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Heavy Stoner Prog International

Howling Giant : ascensionnel [Interview]

Toujours aussi progressif et s’engouffrant même dans des fulgurances cosmiques fortes et aériennes, le jeu des Américains atteint de nouveaux sommets. Avec « Crucible & Ruin », un cap est franchi par le combo de Nashville dans la maîtrise du songwriting notamment, mais aussi avec l’arrivée d’un nouveau membre à la guiatre et claviers, qui va permettre au désormais quatuor du Tennessee de s’élever encore un peu plus. Entouré d’une équipe de producteurs redoutables, HOWLING GIANT multiplie les mélodies accrocheuses et met en avant une maîtrise technique incroyable, qui lui permet à peu près tout. Le Heavy Stoner Prog du groupe prend de la hauteur et Tom Polzine (guitare, chant) ne cache pas sa grande satisfaction. Entretien.

– Ce troisième album sort dix ans après votre premier EP éponyme. C’est un cap souvent important dans la vie d’un groupe. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur cette première décennie de HOWLING GIANT ? 

Ces dix dernières années ont été formidables. Je pense que nous avons accompli bien plus que ce que j’espérais et il nous reste encore tellement de choses à faire. Découvrir la musique que nous avons pu composer ensemble a été une expérience incroyable et j’ai hâte de voir où cela nous mènera. Et j’espère aussi que nous reviendrons bientôt en France !

– Une chose est sûre, c’est que « Crucible & Ruin » est votre album le plus abouti, grâce notamment à un songwriting très créatif et efficace. Avez-vous changé votre façon d’aborder les morceaux, ou est-ce au contraire le fruit de toutes ces années de travail ?

Je pense que notre processus de composition évolue constamment. Je suis vraiment fier de tout le travail que nous avons accompli jusqu’à présent, et « Crucible & Ruin » n’est que la prochaine étape de notre parcours créatif. Nous n’avons pas nécessairement abordé cet album différemment de « Glass Future » du point de vue de la composition, mais nous aimons avoir un thème, ou du moins des images fortes en tête, lorsque nous composons. « Crucible & Ruin » a une ambiance thématique différente de celle de « Glass Future », et la composition s’y est forcément adaptée d’elle-même.

– Il y a quelques changements qui entourent ce nouvel album à commencer par l’arrivée aux claviers et à la guitare d’Adrian Lee Zambrano. C’est vrai qu’il apporte beaucoup de relief et de nouvelles tessitures au son de HOWLING GIANT. Est-il le membre qui manquait au groupe pour élever un peu plus son niveau de jeu, et en quoi sa première contribution a-t-elle consisté ?

Adrian est un musicien incroyablement talentueux et nous avons vraiment de la chance de l’avoir parmi nous. Lorsque nous l’avons intégré au groupe, l’album « Crucible & Ruin » était déjà pratiquement terminé, mais il a pu apporter sa contribution en ajoutant des sonorités et des nuances auxquelles nous n’avions pas pensé. Je pense que ces ajouts ont vraiment apporté une touche spéciale à cet album et ont contribué à donner vie à ces morceaux.

– Cette deuxième guitare apporte bien sûr de la puissance à l’ensemble, ainsi qu’un nouvel équilibre au groupe et il en ressort beaucoup de force. Cela vous ouvre aussi de multiples possibilités. Est-ce que, justement, vous avez pu expérimenter des choses inédites pour vous jusqu’à présent dans l’écriture ou le son ?

Lorsque j’enregistre un album, j’adore ajouter des couches de guitare supplémentaires et j’ai toujours inclus des harmonies complémentaires. Le problème, c’est que lorsque nous jouons en concert à trois, nous devons interpréter une version du morceau qui ne correspond pas toujours à l’enregistrement. Cette harmonie de guitare supplémentaire manquait jusqu’à présent. Maintenant qu’Adrian fait partie du groupe, nous pouvons les inclure, ce qui apporte une nouvelle dimension à nos performances live. Je suis impatient d’écrire le prochain album avec lui, en partant de zéro. Attendez-vous à plus de riffs et à plus de lignes mélodiques harmonisées ! Et j’en suis ravi.

– Pour conclure sur ce sujet, qu’est-ce que la formule à quatre a véritablement changé pour HOWLING GIANT, car celle du power trio est souvent synonyme de spontanéité ?

Je trouve qu’un groupe de quatre musiciens a un son plus ample sur scène et nous permet d’explorer des compositions plus complexes. Jouer en trio a son charme, mais cela comporte aussi des limites. Je pense que la version à quatre musiciens de HOWLING GIANT va nous ouvrir de nouvelles perspectives exceptionnelles.

– Pour la première fois, vous avez même quitté le « Bunker » où vous avez toujours enregistré vos albums, pour vous retrouver aux Almish Electric Chair Studios d’Athens en Ohio. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre cette décision ? C’était le bon moment pour sortir d’une certaine zone de confort et peut-être aussi de tourner une page ?

Nous savions dès le départ que nous voulions que notre prochain album présente une qualité sonore améliorée du point de vue de la production. A chaque album que nous sortons, nous souhaitons montrer une certaine progression, ou évolution, de notre son et Neil Tuuri des studios Amish Electric Chair a fait un travail extraordinaire pour nous aider à atteindre cet objectif.

– Justement, vous avez aussi travaillé cette fois avec Neil Tuuri, Kim Wheeler et James Sanderson. Est-ce que cette nouvelle équipe vous a ouvert des perspectives, car « Crucible & Ruin » est plus progressif, entre autres ? Et y a-t-il eu un travail particulier sur les atmosphères et les arrangements notamment ?

C’est vraiment l’équipe de rêve ! Neil nous a aidés à enregistrer les meilleurs sons possibles et a mixé cet album à la perfection. Kim nous a permis d’obtenir certaines des meilleures pistes vocales que nous n’ayons jamais enregistrées et ses conseils sur l’équilibre du mixage ont été inestimables. James Sanderson est l’un de mes meilleurs amis depuis longtemps et l’un des meilleurs auteurs-compositeurs que je connaisse. Son apport créatif nous a permis de donner une dimension supplémentaire aux chansons sur lesquelles nous travaillions. Je me sens vraiment chanceux d’être entouré de personnes aussi talentueuses et cela me donne beaucoup de confiance pour l’avenir de nos prochains albums.

– Enfin, j’aimerais qu’on dise un mot au sujet de « Beholder » que vous avez décliné en deux parties : « Downfall » et « Labyrinth ». Quel a été le déclic pour vous lancer dans un tel morceau qui sort vraiment des standards habituels, et comment vous y êtes-vous pris pour sa composition ? Etait-ce un bloc peut-être trop long que vous avez préféré scinder en deux ?

