Véritable guitar-hero du Blues, TINSLEY ELLIS est allé s’installer sur les rives du Mississippi pour composer l’essentiel de « Naked Truth », qui contient aussi trois reprises qu’on peut très facilement d’ailleurs qualifier de remerciements. Produit par ses soins, à l’exception d’une chanson par son voisin Eddie 9V, ce nouvel opus le dévoile, pour la première fois en plus de 40 ans de carrière, dans un registre très épuré et acoustique. Une façon simple et évidente d’explorer un Folk Blues mâtiné de Country Blues avec une élégance toute naturelle.
TINSLEY ELLIS
« Naked Truth »
(Alligator)
Habituellement plutôt échaudé à un Blues enflammé et flamboyant, c’est en toute intimité que TINSLEY ELLIS se présente cette fois avec un album qui lui tient à cœur depuis de longues années et qu’il a enfin pris le temps de réaliser. Intimiste donc, même si l’on retrouve toujours cette ardeur légendaire, « Naked Truth » est le 21ème album du bluesman et il est entièrement acoustique. Le musicien basé à Atlanta s’est imprégné d’un Folk-Blues très traditionnel, qui puise ses racines chez Muddy Waters, Robert Johnson ou encore Skip James. Une plongée dans ce que l’Amérique a de plus profond et emblématique.
Avec ce disque, dont le titre parle de lui-même, on ne met pourtant pas bien longtemps à retrouver la vigueur et la passion de TINSLEY ELLIS à l’œuvre sur ces morceaux récemment composés, auxquels s’ajoutent trois reprises pour le moins significatives de son parcours. Enregistré dans des conditions live, le songwriter est simplement accompagné d’une Martin de 1969 offerte par son père et d’un dobro National Steel O Series de 1937, les amateurs de cordes scintillantes apprécieront… Entre slide et picking, ce n’est pas tant la technique qui impressionne ici, mais surtout ce côté sans fard et d’une extrême fluidité.
Toujours très appliqué bien sûr, il plane cependant un air de récréation sur « Naked Truth » où la joie de jouer, et de finalement se laisser guider par les morceaux, jaillit des doigts de TINSLEY ELLIS. Il s’amuse et l’on devine son sourire. Majestueux sur les covers de Son House (« Death Letter Blues »), Willie Dixon (« Don’t Go No Further ») et du grand Leo Kottke (« The Sailor’s Grave On The Prairie »), il brille sur « Devil In The Room », qui ouvre le bal sur un rythme d’enfer. Délicat sur les instrumentaux « Silver Mountain », « Alcovy Breakdown » et « Easter Song », l’Américain est impérial de bout en bout (« Windowpane »).
Avec autant de chanteurs que d’albums à son actif, ART OF ANARCHY a finalement livré trois réalisations qui finissent par lui ressembler. Il faut dire que ses fondations sont solides et que ses membres parviennent toujours à ajuster leurs compositions au timbre vocale du nouveau venu. C’est encore le cas avec Jeff Scott Soto, qui fait parler l’expérience, sur ce « Let There Be Anarchy », qui ouvre peut-être un nouveau chapitre, tant l’harmonie est flagrante.
ART OF ANARCHY
« Let There Be Anarchy »
(Pavement Entertainment)
ART OF ANARCHY, c’est avant tout une aventure commencée en 2011 par Ron ‘Bumblefoot’ Thal et les frères jumeaux Votta, Jon à la guitare et Vince derrière les fûts. Et pour ce qui est de ce socle fondateur, il est toujours en place, malgré une histoire chaotique faite de désaccords et aussi de deuil. C’est Scott Weiland de Stone Temple Pilots, qui œuvra sur l’opus éponyme des Américains en 2015, et que l’on retrouvera mort dans son tour bus après avoir quitté le groupe. Puis, c’est Scott Stapp de Creed que l’on retrouve au chant sur « The Madness » en 2017, avant d’acter son départ l’année suivante.
Après deux chanteurs de ce calibre, il fallait donc à ART OF ANARCHY un frontman à la hauteur des espoirs et des attentes du quintet, dont Tony Dickinson (ex-Trans-Siberian Orchestra) tient d’ailleurs basse aujourd’hui. Et c’est Jeff Scott Soto, qui a notamment laissé une trace indélébile sur « Rising Force » (1984) et « Marching Out » (1985) d’Yngwie J. Malmsteen, que l’on retrouve derrière le micro. Une reprise de flambeau très largement à sa portée, mais on ne peut s’empêcher de regretter un tel gâchis de talent depuis les débuts du combo. L’anarchie dans toute sa splendeur !
