Avec sa classe naturelle, beaucoup d’élégance dans le jeu et une polyvalence rare, le natif du New-Jersey a fait du Blues Rock sa seconde maison. Avec « Sign Of TheTimes », WALTER TROUT élève encore son niveau et avec le même groupe que sur son précédent opus, il régale en multipliant les ambiances avec une grande facilité et une dextérité fascinante. En fin observateur qu’il est, il jette un coup d’œil bleuté sur un mode qu’il juge devenu obsolète et en perte de repères.
WALTER TROUT
« Sign Of The Times »
(Provogue/Mascot Records)
A 74 ans et avec une quarantaine d’albums à son actif, WALTER TROUT a conservé cette énergie qui le pousse depuis ses débuts aux côtés du grand John Mayall au sein des fameux Bluesbreakers. S’il mène une carrière en apparence assez discrète, il n’en est pas moins l’un des meilleurs bluesmen du circuit depuis des années. Auteur, compositeur, guitariste, harmoniciste et chanteur, il surgit après un « Broken » (2024) de haute volée avec « Sign Of The Times », une sorte de récit observateur des maux de notre époque et le sens qu’elle prend… ou pas.
Autoproduit et coécrit pour les textes avec son épouse, manageuse et auteure Marie, WALTER TROUT sonde cette fois encore les recoins de sa propre histoire et de la société qui nous entoure, non sans beaucoup d’humour et sur un mode souvent satirique. Mordant et perspicace, son Blues Rock est peut-être plus dur et plus sombre qu’à l’habitude (« Sign Of The Times », « Struggle To Believe »), mais la fougue à l’œuvre ici le rend encore plus saisissant de vérité. L’Américain se livre complètement et toujours le sourire au bord des lèvres, malgré le propos.
Parti enregistrer à Los Angeles, WALTER TROUT est accompagné de Michael Leasure (batterie), John Avila (basse) et Terry Andreadis (claviers) et le quatuor déploie un groove absorbant et surtout affiche une complicité évidente. « Sign Of The Times » contient dix morceaux qui sont autant d’atmosphères différentes. Costaud à deux reprises, son Blues se fait aussi plus classique (« Blood On My Pillow », « Too Bad ») et évolue aussi avec souplesse vers l’acoustique. Et on retiendra « Mona Lisa Smile », « No Strings Attached » et « I Remember ». Brillant !
Chaque production de la formation de Caroline du Nord est une nouvelle exploration. Avec « The Turning », elle continue avec beaucoup de robustesse et des rythmiques appuyées sa belle aventure. Basé sur un Stoner Rock aux teintes sudistes, l’univers de BASK est aussi complexe que ses contours sont parfois si nombreux que l’on peut s’y perdre. Pourtant, l’unité artistique des Américains est évidente et c’est ce côté insaisissable qui la rend justement irrésistible.
BASK
« The Turning »
(Season Of Mist)
Il y a déjà un peu plus de dix ans, BASK faisait son apparition avec « American Hollow » (2014), un premier album audacieux qui affichait déjà beaucoup d’ambition. Depuis, le groupe n’a pas revu ses prétentions à la baisse, « Ramble Beyond » (2017) et « III » (2019) attestant de sa grande créativité. En l’espace de trois réalisations, il a créé ce qu’il nomme lui-même de la ‘Heavy Americana’, un style qui est le point de rencontre entre le Roots Rock, le Psychédélique, le Stoner et le Desert Rock avec une touche Southern des Appalaches.
Cela dit, même si toutes ces sonorités sont présentes, et auxquelles on peut aussi ajouter un soupçon de Space Rock, considérer que BASK fait partie de la grande famille Heavy Stoner Psych résume assez bien les choses. Et « The Turning » s’inscrit parfaitement dans cette veine aussi solide que tourbillonnante. Puissant et aérien, ce nouvel opus accueille également le guitariste Jed Willis, qui brille ici par son jeu de pedal steel et projette les morceaux dans une dimension encore plus Psych. Les tessitures s’y multiplient et sont sinueuses.
Le voyage commence dès d’intro et promet d’entrée de jeu d’être immersif. « The Turning » est une sorte de labyrinthe musical, où se succèdent des atmosphères liées par un chant qui tient lieu de guide. Avec un aspect compact, BASK se montre très changeant tout en gardant un cap hypnotique (« In The Heat Of The Dying Sun », « The Traveler », « Unwound », « Dig My Heels », « Long Lost Night » et le morceau-titre). Dans un élan cosmique, le quintet se fait narratif, Sludge, progressif et même Folk. Une véritable prouesse d’ingéniosité.
