C’est une réalisation hantée que proposent les Australiens de ROCKY’S PRIDE & JOY avec « All The Colours Of Darkness », sorte de plongeon dans les ténèbres sur un son imposant où se croisent le Doom Metal et le Stoner Psych dans une harmonie morbide, mais tout sauf repoussante. Au contraire, le groove méchamment puissant vient habillement faire contraste avec une voix lointaine, des riffs agressifs et des rythmes organiques et très nuancés. Une belle découverte.
ROCKY’S PRIDE & JOY
« All the Colours of Darkness »
(Electric Valley Records)
Il semblerait que cette maison de chemin de fer maudite en photo sur la pochette, nichée dans la banlieue ouest d’Adélaïde, soit le point de départ de l’inquiétante aventure de ROCKY’S PRIDE & JOY. S’y sont passés des évènements morbides, des rencontres paranormales, des rites occultes, des actions violentes et c’est ce qui a inspiré Brenton Wilson (guitare, chant), Jessi Tilbrook (batterie) et Dominic Ventra (basse). Et ces trois-là sont tellement soudés que l’onde de choc qui secoue ce premier album est assommante, particulièrement vibratoire et dotée d’une interprétation musclée.
En place depuis 2020 et après de nombreux concerts dans son Australie natale, le trio est fin prêt pour se livrer sur huit titres où son Stoner Doom pose une empreinte singulière et originale. Déjà perçue sur les singles « Time’s Up » et « Future Sell » à ses débuts, la démarche de ROCKY’S PRIDE & JOY ne consiste pas seulement à tout écraser sur son passage, elle se révèle bien plus fine et complexe que ça. Certes, les riffs saturés de Fuzz ne manquent pas d’épaisseur, la rythmique est d’une lourdeur absolue, mais le groupe laisse parfois entrer la lumière.
Simple de prime abord, la musique du combo ne brille pas seulement par son efficacité, mais aussi par les détails qui donnent beaucoup de relief aux arrangements de « All The Colours Of Darkness ». ROCKY’S PRIDE & JOY déploie soigneusement sa noirceur avec une dynamique infaillible (« Red Altar », « Revenge », « Crawl », « Tunnel Vision », « Your Hell », « Pure Evil »). La batteuse/cogneuse mène la formation avec force pour nous embarquer dans un univers presque désertique, où l’acoustique « Lucifer’s Lullaby » vient apporter un peu de douceur (!) sur ce très bon premier opus.
Bluesman (très) averti et baroudeur de longue date sur la scène hexagonale notamment, c’est sous le pseudonyme de DR SUGAR que le songwriter français se présente en solo. Les dix titres de « These Words » semblent avoir été composés en Louisiane, sur les rives du Mississippi, tant l’atmosphère contient des effluves en provenance directe de la Nouvelle-Orléans. Irrésistible.
DR SUGAR
« These Words »
(Rock & Hall)
Depuis de longues années maintenant, Pierre Citerne, alias DR SUGAR, fait partie de ces artisans incontournables de la scène Blues française. Ancien leader des Marvellous Pig Noise, il se livre cette fois seul, mais toujours très bien accompagné, sur ce « These Words » qui nous transporte du côté du delta du Mississippi, non loin de la Nouvelle-Orleans avec un Blues chaleureux et personnel. Ici, les couleurs et les sons s’entremêlent dans une douceur bienveillante.
C’est à Montpellier et sous la houlette de Niko Sarran des Red Beans & Pepper Sauce, qui tient ici aussi les baguettes en plus de signer la production, que DR SUGAR a mis en boîte ses nouveaux morceaux et « These Words » a vraiment quelque chose de réjouissant. Un pied dans le bayou et l’autre dans les quartiers animés et festifs de ‘Big Easy’, le Blues du Français a des saveurs Soul, Gospel, R&B et Funky, qui sont autant de gourmandises saupoudrées d’un groove exceptionnel.
Le dobro en bandoulière et l’harmonica jamais bien loin, DR SUGAR nous embarque dans une balade Deep South très roots. Entraînant et gorgé de soleil, le musicien enchaîne les titres avec un groupe où rayonnent l’orgue Hammond et les chœurs. La touche très ‘Churchy’ de son registre flirte habillement avec une nostalgie joyeuse et dans une belle fluidité (« Ready To Give Love Again », « I Want To Go To New-Orleans », « Drinking Muddy Water », « The Little Church » et le morceau-titre). Vivifiant et tonique !
