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Wallack : l’urgence temporelle [Interview]

Malgré des changements de line-up finalement inhérents à chaque groupe, WALLACK est toujours debout et ressert dorénavant son jeu autour d’un Rock Indus aux légères teintes Metal et Grungy. Devenu trio depuis la récente sortie de « Loveless », les Poitevins s’aventurent dans des atmosphères bien plus sombres, mais toutes aussi prégnantes. Après deux albums (« White Noise »  et « Black Neons »), c’est dans un format plus court que le groupe joue avec le Fuzz et les machines dans un univers très personnel et saisissant. Cyprien Tillet (guitare, chant, synthé) revient sur les dernières péripéties du combo et surtout sur l’élaboration de ce deuxième album massif et compact.

Photo : Thibault Berthon

– Avant de parler de ce nouvel album, il s’est passé quatre ans depuis « Black Neons » et il y a eu quelques changements, à commencer par votre batteur et puis vous êtes désormais un trio, même si l’album a  été enregistré à quatre. Ça a été compliqué de maintenir le cap pendant et après la pandémie ? C’est l’une des raisons de ces mouvements de line-up ?

Notre précédent batteur, Vincent, a souhaité se consacrer pleinement à son entreprise de réparation et maintenance de matériel électronique et Marco, notre bassiste, a vogué vers de nouveaux projets musicaux. Thomas est arrivé à la batterie et, après avoir envisagé d’intégrer un nouveau bassiste, on s’est finalement rendu compte qu’on fonctionnait très bien en trio. On a décidé d’ajouter aux pistes programmées de synthé une piste de basse. Cela colle assez bien avec l’orientation Electro/Indus du nouveau disque. WALLACK a toujours été un groupe à géométrie variable et cela influe assez peu sur le rendu live ou studio. Pour en revenir à la période du Covid, ça a bien sûr été une période compliquée pour nous comme pour beaucoup de groupes, d’autant que notre album est sorti en début de confinement, ce qui nous a privés d’une diffusion efficace et d’une tournée promotionnelle. Il faut néanmoins relativiser les choses : beaucoup ont été plus durement touchés, et notamment au niveau sanitaire…

 On vous retrouve cette fois avec un EP ou un mini-album, c’est selon. C’est le format que vous aviez envisagé dès le départ ? Il n’était pas question d’un album complet ?

C’est un format qui s’est imposé, car nous visions à l’efficacité et voulions insuffler une vraie intensité et une forme d’urgence à ce disque. Pour autant, nous avons essayé de contrebalancer cette violence avec des plages plus ambiantes, presque cinématographiques. On a écrit beaucoup de morceaux entre mars 2020 et septembre 2022, date du début de l’enregistrement de « Loveless », et certains morceaux figureront peut-être sur un futur album. Mais nous avions un vrai désir de cohérence pour ce disque-là, ce qui nous a poussé à épurer le propos au maximum, pour arriver finalement à ce mini-album.

– L’univers musical de WALLACK est toujours aussi distinctif sur « Loveless » et il s’affirme nettement dans une dynamique Indus, qui n’est d’ailleurs pas rappeler Treponem Pal par moment. L’idée est maintenant de se poser clairement dans ce registre ?

Avant d’écouter du Stoner ou du Psyché, j’ai grandi dans une décennie où le Rock industriel et le Grunge ont explosé et j’ai toujours eu envie de marier ces deux styles sans vraiment savoir comment m’y prendre. Et puis le titre « Anxiety » sur le précédent album est arrivé et nous a montré une voie intéressante. Pour autant, on ne veut pas reproduire une recette, ni se concentrer sur un style au détriment d’autres influences chères à chacun de nous.

Photo : Thibault Berthon

 Pourtant, le Metal et le Rock font toujours cause commune dans des sonorités très organiques, loin de l’image souvent froide et sophistiquée de l’Indus. Malgré les claviers et/ou les samples, la musique de WALLACK garde beaucoup de proximité et même de chaleur. Tout en faisant preuve de beaucoup de modernité dans la démarche, vous restez fidèles à un son assez Rock. Cela dit, l’émancipation du Stoner semble faite, non ?

Même s’il y a un petit côté Metal, notamment dans la production, on est beaucoup plus proche du Rock, en effet. Nous avions l’objectif de faire un disque Rock et agressif, aux sonorités industrielles et qui n’oublie jamais d’être accessible. Pour autant, on ne s’interdit rien en termes d’influence et certains riffs comme les refrains de « Lux Altera » ou « More A Shade Than A Man » ne dépareilleraient pas dans un contexte Stoner. De même, on va trouver des influences Doom, voire Drone, sur un titre comme « To the End »… L’important est de faire coexister en toute intelligence ces différents styles.

– Tout comme sur « Black Neons », vous avez de nouveau fait appel à Fabien Devaux, qui s’est occupé de l’enregistrement, du mix et du mastering de « Loveless ». Il a dû s’adapter à cette évolution musicale, ou c’est le résultat d’une réflexion commune sur le son ?

Fabien n’a pas eu de mal à s’adapter à cette nouvelle orientation, puisqu’il a déjà une bonne expérience des projets Metal/Electro/Indus avec Step in Fluid ou Carpenter Brut. Il nous a même conseillés tout au long de la composition du disque et a suggéré nombre d’idées en terme de son compact et massif, sorte de fusion entre la basse, les guitares et les synthés Moog et Korg. On a finalement poursuivi les recherches sonores entamées sur certains titres de notre précédent disque, tout en allant plus loin dans la lourdeur avec l’omniprésence du fuzz. C’est aussi Fabien qui a organisé la rencontre avec notre batteur Thomas. Il existait déjà entre eux un passif de travail collaboratif, ainsi qu’une vraie alchimie, ce qui est un plus dans l’élaboration de notre nouveau son.

Photo : Thibault Berthon

– « Loveless » est aussi beaucoup plus sombre que « Black Neons » et le titre le souligne d’ailleurs aussi. Vous avez calqué la thématique du ‘Memento Mori’ sur vos morceaux, ou c’est la composition de ces nouveaux titres qui vous ont mené au sujet principal de ce nouvel EP ?

Cette thématique s’est imposée aux personnes que nous sommes aujourd’hui, préoccupées du temps qui passe, des choses que nous avons accomplies ou non, et du temps incertain qu’il nous reste pour les accomplir. J’ai toujours été obsédé par ces questions… Rien d’original au fond et quelque chose de terriblement humain. Cette urgence, nous l’avons mise dans des titres assez courts, visant à l’essentiel pour épouser d’un côté le ‘Carpe Diem’, la quête d’un plaisir immédiat, exigeant, insatiable, et de l’autre le ‘Memento Mori’, cette angoisse face au temps qui nous échappe et nous détruit.