En revanche, il faut reconnaître à ART OF ANARCHY une qualité qui fait sa force, c’est celle d’avoir réussi à adapter son jeu à une nouvelle couleur vocale à chacune de ses productions. Et c’est encore le cas sur « Let There Be Anarchy », taillée sur mesure pour un Soto au meilleur de sa forme. Il se fond et surnage même dans de nouvelles compos massives et musclées. Le Hard Rock très Heavy affiché ici va comme un gant au frontman, plus aiguisé que jamais, et parfaitement en phase avec ses partenaires (« Die Hard », « Echoes Your Madness », « Dying Days », « Rivals », « Vilified »). Enfin, l’heure de la stabilité ?
Pionnier de cette nouvelle génération de formations Southern à s’être émancipée d’un certain public pour en conquérir d’autres, BLACKBERRY SMOKE prouve, s’il était encore nécessaire, qu’il est ce grand représentant d’une musique typiquement sudiste qui vit, bouillonne et rayonne dorénavant comme au temps des Lynyrd Skynyrd, Allman Brothers Band, 38 Special et autres Molly Hatchet. « Be Right Here » est entraînant, joyeux, électrique, brut et d’une ferveur aussi palpable que confiante. Une réussite totale !
BLACKBERRY SMOKE
« Be Right Here »
(3 Legged Records/Thirty Tigers)
Avec « Your Hear Georgia » en 2021, BLACKBERRY SMOKE avait laissé beaucoup de fans sur leur faim, tant la déception fut grande. Cela n’a pas remis en question la grande qualité de ses prestation scéniques et encore moins celle de sa discographie, mais cela avait dévoilé certaines limites créatives. Cela dit, on peut aussi se dire qu’il ne s’agissait que d’un simple coup de mou, comme cela arrive chez la majorité des groupes. Car « Be Right Here » vient remettre quelques pendules à l’heure, et avec la manière. Techniquement imparable, le groove et les mélodies sont au rendez-vous, au même titre que l’inspiration et le feeling.
BLACKBERRY SMOKE retrouve ici son Southern Rock, le vrai, celui qui est gorgé de Country, de Blues et d’Americana. Et ce retour à une authenticité dissoute sur le précédent album donne cette belle sensation de liberté retrouvée, cette légitimité qui fait la force des Américains et qui les a très justement désignés comme le renouveau du Rock Yankee, après des années 70 désormais lointaines. Etonnamment, même le producteur Dave Cobb (Chris Stapleton, Jason Isbell), grand habitué et faiseur de disques très mainstream, est parvenu à rendre au groupe, avec « Be Right Here », ce son live et spontané, qui le rend si identifiable.
Enregistré entre Nashville et Savannah en Georgie, ce huitième opus dégage une sincérité que cette apparente simplicité rend immédiatement positive. Au chant, Charlie Starr surfe sur un groove roots et enthousiaste et donne brillamment le change à Paul Jackson avec qui il forme un somptueux duo de guitaristes. De « Dig A Hole » à « Barefoot Angel”, en passant par « Don’t Mind If I Do », « Little Bit Crazy », « Like I Was Yesterday » ou les plus délicats « Other Side Of The Light », et « Whatchu Know Good », BLACKBERRY SMOKE n’a pas à se forcer pour exceller dans un registre qu’il incarne autant qu’il le respire… à pleins poumons !
Depuis sa création il y a près de cinq décennies, THE OBSESSED n’a jamais trahi la cause : elle sera Heavy et Doom, ou ne sera pas ! Et l’inflexible Wino, père fondateur de l’institution, veille au grain. « Gilded Sorrow » s’inscrit donc dans cette tradition, cette patte qui a fait des Américains l’un des précurseurs du genre, mais aussi l’un de ses plus fidèles représentants. Sur une production ténébreuse, on se laisse porter par ce chant si particulier, ses guitares imposantes et cette rythmique lourde et massive…. avec la même délectation.