On les attend toujours de pied ferme… et on n’est jamais déçu ! Alors que les Américains multiplient les prestations scéniques à travers le monde, ils trouvent encore le temps (et l’inspiration !) pour livrer des albums à la fois intemporels et qui s’écoutent en boucle. « Screamin’ At The Sky » ne déroge pas à la règle et si le Hard Rock est plus Heavy, et moins Southern, il est toujours aussi accrocheur et direct. Pleine face !
BLACK STONE CHERRY
« Screamin’ At The Sky »
(Mascot Label Group)
En l’espace de huit efforts studio, BLACK STONE CHERRY s’est hissé au rang de stars internationales et ce à grand renfort d’interminables tournées et d’une volonté à toute épreuve. Depuis « The Human Condition » en 2020, suivi de l’explosif double-live « Live From The Royal Albert Hall… Y’All ! », le quatuor suit un rythme effréné et c’est même sur la route que ce très bon « Screamin’ At The Sky » a été en partie composé. Alors forcément, écrites entre deux concerts, ces nouvelles compos transpirent l’adrénaline.
Malgré le départ du bassiste et fondateur Jon Lawhon remplacé depuis par Steve Jewell Jr., BLACK STONE CHERRY continue sur sa lancée et ce nouvel opus devrait mettre tout le monde d’accord. Cependant, on peut reprocher au combo du Kentucky d’avoir abandonné en cours de route les ambiances et les influences Southern de ses débuts. C’est peu de chose et beaucoup à la fois, car les prouesses vocales de l’impressionnant Chris Robertson s’y prêtaient à merveille… et pas seulement !
Si chez nous, on appelle ça des tubes ou des morceaux hyper-fédérateurs, aux Etats-Unis, on parle carrément d’hymnes. Et de ce côté-là, « Screamin’ At The Sky » n’en manque franchement pas (« Not Afraid », « Smile, World », « The Mess You Made », « Nervous », « Who Are You Today », « Out Of Pocket » et le morceau-titre). Pourtant, si BLACK STONE CHERRY est d’une efficacité redoutable, on regrettera peut-être un formatage trop systématique, qui laisse peu de place à un petit grain de folie supplémentaire. Cela dit, c’est pardonné !
Même s’il est le fils d’une légende du Heavy Metal, Seb Byford n’entend pourtant pas marcher dans les pas de son père musicalement. Cela dit, il est parvenu à l’embraquer dans l’aventure HEAVY WATER loin de l’institution Saxon. Avec « Dreams Of Yesterday », l’ambiance est plutôt Rock, même si quelques sonorités assez Old School et un brin Hard Rock émanent de ce deuxième effort rondement mené par le mythique frontman et sa progéniture.
HEAVY WATER
« Dreams Of Yesterday »
(Silver Lining Music)
Si le rapprochement artistique père/fils qui a donné lieu à « Red Brick City » il y a deux ans en pleine période de Covid, il semblerait que la Byford Family ait décidé de récidiver et d’inscrire HEAVY WATER dans le temps. Même si Biff a depuis sorti « Carpe Diem » et le navrant « More Inspirations » avec Saxon, le duo créé avec le fiston n’a pas été un one-shot, puisque les revoilà avec « Dreams Of Yesterday », un deuxième album varié et solide, dans la lignée du premier.
A la guitare et au chant, Seb paraît toujours tenir la boutique avec force et talent, Biff assurant la basse et les chœurs avec son inimitable timbre de voix. Loin de son Heavy Metal habituel et même s’il avait laissé entrevoir d’autres registres sur les deux non-essentiels opus de covers de Saxon, c’est assez surprenant de le retrouver dans certains styles abordés sur « Dreams Of Yesterday ». Mais il ne fait que tenir la basse sur HEAVY WATER… et d’ailleurs cela s’entend !
Le groupe a trouvé ses marques et même s’il se cherche encore un peu, une empreinte et une identité commencent à se dessiner. Très ancré dans les années 80 et 90, HEAVY WATER rappelle autant Led Zeppelin que Soundgarden ou Alice In Chains et penche sur des titres assez nerveux dans un Rock Hard classique, bluesy parfois, alternatif et légèrement Stoner (« Another Day », « Be My Savior », « Don’t Take It Granted », « Castaway »). Un peu éparse, mais très soudé !
Deux ans après le début de l’aventure, HEART LINE n’a plus rien à prouver comme en témoigne la qualité artistique et technique des albums du quintet. Avec « Back In The Game » et plus récemment « Rock’n’Roll Queen », le groupe apporte beaucoup de fraîcheur et de modernité à un style qui peine pourtant à se faire une place en France. Cependant, les efforts des Bretons portent leurs fruits, puisque l’accueil de leurs deux réalisations est unanime et les projets ne manquent pas. Etat des lieux et plongée dans l’avenir de HEART LINE avec Yvan Guillevic, son guitariste, producteur et compositeur.