 Ce qui ressort également de « Loveless », c’est l’aspect assez brut et très efficace, puisqu’on ne retrouve plus les sonorités post-Rock et Stoner. L’objectif était d’aller à l’essentiel, quitte à épurer vos compos au maximum ?

Oui, cette urgence répondait à un vrai besoin à un instant T, là où par le passé nous aimions étirer le propos en écrivant de longues montées, sans doute aussi parce que nous aimons la musique progressive et psychédélique. C’est en tout cas l’esthétique qu’on a souhaité insuffler à ce disque. Rien ne dit qu’on ne reviendra pas à des titres de huit minutes dans le futur ! On ne s’interdit rien, dans les limites de la cohérence inhérente à chaque disque.

– Il y a également une identité visuelle qui se dessine à travers les pochettes de vos deux dernières réalisations. La personnalité de WALLACK passe-t-elle aussi par l’image ? C’est devenu indissociable dans la musique aujourd’hui ? De pouvoir être rapidement identifié ? 

En effet, c’est indissociable. On pourrait le regretter, car l’image supplante souvent la musique. On cherche à capter l’œil rapidement, notamment dans les clips, car notre capacité d’attention est de plus en plus limitée, soumise à une culture du zapping. J’ai parfois l’impression que tout cela se fait au détriment de la musique. Cela court-circuite aussi l’imagination de l’auditeur qui, par un phénomène de correspondance, pourrait visualiser tout un monde, des paysages, des images, en fermant les yeux et en se laissant aller au rythme de la musique. Pour autant, je ne boude pas mon plaisir devant un super clip qui évite cet écueil et sublime un son ! Mais pour revenir plus précisément à la question de l’artwork, celui-ci est en effet très important, car il associe immédiatement un son à une image. Pour celui de « Loveless », on voulait représenter une vanité et, même si c’est un motif récurrent dans le Rock, le choix du crâne s’est imposé.  Seb a travaillé là-dessus et le résultat nous a bluffé tant il se démarquait des représentations ‘Rock’ habituelles. Il a aussi la subtilité de ne pas être immédiatement reconnaissable, de suggérer des visions personnelles et inconscientes.

 « Loveless » de WALLACK est disponible chez Klonosphere/Season Of Mist.

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Alternative Rock Rock Hard

Collateral : melody maker

Après un premier album éponyme en 2020 très remarqué en Angleterre et qui a bénéficié d’une version remixée il y a deux ans (« Re-Wired ») avec des guests comme Jeff Scott Soto, Phil X et Joel Hoekstra, COLLETERAL apporte beaucoup de fraîcheur au Rock anglais. Très américain dans l’approche et dans le son, le combo réunit avec une touche très moderne tous les ingrédients à même de réunir les fans de Rock au sens très large du terme. Avec son côté très ’stadium’, il devrait rassembler les fans d’une époque estampillée FM comme ceux de l’actuel Alternative Rock.

COLLATERAL

« Should’ve Known Better »

(Big Shot Records)

A en croire la presse spécialisée d’outre-Manche, ce nouvel album de COLLATERAL retranscrit parfaitement toute l’énergie déployée en live par le groupe. On est donc en droit d’attendre un disque costaud et déterminé. Et il faut reconnaître que la formation du Kent est séduisante à bien des égards. Dans un Alternative Rock à la Nickelback et un Hard Rock soft façon Def Leppard ou Bon Jovi, les mélodies sont mises à l’honneur, ce qui n’empêchent nullement son guitariste, très en verve, et son frontman notamment d’apporter un souffle très véloce à un « Should’ve Known Better », séduisant et accessible.

Et si la rythmique basse/batterie (Jack Bentley-Smith et Ben Atkinson) n’est bien sûr pas en reste, COLLATERAL doit beaucoup à son chanteur, Angelo Tristan, au timbre très personnel et à la puissance vocale remarquable. Mais le frontman n’est pas le seul garant de l’identité musical du quatuor. Son guitariste, Louis Malagodi, imprime littéralement de son jeu les compositions de ce « Should’ve Know Better » très varié et entraînant. Et enfin, le relief de ce deuxième opus prend toute sa dimension grâce à la production de Dan Weller (Enter Shikari, Kris Barras, Bury Tomorrow). Un  travail d’orfèvre.

Visiblement, les nombreuses tournées des deux dernières années ont fait beaucoup de bien à COLLATERAL, dont les nouveaux morceaux sont très fédérateurs. Les Britanniques imposent leur marque sur des refrains entêtants et une redoutable efficacité dans le songwriting. On peut déjà imaginer l’impact sur scène de chansons comme « Glass Sky », « Original Criminal », Teenage Dream », « No Place For Love » et « Final Stand ». Parfois un peu convenu et attendu sur certains passages, « Should’ve Known Better » s’adresse à un vaste public sans se perdre dans le côté émotionnel du genre.

Photo : Blackham
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Heavy Stoner Psych Space Rock Stoner Metal

Kayleth : galactique

La bonne santé de la scène Stoner en Italie n’est plus à démontrer et avec une quatrième réalisation compacte et véloce comme « New Babylon », KAYLETH vient confirmer et alimenter cette belle énergie. Psych et Space Rock, les Transalpins naviguent entre Rock et Metal et, sans complexe, ils assènent de nouveaux titres robustes et intenses. Sans détour, le quintet multiplie les univers, joue sur les variations de genre et se montre infaillible.

KAYLETH

« New Babylon »

(Argonauta Records)

Fondé il y a une petite vingtaine d’années à Vérone, KAYLETH a pris le temps de mûrir son Stoner et a procédé étape par étape. Un parcours à l’ancienne qui manque d’ailleurs cruellement aujourd’hui. En effet, après trois démos et un EP, c’est en 2015 que le groupe a sorti « Space Muffin », puis « Colossus » (2018) et « 2020 Back To Earth » il y a quatre ans. L’évolution est manifeste et le style s’affine et s’affirme très nettement sur ce solide « New Babylon », particulièrement massif.   

Dans une atmosphère SF tourmentée, KAYLETH propose une épopée galactique où il parvient à rassembler toutes ses influences, les courants qu’il traverse et surtout pose un style devenu immédiatement identifiable. Très Psych, le Stoner des Italiens emprunte autant au Metal qu’au Rock et l’apport du synthétiser offre une dimension 80’s très Space Rock. Cela dit, le quintet est toujours aussi rugueux et épais, même si le travail sur les mélodies de « New Babylon » est remarquable.