Les morceaux « Beholder I » et « Beholder II » ont été composés individuellement, mais ils illustrent l’influence d’un personnage particulier au sein du concept de l’album. « Beholder I » annonce l’arrivée d’une entité chaotique lovecraftienne issue de l’abîme cosmique, et « Beholder II » dépeint l’humanité vivant dans les conséquences d’un monde ravagé par l’impact de cet événement.

Le nouvel album de HOWLING GIANT, « Crucible & Ruin », est disponible chez Magnetic Eye Records.

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Heavy Rock Stoner Doom

Friensdhip Commanders : un coup de griffe

Tout en menant une belle carrière solo et divers projets en parallèle, la chanteuse, guitariste et songwriter Buick Audra poursuit l’aventure FRIENDSHIP COMMANDERS avec le batteur et bassiste Jerry Roe qui, de son côté, enchaîne les sessions studio sur un rythme soutenu. A eux deux, ils élaborent un Heavy Rock aux accents Stoner et Metal et avec « Bear », ils sont parvenus à une synthèse très solide, cohérente et mélodique. Intelligent, solide, accessible et plein de finesse, ce nouvel effort ouvre des brèches où il fait bon se perdre.

FRIENDSHIP COMMANDERS

« Bear »

(Magnetic Eye Records)

Après quatre EPs et une flopée de singles depuis dix ans, le duo de Nashville sort son quatrième album, « Bear », et il ne manque pas de saveur. En effet, la chanteuse et guitariste Buick Audra et le batteur, bassiste et claviériste Jerry Roe ont concocté, et aussi coproduit, dix nouveaux titres, qui se dévoilent un peu plus à chaque écoute. Entre Heavy Rock et Stoner Doom, FRIENDSHIP COMMANDERS froisse les étiquettes autant qu’il les rassemble pour obtenir un univers artistique très singulier, où le Sludge côtoie aussi le Hard-Core très naturellement.

Malgré son aspect expérimental, « Bear » est d’une grande fluidité et d’une liberté totale. Il faut aussi préciser que le tandem est aussi ardent qu’expérimenté et reconnu. Auréolée de deux Grammy Awards, Buick Audra est une songwriter accomplie, tandis que Jerry Roe est l’une des batteurs les plus demandés. Avec FRIENDSHIP COMMANDERS, ils jouent sur les contrastes en confrontant les styles. Et ils finissent par faire de ces apparentes contradictions un épanouissement musical, qui défie les codes et explose dans un Rock musclé et accrocheur.

Deux ans après « Mass », « Bear » se montre assez insaisissable et pourtant, il y a une réelle unité artistique chez les Américains. Grâce à la puissance et la polyvalence vocale de sa frontwoman, FRIENDSHIP COMMANDERS œuvre dans un Heavy Rock qui emprunte autant au Grunge qu’au Metal, ce qui en fait un modèle d’éclectisme, tout en maîtrise (« Keeping Score », « Dripping Silver », « Midheaven », « Dead & Discarded Girls »). Energétique,  épais et positif, ce nouvel opus porte bien son nom et on se régale littéralement d’autant de créativité.

Photo : Jamie Goodsell

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Blues Country R&B Soul

Marcus King Band : the great South

Détaché de l’atmosphère très intimiste et assez sombre de son précédent effort solo, « Moon Swings », le natif de Caroline du Sud retrouve la lumière et remet surtout sur les rails le génial MARCUS KING BAND. Si certains tourments demeurent, « Darling Blue » présente une nouvelle dynamique, toujours très sudiste, mais plus festive où sa guitare côtoie les violons, les banjos et les cuivres dans une belle harmonie. Directes et organiques, ces nouvelles chansons sont d’une authenticité absolue et guidées par une voix touchante et sincère. Il n’en finit plus de surprendre et aussi de faire des choix artistiques audacieux.      

MARCUS KING BAND

« Darling Blue »

(American Recordings/Republic Records/Universal)

Il semblerait que l’empreinte de Nashville, où il est installé depuis un moment maintenant, ait une emprise grandissante sur le jeu et surtout les envies musicales de MARCUS KING. On n’en voudra pourtant pas au bluesman de s’imprégner de son environnement direct, puisque cela le mène dans des contrées où il excelle également. Preuve en est que le jeune homme, qui approche la trentaine, est d’une rare polyvalence et a aussi une faculté d’adaptation hors-norme, car « Darling Blue », s’il reste très bluesy, avance dans une lignée Honky Tonk marquée par la Country. D’ailleurs, les guest présents ici sont directement issus du sérail, ou très proches. 

Il faut aussi souligner que « Darling Blue » marque le grand retour du MARCUS KING BAND, que le guitariste avait mis en sommeil depuis 2016 après un excellent album éponyme. Après presque dix ans passés an solo, et qui lui ont tout de même valu ses plus grandes récompenses, il retrouve des musiciens qu’il n’a jamais vraiment quittés et qui restent un socle inamovible de sa musique, quand bien même elle a pu prendre des chemins de traverse souvent surprenants. Pour ce quatrième opus en groupe, la tonalité est donc plus Country-Rock et Blues avec aussi quelques douceurs R&B très touchantes qui surgissent toujours (« Carolina Honey », « No Room For Blue »).

L’entame de « Darling Blue » est très marquée de Country et de Honky Tong, avant de revenir à des chansons plus imprégnées de Blues et de Soul. Il faut dire que les présences de Jamey Johnson et Kaitlin Butts (« Here Today »), puis Jesse Welles (« Somebody Else ») y sont pour beaucoup. On retrouve d’ailleurs aussi Billy Strings plus tard sur une version ‘Nashville’ de « Dirt ». Sur « The Shadows », Noah Cyrus, fille de et sœur de, qui vient poser un beau duo très aérien entouré d’un MARCUS KING BAND rayonnant. Décidemment plein de surprises, ce nouvel opus montre à quel point l’univers du musicien est d’une grande richesse et qu’il ne cesse de se renouveler brillamment.

Retrouvez les chroniques de ces derniers albums précédents :

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Blues Rock International

Eric Gales : le feeling en héritage [Interview]

Ayant grandi dans un foyer bercé par le Blues, c’est tout naturellement qu’ERIC GALES s’y est plongé à bras le corps pour devenir aujourd’hui l’une des références mondiales du Blues Rock. Aussi électrique qu’électrisant, le guitariste, chanteur et songwriter a mis cette fois ses propres compositions de côté pour se pencher sur celles de son frère, Emmanuel, alias Little Jimmy King. Avec « Tribute To LJK », le virtuose revisite le répertoire de son aîné, non sans y apporter sa touche personnelle, bien sûr, et soutenu par quelques invités marqués eux aussi par la musique du bluesman de Memphis. Entretien avec un artiste qui porte haut l’héritage familial.   

