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Hard Rock

Kreek : taille patron

Nouveau venu sur la scène Hard Rock anglaise, KREEK s’est formé autour de l’ancien frontman de Bigfoot, Anthony Ellis. S’inscrivant dans un registre punchy et mélodique, le quatuor signe un très bon premier album, bénéficiant d’une grosse production, qui vient confirmer notamment le fort potentiel des britanniques.

KREEK

« Kreek »

(Frontiers Music)

Suite à son départ de Bigfoot, Frontiers Music n’a pas voulu lâcher le chanteur Anthony Ellis et bien lui en a pris. Revoici le frontman de retour avec KREEK, nouveau quatuor anglais de Hard Rock et un premier album éponyme qui fait plus que bien tenir la route. Il est même savoureux à plus d’un titre, à commencer par son line-up de jeunes et talentueux rockeurs, qui n’ont franchement pas froid aux yeux.

Gonflé à bloc, le groupe britannique livre dix titres pêchus, bien écrits et très mélodiques. Si on doit le très bion niveau de l’album à la prestation incroyable de son chanteur, KREEK doit aussi beaucoup à son guitariste Nick Clarke dont les riffs acérés et les solos électrisants apportent une vraie couleur aux morceaux (« At The Bottom Of Hell », « Missile »), le tout livré sur une production somptueuse.

L’autre point fort des Anglais réside dans le groove et la puissance de sa rythmique. Seb Sweet (batterie) et Lee Andrews (basse) se trouvent les yeux fermés et œuvrent dans une belle complémentarité (« Million Dollar Man », « Get Up »). Jeune et fougueux, KREEK semble avoir trouvé la formule et offre un relief réjouissant à son Hard Rock aussi vigoureux qu’accrocheur.

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Stoner/Desert

Hebi Katana : en quête d’identité

A travers un Stoner Doom varié, le trio japonais HEBI KATANA a articulé un premier album éponyme assez complet. Si l’intention est louable, le trio devra gommer encore un peu l’impact de ses influences sur ses morceaux et définir un style plus personnel. Mais les premiers pas sont encourageants.

HEBI KATANA

« Hebi Katana »

(Independant)

Si on connait surtout le Japon pour sa scène extrême et notamment Death Metal, de jeunes pousses s’essaient aussi au Stoner comme c’est le cas avec HEBI KATANA. Dans un registre plutôt Doom et Heavy, le trio basé à Tokyo sort son premier album en autoproduction, et il laisse entrevoir de bonnes dispositions.

Avec un esprit très sabbathien, HEBI KATANA livre huit titres et deux interludes instrumentales et acoustiques où le combo passe en revue ses nombreux et variées influences passant des 70’s aux 90’s l’espace d’un riff ou d’un break. Et si les Nippons ratissent si large, c’est aussi et sûrement pour faire état de leur éventail musical.

« Directions For Human Hearts », qui ouvre l’album, est probablement le morceau le plus expérimental de l’album. Ensuite, le proto-Doom laisse sa place à des titres qui vont jusqu’à puiser dans le Grunge et le Hard Rock (« Reptile Machine », « Struggle With A Lie »). HEBI KATANA doit encore affiner son style et se faire plus original, mais les bases sont bonnes.

Bandcamp : https://hebikatana.bandcamp.com/album/hebi-katana

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Stoner/Desert

Supermoon : un envoûtant voyage mystique

Pour les Grecs de SUPERMOON, s’immerger dans la mythologie tient presque du réflexe. Et c’est à travers un Desert Rock à mi-chemin entre le Psych et le Space-Rock que le quatuor a composé cette première autoproduction éponyme très aboutie et planante. Un voyage musical très énergique aux belles envolées.

SUPERMOON

« Supermoon »

(Independant)

Sorti en tout fin  d’année, ce premier album éponyme de SUPERMOON est une belle surprise. Originaire d’Athènes, le quatuor livre une autoproduction entre Desert et Psych avec des rythmiques parfois Doom et le plus souvent atmosphériques. Les Hellènes nous plongent dans un univers très spirituel où il est question de nature et de mythologie notamment.   