L’aventure spatiale commence avec « The Throne », qui donne la pleine mesure de la suite bien musclée de ce quatrième opus. Efficace et puissant, le combo enchaîne les morceaux avec une vigueur souvent sauvage et même épique (« Giants March »). S’autorisant quelques passages Doom, ce sont surtout les riffs serrés, les solos savamment distillés et la rythmique de plomb que l’on retient sur « New Babylon » (« Megalodon », « We Are Aliens », « Pyramids »). KAYLETH ne réinvente rien, mais fracasse dans les règles !

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France Heavy Rock Rock 70's

Dätcha Mandala : un Rock émancipé [Interview]

Depuis «  Anâhata », son premier EP sorti en 2016, le power trio en a fait du chemin jusqu’à se faire une jolie place sur la scène hexagonale. Après deux albums, « Rokh » (2017) et « Hara » (2020, puis un autre format court, « The Last Drop » (2022), les Bordelais ont créé leur propre structure et aussi amorcé un virage plus mélodique et accessible. Cela dit, avec « Koda », DÄTCHA MANDALA n’a rien perdu de ses bonnes habitudes et délivre un Heavy Rock musclé et accrocheur. Entretien avec Nicolas Sauvey (chant, basse), Jérémy Saigne (guitare, chant) et Jean-Baptiste Mallet (batterie, chant) pour parler de ce troisième opus très inspiré.

Photo : Jessica Calvo

– Vous vous présentez avec un troisième album, « Koda », assez différent musicalement et que vous êtes allés enregistrer aux studios ICP de Bruxelles avec une nouvelle équipe également. Et on note aussi un changement de label, puisque vous avez quitté Mrs Red Sound. A quoi sont dus tous ces changements ?

JB – Le choix d’aller enregistrer en Belgique est dû au fait que nous voulions travailler avec Charles de Schutter, qui est lui-même belge et basé à Bruxelles. Et nous avions envie d’enregistrer avec lui, car les nouvelles chansons appelaient davantage une production plus moderne que vraiment orientée 70’s. Charles semblait être le parfait producteur pour nous faire sonner à la fois massif et plus Pop, entre Royal Blood, Muse et Gojira. Le fait de se retrouver à ICP était en fait un concours de circonstances, son studio n’étant pas disponible la première semaine où nous l’avions loué. Et pour ce troisième album, nous avions aussi la volonté d’essayer l’autoproduction, d’où le fait de ne pas le faire figurer au catalogue de MRS Red Sound, mais on travaille toujours étroitement avec eux sur les précédents disques.

– Depuis 2009, DÄTCHA MANDALA suit une courbe ascendante avec aussi un style qui s’est affirmé pour culminer, selon moi, sur le trop court « The Last Drop » sorti il y a deux ans. Et pourtant, vous décidez d’intégrer des touches Pop sur ce nouvel album. C’est choix qui peut surprendre. Quel a été le déclic ?

Nico – C’est une évolution naturelle de notre façon de composer et de nos goûts. On a tous les trois des influences assez variées, d’où le fait de sortir davantage du 70’s sur cet album. Les morceaux ont appelé cette direction artistique.

Photo : J. Dupeyron

– A l’écoute de « Koda », il paraît assez évident que vous avez souhaité être plus efficaces et fédérateurs sur les mélodies. Cependant, la rythmique est toujours aussi musclée et les riffs épais. Au regard de votre parcours, j’ai l’impression que l’adage ‘qui peut le plus, peut le moins’ prend ici toute sa dimension. N’y aurait-il pas un peu de ‘gentille moquerie’ avec ce côté soudainement plus accessible, d’autant qu’il y a toujours eu beaucoup d’humour chez vous ?

Jerem – On a toujours été sensibles aux belles mélodies et harmonies vocales, ainsi qu’aux gros riffs épais, d’où la volonté d’allier les deux au mieux. Si l’humour a toujours été présent chez nous, on prend notre musique très au sérieux et on ne souhaite se moquer de personne. 

– J’ai aussi pu lire que vous preniez un virage ‘Brit Pop’. Or, c’est un style insupportable que j’écouterai volontiers si ce n’était pas le cas, et DÄTCHA MANDALA ne l’est pas. J’ai plutôt l’impression d’écouter de l’Alternative Rock survitaminé à l’énergie très 70’s. Ce n’était pas plutôt ça l’intention ?

JB – C’est davantage un problème de traduction, parce qu’on parlait de la Pop anglaise allant des Beatles à Muse plutôt que de la scène Brit Pop des Libertines ou Artic Monkeys. Et du coup, effectivement, le propos de l’album puise plutôt son influence dans la scène Rock des années 90-2000, que dans celle des 60’s et 70’s comme on a pu le faire auparavant. 

– La production de « Koda » est moins brute et plus polie, ce qui n’empêche pas une certaine lourdeur et beaucoup de dynamique. L’objectif était de donner un aspect plus moderne ou actuel à vos nouvelles compos ? Moins vintage, peut-être ?

Nico – Tout à fait, tu as tout dit ! C’est pour cela que Charles de Schutter était la personne toute trouvée, car ayant officié pour M, Pleymo ou encore Angèle, on savait qu’il saurait sublimer notre son dans cette direction.  

Photo : Jessica Calvo

– D’ailleurs, vous qui êtes véritablement un groupe de scène, « Koda » donne l’impression d’être taillé pour le live. Vous l’avez conçu dans cette optique aussi ?

Nico – Oui, car sur les précédents albums, nous avons expérimenté des arrangements plus poussés et difficile à reproduire sur scène, à savoir une chorale, des violons, ou même ne serait-ce que le piano. Pour « Koda », la volonté était de pouvoir jouer tous les morceaux à trois sur scène, ainsi que d’essayer de ‘resserrer’ et d’affirmer notre son en trio. 

– Un dernière petite question pour conclure. On sait que Led Zeppelin est l’une de vos références les plus évidentes, est-ce que le titre de l’album est un clin d’œil au « Coda » du grand dirigeable, son ultime réalisation ?

JB – Bien vu ! En effet, si nous nous sommes tous les trois retrouvés au départ sur Led Zeppelin comme inspiration commune, avec les années, et de façon très naturelle, nous nous éloignons de nos racines pour évoluer vers un Rock de plus en plus moderne. C’est pourquoi, on a voulu faire un pied de nez à leur dernier album en appelant le nôtre « Koda » avec un ‘K’ pour annoncer notre « Coda » d’avec Led Zeppelin ! (Sourires)

Le nouvel album de DÄTCHA MANDALA, « Koda », est disponible chez  DM Prod, Take It Easy et Discos Macarras.