THE OBSESSED
« Gilded Sorrow »
(Ripple Music)
C’est en 1976 à Potomac, Maryland, que Scott ‘Wino’ Weinrich a posé les fondations de THE OBSESSED, encore baptisé Warhorse. Quatre ans plus tard, le groupe fait sa mue et s’apprête à marquer les esprits, malgré un parcours pour le moins atypique. Un EP en 1983, « Sodden Jackal », puis un premier album éponyme, qui ne sortira finalement qu’en 1990, suffiront à façonner le mythe. Deux autres disques suivront en 1991 et en 1994 avant la séparation. Mais le trio était déjà entré dans la légende et il se pose alors dans l’inconscient Metal collectif.
Après avoir rejoint la Californie pour Saint Vitus, Wino fonde Spirit Caravan, puis Shine. C’est en 2017 que THE OBSESSED renaît de ses cendres et dans une formule en quatuor. « Sacred » remet le groupe sur de solides rails plus de 20 ans après « The Church Within » et s’impose sur la scène Metal underground américaine. Basé sur un Heavy Metal radical et des ambiances Doom écrasantes, ces réalisations sont devenues des classiques et c’est dans cette même veine que se déploie « Gilded Sorrow », le cinquième monument. Le morceau-titre est d’ailleurs un modèle du genre et presqu’une signature.
La recette est restée identique. Old School et hargneux, le Heavy Metal de THE OBSESSED évite le superflu pour aller à l’essentiel sur des riffs acérés et bruts dont l’objectif est une efficacité de chaque instant. Epais, groovy et sombre, « Gilded Sorrow » garde toujours cet esprit vintage, mais avec beaucoup de fraîcheur dans le jeu. Rugueux et massifs, les neuf titres nous propulsent sans ménage dans des atmosphères saisissantes et obscures (« Daughter Of An Echo », « The Obsessed », « Stone Back To The Bomb Age », « Wellspring-Dark Sunshine », « Jailine »). Déjà essentiel !
Feutré et sensuel, tout en dégageant une énergie brute, le Blues teinté de Soul et de R&B d’OTILIA DONAIRE est autant un appel à la danse qu’à une écoute très attentive. En effet, riche d’une section cuivre dynamique, il combine divers univers pour n’en faire qu’un. Soutenue par de belles guitares et des claviers chaleureux, l’Américaine vient de livrer « Bluesin’ It Up », un album qui se veut très personnel et fédérateur. De quoi enthousiasmer un large panel d’amoureux des notes bleues. Rencontre avec une chanteuse à la voix suave et puissante.
– Ton album « Bluesin’ It Up » vient de sortir, mais à t’écouter chanter, on se doute que tu n’en es pas à ton premier coup d’essai. Peux-tu revenir sur ton parcours et les étapes qui ont forgé ton style et ta voix ?
J’ai toujours eu une certaine prédisposition pour le chant, mais je n’ai commencé à faire de la musique professionnellement qu’en 2009, après avoir terminé mon atelier de performance en groupe à la ‘Blues Bear School of Music’ de San Francisco. C’est mon instructeur, feu le bluesman de San Francisco, Johnny Nitro, qui m’a fortement encouragé à chanter le Blues. Mon premier CD avec, disons, un guitariste anonyme, était horrible et lorsque j’ai quitté ce groupe en 2014, j’ai enfin pu naviguer de manière plus créative avec l’aide de mon bassiste, Chris Matheos et du guitariste Joe Lococo. J’ai enfin eu un contrôle créatif total et je suis restée fidèle à mon propre style vocal, embrassant le timbre naturel de ma voix. Koko Taylor, la regrettée icône du Blues de Chicago et qui a également un grain assez brut, est l’une de mes principales influences musicales.
– Tu es chanteuse, leader de ton groupe et également compositrice. Est-ce que tu écris paroles et musique et as-tu un instrument de prédilection, car cet album est musicalement très riche et dense ?
J’écris les paroles et je compose avec mon bassiste, Chris Matheos et mon guitariste Joe Lococo. Je ne sais ni lire, ni écrire la musique, mais je peux l’entendre dans ma tête et j’ai la capacité de la traduire en sachant quel style et quel tempo jouer, y compris au niveau des mélodies, des riffs et des solos. Je n’ai pas vraiment d’instrument de prédilection, mais j’apprécie la guitare slide électrique et les claviers up-tempo. J’adore le Chicago Blues et j’ajouterai aussi de l’harmonica sur mon prochain album, ainsi que de la flûte.