SUPERMOON propose de longues plages instrumentales bardées de guitares hypnotiques et aux riffs faisant la part belle aux mélodies. Sans forcer le trait, le groupe se veut avant tout hypnotiques et part facilement dans des envolées musicales apaisantes (« Mantra », « Mandala »). On y trouve quelques pointes de Stoner, qui apportent une belle énergie malgré l’omniprésence de morceaux mid-tempos (« Serpent Spirit »).

Dans une sorte de transe collective, SUPERMOON se fait parfois même très chamanique (« The Dome »), grâce à des voix lointaines et très posées. Vasilis Tsigkris, maître d’œuvre et tête pensante du combo, et ses trois complices livrent un album captivant et varié où le fuzz a sa place aux côtés de riffs plus soutenus, le tout avec élégance. Entre Space-Rock et Desert Rock, les Grecs se montrent très mystiques.

https://supermoongr.bandcamp.com/

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Extrême

Âge ⱡ Total : la force d’un collectif ténébreux

Affichant des morceaux longs de quatre à seize minutes, ÂGE ⱡ TOTAL donne un premier indice sur la teneur de son style. Très Progressif, le collectif évolue dans un Doom Ambient immersif, aussi lunaire que massif. Compact et aérien à la fois, la force du groupe réside dans l’originalité de son univers et dans la multitude des climats traversés.

ÂGE ⱡ TOTAL

« Âge ⱡ Total »

(Soza/Collectif 5024)

Né de la rencontre entre les Bordelais d’Endless Floods et des Rouennais de Greyfell, ÂGE ⱡ TOTAL forme un collectif étonnant dont ce premier enregistrement témoigne d’une belle créativité entre deux groupes pas si éloignés musicalement, et dont les univers se rejoignent parfaitement. Et ce premier album éponyme de quatre titres, longs de 43 minutes, présente une épopée assez hors-norme.

C’est dont ce collectif de neuf musiciens qui s’est attelé à la composition et à l’enregistrement de ce voyage pour le moins saisissant. Dans un registre Doom, Ambient et Progressif, ÂGE ⱡ TOTAL se fait hypnotique, lourd et livre des compositions où règne un chaos très orchestré. Car malgré ses divergences musicales respectives, le groupe est parvenu créer un son particulier et une belle osmose (« Armure »). 

Très riches et puissants, les morceaux se fondent sur une diversité étonnante mêlant machines, synthés, violon et trombone aux instruments traditionnels que sont la guitare, la basse et la batterie. ÂGE ⱡ TOTAL a même doublé les postes sur les rythmiques qui gagnent en profondeur (« Armés », « Metal ») et se retrouve même à quatre au chant, laissant paraître une multitude de possibilités particulièrement originales (« The Songbird »).

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Extrême

Angelus Apatria : 20 ans de thrasherie

Pour son vingtième anniversaire, ANGELUS APATRIA n’a pas fait les choses à moitié et livre un septième album qui s’annonce déjà comme le point culminant de sa carrière. Le quatuor espagnol présente un Thrash Metal aiguisé, racé et particulièrement percutant. Ça claque et ça tabasse !

ANGELUS APATRIA

« Angelus Apatria »

(Century Media Records)

C’est avec un très bon album éponyme que les leaders de la scène Thrash Metal espagnole font leur retour… et il est carrément fracassant. Après deux décennies entre fureur et déferlement de décibels, le combo semble plus aguerri que jamais et la férocité de ces dix nouveaux titres montre la belle détermination d’ANGELUS APATRIA, qui se démarque de plus en plus de l’influence notable de la Bay Area.

Produit par le groupe lui-même et mixé et masterisé par Zeuss (Rob Zombie, Overkill, Hatebreed, Municipal Waste), « Angelus Apatria » est probablement l’un des meilleurs albums de Thrash européen depuis un moment. Dès les premiers riffs et la virulente rythmique de « Indoctrinate », ANGELUS APATRIA donne le ton et les Espagnols ne font pas de quartier (« Rise Or Fall »).

