magie.
KARKARA
« All Is Dust »
(Le Cèpe Records/Exag Records/Stolen Body Records)
« All Is Dust » est typiquement le genre d’album (le troisième du groupe), qui fait plaisir à écouter et à savourer, car il va si bien à l’encontre des préceptes actuels et de cette frénésie à vouloir découper systématiquement un disque en singles, comme pour mieux en supprimer la substantielle moelle. KARKARA m’a donc rendu le sourire. En effet, pour qui déciderait d’en écouter quelques bribes en le parcourant nonchalamment, il passerait complètement à côté, car la démarche entreprise ici relate une quête quasi-survivaliste entre poésie et rage (« Monoliths », « On Edge », « Moonshiner » et ses oiseaux).
Il fait aussi et d’abord préciser que le style du trio s’y prête également très bien. Dans un Psych Rock oscillant entre Stoner et Desert Rock, il nous raconte une histoire, nous guide dans les pas d’un personnage dont l’épopée se comprend, se ressent et se vit justement en écoutant l’ensemble des six morceaux… dans leur entier et dans l’ordre. Ses étapes, ses rencontres et ses combats sont saisissants. Et je ne vous raconterai évidemment pas la fin de cette aventure aux multiples rebondissements narrée par KARKARA, mais la chute est aussi hallucinatoire que radicale et magnifique.
Plutôt que vintage, c’est une saveur rétro-futuriste qui englobe « All Is Dust » à travers de longs morceaux, qui sont nécessaires au déploiement de cette ambiance épique et hypnotique, ainsi que galopante et nerveuse. Très organique dans le son, tout comme dans son jeu, KARKARA jour sur les effets de basse et de guitare, ponctue ses titres de notes de synthés d’un autre temps et avance sur un chant aérien et désespéré aussi. Il se permet même l’incursion d’un saxophone démoniaque (« The Chase ») et d’une trompette solaire qui vient presque sonner le glas (« All Is Dust »). Terriblement humain, bravo !
Engagé mais pas enragé, DELGRES mène son combat contre l’oubli avec des mots forts et des mélodies enivrantes. Si le Blues Rock créole distillé sur ce nouveau « Promis Le Ciel » a des saveurs d’alizées, les riffs sont tempétueux, les rythmiques souvent rageuses et malgré tout, il en émane une ambiance solaire et positive. Profond et ardent, le registre des trois musiciens prend racine et déclame les siennes avec beaucoup d’élégance.
DELGRES
« Promis Le Ciel »
(Discograph/Pias)
L’entreprise s’avérait audacieuse lorsque le trio s’est lancé dans un tryptique avec son premier album « Mo Jodi » en 2018. Dans la foulée, « 4:00 AM » a continué à convaincre le public, alors que de grands médias lui faisaient les yeux doux. Il faut reconnaître que le Blues arrangé de DELGRES a de quoi séduire. Militant et enthousiaste, le groupe tient son nom de l’anti-esclavagiste antillais Louis Delgrès, figure de l’abolitionnisme guadeloupéen de l’ère napoléonienne : un héritage lourd, mais motivant.
Pascal Danaë (chant, multi-instrumentiste), Baptiste Brondy (batterie) et Rafgee (soubassophone) livrent le troisième volet de cette aventure belle et touchante avec « Promis Le Ciel », un opus rayonnant et intense. Le Blues Rock teinté de rythmes et de couleurs caribéens de DELGRES est d’une énergie incroyable et on se laisse littéralement porter par ce chant en français, anglais et créole qui se déploie dans une belle communion. Chaud et mélancolique à la fois, « Promis Le Ciel » fait parler les esprits.
Avec un pied dans les Antilles et l’autre en Louisiane, le métissage des genres est cœur de cette troisième réalisation à travers des thèmes universels, dont le devoir de mémoire et tout ce qu’il contient de dignité, de résilience et d’espoir. Une atmosphère gospel plane aussi sur « Promis Le Ciel », diluée dans une production riche et moderne qui reflète toute l’actualité du propos de DELGRES (« Walking Alone », « A La Fin », « Mettre Les Voiles », « Pa Lese Mwen », « An Pa Ni Sou » et le morceau-titre). Vivant !