Photo : Cédric Andreolli
– Lors de notre dernière interview à la sortie de « Back In The Game » il y a deux ans maintenant, on avait beaucoup parlé de la création du groupe et de vos objectifs. Quel bilan dresses-tu aujourd’hui de l’aventure HEART LINE ?
Le bilan est super positif, car on a fait deux albums en un an et demi et on a quand même réussi à tourner. D’ailleurs, nous sommes actuellement toujours sur la route. On a fait quelques festivals et d’autres arrivent bientôt. L’objectif premier, qui était de faire un vrai disque avec un vrai groupe et pas quelque chose de collaboratif, est rempli. On fait de la scène et des albums et nous allons également sortir, en accord avec le label (Pride & Joy – NDR), un EP en décembre. Nous sommes très contents, car l’accueil du deuxième album est encore meilleur que pour le premier et tout ça est vraiment très positif !
– Dès le début, vous avez signé chez Pride & Joy, label sur lequel vous êtes toujours bien sûr. Finalement avec le recul et les très bonnes retombées des deux albums, est-ce que tu penses qu’un label français aurait été aussi efficace ?
Non, car il n’y en a pas dans le genre de toute façon. Et puis, je n’avais pas du tout visé la France pour le premier album. On a juste contacté un gros label, et sur recommandation, qui nous a répondu des mois et des mois plus tard. Alors que sur 10/12 envois ciblés, j’ai eu des réponses positives et il n’a fallu que six jours pour signer avec Pride & Joy ! Le constat est là et je crois que la France n’est toujours pas concerné par le Rock/Hard mélodique et c’est toujours aussi compliqué. Donc, je pense que nous avons eu raison de signer là-bas.
Photo : Steph Pictures
– Justement pour rester sur la France, on sait que le style n’a jamais eu de représentants ayant percé ou marqué les esprits, même à la grande époque. Je pense que HEART LINE possède très largement tous les atouts pour tenir cette place. Quelles seraient les choses à améliorer ici, selon toi ?
C’est compliqué, en fait. Par exemple, on a le ‘Hellfest’, qui est un festival énorme et il y a un gros réservoir de personnes qui écoutent du Metal en France. Ce n’est pas comme si on n’en écoutait pas. En gros, ce sont les médias, qui ne s’intéressent absolument pas à ce genre de musique. De temps en temps, pour faire un petit sujet, ils vont te parler de Metallica ou de Gojira, puisque c’est le seul groupe français vraiment costaud dans le monde. On a de très bons groupes, de très bons musiciens, ce n’est pas le souci. Mais pour les gros médias, ça reste quelque chose de bizarre, d’un peu rigolo et il n’y a donc aucun support. La France n’est pas un pilier Rock. Dès qu’on se promène ailleurs, on le voit bien. Quand on entre dans un bar ou un hôtel, on entend du Rock et du Hard Rock, mais pas chez nous. On est vraiment sous-représenté, et notamment en termes de Hard Rock.
– Malgré deux très bons albums, c’est dommage que HEART LINE ne tourne pas plus dans l’hexagone. Ne serait-ce pas le bon moment pour vous d’aller voir à l’étranger, dans des pays plus demandeurs ?
On a eu quelques opportunités qui ne se sont concrétisées, mais qui étaient vraiment réelles. Aujourd’hui, on en a d’autres. Je ne veux pas en parler tant que ce n’était pas fait, mais il ya des choses très intéressantes, qui sont en route en Europe. On travaille actuellement beaucoup là-dessus. Pour ce qui est de la France, le réseau est compliqué. La musique ici a toujours été un peu mise de côté. Pourtant, il y a du public. Il suffit de voir le ‘Hellfest’ une fois encore. Dernièrement, je suis allé voir Ghost à Rennes et c’était rempli ! Il y a des gens pour aller aux concerts, il faut juste les mobiliser.
Et puis, sans tirer dessus puisque j’ai eu un ‘Tribute Band’ pendant un moment, les organisateurs ne prennent plus aucun risque et ils ne programment plus que ça. Donc, pour ceux qui font qui font de la musique composée, ça devient très difficile. C’est une vraie épidémie ! C’est un peu dommage, parce qu’ils feront quoi dans 10/15 ans ? Ils vont reprendre qui ? Il n’y aura plus personne ! (Sourire) C’est un peu ce qu’on vit en France, car les organisateurs vont au plus simple. Il n’y a plus de recherche d’artistes, comme il pouvait y en avoir avant. Il reste bien sûr des festivals et des programmateurs qui jouent le jeu. Mais c’est vrai pour tout le monde, et pas uniquement pour nous, à ce niveau-là.