Guillermo Izquierdo (guitare, chant) et sa bande s’affichent unis, font corps et l’aspect très compact et tranchant de ce septième album ne fait aucun doute sur les intentions d’ANGELUS APATRIA. Depuis « Cabaret De La Guillotine » (2018), la progression du quatuor a encore franchi un palier et cela s’entend (« The Age Of Disinformation », « Disposable Liberty », « Through The Glass »). Renversant et virulent !

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Extrême

Scarred : une ouverture musicale très pertinente

Ces trois ans d’absence semblent avoir été plus que bénéfiques à SCARRED qui revient avec un album éponyme brillant. Reflétant sa nouvelle identité musicale, on observe avec joie la métamorphose du quintet luxembourgeois qui élargit son champ d’action passant du Death Metal à des atmosphères très post-Metal et techniques.

SCARRED

« Scarred »

(Klonosphere/Season Of Mist)

SCARRED fait trembler le Grand-duché du Luxembourg depuis 2003 maintenant, et ce n’est pas ce très bon troisième album éponyme qui va rétablir le calme dans le pays. Toujours rattaché au Death Metal de ses débuts, le quintet semble prendre un virage nettement plus mélodique et atmosphérique, tout en restant très technique. « Scarred » penche très franchement vers un post-Metal qui ne dit pas son nom, et un chant qui présente aussi des surprises, tout en conservant une énergie et une force très présentes.  

La première vue d’ensemble montre un album très structuré avec un intro, une outro et deux interludes, qui posent une ambiance particulière, presque psychédélique et moins brutale qu’un simple album de Death Metal. Artistiquement, SCARRED semble avoir mûri. Les mélodies, tant vocales que dans les guitares et le samples, ont pris le dessus sur l’ensemble des 13 plages de l’album. Naviguant entre growl et scream, le chant a lui aussi évolué pour se faire même carrément clair sur « Petrichor ».

Dès « Mirage », les Luxembourgeois affichent une belle puissance, qui ne faiblit pas par la suite (« Chupacabra »). SCARRED créé la surprise sur le très accessible et mélodique « Merry-Go-Round », où le quintet s’exprime sur un refrain entêtant et des riffs très accrocheurs. Tout en maîtrise, « In Silent Darkness » confirme l’aspect post-Metal et chamanique sur « A.H.A.I.A. », tandis que « Dance Of The Giants » évolue dans un registre proche du Technical Thrash. La belle variété de « Scarred » le rend déjà indispensable.

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Stoner/Desert

Pink Cigs : une épaisseur très vintage

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les Anglais de PINK CIGS ont parfaitement digéré l’héritage laissé par Black Sabbath, Deep Purple voire Led Zep. Ce premier album éponyme est un superbe mix vintage de ces pionniers du Hard et du Metal, auquel le quatuor a ajouté une épaisseur Stoner et Fuzz très fraîche. 

PINK CIGS

« Pink Cigs »

(Heavy Psych Sounds Records)

Le label italien a tellement aimé ce premier album de PINK CIGS qu’il lui offert une seconde vie en le rééditant en ce début d’année. Il faut aussi rappeler que sa sortie avait eu lieu au début du confinement, lui refusant toute visibilité acceptable. Et c’est vrai qu’à son écoute, c’eût été dommage de passer à côté de cette petite bombe aux saveurs vintage. Addictif dès les premières notes, « Pink Cigs » ne vous lâche plus !

Après un premier EP (« Vol.1 ») fin 2018, le quatuor de Sheffield a donc livré son premier album éponyme, un opus explosif et Rock’n’Roll à l’image des membres de ce combo brut de décoffrage. Très Stoner dans son ensemble et notamment dans le traitement du son des guitares et de la voix, PINK CIGS nous renvoie avec plaisir au Hard Rock et au Heavy Metal des 70’s.

De « Noose » à « Black Widow » en passant par les tonitruants « Leecher » ou « Whiskey Woman », le combo enchaine les riffs, se reposant sur un Heavy Blues très Fuzz, où le groove de la batterie et de la basse joue un rôle essentiel. Enregistré en 16 heures seulement à Bradford, ce premier album de PINK CIGS laisse des traces et colle de grosses baffes à chaque titre (« Devil’s Grip »). On respire !