– Tout d’abord, au-delà de l’héritage familial bien sûr, est-ce que ton frère Emmanuel a aussi eu une influence sur ton jeu, tout du moins au début lors de ton apprentissage de la guitare ? Et qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Peut-être d’ailleurs que cela se situe-t-il plus dans l’attitude et dans ton approche du Blues ?

Oui, bien sûr, son empreinte est énorme et je pense aussi que toute ma famille a été une influence pour moi. Tu sais, je suis le plus jeune de la fratrie et j’ai pu puiser dans tous les styles différents qui passaient à la maison. Il y avait toujours de la musique, tout le monde jouait ! Alors, évidemment, j’ai gardé de nombreux éléments de tout ça au fil du temps et cela m’a forgé peu à peu. Et puis, d’autres membres de ma famille étaient aussi musiciens et ont aussi eu un impact, même inconscient.

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais qu’on dise aussi un mot au sujet de la B.O. du film « Sinners » de Ryan Coogler, sorti en avril. Tu as participé à la musique avec d’autres comme Buddy Guy et Christone ‘Kingfish’ Ingram, d’ailleurs. C’était une première pour toi. Comment cela s’est-il passé ? Est-ce très différent de composer pour une musique de film, ou pas vraiment ?

En fait, ce n’est pas si différent que ça. La seule chose qui a changé pour moi, c’est que c’était la première fois que je faisais une musique de film. En fait, tu regardes un écran, tout en jouant des notes qui doivent s’accorder à l’ambiance de ce que tu vois. C’est assez spécial, car il faut capter les vibrations. Et puis, tu ne sais pas si ce que tu joues va être gardé, ou pas. Et ce qui m’a étonné, c’est qu’au final, presque tout ce que j’ai joué a été conservé pour le film. Il y a eu une formidable collaboration avec Ludwig (Göransson, qui signe la B.O.- NDR). Quand nous avons travaillé ensemble sur le projet, j’étais très à l’aise, comme si j’étais à la maison. Il m’a juste dit de faire comme je ne le sentais et de rester moi-même… Et cela a fonctionné !

– Revenons à « Tribute To LJK » et la première question qui vient à l’esprit est comment s’est fait le choix des morceaux ? Est-ce que l’idée a été d’être le plus représentatif possible de sa musique avec un certain équilibre, ou au contraire de te faire avant tout plaisir en reprenant des chansons qui te touchent plus que d’autres ?

C’est un peu des deux, en fait. J’ai choisi des chansons que j’aime et que j’ai écoutées pendant des années. Il y en a certaines dont je suis très proche, car j’ai été élevé en les entendant. Et puis, j’ai aussi un peu redécouvert un répertoire de Jimmy King que je ne connaissais pas beaucoup. L’idée a été de respecter le plus fidèlement possible les versions originales, tout en leur donnant mon regard, ainsi que des sonorités inscrites dans notre époque, c’est-à-dire un son moderne.

– Toutes les chansons de l’album font partie du répertoire de Little Jimmy King et une seule n’est pas de lui. Je n’ai d’ailleurs pas réussi à trouver laquelle ! Tu n’as pas pensé à composer un titre original vraiment dédié, afin que cet hommage soit encore plus personnel ?

La chanson dont tu parles est « Somethin Inside of Me » (Sourires) C’est d’ailleurs un morceau qui a été repris par beaucoup de monde. Je pense que mon frère s’est servi de la version d’Elmore James pour réaliser la sienne. Pour ma part, j’ai décidé d’en faire un Blues assez lent, c’est comme ça que je la voyais et que je la sentais.

Et en ce qui concerne l’écriture d’un titre original, l’idée m’a traversé l’esprit, mais je ne l’ai finalement pas fait. C’est aussi quelque chose que j’ai déjà réalisé. Là, je voulais vraiment m’investir dans le répertoire de mon frère et aller encore plus loin dans l’exploration. Je pense que c’était la meilleure façon de lui rendre hommage.

– D’ailleurs, cet album a été réalisé avec des proches et notamment Joe Bonamassa et Josh Smith, qui le produisent et jouent également sur plusieurs morceaux. Tu avais travaillé avec eux sur l’album « Crown » (2022). Est-ce aussi pour cette raison que vous avez renouvelé cette collaboration ?

Pas au départ, car on n’avait rien planifié de côté-là. Mais comme il y a vraiment eu une très bonne relation de travail entre nous trois, ils avaient toute ma confiance. Ils m’ont aussi aidé à amener la vision que j’avais de l’album là où je le voulais. Ils ont parfaitement compris ma relation avec mon frère et ils ont fait un super boulot ! 

– En introduction, ton autre frère Daniel, le jumeau d’Emmanuel, dit quelques mots très touchants. D’entrée de jeu, on sait que l’album aura une saveur très familiale, d’autant qu’il y a aussi des chansons composées par Eugene. Est-ce que, finalement, tu as voulu réaliser un témoignage sur l’empreinte de cette fratrie dans le Blues ?

Oui, c’était intentionnel. C’est l’idée avec laquelle je suis venu dès le départ. J’ai tenu à retranscrire ce sentiment très fort qui existait entre mon frère et moi. Et pour l’introduction et ce court texte, comme ils étaient jumeaux, c’est aussi un peu comme si j’écoutais sa voix. Ils étaient si semblables. Ouvrir l’album de cette manière est comme offrir une validation au projet, c’est pourquoi je tenais à cette participation. C’est vraiment lui qui permet d’avoir  cette présence et cette sensation unique, du fait de leur gémellité. Tu sais, nous sommes tous frères, mais Daniel et Emmanuel avaient une relation très particulière avec un lien beaucoup plus proche que nous autres. Quand notre sœur nous a quittés, cela a été encore différent. Deux frères si identiques, c’est vraiment très spécial. Je tenais à ce que mon autre frère valide littéralement le projet et il n’y avait aucune autre façon que celle de le faire parler en introduction de l’album. Et c’est la première chose que l’on entend en découvrant le disque.

– En reprenant les chansons de ton frère, ton envie première a-t-elle été de respecter le plus possible les versions originales, ou au contraire de leur donner un nouvel éclat avec une production très actuelle, par exemple, et quelques arrangements ?

Oui, oui, oui ! Bien sûr que l’idée était de respecter au maximum ce qu’il avait fait. La question ne s’est même pas posée. En même temps, je tenais absolument à imposer ma touche et ma vision de ses chansons et je crois que mon frère aurait été très fier de moi. Il aurait été fier de l’écouter. Tu sais, il y a déjà eu des rééditions des versions originelles de ces morceaux, mais j’ai souhaité avoir une approche personnelle, qui me ressemble. Mon envie était de leur donner une autre perspective, grâce à mon point de vue sur son œuvre. Et je pense que ça fonctionne bien.