Photo : Mat Nina Studio
– Revenons à « Rock’n’Roll Queen » qui, musicalement et au niveau de la production aussi, élève encore le niveau d’un cran. Est-ce que sa conception et sa réalisation ont suivi le même processus que pour « Back in The Game » ?
Oui, c’est exactement le même processus et la même façon de réaliser. Cette fois, on a eu plus de temps, on a été plus attentif aussi pour ne pas refaire les mêmes petites erreurs que sur le premier. « Back In The Game » est très frais, rapide, composé en trois semaines et enregistré assez vite. Il y avait un côté très intéressant qu’on ne regrette absolument pas. Pour « Rock’n’Roll Queen », on voulait quelque chose de plus construit, de plus travaillé et surtout prendre notre temps. On a fait des concerts, des résidences et on se connait beaucoup mieux aujourd’hui. Cela nous a permis de nous focaliser aussi sur certains titres et travailler plus en profondeur nos morceaux.
– Et on te découvre aussi comme producteur, dorénavant confirmé. C’est un domaine dans lequel tu t’épanouies également ?
J’ai toujours produit mes disques et ça en fait beaucoup. C’est vrai que personne ne s’en est vraiment aperçu. Et on est aussi dans un métier où il faut commencer à savoir tout faire soi-même, car être dépendant des autres devient très compliqué. Et puis, j’ai toujours fait de la prod’ pour pas mal d’artistes. Cette fois et avec l’aide de Jorris Gilbaud, qui a une oreille en or, cela nous a permis d’affiner tout ça. La production est quelque chose que j’aime énormément et que je tiens à continuer de faire. Parfois, c’est un peu pénible de tenir les deux rôles, à savoir guitariste et producteur, mais au final, cela te permet aussi de contrôler l’ensemble. Car cela peut aussi arriver que, lorsque tu vas en studio et que tu laisses quelqu’un d’autre produire, tu perdes des choses. Mais pour HEART LINE, comme je sais que je veux entendre, je pense que c’est plus sage de rester le producteur du groupe.
Yvan et Patrick Rondat à l’Océanis de Ploemeur le 23 septembre dernier Photo : YD – Photographies
– Patrick Rondat, grand guitariste et rare ‘guitar-hero’ français fait également une apparition sur l’album. Comment s’est faite votre rencontre ?
On se connait depuis très longtemps sur les réseaux, mais finalement sans bien se connaître. Et puis, je suis fan de sa musique et de son jeu. Je l’avais fait venir il y a plus de 20 ans dans un masterclass ici en Bretagne. D’ailleurs, je ne suis même pas sûr qu’il s’en rappelle ! En fait, c’est lui qui me l’a proposé. Il m’a dit qu’il avait beaucoup aimé le premier album et qu’il adorait ce genre de musique. Il voulait faire quelque chose sur le prochain disque et je n’ai pas été long à lui répondre que j’en serai ravi ! Pour être honnête, je ne suis pas trop fan des guests sur les albums. Quand il y en a trop, tu perds aussi de l’identité du groupe. Mais quand Patrick te propose de jouer sur ton album, tu te débrouilles ! (Sourire) On avait un morceau dans les tiroirs, qui pouvait parfaitement coller avec ce désir de Patrick de faire de l’AOR. Je lui ai envoyé le titre et il m’a très vite rendu sa partie. Tout s’est fait vraiment très simplement.
– Pour conclure, parlons un peu de cet EP prévu pour décembre. Quand penses-tu mettre tout ça en boîte, à moins que ce soit déjà fait, et quel en sera le contenu ?
Je ne peux pas en dire trop pour le moment, si ce n’est que ce sera un cinq-titre et que sa sortie est prévue pour le 8 décembre. Il n’est pas encore enregistré, nous allons le faire courant octobre et toujours chez Pride & Joy. Pour le reste, je tiens à garder un peu de suspense… (Sourire)
L’album « Rock’n’Roll Queen » de HEART LINE est toujours disponible chez Pride & Joy.