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Extrême France Progressif

Ascensionnel et épique

MAZZERI

Finalement, ce confinement a des côtés positifs. Moins de sorties d’album et du coup, un peu plus de place pour les autres. Après avoir chroniqué leur premier album et avoir été aussi piqué de curiosité, j’ai posé quelques questions au groupe corse MAZZERRI sur ce premier effort et la façon dont le groupe composait. Posez-vous, on n’est pas aux pièces !

– Afin de mieux cerner l’univers musical de MAZZERI, il faut expliquer que le mazzérisme est une croyance corse qui se traduit par un don de prophétie funèbre accompli en rêve. Durant le sommeil, le corps spectral du mazzeru devient un chasseur d’âmes ou un messager de la mort. Si musicalement, on est très loin de la tradition corse, c’est tout de même un beau clin d’œil et une belle manière d’affirmer son identité…

Jbaâl (synthés) : C’est un nom qu’on a mis du temps à fixer, mais qui nous a paru évident. C’était une manière de situer notre expérience sur la scène musicale locale.

Thomas (guitare, chant) : Et c’est l’un des aspects du folklore qui colle particulièrement au style.

Alexis (batterie) : Il s’avère que nos visions personnelles de notre culture sont complémentaires. Notre vécu a aussi beaucoup joué sur les thèmes présentés. Le Mazzeru, exilé et en dehors de la société, est condamné à vivre en solitaire le jour et à exécuter sa tâche la nuit.

– Et puis, vos textes aussi s’inspirent des contes et légendes du folklore corse. J’imagine que c’est une grande source d’inspiration pour un registre comme le vôtre ?

Thomas (guitare/chant) : Pour ce premier album, les textes sont plutôt centrés sur notre expérience, le folklore étant au second plan et servant plutôt de fresque symbolique. Mais  globalement le thème porteur est la vision d’un parcours qui mène à l’échec à travers la gloire. Le thème de la prophétie funeste inébranlable fait écho à la destinée du Mazzeru et à son don/malheur.

A : On a cette volonté de le faire transparaître dans notre musique, et apporter quelque chose de plus de ce qui se fait déjà sur l’île. On a une culture extrêmement riche qui se prête beaucoup au Metal et, du coup, au Doom.

– MAZZERI évolue donc dans un registre Doom aux sonorités Heavy et psychédéliques. En trois ans, votre style et votre son ont-ils évolué ou est-ce que vous aviez une idée très précise dès le départ ?

T : Énormément ! (Rires) On est parti sur un postulat de groupe de Doom au sens large, mais chacun avait sa propre lubie personnelle et sa vision du genre. A force d’écrire et de réécrire les morceaux, on a fini par intégrer de plus en plus d’influences externes.

Olivier (basse) : L’intégration des claviers, par exemple, s’est faite de manière progressive jusqu’à constituer un élément dominant dans les compositions.

A : J’ai dû refaire des parties de batterie entières. J’ai vraiment réappris à jouer. On est assez loin de ce qu’on faisait au départ, mais on a quand même réussi à garder l’âme qu’on voulait insuffler au projet.

– Vous venez de sortir votre premier album éponyme et autoproduit. Particulièrement bien réalisé, j’imagine qu’il est le fruit d’un long travail, car les arrangements notamment sont très soignés…

T : Ces trois années ont servi à mettre ces bases en place, trouver un son cohérent et voir si, une fois passée l’immédiateté de l’écriture, l’ambiance nous convenait toujours. Nos goûts ont évolué et on a plus osé avec le temps.

O : Pas mal de compromis ont du être faits à cause de divergences de point de vue.

A : On a jeté plusieurs compos, parce que ça ne collait plus à notre idée de MAZZERI.

J : L’enregistrement fut un travail de longue haleine, qui a pris plusieurs mois pour des raisons de logistiques entre autre. Mais ça nous a permis de prendre du temps pour équilibrer au mieux l’arrangement. J’ai enregistré les synthés, voir recomposé certains passages, après avoir effectué un premier mixage sommaire. Ça m’a permis de travailler au mieux mes sonorités, qu’elles soient le plus riche et le plus complémentaire possible avec le foisonnement des autres instruments.