En ce qui concerne les arrangements et la production, Joe et Josh m’ont juste demandé de leur laisser les rênes. Ils savaient parfaitement que j’avais une vision précise de ce que je voulais faire sur cet hommage à mon frère, et ils l’ont bien compris. Pour l’essentiel, ils m’ont juste aidé à m’assurer que ce que j’avais en tête serait très bien retranscrit. Ils ont tout fait pour ça, et ils ont réussi !

– Et puis, tu es très bien entouré sur l’album. On sent une grande complicité et une proximité entre vous tous. Ce sont les musiciens qui t’accompagnent habituellement, ou as-tu réuni une line-up spécial pour l’occasion ?

En fait, j’ai cherché à établir un line-up qui me permettrait de trouver des idées, tout en intégrant les leurs, et tout cela a bien fusionné sur l’album. Je voulais une émulation de tous autour des chansons. En restant eux-mêmes, ils ont apporté un supplément d’âme et je pense que c’est aussi ce qui ressort sur le disque.

– Un mot sur les invités prestigieux qui figurent sur l’album. On a parlé de Joe Bonamassa et Josh Smith. Il y a aussi Christone ‘Kingfish’ Ingram, Roosevelt Collier et le grand Buddy Guy pour un magnifique duo. Ils ont tous un lien plus ou moins fort avec Little Jimmy King et sa musique. Ce sont des choix qui t’ont paru immédiatement évidents ?

Oui, car leur proximité avec lui était très forte, ainsi qu’avec sa musique. Donc, ça n’a pas été très compliqué de faire des choix, même si j’en avais encore d’autres en tête. Mais je me suis  arrêté sur eux et leur évidente connexion. J’avais vraiment envie qu’il participe à l’album. Je me suis aussi posé beaucoup de questions, notamment sur le fait d’avoir des invités sur chaque morceau. J’ai décidé finalement qu’il n’y en aura que quelques uns, mais ils ont des références, des significations et une importance directement liées à mon frère. C’était l’essentiel. Après, on aurait pu faire plus de reprises, bien sûr, mais je pense que réunir dix chansons était suffisant et amplement représentatif de la musique de Little Jimmy King.

– Enfin, l’album a été enregistré à Nashville, pas très loin de Memphis où vous avez grandi. C’était important aussi que l’album se fasse dans le Tennessee pour conserver cette chaleur et ce son qui vous suivent depuis toujours ?

Je pense que cela a aidé, oui. Mais, à mon avis, l’album aurait été tel qu’il est peu importe où on l’aurait enregistré. C’est surtout une question de valeurs communes. C’est vrai qu’il y a  un aspect sentimental à l’avoir réalisé dans le Tennessee. Etant donné le temps dont nous disposions, c’était le meilleur studio disponible à ce moment-là. J’avais perdu l’espoir de l’enregistrer à Memphis, donc nous l’avons fait à Nashville. Il y a de très bons studios à même de nous mettre dans les meilleures conditions pour ce que nous avions à faire. Et ça a vraiment été génial ! Et oui, je suis très heureux que l’album ait été enregistré dans le Tennessee, où mon frère est né et où il a vécu. Ca a été fantastique ! 

L’album hommage à son frère par ERIC GALES, « A Tribute to LJK », est disponible chez Mascot Records.

Photos : Jim Arbogast

Retrouvez également la chronique du dernier album d’ERIC GALES, « Crown » :

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Alternative Metal Alternative Rock International

Kalamity Kills : an explosive momentum [Interview]

Après avoir laissé une belle empreinte sur la scène Hard Rock américaine dans les années 90 avec son groupe Guardian, affilié à la scène chrétienne du genre, Jamie Rowe a disparu des radars un moment, avant de revenir avec un disque Country-Rock il y a quelques années. Mais sa passion pour le Hard Rock ne l’a jamais quitté et c’est en compagnie de Jamey Perrenot et d’un groupe complet qu’il fait aujourd’hui un retour explosif avec le premier album éponyme de KALAMITY KILLS. Cette fois, le frontman porte sa foi dans un Alternative Metal/Rock décapant entouré d’un groupe chevronné et de guests de renom. Entretien avec un artiste au regard lucide et déterminé.

– En préparant l’interview, je me suis replongé dans la discographie de Guardian et l’une des choses qui m’a étonné est que ta voix n’a pas bougé, s’est même consolidé et à gagner aussi en variations. Comment l’expliques-tu et cela te demande-t-il aussi un entretien particulier ?

Merci beaucoup ! Je ne peux vraiment pas expliquer pourquoi, mais j’ai fait de mon mieux pour préserver ce don que Dieu m’a fait. Je suis un peu plus âgé maintenant, donc ça peut être difficile de chanter les morceaux les plus aigus que j’ai enregistrés à 20 ans, mais j’y arrive bien. J’ai aussi récemment découvert l’impact de l’alimentation sur ma voix. Quand j’enregistre ou que je joue, j’essaie de jeûner avant, car ça semble réduire l’inflammation de mes cordes vocales.

– Pour rester un instant sur Guardian qui n’aura duré que le temps d’une belle décennie, ne nourris-tu pas quelques regrets, car c’est un groupe qui avait un potentiel énorme à l’époque ?

Non, je n’ai vraiment aucun regret. On a eu une belle carrière et on a encore aujourd’hui une base de fans fidèles. On était un groupe chrétien, mais on a toujours voulu être un groupe de Rock’n’Roll authentique. La musique était importante pour nous, tout comme le message. J’aurais parfois aimé qu’on ait plus de succès auprès du grand public, notamment avec les deux sorties chez  Sony, « Fire and Love » et « Miracle Mile », mais je ne peux pas me plaindre. On a parlé de se reformer pour enregistrer quelques nouveaux morceaux pour nos fans. Juste pour leur rendre la pareille. Mais je suis satisfait aujourd’hui créativement de KALAMITY KILLS.

– Ensuite, tu as participé à plusieurs projets jusqu’à sortir « This Is Home » en solo en 2019. Et il s’agit d’un album de Country Music. Certains ont du être surpris, non ? Pourquoi avoir pris ce virage surprenant par rapport à ton passé musical ?

Ah ! (Sourires) Oui, je me suis penché sur la Country pendant environ quatre ans. La Country moderne reprend beaucoup d’éléments du Hard Rock des années 80 que j’aimais. J’ai décidé de les intégrer aux chansons que j’écrivais et j’ai fait un album de Rock influencé par la Country. Je tiens également à préciser que j’avais pratiquement arrêté de faire de la musique, hormis l’écriture de quelques chansons à la maison, avant d’avoir l’occasion de faire cet album. C’était un bon départ pour moi, mais ma passion ultime, c’est le Hard Rock. Alors je suis revenu dans cette direction. Je dois aussi dire que c’est le fait d’avoir vu un clip de Rammstein au festival ‘Wacken Open Air’, qui m’a remis sur la voie. Je trouve que ce groupe fait une musique incroyable. Cela dit, je suis fier de « This Is Home », mais il est sorti en pleine pandémie mondiale, donc il n’a jamais vraiment eu l’occasion d’être entendu. Les gens avaient des préoccupations bien plus importantes.