Exigeant, pointilleux, minutieux et soucieux de la qualité et du positionnement du moindre son, STEVEN WILSON n’a rien perdu de sa créativité et continue sa quête musicale à travers « The Harmony Codex », souvent alambiqué, mais plus cohérent que « The Future Bites », où le chanteur, multi-instrumentiste et producteur avait perdu beaucoup de monde en route. Plus immersif encore et avec une extrême finesse, il revient avec parcimonie dans des contrées plus Rock, moins Pop, et aussi plus charnelles et palpables que l’Electro très distante et réfrigérante dans laquelle il s’était engouffré. Stratosphérique et expérimental, le musicien est en phase avec son époque et peut-être même en avance sur son temps.
STEVEN WILSON
« The Harmony Codex »
(Virgin Music)
Lorsqu’on reçoit un album en service de presse, il est accompagné la majorité du temps d’une rapide bio contenant les infos nécessaires à une bonne approche du disque et surtout de son contenu. Pour STEVEN WILSON, les choses prennent une autre tournure, même s’il est loin d’être le seul dont on connait le parcours par cœur… Mais mon premier réflexe a été d’écouter l’album avant de me pencher sur le processus technique. Et en plongeant dans « The Harmony Codex », je me suis d’abord dit qu’on avait retrouvé le grand musicien de Porcupine Tree et que, même si cette nouvelle réalisation insistait surtout sur une aventure technologique, la créativité du britannique paraissait ravivée et l’émotion de retour.
Comme toujours, les talents de producteur de STEVEN WILSON sautent aux oreilles dès les premières notes de « Inclination ». Spécialement conçu pour une écoute dans des conditions ‘Dolby Atmos’, il n’est cependant pas nécessaire d’avoir un studio de professionnel pour faire immédiatement le distinguo d’avec une production ‘normale’. La différence ici se situe précisément dans la composition et les arrangements des morceaux. Avec cette entame très Electro, j’ai bien cru que je partais me morfondre à nouveau dans les méandres Pop et pénibles de son précédent disque. Certes, il y a des machines, beaucoup de machines, et pas mal de bidouilles, beaucoup de bidouilles, mais l’essentiel est ailleurs.
STEVEN WILSON donne un sens à « The Harmony Codex » dans son ensemble et surtout dans sa complexité. Celle-ci d’ailleurs n’est pas exagérée, même si l’obsession du détail est loin de l’avoir quitté. Dans un mix mêlant Ambient et Prog avec quelques notes Rock et Pop, ce septième opus solo de l’artiste se veut très sophistiqué, les échantillonnages sont légions et le tout baigne dans une atmosphère numérique souvent froide. Mais en s’attardant sur les morceaux les plus organiques et sur le chant de l’Anglais, le voyage n’en est que plus réaliste et authentique (« What Life Brings », « Impossible Tightrope », « Rock Bottom », « Actual Brutal Facts », « Staircase »). Une sorte d’état de grâce, oui, très personnel et même envoûtant.
Un mur de guitare, une batterie massive, une basse au groove hypnotique et un chant d’une ardeur conquérante : ce sont les principaux ingrédients à l’œuvre sur « All In », premier opus saisissant de force et de mélodie de SMOKEHEADS. Déterminés, les Français développent avec une totale assurance un Alternative Metal maîtrisé de bout en bout. D’ailleurs, ils s’en expliqueront très bientôt sur le site lors d’une interview. A suivre, donc…
SMOKEHEADS
« All In »
(Wormholedeath Records)
Mon coup de coeur pour SMOKEHEADS date d’il y a deux ans maintenant avec la sortie du EP « Never Prick My Pickles ! ». Les quatre morceaux m’avaient d’ailleurs laissé sur ma faim. Voici donc « All In » et je suis dorénavant rassasié… enfin pour un moment en tout cas ! Le quatuor jurassien a pris son temps pour livrer son premier album et il a bien fait les choses. A l’instar de son prédécesseur, ça tabasse dans les règles et les refrains viennent toujours aussi facilement se graver dans la tête. Directe et efficace, la magie opère très vite.
Sur une production solide et équilibrée, « All In » présente enfin SMOKEHEADS sur la longueur, près d’une heure au total. Parmi les onze titres, on retrouve avec plaisir ceux qui composaient l’EP (« In Between », « Hate And Love », « Nothing Is Random » et « One Million Ways »). Ainsi, si « Never Prick My Pickles ! » vous avait échappé, vous saurez pourquoi le combo a vite tapé dans l’œil du label italien Wormholedeath Records. L’Alternative Metal des Français est irrésistible et peut tranquillement viser l’international.