– Avant d’entrer dans le détail de l’album, vous avez fait appel à une sommité du genre en la personne de l’Américain James Plotkin, connu pour son travail avec Nadja, Sunn O))), Isis ou Earth. Pour un premier album, vous n’avez pas fait appel à n’importe qui pour le mastering…

O : Étant donné que c’est Jbaâl qui s’est chargé de l’enregistrement et du mixage, j’ai insisté pour que le mastering soit réalisé par un professionnel. Surtout par souci d’apporter une oreille extérieure et de surcroît de quelqu’un dont c’est le métier. James Plotkin est une référence dans ce domaine, et notamment pour la musique Doom et les genres affiliés, mais aussi dans un registre plus expérimental ou électronique. Il me semblait être tout désigné pour s’occuper du mastering de l’album.

T : On ne voulait pas choisir n’importe qui. Il a travaillé sur des albums qui nous ont profondément marqué tous les quatre.

A : On est tous admiratifs de son travail, et ça a été un plaisir de lui confier cette tâche. J’espère qu’on retravaillera ensemble.

J : On a eu une confiance totale en lui. Il a tout de suite cerné ce qu’on attendait du master, sans même qu’on le lui décrive ! Il a respecté toute la dynamique de notre mixage, alors même qu’on ne voulait pas rentrer dans la « guerre du volume », qui tend à surcompresser le son. Ce fut une expérience à la hauteur de ce qu’on attendait d’un tel artiste.

– L’album est constitué de quatre morceaux qui oscillent entre plus de 8 et plus de 13 minutes. Ce n’est pas banal comme format et même plutôt audacieux…

O : C’est vrai que le format quatre titres peut rebuter. Les morceaux sont assez progressifs, avec des interludes et des changements d’ambiance à l’intérieur-même des structures. Nous avons cherché à créer une lecture plutôt narrative qui donne le sentiment d’écouter une histoire, et non pas une compilation de plusieurs morceaux.

T : J’ai du mal à écrire sur des structures courtes. Alors je mets en place des ambiances qui ont vocation à évoluer en suivant la thématique et le fil des paroles. J’ai toujours eu tendance à prêter une oreille plus attentive aux pièces maîtresses sur les albums classiques de Metal. On est loin du single concis et efficace, on est dans la fresque épique et dans le story-telling à tiroirs.

J : Il y a également un aspect cinématographique qu’on a voulu mettre en avant dans la structure et donc la composition des morceaux qui se présentent comme des actes et forment des scènes. L’artwork est d’ailleurs le compagnon visuel au scénario du disque.

T : Il a souvent été pris pour un EP d’ailleurs, malgré les 48 minutes !

A : Un autre format n’aurait fait qu’effleurer la profondeur de ce que l’on cherche à faire ressentir. Étant aussi un fan de Prog, qui est une grosse influence dans mon jeu, ce format m’a permis d’enfin explorer les différentes possibilités d’enchaînements de patterns et de constructions. C’est un travail assez colossal que je n’avais jamais vraiment soupçonné, malgré les écoutes répétées de Pink Floyd ou Eloy.

– Votre Doom Psych contient des guitares très Stoner et Heavy et on a l’impression que vous désirez remettre en lumière la fièvre des années 70 avec un son très actuel ?

O : Nous n’avons pas cherché à obtenir un son typé 70’s même si des éléments, synthétiseurs analogiques entre autres, rappellent cette période. Je ne qualifierais pas pour autant notre son de moderne. Nous avons voulu créer une musique intemporelle qui intègre à la fois des gimmicks modernes et d’autres plus vintages.

T : C’est l’approche organique de cette période qui a pu déteindre. On a travaillé un son « moderne », mais également loin des standards propres et souvent trop parfaits actuels. Comme si l’histoire de la musique en avait voulu autrement. On fait du Doom anachronique/dystopique! (Rires)

A : On est tous fans du son 70’s. J’ai récupéré ce qui me plaisait dans la manière de jouer, tout en apportant un peu de modernité, mais c’est surtout le son 80’s que je cherchais à retrouver.