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Blues Rock Classic Rock Rock 70's

Ebba Bergkvist & The Flat Tire Band : flying free

Spontané et vivifiant, « Four Wings » est un superbe condensé de Classic Rock et de Blues porté par la voix de son électrique frontwoman, EBBA BERGKVIST, qui guide THE FLAT TIRE BAND, lui aussi très inspiré et délicieusement vintage. Cette production aux sonorités analogiques et terriblement organiques libère un côté revival, qui résonne comme un appel aux grands espaces dans un élan de liberté très Rock et soutenu. Les Suédois jouent sur les émotions dans une dynamique à l’énergie débordante.

EBBA BERGKVIST & THE FLAT TIRE BAND

« Four Wings »

(The Sign Records)

Après le très bon « Split Milk » sorti il y a quatre ans et acclamé à juste titre, EBBA BERGKVIST & THE FLAT TIRE BAND présente sa deuxième réalisation qui vient confirmer tout le talent de la jeune formation. Toujours mené de main de maître par sa chanteuse et guitariste, le groupe reste dans cette veine et ce son très 70’s, tout en faisant soigneusement passer ses compositions au prisme d’un élan très contemporain. Entre Classic Rock et Blues Rock avec une touche Southern et Psych, « Four Wings » affiche une étonnante et très riche diversité.

Accompagnée par Björn Björnehult Korning (basse), Adam Randolph (batterie) et le Finlandais Jonas Skeppar (guitare) qui forment THE FLAT TIRE BAND, EBBA BERGKVIST signe ces nouveaux morceaux et a également enregistré et produit ce nouvel opus. C’est d’ailleurs à elle que l’on doit également les visuels du disque. Artiste complète donc, sa prestation vocale est aussi incroyable de puissance comme de délicatesse. Une force que l’on perçoit sur l’ensemble des chansons et qui transcende notamment les parties les plus Blues de « Four Wings ».

Dès le morceau-titre qui ouvre l’album comme sur « The Pack » et « Vice Versa », c’est surtout le côté Heavy Rock qui domine, tout en délivrant des mélodies et des refrains accrocheurs. EBBA BERGKVIST & THE FLAT TIRE BAND fait preuve d’une grande maturité et de beaucoup de fraîcheur (« Backside », le génial « Black Horse », « Treachery », « Eastern Prairies »). Se faisant hypnotique et torride, le quatuor montre sa passion et n’a pas son pareil pour varier les ambiances, tout en maintenant habillement un cap très personnel et bouillonnant.  

Photo : Pontus Maina
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Glam Rock Rock 70's

Gyasi : une sauvage intensité

Il est exubérant, flamboyant et il respire l’âge d’or du Rock’n’Roll à pleins poumons malgré sa jeunesse. Totalement débridé, le songwriter aura attendu seulement un EP et deux albums avant de réaliser son premier live. C’est dire la témérité et l’exaltation de GYASI, homme de spectacle et musicien accompli. Avec « Rock n’Roll Sword Fight », il expose une identité musicale hors-norme et explose les codes établis.

GYASI

« Rock n’Roll Sword Fight »

(Alive Naturalsound Records)

Il y a deux ans, j’avais eu le plaisir de poser quelques questions au très électrique GYASI à l’occasion de la sortie de son deuxième album, « Pronounced Jay-See ». Dorénavant basé à Nashville, le natif de Virginie Occidentale poursuit son périple et ce n’est pas très surprenant de le voir surgir avec « Rock n’Roll Sword Fight », un live qui se trouve être le parfait reflet de l’intense énergie qu’il déploie et surtout du son qui émane de son travail en studio. Une sorte de prolongement, en somme. 

C’est donc dans son élément de prédilection, la scène, que l’Américain a capté les émotions et l’intensité de son jeu. GYASI nous fait le plaisir de se livrer sur près d’une heure d’un Rock’n’Roll fougueux, où il ne prend d’ailleurs guère le temps de lever le pied. Dans une atmosphère très 70’s et porté par un public restreint mais tout acquis, le guitariste et chanteur fait le show… et il le fait même très bien ! La tempête décibélique fait son œuvre et devient même addictive.

Théâtral et incandescent, GYASI incarne littéralement le renouveau du Glam Rock perçu sur « Pronounced Jay-See », et apporte beaucoup de fraîcheur à un registre où l’on se délecte des références à Led Zeppelin, T-Rex et aux Stooges avec un soupçon de Bowie et de Slade. Il se les est accaparé et, très bien soutenu part un groupe efficace, il laisse parler un univers très personnel. A noter en fin d’album les versions survoltées du medley « All Messed Up » et le génial « Sugar Mama ». Un vent de liberté !

Retrouvez l’interview de l’artiste :

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Dark Metal International Occult Rock

Saturday Night Satan : dark feelings [Interview]

Façonné autour de la chanteuse Kate Soulthorn et du multi-instrumentiste et compositeur Jim Kotsis, SATURDAY NIGHT SATAN est apparu il y a peu sur la scène athénienne et entend bien s’étendre au-delà. Entre Rock et Metal et dans une thématique occulte pleine d’ésotérisme, le duo joue sur le contraste entre des ambiances volontairement vintage et des compos très actuelles. Et en ce sens, « All Things Black » est un premier album aussi surprenant que très réussi. Entrainant et mélodique, l’équilibre est trouvé, ce qui a récemment poussé les Grecs à investir la scène. Entretien avec le guitariste et bassiste Jim Kotsis.

Photo : Petros Poulopoulos

– Votre premier album, « All Things Black », est sorti récemment. Il est le fait de ta collaboration avec Kate Soulthorn, la chanteuse. De quand date le début du projet et quel a été le déclencheur pour vous deux ?

Par une charmante nuit de printemps, au milieu de la quarantaine pandémique du Covid-19, j’ai commencé à réfléchir à un projet de Rock Occult. Le nom et l’idée du groupe me hantaient déjà, mais je n’avais jamais réussi à le concrétiser. Et malgré quelques tentatives infructueuses, je n’avais pas abandonné. Kate avait mentionné à plusieurs reprises vouloir faire de la musique ensemble et ce soir-là, j’ai finalement eu le déclic. Il fallait le faire tous les deux. Elle est devenue ma muse et moi, son mentor. Ensemble, nous avons combiné nos efforts et nos âmes et ainsi, SATURDAY NIGHT SATAN est né !

– Au départ, SATURDAY NIGHT SATAN devait rester un projet studio, a priori sans concert, ce qui aurait d’ailleurs été dommage. Qu’est-ce qui vous a poussé à aller de l’avant, à changer vos objectifs et à en faire un groupe à part entière ?