Dès les premières notes du morceau-titre qui ouvre les hostilités, on est saisi par l’intensité et l’atmosphère envoûtante du jeu de SMOKEHEADS. Imposante, la voix du frontman, également guitariste, donne le ton et s’impose d’elle-même. Particulièrement bien huilée, la rythmique assomme et ne tergiverse pas (« Reveal Your Soul », « Let The Wind », « Prayer Of An Agnostic », « The Right Direction »). Véritablement addictive, cette première réalisation amorce un avenir radieux et solide.
Ils n’ont pas froid aux yeux et c’est même un doux euphémisme. Repoussant les limites du Metal et du Hard Rock dans une sorte de Space Rock futuriste et massif, ASMODEAN risque de vite devenir incontournable, tant la richesse musicale déployée sur « By A thread » montre une élégance et une virtuosité canalisées, mais insaisissables. Progressif et acéré, le style du quatuor défie les codes pour s’imposer avec brio.
ASMODEAN
« By A Thread »
(Rob Mules Records)
Si ASMODEAN commence sa carrière avec un tel premier album, je n’ose même pas imaginer la suite ! C’est suffisamment rare et inédit pour souligner que « By A Threat » est un disque d’une folle créativité et d’une interprétation magistrale. Si on ajoute à cela une production sans fausse note, une magnifique pochette et une audace à toute épreuve, on ne prend aucun risque à affirmer que le quatuor norvégien, pourtant fondé à Liverpool en 2015, est à suivre de très, très près.
Dans un Progressive Metal aux saveurs Hard Rock, ASMODEAN vient se poser quelque part entre Mastodon et Faith No More, sous l’œil bienveillant de Black Sabbath et d’Opeth. Et si les Scandinaves ne manquent pas d’ambition, il n’y a cependant aucune prétention dans la démarche : juste l’envie de toucher l’excellence. Avec « By A Threat », l’échappée musicale est unique, captivante et brillamment mise en lumière par un son clair et puissant, qui devient très vite immersif.
La déferlante de riffs, la cascade de breaks et la finesse des arrangements montrent une maturité et une maîtrise étonnante. A la fois contemplatif, introspectif, expérimental et énergique, le jeu d’ASMODEAN est à l’image de sa fougueuse jeunesse, aussi décomplexée que sûre d’elle (« The Undoing », « Below The Line », « Defying Truth », « I Wait », « Sanguine », « Zooethics », « Best Sold Disguise », « Jack O’Shadows »). Ce premier opus est un bouillonnant chaudron vraiment spectaculaire.
Après un break de trois décennies, les Lavallois ont décidé de reprendre du service et l’idée est plutôt judicieuse. Après deux démos le siècle dernier, DARKEN réalise enfin son premier album, « Welcome To The Light », un titre en clin d’œil à une époque révolue. Révolue, car le quintet a fait sa mue pour revenir dans un Metal très moderne, toujours aussi Heavy et aussi mélodique que rentre-dedans. Très bien produite, cette nouvelle réalisation est annonciatrice d’un renouveau musical éclatant, ce que nous explique Lorenzo, guitariste et fondateur du combo mayennais.
– DARKEN a évolué entre 1987 et 1991 sur une scène française, qui a d’ailleurs beaucoup changé depuis. Quels souvenirs gardes-tu de cette époque-là ?
De très bons souvenirs, car c’était mon premier projet musical. Et puis, on a pu faire de bonnes scènes comme deux fois le festival à la Roche-sur-Yon avec Vulcain, Squealer, Loudblast, Massacra, No Return, Jumper Lace et tous les groupes qui tournaient à l’époque. Ce sont vraiment de bons moments. On avait aussi été jouer aux Pays-Bas, en Allemagne et on a fait le Gibus à Paris. Tout ça, quand tu es gamin et que c’est ton premier groupe, te donne l’envie d’aller plus loin.
– D’ailleurs, quelles ont été vos principales motivations pour reformer DARKEN ? Et avez-vous continué à faire de la musique tous les trois, même chacun de votre côté ?
De mon côté, j’ai toujours continué. Après DARKEN, j’ai monté ‘We Don’t Care’ sur Laval et ensuite, je suis allé sur Nantes pendant plusieurs années dans une autre formation, qui a sorti deux albums. Après tout ça, j’ai monté plusieurs groupes de reprises. Et comme j’avais un peu de matériel de côté, l’idée de remonter DARKEN a surgit et j’ai contacté Stéphane (le chanteur – NDR). Au départ, il n’était pas très chaud, car il n’avait pas chanté depuis 25 ans. C’est au moment du Covid, avec l’arrêt des concerts, que ça s’est débloqué. Avec Stéphane et Philos (guitariste – NDR), je me suis dit que ça pouvait repartir. On a fait quelques essais, j’ai embarqué mon fils Liam à la batterie et j’en ai parlé à HP (lebassiste – NDR) que je connais très bien. Et nous en sommes là avec la sortie de l’album !