– Si l’ensemble est assez Metal, « Mazzeri » contient aussi de belles parties de piano, de synthés et même de saxo sur « Gouffre », qui est d’ailleurs chanté en français. C’est très éclectique tout ça !

J : Pour les sonorités des claviers, des pianos aux drones Noisy en passant par les arpèges séquencés, il y a eu une volonté de les diversifier un maximum pour appuyer les intentions émotionnelles, sans les limiter au simple rôle d’instrument d’accompagnement. C’était aussi une manière de marquer notre univers, de toucher un peu plus à l’onirique.

T : En écrivant et même jusque dans la phase d’enregistrement, on a tenu à briser certains codes et certaines barrières pour juste prendre plaisir à composer. C’est quand même assez limitant de s’interdire un passage de sax ou un lead complètement Noise de synthé par peur de sortir de la bienséance d’un genre. Le texte en français de « Gouffre » passait mieux tout simplement : d’un côté pour la sonorité du français déclamé, de l’autre pour accrocher l’oreille en fin d’album.

A : On a essayé de brasser le plus largement tout en restant dans le Doom. J’ai essayé d’apporter une touche de jazz dans mes breaks et roulements, sans pour autant dénaturer le Doom/Heavy. Je suis très fan des parties synthés. J’ai toujours eu un faible pour ce genre d’envolées épiques qui sont assez rafraîchissantes, et cette touche de saxo m’a de suite convaincu.

O : Il est vrai que notre musique vient d’une souche très Metal, car le Doom en fait partie. Mais on a beaucoup d’autres influences, qui vont du Blues au Prog 70’s en passant par l’Electro, et j’imagine que ça se ressent d’une certaine manière dans notre musique. Mais j’avoue quand même qu’il n y a rien de plus jouissif que de balancer un gros power chord dans un ampli au taquet, et de ressentir les vibrations cosmiques parcourir l’échine. Concernant le sax sur « Gouffre », je parlerai plus d’un empilement de couches de bruit que d’une réelle performance, si c’est bien moi qui ai « joué » cette partie, je n’ai aucune idée de comment se servir de cet instrument pour en faire de la musique…

– Et puis, il y a aussi « Gloria », son crescendo et son atmosphère synthétique et pourtant très organique. Et là encore, le mix est savamment dosé…

T : L’exercice du morceau instrumental est toujours un peu compliqué. Il faut pouvoir jongler avec les ambiances et les détails pour se passer du texte. Le morceau étant représentatif de la culmination glorieuse avant la chute brutale vers la défaite, il fallait passer d’un extrême à l’autre en matière de ressenti.

O : Nous sommes partis d’un riff de base typé post-HardCore avec de grosses guitares pour en arriver à quelque chose de beaucoup plus éthéré. La plupart des synthés ont été rajoutés par la suite pour arriver à ce résultat que je trouve assez Prog et Psyché.

A : Elle était à la base beaucoup plus méchante, c’était une escalade dans la violence, qui se terminait sur un blast beat typiquement Black Metal.

J : Il devait créer une respiration après le final écrasant de « Megachurch », et avant l’inexorable et fatal « Gouffre ». C’est l’exultation, la décadence à son apogée, les synthés se devaient de leader le morceau, amener cette fièvre 70’s, dont tu parlais tout à l’heure.

– Un mot sur les parties de guitare entre riffs tendus et solos planants : il y a finalement beaucoup de Progressif chez MAZZERI…

T : J’aime les rouleaux compresseurs à riffs que sont Candlemass ou Warning, mais j’ai aussi beaucoup de passion pour Solstice ou encore Yob, qui sont des groupes qui texturent beaucoup leur parties guitares. J’écris plus volontiers en riffs qu’en structurant une suite d’accords, donc la guitare ne se fond jamais beaucoup dans l’ambiance, elle a plutôt tendance à dicter la marche.