– Justement, pour l’essentiel, tes morceaux sont guidés par les claviers, que ce soit le piano ou l’orgue. Le Blues est pourtant très souvent porté par la guitare. Tu as toujours procédé ainsi ?
En fait, je n’avais pas le budget pour ajouter des claviers et des cuivres sur mon dernier EP, « Queen Bee ». Alors, j’ai pris certaines de ces chansons et je les ai réarrangé, soit en les réenregistrant, soit en ajoutant des claviers et/ou des cuivres. Je joue désormais davantage de concerts live de cette manière, avec des claviers, car le son est beaucoup plus riche. Ils ont été enregistrés séparément dans les home-studios des deux claviéristes, qui jouent sur l’album : Greg Rahn et Pamela Charles-Arthur, qui est ma claviériste actuelle de la SF Bay Area. Pamela est dynamique et talentueuse, et c’est merveilleux de partager et de diffuser une énergie féminine si féroce sur scène avec elle.
– Il y a un autre élément qui domine sur « Bluesin’ It Up », ce sont les cuivres qui sont omniprésents, un peu à la façon d’un Big Band. Ce sont des orchestrations qui t’inspirent beaucoup, car on y perçoit également quelques touches jazzy ?
Je n’ai généralement pas le budget nécessaire pour ajouter des cuivres à la plupart de mes concerts, mais mon objectif est faire plus de spectacles avec un groupe complet, incluant claviers, saxophone et trompette. Je chante avec mon cœur et j’aime aussi le Blues jazzy, donc il y a une influence de Billie Holiday sur quelques-unes de mes chansons. Daniel Casares, saxophoniste de SF Bay Area, a écrit la plupart des sessions cuivre et je suis très satisfaite du son Soul et jazzy qu’il a ajouté aux arrangements.
– Par ailleurs, il y a un grand nombre de musiciens qui t’accompagnent sur « Bluesin’ It Up ». Est-ce que tu considères cet album comme l’œuvre d’un collectif ou, plus simplement, tu souhaitais avoir leur présence à tous sur ces 12 morceaux ?
C’est un album collectif et collaboratif, c’est vrai. Je savais ce que j’attendais de chaque musicien et je leur ai donné toute la liberté d’apporter des idées, de créer des arrangements et des solos. C’était génial d’avoir des cuivres à fond sur certaines chansons et sur mon prochain album, ce sera le cas pour chaque morceau.
– Parallèlement, est-ce que tu as un groupe fixe pour les concerts ? Quelques musiciens attitrés qui te suivent depuis longtemps ?
J’aime jouer avec un line-up régulier composé de musiciens talentueux : Joe Lococo à la guitare, Edgar San Gabriel à la basse, Robi Bean à la batterie et Pamela Charlles-Arthur (Pamma Jamma) aux claviers. Chris Matheos, qui est le directeur musical de cet album et de mon précédent EP, joue de la basse sur toutes les chansons à l’exception de « Hoochie Coochie Woman » et « Voodoo Woman ». Malheureusement, il a déménagé dans le sud de la Californie, donc il ne joue plus régulièrement avec moi. Mais quand je partirai en tournée, il le fera certainement s’il est disponible.
– Il y a également quelques reprises sur l’album. Peux-tu nous en dire plus sur ces choix et pour quelle raisons tu n’as pas réalisé un album entièrement original ?
Ce sont des chansons que j’aime chanter en concert et qui sont généralement une manière d’amener tout le monde sur la piste de danse. Je ne me lasse jamais de les chanter, donc c’était une évidence de les ajouter, en particulier « Hoochie Coochie Woman » (un morceau de Muddy Waters – NDR), qui a été ma première chanson de Blues que j’ai commencé et qui est devenue l’une de mes chansons signatures. J’ajouterai très probablement toujours quelques reprises, des classiques, que j’aime chanter pour garder le Blues vivant.
– Tu as beaucoup de sensualité dans la voix, ce qui donne beaucoup de charme à tes morceaux. Est-ce que tu penses que le Blues est le style qui véhicule le mieux cette approche si attractive et sexy auprès du public ? Et donc, qui est un énorme atout…
Merci ! Je chante avec mon cœur et la musique Blues pénètre au plus profond de mon âme. Je sens que je peux me connecter avec les gens, parce qu’ils peuvent ressentir la passion authentique que j’éprouve lorsque je chante.