– KALAMITY KILLS est aussi un nouveau virage, mais dans le sens inverse, puisqu’on te retrouve dans un registre plus familier. Tu avais besoin de renouer avec le Hard Rock et un Alternative Metal plus actuel ?

Comme je te le disais, c’est le fait de redécouvrir des groupes comme Rammstein, Rob Zombie, Disturbed et d’autres qui m’a redonné envie de faire du Hard Rock. J’ai tendance à écrire ce que je ressens et les chansons sont venues plus naturellement dans cette direction. Je pense que je maîtrise bien ce style et c’est aussi ce que j’aime écouter. J’ai une voix rauque qui ne demande qu’à se diffuser dans des chansons Rock.

– Depuis East Nashville, tu as donc fondé KALAMITY KILLS avec le guitariste et producteur Jamey Perrenot, qui a travaillé avec de grands noms de la Country Music surtout. Le groupe a beaucoup de caractère et montre beaucoup de force et d’authenticité. Quel était le projet initial entre vous deux ?

Jamey et moi nous sommes rencontrés lors d’un concert de Guardian en Argentine en 2007. On s’est bien entendus et on est devenu de bons amis. Il a même rejoint le groupe pour notre dernier album, « Almost Home ». On a également une belle alchimie musicale. Nous avions lancé un projet intitulé « The Lost Days Of Summer », mais on l’a laissé tomber, car je venais de me marier et ma vie était belle sans musique. J’étais aussi un peu découragé par le monde de la musique à l’époque. Mais comme tu peux le constater, je n’arrive pas à m’en défaire. Jamey a joué avec des pointures de la Country, mais c’est un disciple de Van Halen dans l’âme. L’authenticité est importante pour nous. Faire autre chose que ce qu’on a envie de faire à ce stade de notre vie n’a vraiment aucun sens. Qu’on nous aime ou qu’on nous déteste, c’est toujours ‘nous’.

– D’ailleurs c’est très surprenant, compte tenu de ta carrière, que tu aies effectué une campagne de financement participatif, via Kickstarter. Est-ce une question de méfiance vis-à-vis de l’industrie musicale actuelle à laquelle tu n’accordes peut-être plus ta confiance ? Et peut-être aussi un désir de totale liberté sur ta musique…

Je déteste l’industrie musicale à bien des égards, notamment ces derniers temps. Tant de supercheries, des faux streams aux faux abonnés… Au lieu de chercher et de développer des talents, elle a tendance à dénicher ceux qui font déjà un gros chiffre d’affaires sur TikTok et à les soutenir. C’est pourquoi on voit peu d’artistes plus anciens être signés. Kickstarter a été formidable : les gens disaient en gros : « On n’a pas entendu votre musique, mais on croit suffisamment en vous pour tenter notre chance ». Ces gens étaient notre maison de disques ! Jamey et moi avons créé PERO Recordings, notre propre label. Notre objectif est de trouver un bon partenaire de distribution et de marketing. Mais nous avons réussi à aller directement vers les gens… comme en témoigne d’ailleurs notre conversation ! (Sourires)

– Avant d’établir le line-up actuel, des musiciens de renom issus de Korn, 3 Doors Down, LA Guns, Conquer Divine et Underoath t’ont prêté main forte pour l’enregistrement. C’est un beau casting et un soutien incroyable. C’est aussi ce qui a permis à l’album de voir le jour plus facilement ?

C’était génial d’avoir des amis, nouveaux et anciens, qui participent à l’album et apportent leur talent. C’était aussi une façon de se démarquer dans un monde musical saturé. Nous avons fait appel à Ray Luzier sur de nombreux morceaux et il est devenu un proche du groupe. J’adore voir ses stories sur Instagram, où il voyage à travers le monde avec Korn en portant d’ailleurs souvent des t-shirts de KALAMITY KILLS sur ses photos. Aaron d’Underoath est quelqu’un que j’ai toujours admiré et le faire participer à une chanson touchante comme « Starry Skies (988) » était spécial, car son implication a permis à davantage de gens de comprendre le message de prévention du suicide. C’est quelque chose d’important pour nous tous. La musique de KALAMITY KILLS sera toujours celle de Perrenot et moi, mais si nous pouvons faire appel à des talents extérieurs au groupe pour la renforcer, nous sommes tous partants !

– Si l’album est brut et puissant, il contient aussi de nombreux éléments électroniques. Ils prennent d’ailleurs parfois beaucoup de place, mais les guitares viennent toujours empêcher la bascule. Ces arrangements assez synthétiques font-ils aussi partie intégrante de KALAMITY KILLS, même si le Rock reste la dominante ?

Personnellement, j’adore la programmation dans le Hard Rock… Les accents électroniques et indus seront toujours présents dans notre musique. Nous sommes avant tout un groupe de guitare, mais nous apprécions la dynamique que ces éléments apportent à nos chansons.

– Ce nouvel album est massif, incisif et surtout il s’inscrit dans un registre résolument moderne dans sa production comme dans l’écriture. Et au regard de tes dernières années musicales, on peut même le percevoir comme un nouveau départ. Est-ce aussi comme cela que tu le vois et l’envisages ?

Oui, c’est vraiment un nouveau départ. C’est un groupe vraiment libre et authentique, qui n’a pas beaucoup de règles à respecter, voire aucune. On veut juste sortir notre musique et trouver les gens qui l’apprécieront. C’est vraiment frais et très excitant. C’est pour cette raison que je n’ai pas utilisé Guardian comme élément d’accroche pour les médias, par exemple. J’ai laissé le groupe vivre sa propre vie. Et jusqu’ici, tout va bien ! (Sourires)

– Enfin, depuis Guardian, tu es affilié à la scène Metal/Rock chrétienne. As-tu toujours le sentiment d’en faire partie, car des chansons comme « Hellfire Honey » et « Sinners Welcome » pourraient être perçues avec un peu d’ambiguïté par certains ?

Je crois inconditionnellement en Christ. Mais d’autres personnes impliquées dans le groupe ont aussi leurs propres croyances. Même si j’ai passé une grande partie de ma vie dans ce milieu, je n’aime pas l’idée de ‘musique chrétienne’ de nos jours… Soyez juste honnête dans vos propos et appelez ça tout simplement de la musique. Comme j’ai la foi, cela se verra probablement d’une manière ou d’une autre, car cela fait partie de moi et de ma personnalité. Mais encore une fois, je veux juste faire de la musique et pas aller prêcher auprès de qui que ce soit.

L’album éponyme de KALAMITY KILLS est disponible sur le label du groupe, PERO Recordings, et toutes les plateformes.