– Est-ce que le fait que des groupes comme Titan ou ADX, par exemple, aient aussi repris du service a pu peser, même inconsciemment, dans la balance pour ce retour, d’autant qu’on assiste aujourd’hui à un nombre incalculable de sorties, qui nous font même frôler l’overdose ?
Pas du tout ! Je ne devrais peut-être pas dire ça, mais je n’ai jamais été très intéressé par la scène française, en fait. Ce ne sont pas des groupes que je suis et, pour certains, je ne savais même pas qu’ils avaient arrêté ou s’étaient reformés. Non, ça n’a eu aucune influence sur l’idée de reformer DARKEN.
– Après plus de 30 ans de silence, vous revoici avec votre premier album, « Welcome To The Light », où l’on retrouve donc trois membres fondateurs et deux petits nouveaux. Cela n’a pas été possible de reconstituer le line-up originel ? Et comment s’est effectué le recrutement de cette nouvelle rythmique ?
Non, puisque le batteur a arrêté depuis des années, je pense, car on ne se voit plus. Nous avons relancé le bassiste, Michael, mais il est reparti en Bretagne. Il était venu sur Laval, à l’époque, uniquement pour DARKEN. Il vit aujourd’hui entre Brest et Morlaix avec sa petite famille et il a aussi son groupe, plutôt axé Punk Rock. Ce n’était donc pas possible pour lui. Sinon, comme j’ai un batteur à la maison (Liam, batteur de Sujin – NDR), cela aurait été dommage de s’en priver. Et il a tout de suite été conquis à l’idée de jouer avec son père. Quant à HP (bassiste de The Discord – NDR), depuis le temps qu’on se croise, on avait vraiment envie de jouer ensemble.
– Votre dernière démo en 1991 s’intitulait « Welcome To The Dark » et cette fois-ci, vous souhaitez la bienvenue à la lumière. J’imagine que c’est en rapport avec votre retour sous les projecteurs ?
Oui, bien sûr, et « Welcome To The Dark » correspondait surtout à notre état d’esprit d’alors et ça ne l’est plus aujourd’hui. Alors, Stéphane a pensé à ce fil conducteur entre les deux époques, ce qui a donné « Welcome To The Light ».
– DARKEN distille toujours un Heavy Metal solide et, même s’il reste quelques sonorités 90’s, vous l’avez considérablement modernisé. S’il y a eu une évolution technique évidente ces dernières années (instruments, studios, …), est-ce que votre approche dans l’écriture a elle aussi changé ?
Oui, carrément ! A l’époque, on se retrouvait en répétition, on composait tous ensemble et ça allait forcément moins vite. Aujourd’hui, je compose les musiques à la maison, j’envoie tout ça à Stéphane, qui pose des lignes de chant jusqu’à ce que nous soyons satisfaits tous les deux. Ensuite, on envoie ça aux autres qui valident, ou pas, et posent leurs instrus. Je pense qu’on va beaucoup plus vite. Et puis, nous sommes dans un registre complètement différent aujourd’hui, car il était hors de question de refaire du vieux Heavy Metal. On se situe dans un style entre Modern et Alternative Metal…. En tout cas, c’est du Metal !
– Musicalement, il s’est passé beaucoup de choses en 30 ans dans le Metal avec l’émergence de nouveaux courants notamment. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant ces trois décennies et qui vous aurait peut-être influencé parmi ces nouveaux groupes et styles ?
Pour ma part, j’aime beaucoup la scène Grunge et notamment Alice In Chains. Korn a également apporté quelque chose de neuf et de différent. Ensuite, cela dépend du moment. Je peux écouter Pearl Jam aujourd’hui, et Rammstein demain. C’est très varié.
– « Welcome To The Light » comporte onze morceaux que vous êtes allés enregistrer dans le très bon studio du Dôme à Angers. Quelles étaient les conditions sine qua none lors de l’enregistrement de l’album ? Et êtes-vous pleinement satisfaits du résultat ?