– Pour conclure, quel est ton objectif principal pour le futur ? Faire le plus de concerts possible à travers les Etats-Unis et même au-delà, ou peut-être trouver un label pour un prochain album ?
Tout cela en même temps ! Entrer sur le circuit des festivals Blues avec des tournées nationales et internationales, signer avec un label de Blues et enregistrer au début de l’année prochaine. C’est difficile d’être une artiste indépendante, et je dirais que c’est vraiment un travail d’amour. J’ai enregistré mon album, « Bluesin’ It Up », chez Afterdark Recording à San Francisco, le studio d’enregistrement d’Armando Rosales, mon cousin. C’était une joie absolue et maintenant, j’ai vraiment la fièvre de l’enregistrement ! Donc, j’y retournerai au début de l’année prochaine. Peut-être aussi participer à un festival en France dans un futur proche ? Ce sont tous les rêves sur lesquels je travaille.
Le dernier album d’OTILIA DONAIRE, « Bluesin’ It Up », est disponible sur le site de l’artiste :
Ils ont beau être très occupés tous les quatre avec leur groupe respectif et différents projets annexes, les membres de BIG SCENIC NOWHERE continuent l’aventure en se livrant cette fois dans un répertoire Classic Rock, toujours emprunt de Stoner et de Desert Rock, guidé par un groove tantôt progressif, tantôt plus costaud. « The Waydown », troisième album auxquels viennent s’ajouter deux EP, plonge dans des espaces plus identifiables, certes, mais tout en mélangeant toujours des tempos et des ambiances variés.
BIG SCENIC NOWHERE
« The Waydown »
(Heavy Psych Sounds)
Fondé il y a quatre ans sous l’impulsion d’un quatuor constitué de cadors de la scène Stoner/Desert Rock, BIG SCENIC NOWHERE continue de livrer des albums toujours plus aboutis et surprenants. L’une des particularités des Américains est aussi d’évoluer au fil des réalisations devenant un collectif dans lequel viennent se greffer et se fondre des invités prestigieux qui se prêtent à l’exercice avec talent et virtuosité. « The Waydown » révèle cette fois un visage nouveau, sans pour autant renier les fondements qui ont forgé son identité sonore et musicale.
Sur des bases aussi diverses qu’inamovibles, BIG SCENIC NOWHERE explore de nombreux horizons et va encore étonner tant le champ d’investigation est spectaculaire depuis sa première production, « Vision Beyond Horizon » en 2020. Bob Balch (Fu Manchu, Slower) à la guitare et sur tous les fronts actuellement, Tony Reed (Mos Generator) à la basse, aux synthés et surtout au chant, Gary Arce (Yawning Man) à la guitare et Bill Stinson (Yawning Man) à la batterie forment une entité très soudée et capable d’atteindre des sommets de créativité.
Avec « The Waydown », c’est dans une lignée Classic Rock, toujours très infuzzée, que BIG SCENIC NOWHERE s’engouffre en proposant des morceaux lumineux et hors du temps. Loin des jams qui l’ont toujours caractérisé, le songwriting est plus traditionnel, faisant la part belle au Rock Progressif, à la Funk Psyché, à quelques passages Surf Rock et même Soul Blues. L’interprétation est magistrale et Reeves Gabrels (The Cure, Bowie), Per Wiberg (ex-Opeth) et Eliot Lewis (Hall And Oates) viennent aussi prêter main forte sur cet opus aussi accrocheur qu’envoûtant. Monumental !
Il est presqu’impossible de ne pas succomber à la beauté du Blues de CHRIS O’LEARY. Originaire de l’état de New-York, sa récente signature chez Alligator le fait (enfin !) entrer dans le cercle très fermé des artistes incontournables. « The Hard Line » est un modèle du genre où il vient télescoper les émotions avec un talent et une virtuosité vocale et musicale incroyable. L’Américain délivre avec amour et ferveur un opus tout simplement phénoménal et jubilatoire.
CHRIS O’LEARY
« The Hard Line »
(Alligator Records)
Le Blues est un vaste terrain de jeu et certains se refusent à en choisir une voie plutôt qu’une autre. Et le Blues est aussi le terroir propice à toutes sortes d’histoires, qui viennent justement l’alimenter et en nourrir la substance-même. C’est un peu le récit de la vie de CHRIS O’LEARY qui, avant d’être bluesman à temps complet, a été membre des Marines, puis officier de Police. Mais c’est vers la musique qu’est revenu le brillant songwriter, chanteur et harmoniciste… et pas seulement.