J : Notre approche est en effet très Progressive et pas seulement dans les guitares. Les nouveaux arrangements pour le live, ainsi que les morceaux en cours de création, ne dérogent pas à cette règle. Le Rock Progressif est une référence majeure pour le groupe, cela nous a énormément guidé notre manière de construire les morceaux.

A : Encore une fois, on est tous influencés par le Prog 70’s, on voulait lui rendre hommage avec nos instruments respectifs. Le jeu de basse d’Olivier a aussi apporté énormément, il ne se contente pas d’accompagner. La basse a elle aussi une âme véritable. Notre section rythmique est un réel plus, nos quatre jeux se complètent.

– Finalement, ce premier album a une sonorité assez intemporelle et qui n’est pas forcément liée à votre registre. C’était l’un de vos objectifs en l’enregistrant ?

T : On voulait surtout pouvoir s’y retrouver avec la vision de chacun. C’est clair qu’on ne s’inscrit pas tellement dans les différents revivals ou dans les mouvances de Doom plus modernes. Notre approche est très personnelle et c’est agréable d’être qualifié d’intemporels !

J : C’était un objectif, et on a du passer par des décisions assez radicales au niveau du mixage, sur le choix de la place de chaque élément et la manière dont la voix a été traitée.

A : Un objectif, un espoir… Dans la mesure où on a commencé avec un style Doom/Stoner/Sludge, c’était assez compliqué… J’ai toujours voulu faire quelque chose qui sonne différemment, et cela est né de la complémentarité dont je parlais précédemment. Je pense qu’on n’y serait pas arrivé si on n’avait pas ce line-up. Chacun de nous quatre est essentiel au son MAZZERI.

O : Sans vouloir absolument sonner 70’s, notre volonté était d’obtenir un son à la fois lourd, dynamique, organique mais aussi planant.

– Dernière question inévitable, comment vivez-vous cette période de confinement ? Vous en profitez pour composer ou réfléchir à la suite, même si votre premier album vient tout juste de sortir ?

T : Pas si mal en fait ! La composition du suivant avance bien. Il y a pas mal de boulot à faire pour gérer la comm’ du groupe, et puis d’autres projets annexes qui pointent leur nez. Pas vraiment moyen de s’ennuyer devant Netflix !

A : On a tous nos projets solos… Jbaâl a TRAÎTRE CÂLIN et KHAOS ON GAÏA, mais il me seconde aussi dans mon projet Black Metal, AROZZA. Olivier a son projet ASTATE. Je travaille aussi en solo, ou en duo avec mon ami Défunt de BLØDNING… Pas le temps de s’ennuyer, même si mes camarades me manquent. J’ai vraiment très hâte de me remettre derrière les fûts. Le retour au studio sera bénéfique pour tous !

J : Thomas et Olivier avaient repris une première phase de composition chacun de leurs côtés pendant le mixage de l’album. Une seconde phase avait été entamée une fois le mix envoyé à James Plotkin, en groupe cette fois. On espère pouvoir défendre prochainement ce premier album sur scène, et proposer de nouveaux titres, en vue du second album dont le concept a déjà été grandement discuté. Pour ma part, je suis déjà en confinement toute l’année ! J’exagère, mais nous travaillons tous sur plusieurs autres projets. On n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer ou d’être improductif en cette période. Le travail en groupe manque quand même.

O : Beaucoup d’alcool et de masturbation ! (Rires) Plus sérieusement, je continue de bosser à l’extérieur, donc la question ne se pose pas, mais je dois dire que répéter ensemble me manque.

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France Post-Metal Progressif

Maudits : béni et inspiré [Interview]

En se lançant dans un post-Metal Progressif et instrumental, MAUDITS ne s’est pas facilité la tache. Mais après le split de leur groupe, le trio ne comptait pas rester les bras croisés, et l’inspiration les titillait autant que les idées fusaient. Olivier Dubuc (guitares et effets) revient sur ce premier album éponyme très réussi.

– MAUDITS a sorti son premier album il y a quelques mois, et il fait suite au split de The Last Embrace dont vous étiez tous membres. Très abouti et particulièrement bien produit, il propose un Metal post-Progressif puissant et fluide. Quel regard portes-tu sur cette réalisation quelques mois après sa sortie ?