Eh bien, il y a un dicton qui dit quelque chose comme ‘l’appétit vient en mangeant’. Riff après riff, chanson après chanson et avec Kate poussant dans la même direction, j’ai commencé à y réfléchir sérieusement. Et puis, j’ai eu l’occasion de faire écouter le disque avant sa sortie à quelques personnes clés de la scène locale. Ainsi, juste après la sortie des deux premiers singles, les premières offres de concerts ont commencé à arriver. Cela nous a semblé être l’occasion idéale de partager notre musique. Alors, nous avons pris notre courage à deux mains pour contacter des amis et des musiciens talentueux pour former le groupe. Le reste appartient à l’histoire.

Photo : Petros Poulopoulos

– D’ailleurs, parlons de « All Things Black », qui est très bien produit et qui bénéficie aussi d’un son très organique. Dans quelles conditions a-t-il été réalisé, car les arrangements notamment sont très soignés ?

Nous avons composé les chansons et écrit les paroles avec tout notre cœur. Kate a contribué aux mélodies vocales, parfois avant, parfois après la mise en place des riffs de guitare et des structures des chansons. Ensuite, je me suis occupé des arrangements et des structures. A ce moment-là, j’ai pris ce qui s’est avéré être la meilleure décision : confier à mon ami de longue date et membre du groupe ‘Black Soul Horde’, John Tsiakopoulos, les tâches de production, de prises de son et de mixage de l’album. Après quelques discussions et quelques expérimentations, nous avons obtenu le son souhaité sur tous les instruments. Le processus d’enregistrement a ensuite suivi un cheminement classique. Une fois que John a eu fini de mixer (et il a fait un excellent travail), nous avons confié l’album au plus haut niveau c’est-à-dire à Brian Lucey, qui a également masterisé « Meliora » de Ghost, entre autres. Son travail terminé, nous savions que nous avions réussi à donner vie à notre vision de départ. Pour moi, c’est une réussite à 100% et j’espère que d’autres l’apprécieront aussi.

– Musicalement, SATURDAY NIGHT SATAN penche un peu plus sur le Metal, en conservant un côté très Rock et il traverse plusieurs décennies dans les influences comme dans les sonorités. Ce sont autant de mouvances qui ont forgé votre identité artistique, puisqu’on y perçoit des choses très 70’s et d’autres plus actuelles ?

Je crois que cela résume bien l’essence de notre son. Tu peux y trouver des influences vintage, mais tout est filtré à travers un prisme moderne, lui donnant une ambiance fraîche et pertinente. Personnellement, et je pense pouvoir parler au nom de Kate à ce sujet, j’apprécie la musique de toutes les décennies et de tous les genres. Bien que je sois un fan de Heavy Metal, j’aime également Blue Öyster Cult, Megadeth, Rush, Darkthrone et John Carpenter. Après tout, que serait la vie sans diversité ?

Photo : Petros Poulopoulos

– Justement, on assiste depuis quelques temps déjà à une vague vintage avec des groupes comme Lucifer notamment, qui partage aussi votre univers. Vous vous reconnaissez dans ce mouvement, et comment expliquez-vous ce regard musical vers les groupes pionniers ?

Je peux bien sûr identifier notre esthétique au sein de ce mouvement. Il est évident que des groupes comme Lucifer, Jess And the Ancient Ones, The Devil’s Blood, In Solitude et des pionniers plus anciens comme Arthur Brown, Coven et Black Widow ont grandement influencé la création de SATURDAY NIGHT SATAN. Cependant, je nous considère bien plus qu’un simple groupe de Rock/Metal occulte. Alors que les gens sont attirés par les groupes de cette scène spécifique en raison de leur esthétique et de leur appréciation croissante pour les vibrations vintage, je pense que le groupe va devoir évoluer. Nous devons explorer de nouvelles directions, permettre à des influences plus diverses de façonner notre son et nous forger notre propre identité. Je ne pense pas que le monde ait besoin d’un autre clone de Black Sabbath. Je veux que nous transcendions cela pour devenir quelque chose de plus fort dans le futur.

– Vous évoluez dans un univers occulte, qu’il soit Metal ou Rock, on l’a dit. D’où tirez-vous vos inspirations ? Plutôt dans ce qu’il y a de plus moderne comme le cinéma ou la littérature ? Car on sait aussi que la Grèce est une terre de légendes, qui peut apporter beaucoup d’influences dans le domaine…  

Lorsque tu arrives sur des sites comme Delphes, l’Achéron, l’ancienne Épidaure ou même le Parthénon, c’est évident que la Grèce était autrefois une terre de grandeur et d’ésotérisme profond. Ces lieux dégagent une énorme quantité d’énergie, qui inspire notre esthétique et notre façon de penser depuis des années. Naturellement, nous sommes fans de littérature occulte et aficionados de cinéma d’horreur. La fusion de ces influences, combinée à des années d’écoute des pionniers du proto-Metal, a façonné ce que nous sommes. Si on plonge dans notre passé, il n’est pas surprenant que nous ayons finalement créé SATURDAY NIGHT SATAN.

Photo : Petros Poulopoulos

– Revenons à l’album, où ce sont vraiment le chant et les guitares qui prédominent. Il y a d’ailleurs un énorme travail sur ces dernières. C’est ce qui a servi de base pour les morceaux, car le nombre de riffs est incroyable et les solos ne sont pas en reste, non plus ?

Je crois fermement en une musique axée sur les riffs plutôt que sur le chant, mais dans ce projet, nous visions à mélanger les deux éléments. Et je pense que nous avons atteint cet objectif. Ce qui est intéressant aussi, c’est que je joue habituellement de la basse, mais pour cet album, j’ai assumé pour la première fois des fonctions de guitariste pour m’assurer que le son correspondait à ma vision. En ce qui concerne les solos, je ne me sentais pas à la hauteur de la tâche, alors j’ai demandé l’aide de mon ami et talentueux musicien et producteur, Akis Pastras (connu pour son travail avec Dexter Ward, Nightfall et en tant qu’ancien membre de On Thorns I Lay, entre autres). Et sa contribution est phénoménale ! Je suis vraiment satisfait du travail et du son de la guitare, même si je reconnais que je n’ai jamais été, ne suis pas et ne serai jamais un grand guitariste, car cela exige un ensemble de compétences spécifiques qui me manque.