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Alt-Country Americana Country-Rock

Rodney Crowell : riding the pleasure

Country-Rock, Americana Blues ou Folk épuré, RODNEY CROWELL ne cherche plus à se contenter d’une chapelle. Il les embrasse toutes. Dans l’atmosphère humide de la Louisiane, l’Américain semble avoir renoué avec un passé fait de joie et d’enthousiasme. Entouré de jeunes musiciens aussi respectueux que talentueux, il a développé une énergie exceptionnelle à travers ce lien intergénérationnel, qui offre un souffle artistique électrisant à ce « Airline Highway » à la narration captivante et au jeu enveloppant.

RODNEY CROWELL

« Airline Highway »

(New West)

Lorsque l’on se plonge dans la discographie de RODNEY CROWELL, dont le premier disque « Ain’t Living Long Like This » est sorti en 1978, c’est assez fascinant de s’apercevoir qu’à l’époque l’Outlaw Country, malgré Johnny Cash et Willie Nelson, l’Americana et surtout l’Alternative Country étaient des registres plus que confidentiels, voire quasi-inexistants. Autant dire que la musique du Texan est un peu tout ça à la fois, sans oublier un côté bluesy, Soul et Rock qui fait ce grain si particulier qui parcourt son style inimitable. Pourtant, avec « Airlines Highway », il continue de se projeter en s’entourant remarquablement.

Sur son vingtième album, RODNEY CROWELL a mis au profit de belles rencontres pour continuer à aller de l’avant et pousser encore un peu plus ce mélange des styles. La première d’entre elles est celle avec Tyler Bryant, chanteur et guitariste de The Shakedown, qui produit et joue sur « Airline Highway » que tout ce petit monde est allé enregistrer en Louisiane dans le studio de Trina Shoemaker. Et le nom de ce nouvel opus ne doit rien non plus au hasard, puisque c’est celui de l’historique, et très cabossée, route reliant la Nouvelle-Orleans à Baton Rouge. Un symbole pas si anodin qu’il n’en a l’air.

Si le songwriter reste fidèle à une écriture directement inspirée de celle de Nashville, il élargit encore et toujours sa palette, accompagné d’un groupe redoutable de musiciens d’Austin et de quelques guests triés sur le volet. A leur côté, RODNEY CROWELL montre une incroyable connivence avec la chanteuse Ashley McBride (« Taking Flight »), Lukas Nelson (« Raining Days In California »), Charlie Starr des Blackberry Smoke (« Heaven Can You Help »), Tyler Bryant bien sûr, et surtout les sœurs Lovell de Larkin Poe pour les harmonies et les slides de l’ensemble de la réalisation. Une vérité très bien entretenue.   

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International Southern Rock

Robert Jon & The Wreck : the road is the source [Interview]

En choisissant de quitter la Californie pour se délocaliser en Georgie et en faisant le choix d’un producteur multi-awardisé, ROBERT JON & THE WRECK a bousculé ses habitudes et le résultat s’entend sur ce « Heartbreaks & Last Goodbyes » d’une folle énergie, d’une fluidité incroyable et surtout d’une créativité de chaque instant. Ce nouvel album des Américains est complet et sobre tout en étant d’une grande richesse musicale. Le groupe a franchi une à une les étapes, et près de 15 ans après sa création, il se montre épanoui dans un Southern Rock devenu très personnel. Robert Jon Burrison, guitariste et chanteur du quintet, revient sur ce dixième album et les efforts accomplis ces dernières années par sa formation.

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on revienne sur ces cinq dernières années, car « Last Light On The Highway » semble vraiment avoir été un déclic dans votre carrière. En l’espace de cinq ans, vous avez sorti cinq albums studio et deux live, sans compter un nombre impressionnant de concerts. Est-ce que, pour vous aussi, tout s’est soudainement accéléré à ce moment-là ?

Oui, je dirais que depuis « Last Light On The Highway », nous n’avons jamais été aussi occupés. Avant l’album, nous n’avions pas de réel représentant aux Etats-Unis. Après notre partenariat avec Journeyman Records et Intrepid Artists ici, et notre collaboration de longue date avec Teenage Head Music pour l’Europe, il était donc naturel de travailler davantage et surtout de faire davantage ce que nous aimons.

– « Heartbreaks & Last Goodbyes » est votre troisième album chez Journeyman Records, le label de Joe Bonamassa. Est-ce que cette signature aussi a changé le quotidien du groupe et pu ouvrir les portes que vous escomptiez ?

Cela nous a surtout permis de bénéficier d’une véritable équipe sur laquelle nous pouvons compter pour presque tout. Cela nous a aussi permis de continuer à progresser tout en faisant tout le reste en même temps. Notre relation est excellente, car les deux parties s’entraident en poursuivant l’effort dans la direction que nous jugeons la plus appropriée au bon moment.

– Sans remettre bien sûr en cause le travail de Kevin Shirley sur « Red Moon Rising » et celui de ses prédécesseurs, c’est cette fois le grand Dave Cobb qui signe la production de l’album. Vu son incroyable parcours, il apparaît comme l’homme de la situation. Comment a eu lieu la première prise de contact et votre rencontre ? Et est-ce vous qui êtes allés vers lui ?

Il était dans le collimateur du groupe depuis longtemps, sachant qu’il avait produit des artistes comme Rival Sons dès 2009. On avait donc toujours ce nom en tête, tout en continuant à avancer dans la vie, à faire de la musique, à rencontrer des gens et à trouver le bon soutien. Puis le moment est arrivé et on a enregistré deux morceaux avec lui pour le double EP « Ride Into The Light ». On a super bien travaillé ensemble, donc on savait qu’on voulait renouveler l’expérience avec lui sur un album complet un jour ou l’autre. Après « Red Moon Rising », l’opportunité s’est présentée et ça a marché !

– D’ailleurs, la production sonne très live et organique et est vraiment le reflet du groupe sur scène. Avez-vous l’impression, comme moi, qu’il a parfaitement su saisir votre identité artistique et musicale ?

Oui, je pense que cet album reflète parfaitement qui nous sommes. Nous avons pu rester ensemble tout au long du projet, nous y consacrer pleinement, sans trop de distractions, et nous avons tout donné. Nous travaillons en cohésion sur de nombreux aspects de l’écriture, qu’il s’agisse des paroles ou des parties instrumentales. Si quelqu’un a une idée, nous la développons tous ensemble. Je pense donc que cet album reflète vraiment l’identité artistique de ROBERT JON & THE WRECK.

– Pour l’enregistrement de l’album, vous avez aussi quelque peu changé vos habitudes puisque vous êtes restés à Savannah en Georgie durant tout le processus. J’imagine que cela renforce aussi la cohésion d’un groupe et peut-être également votre modèle de composition. En quoi cette immersion complète a pu vous faire évoluer ?