La première condition était déjà d’être prêt pour entrer en studio. On y était déjà allé avec nos maquettes, qui étaient très abouties et presque trop propres. Et nous sommes hyper-satisfaits ! Cela va même au-delà de nos espérances. Quand j’écoute l’album aujourd’hui, j’étais loin de penser qu’on sortirait un tel produit. David Potvin, ingé-son du Dôme Studio, a fait un travail extraordinaire et on ne le remerciera jamais assez ! Pour relancer une machine comme DARKEN, qui est une petite machine à la base, il est parvenu à ressentir ce qu’on voulait, mettre l’ensemble dans des sonorités très actuelles, ce qu’on désirait absolument. On a vraiment insisté là-dessus, car on voulait éviter le côté Old School et vintage.
– D’ailleurs, vous n’avez pas attendu la sortie de l’album pour remonter sur scène. Pourquoi une telle impatience et avez-vous eu de bons retours ?
Il fallait absolument qu’on fasse cette date pour plusieurs raisons (concertà La Fabrique à Bonchamp-lès-Laval, le 18 mars dernier – NDR). C’est vrai qu’on était très impatient. Il y avait aussi de la demande par chez nous et nous avions besoin d’images pour la promotion du groupe. On n’avait rien en dehors de quelques photos et aujourd’hui, avoir une vidéo est devenu essentiel. Comme l’album n’était pas encore réalisé, nous n’avions pas de son, non plus. On s’est dit qu’il fallait faire un premier concert et le filmer. On a mis les moyens nécessaires et avec des gens qu’on connait. Il y avait plusieurs caméras, un drone et on a sorti quelques images de tout ça pour faire des petites vidéos de promo. Les retours ont été très bons. Les gens ont été surpris et tout s’est très bien passé que ce soit au niveau du son comme des lights. L’identité et la présence du groupe ont très bien fonctionné.
– Pour conclure, vous sortez « Welcome To The Light » en autoproduction. Vous n’avez pas voulu trouver de label, ou est-ce que vous teniez à garder les mains libres pour ce premier album, qui marque aussi et surtout votre retour ?
On y a pensé, bien sûr, et on regardé autour de nous ce qui se passait à ce niveau-là. On ne voulait surtout pas perdre de temps. Et qui aurait signé un groupe qui n’a rien à proposer et pas de dates de concerts ? On a donc décidé de partir en autoproduction pour le premier album et faire nous-mêmes nos vidéos, caler nos concerts et on verra ensuite si l’on peut signer sur un label digne de ce nom.
« Welcome To The Light » sera disponible à partir du 29 septembre sur le Bandcamp du groupe :
Il y avait bien longtemps que l’underground américain n’avait pas révélé de nouvelles pépites, notamment du côté de L.A. et surtout en termes de Heavy Metal. C’est chose faite avec WINGS OF STEEL et son premier opus, « Gates Of Twilight », dont le style très Old School vient pourtant réoxygéner la scène actuelle. Produit par le Français Damien Rainaud (Dragonforce, Angra), le mix est cristallin, les titres solides et mélodiques, le chant puissant et les parties de guitares ébouriffantes. Une belle réalisation.
WINGS OF STEEL
« Gates of Twilight »
(Independant)
Certaines rencontres s’avèrent explosives et l’addition des talents fait ensuite le reste et parfois la différence. Et si on prend en compte le fait que tout cela se déroule à Los Angeles, il y a de quoi y voir un signe, tant la Cité des Anges a vu éclore il y a quelques décennies, certes, de très nombreux talents. Les astres sont donc peut-être alignés pour le chanteur suédois Leo Unnermark et le guitariste californien Parker Halud, dont le groupe WINGS OF STEEL commence à faire parler de lui au-delà de la côté ouest américaine.
Musicalement, le duo fait des étincelles, tant la complicité entre ces deux-là est évidente. Grâce à des goûts communs pour la culture Metal et un fort désir de renouer avec un style un brin vintage, l’association est plus que séduisante et tient vraiment la route. C’est vrai aussi qu’avec un tel patronyme, WINGS OF STEEL n’est pas là pour révolutionner le genre, mais la fraîcheur et la détermination affichées sur « Gates Of Twilight » suffisent à conforter et confirmer toute la créativité à l’œuvre ici.
Après un premier EP éponyme convaincant l’an dernier, le groupe, accompagné de Mike Mayhem à la batterie (Halud tenant aussi la basse), distille un Heavy Metal super efficace, très accrocheur et entraînant (« Liar In Love », « Fall In Line », « Lady Of Lost », « Leather And Lace », « Slave Of Sorrow » et le génial « Into The Sun »). Si WINGS OF STEEL laisse transpirer son affection pour Dio, Whitesnake, Queensrÿche, TNT et même Crimson Glory, on est emporté par ce très bon « Gates Of Twilight ».