Après quelques albums, c’est pour le sixième que Bruce Iglamer, patron du célèbre label Alligator, lui ouvre les portes et lui offre toute sa confiance, comme en témoigne notamment le line-up présent. Et puis, c’est CHRIS O’LEARY lui-même qui assure (et de belle manière !) la production de « The Hard Line », entouré d’une équipe de 16 musiciens chevronnés, dont le guitariste Monster Mick Walch et le grand pianiste Jesse O’Brien. Une dream-team sur le papier et aussi sur les chansons.
S’il signe tous les morceaux, CHRIS O’LEARY prend également la basse et la guitare sur « No Rest » et « You Break It », même si c’est son harmonica qui apporte une chaleur unique tout au long du disque. Globalement Southern dans l’esprit comme dans le son, il se meut avec passion dans des ambiances Rock’n’Roll (« Need For Speed »), Swing (« Lost My Mind »), Chicago Blues (« My Fault »), Soul (« Things Ain’t Always What They Seem ») et fait parler l’émotion magnifiquement sur « I Cry At Night ». Somptueux !
C’est déjà le deuxième album posthume depuis le début de l’année et c’est tout sauf un exercice agréable, surtout lorsque l’on voit la qualité proposée. Véritable guerrier du Rock et grande figure du Hard US, le batteur Steve Riley nous a quitté cet automne, non sans nous laisser un superbe témoignage de son talent avec « The Dark Horse », un concentré explosif de ce que RILEY’S L.A. GUNS peut offrir de mieux. Voyons maintenant ce que nous réservera l’avenir du quatuor…
RILEY’S L.A. GUNS
« The Dark Horse »
(Golden Robot Records)
Décédé le 24 octobre dernier des suites d’une grave pneumonie, Steve Riley aurait eu 68 ans aujourd’hui même. L’ultime clin d’œil et preuve du grand respect de sa maison de disques, Golden Robot Records, est donc un bel hommage de sa part à ce grand musicien. Depuis septembre, RILEY’S L.A. GUNS avait sorti trois singles, le morceau-titre « The Dark Horse », « Rewind » et « Overdrive », laissant présager d’une très belle réalisation. Et ce deuxième opus coche toutes les cases. La formation de Los Angeles livre un Hard Rock classieux.
Pour mémoire, Steve Riley a été batteur de W.A.S.P. sur les monumentaux « The Last Command » (1985) et « Inside The Electric » (1986), avant de connaître le succès avec L.A. Guns dont il a contribué aux meilleurs albums. On connait la suite. C’est en 2020 que le RILEY’S L.A. GUNS sort « Renegades », un premier opus qui met tout le monde d’accord et siffle pour beaucoup, dont je suis, la fin de la récréation entre les deux combos californiens. Inventif et pêchu, Riley surnage dans cette petite guéguerre d’égo.
Entouré de Kurt Frohlich (guitare, chant), Scott Griffin (guitare) et Kelly Nickels (basse), le cogneur américain a dirigé la réalisation de « The Dark Horse » pour un résultat plus que convaincant. L’icône du Hard US de la côte ouest possédait un sens incroyable du Rock et du Hard, et c’est ce que l’on retrouve fidèlement ici (« Somebody Save Me », « The Truth », « Changing Lights », « Down Day Drag »). RILEY’S L.A. GUNS va laisser un manque terrible et un grand vide, alors qu’il était la nouvelle locomotive tant attendue à la Cité des Anges.
Tous deux témoins et acteurs d’une époque où Los Angeles était le phare mondial du Hard Rock, JACK RUSSELL, la voix de Great White, et TRACII GUNS, maître riffeur et grand soliste de LA Guns, se retrouvent dans ce ‘partenariat artistique’, comme annoncé par leur label qui en a d’ailleurs l’habitude, pour un premier très bon album. Forcément, l’entente entre deux musiciens de ce calibre évoluant sensiblement dans le même registre, ne pouvait que déboucher sur des titres accrocheurs, enlevés et aussi véloces que mélodiques. « Medusa » se présente comme un modèle du genre.