J’en ai un peu parlé, mais oui, c’était différent pour nous. Avant, quand on enregistrait à Los Angeles, on allait au studio le matin et on rentrait chez nous tous les soirs. C’est toujours agréable d’être en famille, et aussi difficile d’être loin d’elle aussi longtemps. Mais c’est également une bonne chose de se concentrer uniquement sur l’album et d’en faire son seul objectif pendant une semaine environ. De plus, en étant tous réunis, on avait l’impression d’être tous sur la même longueur d’onde pendant l’enregistrement, ce qui, je pense, a contribué à la cohésion du son de l’album.

– Je ne sais pas si Dave Cobb vous a permis d’avoir un regard neuf sur votre travail en vous délivrant ses précieux conseils, mais on vous sent beaucoup plus libérés, plus spontanés aussi et surtout vous offrez différentes facettes du groupe avec la même intention dans le jeu. Est-ce que le maître-mot de « Heartbreaks & Last Goodbyes » a été d’être plus le plus brut, direct et authentique possible ?

Oui, nous voulions être aussi authentiques que possible. Et comme nous progressons aussi constamment en tant qu’auteurs-compositeurs et musiciens, il faut vraiment avoir cette volonté d’être bruts et directs, car ce n’est pas toujours si facile.

– Peut-être est-ce l’effet combiné de votre collaboration avec Dave Cobb, et aussi Greg Gordon pour le mix, et le fait que vous soyez restés en Georgie tout l’enregistrement, mais vos racines Southern ressortent beaucoup plus avec des sonorités Country plus présentes et un côté Classic Rock moins visible. Est-ce que tu penses que tout cela est lié d’une certaine manière ?

Je pense qu’il est difficile de ne pas ressentir ces racines sudistes et ces sonorités Country quand on est, en fait, dans le Sud et à la campagne. Pour moi, c’est assez simple : l’endroit où l’on se trouve influence vraiment nos décisions, la sonorité de notre musique et les décisions que nous prenons. Tout est donc lié, et si nous avions enregistré le même disque à Los Angeles, il aurait sonné différemment. C’est indéniable.

– Et il y a aussi cette collaboration avec John Oates que l’on connait pour son légendaire duo avec Daryl Hall, qui a coécrit « Long Gone » avec vous. C’est l’un des moments forts de l’album et il raconte une belle histoire. Comment cela s’est-il passé au niveau de l’écriture ? Avez-vous travaillé le texte et la musique ensemble ?

Nous avons rencontré John lors d’une des nombreuses croisières de Joe Bonamassa, ‘Keeping The Blues Alive At Sea’, auxquelles nous avons participé. De là, nous avons discuté de l’idée d’écrire quelque chose ensemble et le timing était parfait pendant l’un de nos séjours à Nashville. Nous nous sommes donc retrouvés et nous avons travaillé sur quelques idées. J’adore le résultat qu’on a obtenu, car la chanson a connu de nombreuses évolutions, en passant du Swing bluesy au Rock pur et dur, et l’incroyable esprit de Dave (Cobb – NDR) l’a amenée là où elle est aujourd’hui.

– Pour « Heartbreaks & Last Goodbyes », vous avez à nouveau présenté la moitié de l’album avec plusieurs singles avant la sortie officielle. C’est vrai que les plateformes numériques ont changé la donne et les réseaux sociaux aussi, mais ne regrettez-vous pas l’époque où l’on découvrait l’ensemble d’un disque à sa parution ? Aujourd’hui, est-ce que cette présence constante est devenue presque obligatoire, selon toi ?

C’est une question d’essais et d’erreurs. Avec l’industrie musicale actuelle, je ne pense pas qu’il y ait franchement une ‘bonne’ façon de procéder. On a testé cette nouvelle idée de sortir des singles, à cause du fonctionnement d’Internet, avec tous ces algorithmes et ces trucs que je ne comprends pas vraiment. Mais bon, il faut essayer, sinon on ne saura jamais. Le prochain album sera-t-il livré de la même manière ? Peut-être, ou peut-être pas. On le saura quand on y sera. Je pense qu’il y a tellement de gens dans le monde que chacun a une idée différente de la façon dont la musique devrait être diffusée, ou consommée. Notre espoir est que les gens se connectent à notre musique et ressentent quelque chose en l’écoutant.

– Enfin, avec ce rythme effréné entre les concerts et les enregistrements, avez-vous pris dorénavant l’habitude de composer surtout en tournée ? Finalement, cette énergie n’est-elle pas la meilleure source d’inspiration pour vous ?

Je pense que la route est une source d’inspiration majeure pour le groupe, mais je crois que nous composons la plupart de nos morceaux à la maison. Nous avons bien sûr profité des balances avant les concerts pour lancer des idées et voir ce qui colle, puis nous rentrons à la maison pour tout mettre en place. On n’a pas autant de temps qu’on le pense sur la route pour se poser et réfléchir. Mais nous aurons bientôt un peu de repos bien mérité cet automne grâce à l’arrivée de nouveaux membres dans nos familles, alors nous avons hâte de nous remettre à l’écriture.

ROBERT JON & THE WRECK

« Heartbreaks & Last Goodbyes »

(Journeyman Records)

En faisant appel à Dave Cobb pour la production de son nouvel album, le quintet s’est adjoint les services de celui qui lui manquait sûrement le plus depuis ses débuts. Reconnu pour son travail avec Chris Stapleton, Brandi Carlile, John Prine, Sturgill Simpson, Whiskey Myers pour le côté Country et Southern, mais aussi Rival Son, Halestorm, Slash, Sammy Hagar ou Greet Van Fleet dans des registres plus musclés, il est le producteur dont avait besoin ROBERT JON & THE WRECK, dont les derniers disques étaient peut-être un peu lisses.

« Heartbreaks & Last Goodbyes » incarne littéralement cette nouvelle vague sudiste dont les Californiens sont devenus en peu de temps des fers de lance. Plus bruts et organiques, les nouvelles compositions sont resplendissantes, accrocheuses, vivifiantes et l’osmose entre les musiciens est encore plus palpable. Si les singles ont déjà offert un bel aperçu de ce nouvel opus, les autres titres à découvrir sont autant de belles surprises, qui s’imbriquent parfaitement dans un ensemble rayonnant et finalement très attachant et chaleureux.