– Un mot aussi sur le chant de Kate, qui est réellement envoûtant et parfaitement mis en avant. Si on reconnait aisément certaines références, il est pourtant très personnel. Est-ce que les parties musicales ont été adaptées à ses lignes vocales, ou c’est plutôt l’inverse qui s’est produit en l’incitant à s’adapter à des mélodies préexistantes ?

Kate s’est souvent plainte que certaines chansons ne convenaient pas à sa voix. Alors, à plusieurs occasions, je lui ai permis de commencer avec la mélodie qu’elle souhaitait, puis j’ai construit la chanson autour. Certaines comme « All Things Black » et « Of Love And The Void », ont été créées de cette façon. Je pense que Kate a vraiment amélioré son chant sur cet album et cela l’a aidée à trouver son propre style. Elle a été beaucoup influencée par la musique des années 90, ce qui est logique puisqu’elle a grandi à cette époque. On pourrait peut-être penser que cela aurait été difficile pour elle de s’intégrer, mais en réalité, cela fonctionne très bien. J’en suis heureux et surtout qu’elle ne soit pas simplement une autre ‘voix féminine rock’ de plus. Elle a vraiment quelque chose de spécial.

Photo : Petros Poulopoulos

– A l’écoute de « All Things Black », il n’est pas compliqué de deviner que vous êtes tous les deux des musiciens chevronnés, d’ailleurs issus de l’underground d’Athènes. Jim, tu joues avec le groupe Black Soul Horde, et qu’en est-il de Kate ? Et est-ce que SATURDAY NIGHT SATAN est pour vous deux l’occasion de faire vraiment ce que vous aimez, sans peut-être les contraintes d’un collectif plus important ?

C’est exactement ça et je suis ravi que tu l’aies perçu ! Ce groupe nous donne à tous les deux une grande liberté de création. Nous faisons ce que nous voulons, quand nous voulons. C’est quelque chose qu’on ne peut pas toujours réaliser dans un groupe de quatre ou cinq musiciens. Cependant, nous ne sommes pas de grands fans du concept ‘musicien de session’ pour autant. Nous voulons que toutes les personnes y voient une forme d’expression. Après toutes ces années, nous commençons enfin à trouver un équilibre dans ce processus. Kate a travaillé avec des groupes de reprises toute sa vie et a récemment dirigé un groupe de d’Alternative Rock. Personnellement, je suis actif sur la scène underground locale depuis environ 20 ans. Cela n’a pas toujours été facile, mais cela m’a donné l’expérience dont j’avais besoin pour faire partie d’un projet musical mature comme SATURDAY NIGHT SATAN. Pour l’instant, je suis vraiment content de là où nous en sommes et j’espère que cela continuera ainsi à l’avenir.

– Enfin, j’aimerais que l’on parle de la scène, puisque vous avez franchi le pas. Finalement, SATURDAY NIGHT SATAN doit prendre toute sur ampleur en concert, non ? L’idée d’un simple projet studio doit vous paraître bien lointaine aujourd’hui ? Et qui vous accompagne en live et constitue le reste du groupe ?

Eh bien, il y a beaucoup de gens qui nous disent que nous sonnons mieux sur scène que sur disque. Mais pour moi, le plus difficile est d’essayer de ressembler à l’album. Si beaucoup de personnes qui viennent à nos concerts ont écouté l’album, il faut qu’on réponde à leurs attentes, non ? Je ne dirais pas que le concept de projet de studio semble lointain. Je crois que c’est une situation qui change constamment, et à mesure que les conditions changent, notre opinion à ce sujet peut également changer. Mais pour l’instant, je souhaite que nous fassions beaucoup de concerts et que nous diffusions notre musique le plus possible. C’est notre objectif aujourd’hui ! Actuellement, notre groupe live comprend le batteur Marios Ioannou (qui joue également de la batterie sur l’album), le guitariste Fotis Karaoglanis (qui a participé à certains projets avec moi par le passé), le guitariste Spyros Georgantas (également dans l’incroyable groupe The Vulcan Itch) et le claviériste Theo Foinidis, qui est toujours occupé avec de nombreux projets, mais qui est aussi la personne la plus calme du groupe. Nous sommes plus qu’heureux d’avoir ces gens extraordinaires à nos côtés !

L’album de SATURDAY NIGHT SATAN, « All Things Black », est disponible chez Made of Stone Recordings.

Retrouvez aussi la chronique du disque :

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Blues Rock Southern Blues Southern Rock

Tyler Bryant & The Shakedown : so plugged

Avec « Electrified », TYLER BRYANT &HE SHAKEDOWN présente la quintessence de la musique roots américaine telle qu’il l’entend. Très Blues et minutieusement teinté de Country, le Southern Rock de la formation du Tennessee atteint son apogée avec cette nouvelle réalisation d’une rare authenticité. Avec son explosif frontman, le groupe déploie une énergie frénétique sur des solos et des riffs mélodiques et foudroyants. Un régal !

TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN

« Electrified »

(Rattle Shake Records)

Depuis qu’ils se sont affranchis de leur ancienne maison de disques et avec surtout la création de leur propre label, Caleb Crosby, Graham Whitford et Tyler Bryant semblent sur un petit nuage. Déjà sur le précédent « Shake The Roots » (2022), on avait très nettement senti ce vent de liberté, cet esprit insaisissable et cette volonté de renforcer le côté Southern et American Roots de leur musique. Toujours aussi Rock, mais aussi Blues et Country, TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN a littéralement trouvé son allure de croisière avec « Electrified ».

Evidemment très organique, la production de ce nouvel opus donne carrément l’impression d’être projeté dans la même pièce que le trio et le groove qui s’en dégage est quasi-hypnotique. Le combo de Nashville sait où il va et si le son parait volontairement très live et sauvage, la maîtrise est totale. Accrocheur et énergique, « Electrified » ne contient aucune fausse note. TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN avance d’un seul homme sur des compos particulièrement bien arrangées avec, notamment, des parties de guitares étincelantes.

Ce sixième album reflète parfaitement son titre et la chevauchée promise est farouche, mais aussi très délicate. D’entrée, « Between The Lines » met le feu aux poudres avant que le shamanique « Crossfire » ne nous emporte vraiment. Les Américains présentent des titres courts d’une redouble efficacité (« Snake Oil », « Trick Up My Sleeve », « Dead To Rights »). Rebecca Lovell de Larkin Poe, Madame Bryant, vient même faire les chœurs sur « Happy Gets Made ». TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN entre dans la cour des grands de la plus belle des manières !