Franchement, on est très content. Il est toujours difficile d’avoir du recul sur une prod’ quand on a la tête dedans depuis sa conception. Mais les retours que l’on a eus depuis sa sortie nous ont confirmé que l’on avait fait les bons choix ! Honnêtement et à titre personnel, pour une fois depuis le début de ma vie musicale, je suis quasi satisfait à 100% à tous les niveaux : musique, mix, mastering, artwork et promo. On peut dire que ce premier album m’a quelque part « guéri » du split difficile de The Last Embrace, et a eu un rôle thérapeutique musicalement.

– Justement, la variété des sonorités et la multitude des styles pourraient dérouter et pourtant « Maudits » est très mélodique, très technique et accessible. Et malgré le registre instrumental, il est finalement très fédérateur. C’était l’objectif ?

Non avec MAUDITS, il n’y a aucun objectif autre que d’être à 100% égoïste ! Nous apprécions un grand nombre de styles et notre parcours musical à tous les trois nous a amené à travailler dans des univers musicaux variés : Rock Progressif, Black Metal, Doom, HardCore, Dub, Trip-Hop ou encore Folk. Je pense que MAUDITS représente en quelque sorte une synthèse sans compromis de cette expérience bâtie durant toutes ces années. Tant mieux si c’est fédérateur ! Cette musique sort des tripes et représente ce que l’on est avec sincérité.

– Les arrangements très soignés et les cordes apportent un vrai plus à l’album. Vous semblez être vraiment allés au bout de vos envies…

Effectivement, nous ne nous sommes absolument rien interdit. Nous avons toujours énormément apprécié les arrangements de cordes et on a estimé qu’en ajouter à certains endroits apporterait un vrai plus et une dimension « cinématographique », qui colle bien avec notre musique. Nous avons donc confié cela à notre vieil ami Emmanuel Rousseau (entre autre claviériste du groupe 6’33) avec qui nous avons d’ailleurs enregistré la basse et 90% des guitares. C’est un excellent arrangeur et il s’est aussi chargé des quelques claviers et sons électro présents sur l’album. Nous avons également collaboré avec la violoniste Caroline Bugala, que l’on connait depuis un bon bout de temps (elle intervient sur les trois derniers The Last Embrace). Ses parties et son feeling illuminent l’album, qui n’aurait pas la même saveur sans elle. Nous sommes donc toujours aussi satisfaits actuellement et si c’était à refaire, nous ne changerions rien !

– Votre album est sorti au cœur d’une année très compliquée particulièrement pour le monde du spectacle. Il n’y a pas un trop fort goût d’inachevé de ne pas avoir pu défendre votre album sur scène dans la foulée ?

C’est sûr que nous aurions beaucoup aimé pouvoir défendre immédiatement en live cet album et nous nous étions préparés d’ailleurs dans ce sens. Il y a donc forcément quelque chose « d’incomplet ». Après, on essaie de voir le bon côté des choses et cela nous a permis de nous consacrer sérieusement à la promo en compagnie de Klonosphere, de mettre en place les supports vidéos et d’avancer très largement sur la composition de deux futures sorties ! 😉

– 2020 est presque derrière nous, encore un petit effort. Comment envisagez-vous l’an prochain et est-ce que vous parvenez à vous projeter un peu malgré tout, et à mettre des choses en place ?

Oui, nous avons beaucoup avancé et composé à distance durant les deux confinements. Les maquettes du prochain album ont été achevées à 90% lors du premier, et celles d’un EP de versions réarrangées de trois morceaux ont été faites durant le deuxième. Nous allons certainement enregistrer l’EP début 2021 et, en attendant de pouvoir rejouer live dans de bonnes conditions, essayer de mettre en place des captations live un peu originales pour soutenir cette sortie. Donc, honnêtement, quoi qu’il se passe, nous avons de quoi faire. Nous allons continuer à avancer et à faire vivre ce projet qui nous tient énormément à cœur !

MAUDITS – « Maudits » – Klonosphere