RUSSELL/GUNS
« Medusa »
(Frontiers Music)
Cela faisait déjà sept ans que JACK RUSSELL n’avait plus posé la voix sur un disque, précisément depuis « He Saw it Comin’ » avec son groupe Jack Russell’s Great White. Et il faut reconnaître que cette légende du Hard Rock californien manquait cruellement dans le paysage musical actuel. C’est avec un autre éminent représentant de la scène de Los Angeles qu’il fait son retour, et non des moindres : TRACII GUNS. Fort de 14 albums avec son groupe LA Guns, le guitariste compte aussi parmi les mythes du genre.
Alors oui, à la vue de la pochette de « Medusa », on fait tous un pas de recul, comme médusé, et c’est légitime car ce n’est pas très heureux. Cependant, il ne faut pas se fier aux apparences, car la rencontre entre le frontman et le six-cordiste donne lieu à un disque de Hard Rock inspiré, dynamique et interprété de main de maître. Vocalement, JACK RUSSELL offre une prestation digne de sa grande époque au sein de Great White. Quant à TRACII GUNS, son jeu est toujours aussi Rock’n Roll, basé des riffs implacables et des solos tout en feeling.
Pour autant, il ne faut pas s’attendre à une sorte d’album hybride qui serait un mix de Great White et de LA Guns. Certes, les deux hommes font ce qu’ils savent faire de mieux, c’est-à-dire un Hard Rock US qui prend ses racines dans les années 80 et 90, mais qu’ils ont intelligemment su mettre au goût du jour (« Next In Time », « Coming Down », « Where I Belong »). JACK RUSSELL et TRACII GUNS ont élaboré un style qui leur est propre dans une entité très personnelle (« Give Me The Night », « Medusa », « I Want You »). Rafraîchissant !
Marcher dans les pas de l’une de ses plus grandes références n’est pas forcément le plus facile des exercices. Pourtant, c’est avec beaucoup d’enthousiasme et une élégance incroyable que KEVIN BURT & BIG MEDICINE interprète une douzaine de chansons extraites du monumental répertoire de la légende Bill Withers. Si certaines font partie du patrimoine R&B, Soul, Funky et Soul mondial, on en découvre d’autres avec plaisir et dans une douceur relaxante. « Thank You, Brother, Bill, A Tribute To Bill Withers » est de ce genre d’album réjouissant et indispensable.
KEVIN BURT & BIG MEDICINE
« Thank You, Brother Bill, A Tribute To Bill Withers »
(Gulf Coast Records)
Un peu moins de quatre ans après « Stone Crazy », son premier album sur le label de Mike Zito, le virtuose revient avec un disque hommage à Bill Withers. Il fallait bien un artiste de la trempe de KEVIN BURT avec cette fibre Soul unique pour livrer des interprétations aussi majestueuses des douze morceaux extraits de la discographie de l’un des plus populaires représentants R&B américains. Et le natif de l’Iowa déploie une classe, une subtilité et une chaleur incroyable en reprenant quelques standards et d’autres titres moins connus, mais avec une ferveur omniprésente et une flamme rayonnante.
Enregistré chez lui, puis mixé et masterisé à la Nouvelle-Orléans, « Thank You, Brother, Bill, A Tribute To Bill Withers » bénéficie d’une production exemplaire et le feeling du chanteur, guitariste et harmoniciste font le reste. Cette communion est presqu’étonnante entre le musicien et l’héritage laissé par le grand Bill Withers. Accompagné de BIG MEDICINE, son groupe, composé de Scot Sutherland (basse), Ken Valdez (guitare) et Eric Douglas (batterie), KEVIN BURT et son quatuor donnent un bon coup de Blues à la Soul très Rythm’n Blues de leur aîné, tout en montrant un immense respect.
Evidemment assez funky, l’album est un Tribute plutôt joyeux, qui pourrait même faire penser à une sorte de transmission, tant KEVIN BURT interprète ces compositions avec un naturel et une facilité hors du commun. Les grands classiques comme « Just The Two Of us », « Ain’t No Sunshine » et « Lean On Me » sonnent magistralement, tandis que les émotions se télescopent grâce à des parties de guitare aussi relevées que celles de son tourbillonnant harmonica. Et ne se contentant pas de livrer ses propres versions, on a aussi le droit à un « Thank You Brother Bill » inédit, exaltant et composé pour l’occasion. Incontournable !