Photo : Zack Whitford

Retrouvez la chronique de l’album précédent :

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International Rock Progressif

Marillion : une histoire de famille [Interview]

Devenus inoubliables pour ses fans comme pour le groupe, les désormais fameux ‘Marillion Weekends’ sont des rendez-vous incontournables que les Britanniques aiment immortaliser sur des albums live, qui sont autant de témoignages de la réelle connexion avec leur public. Fidèle à cette tradition, MARILLION sortira dans quelques semaines le concert de l’une des trois soirées données à Port Zelande en Hollande l’an dernier. Steve Hogarth, le chanteur de la formation anglaise, revient sur le choix de l’enregistrement dans son intégralité de « An Hour Before It’s Dark » et ces rencontres que tous affectionnent véritablement.

Photo : Anne-Marie Forker

– Avant de parler de ce nouvel album live, j’aimerais que tu me dises ce que représentent à tes yeux les ‘Marillion Weekends’, qui existent depuis 2002 maintenant ?

A l’origine, c’est une idée du manageur des Stranglers, Sil Willcox. Nous étions dans sa maison dans l’ouest de l’Angleterre, il nous a dit que le groupe faisait un week-end de promotion et nous y sommes allés. On s’est dit aussitôt qu’on pourrait aussi le faire nous-mêmes. C’est ce qu’il s’est passé et c’est devenu de plus en plus important. Alors, on a trouvé un ‘Center Park’, pas très loin de Londres au milieu de nulle part. Comme il n’y avait pas vraiment de lieu dédié, on a installé un grand chapiteau de 2.000 places environ. Tous les fans venaient là et y restaient trois jours. Ensuite, les gens ont carrément planifié leur venue, car il y a un aéroport international pas très loin. Ils venaient des Etats-Unis, du Canada, du Brésil… Dorénavant, c’est quelque chose que nous faisons tous les deux ans. Et c’est très spécial. C’est un peu comme une tournée, mais inversée. On ne parcourt pas le monde, c’est le monde qui vient à nous. C’est devenu une tradition et beaucoup de gens y ont même fait connaissance, et maintenant ils viennent s’y retrouvent autour de la musique.

– A Port Zelande en Hollande l’an dernier, il y avait des fans venus de 45 pays différents. C’est une chose incroyable que l’on ne voit même assez rarement dans les plus gros festivals. J’imagine que c’est une grande fierté et beaucoup d’émotion aussi. Comment expliques-tu cet engouement et cette incroyable fidélité à MARILLION ? Je ne suis pas sûr que beaucoup de groupes aient un tel soutien…

J’ai aussi un peu de mal à comprendre. D’ailleurs, ce n’est pas à moi de l’expliquer, je pense. Il ne faut pas trop y penser, non plus. Sincèrement, je ne comprends pas vraiment. Il se passe quelque chose autour de la musique et les gens entrent vraiment en communion en quelque sorte. Tu sais, même avant moi avec Fish, il se passait un truc spécial. Il était le frontman et le chanteur du groupe et il écrivait lui-même les textes. Il fallait voir le feeling et les sensations qu’il y avait lorsqu’il chantait ! Il chantait des choses vraies, des choses auxquelles il croyait. Et c’est exactement ce que je fais aussi. Mes paroles sont des sortes de confessions, elles viennent du cœur, de mes sentiments les plus profonds et de mes expériences personnelles. Je pense que les gens s’y reconnaissent, peuvent s’identifier et sentir que tout est vrai. Ce ne sont pas juste des mots posés pour obtenir tel ou tel effet sur eux, il n’y a aucun marketing là-dedans. C’est un peu le même processus d’écriture que Joni Mitchell, Paul Simon ou Neil Young… celui d’écrire des choses vraies. Je pense que les artistes sont là pour faire preuve de vérité et c’est vraiment ce que le public attend d’eux. Et une passion se développe ensuite autour de ça.

Steve Hogarth

– Pour rester sur le concept des ‘Marillion Weekends’, quelle est la différence fondamentale par rapport à une tournée plus classique ? Y a-t-il une petite pression supplémentaire à jouer devant les ‘puristes’ du groupe ?

Non, au contraire ! On attend vraiment de jouer devant eux. Il y a un réel et très fort feeling entre eux et le groupe. Nous montons tous sur scène avec beaucoup d’excitation et c’est génial ! C’est incroyable ce que les gens nous renvoient. Quelque part, c’est peut-être aussi pour ce genre de situation que nous le faisons. Ils ont une telle connaissance du groupe et, surtout, ils sont tous de ton côté. Tout ce que tu joues, ce que tu chantes, tes déplacements sur scène sont scrutés. Ces gens-là font partie de la famille. Les sentiments entre-nous sont exceptionnels et merveilleux.  

– L’évènement est aussi marqué par un gros travail sur la configuration des lieux, autour des visuels et avec un jeu de scène exceptionnel, ainsi que des invités. L’an dernier, ce fut June Road, Dilemma, The Dave Foster Band et Pure Reason Revolution. Est-ce que vous vous impliquez aussi directement dans la programmation ?

Oui, nous écoutons tout. On ne fait pas véritablement la programmation, ce serait mentir, mais nous sommes très attentifs à toutes les suggestions. Les gens envoient beaucoup de choses à notre management, qui nous les fait ensuite écouter. On regarde si cela conviendrait et où en sont les groupes dans leur carrière aussi. Il faut aussi que ça leur aille. Et puis, il faut quand même que ça nous plaise. (Sourires)

– L’une des particularités des ‘Marillion Weekends’ est aussi que ce sont les fans qui vous demandent de jouer leurs morceaux préférés. J’imagine que vous devez recevoir des milliers de propositions. Comment procédez-vous ? Vous faites travailler les algorithmes ?

Tu sais, c’est quelque chose d’assez difficile, car il faut faire très attention pour ne pas décevoir les fans. Cela dit, en fin de compte, le plus important est ce que nous nous sentons aussi de les jouer. Avec Steve, Pete, Mark, Ian et moi-même, nous devons être parfaitement en phase avec nos choix et ce qui doit être interprété. Finalement, nous avons le dernier mot, c’est vrai, mais nous avons également un regard sur les emails que nous recevons, ce qui nous fait nous poser d’autres questions. Et puis, il y a aussi des morceaux qu’on ne joue pas beaucoup, ou que nous n’avons pas joués depuis très longtemps. Et il faut ensuite que tout cela fonctionne ensemble ! On écoute tout, bien sûr, mais au final, nous avons le dernier mot… (Sourires)

– Revenons aux setlists de ces trois soirées où vous avez donc décidé de jouer « An Hour Before It’s Dark », votre dernier album studio dans son intégralité, le samedi soir. Là encore, c’est le choix de vos fans, ou juste le vôtre ?