Photos : Rob Bondurant (1, 2, 3, 4) et Denis Carpentier (5)

Retrouvez les anciennes interviews du groupe…

… et quelques chroniques de leurs albums :

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Blues Rock Soul / Funk

Patrick Sweany : driven by truth

Avec « Baby, It’s Late », PATRICK SWEANY va encore plus loin dans sa recherche d’un Blues électrique et universel. Rock, Funky et Soul, ce nouvel opus dégage une proximité dense et explosive. Particulièrement bien accompagné, son chant se fait également plus profond et le côté très organique du son met en évidence une écriture efficace et accrocheuse. Et l’enregistrement à l’ancienne offre un aspect luxuriant et chaleureux à l’ensemble

PATRICK SWEANY

« Baby, It’s Late »

(Nine Mile)

Bluesman accompli et redoutable homme de scène, le natif de l’Ohio basé à Nashville depuis de nombreuses années fait enfin son retour sept ans après « Ancient Noise ». Non qu’il soit resté les bras croisés, bien au contraire, PATRICK SWEANY a enchaîné les concerts tout en mettant sur pied deux formations. Avec The Tigers Beats, il s’est consacré au répertoire Blues des années 50 et 60, tandis qu’avec Super Felon, le quintet est plus axé sur la Soul et le Funk. De quoi s’ouvrir des horizons nouveaux et rompre avec la routine.

Et durant tout ce temps, l’Américain n’a pas cessé non plus de composer de nouvelles chansons. Ce sont d’ailleurs des musiciens issus de ses deux groupes qui l’accompagnent sur « Baby, It’s Late » et le feeling qui les lie est juste phénoménal. C’est dans un Blues Rock brut, au groove épais et rugueux que PATRICK SWEANEY se déploie et laisse s’échapper aussi de subtiles ballades pleines d’émotion (« Christmas Parade » et « See Through »). Le style est direct et sans fioriture et il se montre littéralement habité par son jeu.

Signe  d’une  grande maturité artistique acquise après plus de 25 ans de carrière, le chanteur, guitariste et songwriter s’est occupé lui-même de la production de ce onzième album studio. Enregistré en deux jours seulement et en conditions live avec ses partenaires, « Baby, It’s Late » est d’une authentique sincérité et PATRICK SWEANY affiche la vérité d’un leader à la fois solide et sensible. En quête d’immédiateté, c’est un Blues très instinctif aux sensations Southern et avec une fraîcheur d’âme intemporelle qu’il présente. Intense !

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Hard Rock Rock US

Buckcherry : l’effet tornade

Revigoré depuis le très bon « Vol. 10 » sorti il y a deux ans, le gang de Los Angeles continue sur sa lancée et les cinq rockeurs semblent même au sommet de leur art. Bâti sur un Rock US ravageur et débridé, le Hard Rock de BUCKCHERRY est d’une totale sincérité et d’un impact sans limite. Avec beaucoup de caractère, il fait le lien entre des mélodies accrocheuses et une puissance de feu rugissante. « Roar Like Thunder » est aussi redoutable qu’addictif. Une bonne beigne !

BUCKCHERRY

« Roar Like Thunder »

(Earache Records)

Onzième album en l’espace de 30 ans pour les Américains, qui confirment avec « Roar Like Thunder » que le virage vers un Hard Rock plus direct et est devenu leur véritable cheval de bataille. BUCKCHERRY est revenu aux fondamentaux, délaissant un Alternative Rock assez convenu et surtout ultra-formaté pour les radios US, afin de laisser place à une explosivité déjà sous-jacente depuis longtemps pour offrir enfin tout son potentiel. Et, rangé derrière le phénoménal Josh Todd, certains aspects plus costauds refont surface avec éclat.

Frais et spontané, BUCKCHERRY renoue donc avec une attitude plus Sleaze, presque Punk, sur des morceaux taillés pour la scène et nerveux à souhait (« Crazy Bitch »). Côté guitares, Stevie Dacanay et Billy Rowe s’en donnent à cœur-joie et affichent une belle complicité. Les titres composés par leur fondateur et frontman avec le producteur Marti Frederiksen sont probablement les meilleurs depuis un moment, et l’air de Nashville, où a eu lieu  l’enregistrement, semble avoir fait du bien au groupe, tant il bouillonne de plaisir.

Dès le morceau-titre qui ouvre les festivités, on sent la ferveur et l’enthousiasme qui envahissent ce « Roar Like Thunder » d’un claquement de doigt. Inspiré et déterminé, BUCKCHERRY livre un opus estampillé 100% californien, dont on avait presque oublié l’authenticité de la saveur (« Come On », « Talkin’ Bout Sex », « Blackout », « Machine Gun », « Let It Burn »). Vivant et dynamique, le quintet n’a rien perdu de son jeu et, au contraire, paraît plus tranchant et malicieux que jamais. Une tornade !

Photo : Tommy Sommers

Retrouvez les chroniques des albums précédents :

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Classic Rock Southern Rock

The Speaker Wars : rockin’ peace

Faire dans la nouveauté à Nashville n’est pas l’exercice le plus facile, c’est vrai. Cependant, élever le niveau et produire un album de qualité en jouant sur une monumentale expérience et un talent qui n’est plus à prouver depuis longtemps est largement dans les cordes de THE SPEAKER WARS. Son Classic Rock teinté de Southern ne souffre d’aucune faille et le plaisir des protagonistes s’entend même sur chaque chanson. « The Speaker Wars » est de ces disques à mettre entre toutes les mains.

THE SPEAKER WARS

« The Speaker Wars »

(Frontiers Music)

Il y a des rencontres qui font des étincelles et qui semblent même être le fruit du destin. Celle entre le songwriter texan Jon Christopher Davis et l’emblématique Stan Lynch en fait clairement partie. Pour rappel, ce dernier est membre du Rock And Roll Of Fame, a fondé les célèbres Heartbreakers de Tom Petty avec qui il a œuvré durant deux décennies avant d’écrire, avec succès, pour des artistes comme les Eagles, Don Henley, The Byrds, Toto ou The Fabulous Thunderbirds. Les bases sont donc solides chez THE SPEAKER WARS.

Les deux compositeurs se sont rapidement attelés à l’écriture, à Nashville, puis se sont mis en quête de musiciens. Aux côtés de Jan Michael Smith (guitare), Brian Patterson (basse), Steve Ritter (percussions) et Jay Brown (claviers), Jon Christopher Davis a pris le micro et Stan Lynch retrouve enfin sa batterie avec un sens du groove imparable. Autant dire que ça ronronne et nos deux têtes pensantes ont fait de THE SPEAKER WARS un groupe vraiment efficace et dont ce premier album éponyme ne devrait être qu’un début.

C’est à Denton, Texas, que le sextet a enregistré ce très organique « The Speaker Wars » d’où émane une douce nostalgie, celle d’un Classic Rock entre tradition et saveurs sudistes. Et si l’on retrouve quelques références notables, THE SPEAKER WARS tire magnifiquement son épingle du jeu. Après une entame très Rock et relevée, les Américains présentent une seconde partie plus Southern avec émotion et sur des mélodies entêtantes (« It Ain’t Easy », « Never Ready To Go », « When The Moon Cries Wolf », « Sit With My Soul »). Savoureux !

Photo : Michelle Ganeles