Le jouer entièrement est votre choix. C’est notre dernier album et il a été particulièrement bien accueilli par les fans. D’habitude, on prend des morceaux qui proviennent d’un ou deux albums que nous jouons aussi dans leur entier, parce que ce n’est pas quelque chose que nous pouvons souvent faire en tournée. On prend régulièrement des albums comme « Seasons End » (1989), « Holidays In Eden » (1991) ou « Marbles » (2004) et on joue tous les morceaux au fil du week-end. Cette fois, on a souhaité leur faire plaisir et le jouer en intégralité le même soir. Et puis, « An Hour Before It’s Dark » (2022) est le plus récent et nous en sommes vraiment très fiers. Et nous avons pensé que tout le monde serait content de l’entendre intégralement.

– Vous y avez inclus aussi « Estonia » (1997), « Afraid Of Sunlight » (1995) et « Go ! » (1999), qui se fondent d’ailleurs parfaitement dans l’ensemble. Et ce sont toutes des chansons des années 90. C’est un choix uniquement artistique par rapport l’ambiance générale de ce concert ?

Oui, toujours. Cela dit, nous ne réfléchissons pas pendant des heures pour savoir si tel ou tel morceau conviendrait le mieux et à quel endroit du set le placer. Non. (Sourire) Le choix a été assez évident, car « Afraid Of Sunlight », par exemple, se fond parfaitement dans l’album. « Go ! » est l’une des chansons préférées de nos fans. Quant à « Estonia », c’est un morceau que nous adorons tous jouer. Et finalement le contexte était parfait pour ce concert. Les arrangements avec les cordes sont aussi incroyables. Ils font un peu écho à « With Friends From The Orchestra» (2019) dans l’orchestration. C’est quelque chose que nous trouvons fantastique. En fait, c’était une décision et un choix très naturels par rapport à la set-list.

Photo : Anne-Marie Forker

– Il y a assez peu de groupes qui jouent l’intégralité d’un album sur scène. Chacun parcourt sa discographie et c’est assez normal. Est-ce qu’on se prépare différemment pour ce genre de concert, en s’immergeant notamment dans l’album, par exemple, ou dans les vidéos qui ont accompagné certaines chansons à l’époque ?

Oui, en fait, nous avons créé des montages vidéo spéciaux pour le concert en prenant différents éléments. C’est surtout pour donner une cohérence et un fil rouge à la soirée. Et comme l’album est sorti il y a seulement deux ans, nous avons eu le temps de préparer tout ça. D’habitude, c’est plus court et on ne peut pas réaliser tout ce que l’on voudrait. Nous avons aussi des gens de grands talents qui ont travaillé là-dessus. Ce n’était finalement pas si compliquer à produire et cela n’a pas demandé un budget exorbitant, non plus.

– Si je ne me trompe pas, l’album est déjà disponible sur votre store sur Internet depuis un an. C’est important pour vous de garder la main sur votre musique en marge de votre maison-de-disques ? A moins que ce soit aussi pour satisfaire d’abord vos fans ?

Tu sais, c’est un ‘business-model’ que nous avons inventé. C’est nous qui avons inventé le ‘crowdfunding’ aux environs de 1998. On a été le tout premier groupe dans le monde à procéder ainsi. L’objectif est que l’argent récolté permette à produire le mieux possible nos projets en étant indépendants. On a toujours voulu enregistrer et produire vos albums sans l’apport de notre maison-de-disques. C’est comme ça que nous travaillons depuis très longtemps et d’ailleurs ces dernières années, beaucoup de groupes nous ont imités. C’est devenu très naturel pour nous de procéder ainsi. De plus, nous conservons tous les droits sur notre musique et nous contrôlons l’ensemble jusqu’à la sortie de l’album dans le commerce.  

– Pour conclure, j’ai une petite question assez personnelle. L’album sort le 21 juin, le jour de mon anniversaire et je vous en remercie ! C’est une idée qui vous est venue spontanément et est-ce une décision unanime pour me faire plaisir ?

Bien sûr que c’est pour toi ! (Rires) Comment aurait-il pu en être autrement ? Et nous le referons l’an prochain !!! (Rires)

L’album live de MARILLION, « An Hour Before It’s Dark Live in Port Zelande », sortira le 21 juin prochain chez earMUSIC.

Retrouvez aussi la chronique du dernier album studio du groupe :

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AOR Hard FM Melodic Rock

FM : rockin’ birthday

Malgré une récente et bien triste série d’événements, les Anglais ont décidé de célébrer leurs 40 ans de carrière de belle manière. Et plutôt que de sortir un énième et banal Best Of, FM s’est attelé à la composition d’un tout nouvel opus, « Old Habits Die Hard ». Doté d’une énergie contagieuse et d’un sens aigu de la mélodie, cette quatorzième réalisation s’inscrit au sommet de la discographie des vétérans du Hard FM.  

FM

« Old Habits Die Hard »

(Frontiers Music)

Le temps semble n’avoir aucune emprise sur FM, si ce n’est qu’il le bonifie. Pourtant depuis la sortie de « Thirteen » en 2022, les choses n’ont pas été de tout repos. En effet, le claviériste Jem Davis a été diagnostiqué d’un cancer, dont il s’est heureusement remis, et le guitariste et fondateur Chris Overland, frère du chanteur Steve, est quant à lui décédé. Autant de coups durs qui n’ont pourtant pas ébranlé la foi des Britanniques, dont « Old Habits Die Hard » montre encore une fois toute la classe.

Et cette année est aussi spéciale pour le groupe, puisqu’elle marque ses 40 ans de carrière. Il fallait donc aussi fêter cet anniversaire et FM s’est lancé dans l’écriture et l’enregistrement d’un nouvel album. Et c’est durant leur longue tournée que les cinq musiciens ont investi leurs studios Dave View et Electric Pepperland. Le résultat est franchement bluffant. Leur objectif était de rassembler sur « Old Habits Die Hard » le meilleur de leur jeu, de leur style et de leur personnalité artistique, et c’est très réussi.

On retrouve en effet tous les ingrédients qui ont fait de FM une référence mondiale en matière d’AOR et de Hard Rock mélodique : des refrains entêtants, des riffs accrocheurs et des twin-guitares scintillantes, le tout posé sur la voix claire et puissante de son frontman. Classique sur « Whatever It takes » et « No Easy Way Out », plus fédérateur sur « California » et « Blue Sky Mind », puis percutant sur « Lost », « Another Day In My World » et « Leap Of Faith », le quintet se fait même bluesy sur « Black Water ». Une belle célébration !

Photo : Tony Ayiotou

Retrouvez la chronique du dernier album live :