En choisissant de quitter la Californie pour se délocaliser en Georgie et en faisant le choix d’un producteur multi-awardisé, ROBERT JON & THE WRECK a bousculé ses habitudes et le résultat s’entend sur ce « Heartbreaks & Last Goodbyes » d’une folle énergie, d’une fluidité incroyable et surtout d’une créativité de chaque instant. Ce nouvel album des Américains est complet et sobre tout en étant d’une grande richesse musicale. Le groupe a franchi une à une les étapes, et près de 15 ans après sa création, il se montre épanoui dans un Southern Rock devenu très personnel. Robert Jon Burrison, guitariste et chanteur du quintet, revient sur ce dixième album et les efforts accomplis ces dernières années par sa formation.
– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on revienne sur ces cinq dernières années, car « Last Light On The Highway » semble vraiment avoir été un déclic dans votre carrière. En l’espace de cinq ans, vous avez sorti cinq albums studio et deux live, sans compter un nombre impressionnant de concerts. Est-ce que, pour vous aussi, tout s’est soudainement accéléré à ce moment-là ?
Oui, je dirais que depuis « Last Light On The Highway », nous n’avons jamais été aussi occupés. Avant l’album, nous n’avions pas de réel représentant aux Etats-Unis. Après notre partenariat avec Journeyman Records et Intrepid Artists ici, et notre collaboration de longue date avec Teenage Head Music pour l’Europe, il était donc naturel de travailler davantage et surtout de faire davantage ce que nous aimons.
– « Heartbreaks & Last Goodbyes » est votre troisième album chez Journeyman Records, le label de Joe Bonamassa. Est-ce que cette signature aussi a changé le quotidien du groupe et pu ouvrir les portes que vous escomptiez ?
Cela nous a surtout permis de bénéficier d’une véritable équipe sur laquelle nous pouvons compter pour presque tout. Cela nous a aussi permis de continuer à progresser tout en faisant tout le reste en même temps. Notre relation est excellente, car les deux parties s’entraident en poursuivant l’effort dans la direction que nous jugeons la plus appropriée au bon moment.
– Sans remettre bien sûr en cause le travail de Kevin Shirley sur « Red Moon Rising » et celui de ses prédécesseurs, c’est cette fois le grand Dave Cobb qui signe la production de l’album. Vu son incroyable parcours, il apparaît comme l’homme de la situation. Comment a eu lieu la première prise de contact et votre rencontre ? Et est-ce vous qui êtes allés vers lui ?
Il était dans le collimateur du groupe depuis longtemps, sachant qu’il avait produit des artistes comme Rival Sons dès 2009. On avait donc toujours ce nom en tête, tout en continuant à avancer dans la vie, à faire de la musique, à rencontrer des gens et à trouver le bon soutien. Puis le moment est arrivé et on a enregistré deux morceaux avec lui pour le double EP « Ride Into The Light ». On a super bien travaillé ensemble, donc on savait qu’on voulait renouveler l’expérience avec lui sur un album complet un jour ou l’autre. Après « Red Moon Rising », l’opportunité s’est présentée et ça a marché !
– D’ailleurs, la production sonne très live et organique et est vraiment le reflet du groupe sur scène. Avez-vous l’impression, comme moi, qu’il a parfaitement su saisir votre identité artistique et musicale ?
Oui, je pense que cet album reflète parfaitement qui nous sommes. Nous avons pu rester ensemble tout au long du projet, nous y consacrer pleinement, sans trop de distractions, et nous avons tout donné. Nous travaillons en cohésion sur de nombreux aspects de l’écriture, qu’il s’agisse des paroles ou des parties instrumentales. Si quelqu’un a une idée, nous la développons tous ensemble. Je pense donc que cet album reflète vraiment l’identité artistique de ROBERT JON & THE WRECK.
– Pour l’enregistrement de l’album, vous avez aussi quelque peu changé vos habitudes puisque vous êtes restés à Savannah en Georgie durant tout le processus. J’imagine que cela renforce aussi la cohésion d’un groupe et peut-être également votre modèle de composition. En quoi cette immersion complète a pu vous faire évoluer ?
J’en ai un peu parlé, mais oui, c’était différent pour nous. Avant, quand on enregistrait à Los Angeles, on allait au studio le matin et on rentrait chez nous tous les soirs. C’est toujours agréable d’être en famille, et aussi difficile d’être loin d’elle aussi longtemps. Mais c’est également une bonne chose de se concentrer uniquement sur l’album et d’en faire son seul objectif pendant une semaine environ. De plus, en étant tous réunis, on avait l’impression d’être tous sur la même longueur d’onde pendant l’enregistrement, ce qui, je pense, a contribué à la cohésion du son de l’album.
– Je ne sais pas si Dave Cobb vous a permis d’avoir un regard neuf sur votre travail en vous délivrant ses précieux conseils, mais on vous sent beaucoup plus libérés, plus spontanés aussi et surtout vous offrez différentes facettes du groupe avec la même intention dans le jeu. Est-ce que le maître-mot de « Heartbreaks & Last Goodbyes » a été d’être plus le plus brut, direct et authentique possible ?
Oui, nous voulions être aussi authentiques que possible. Et comme nous progressons aussi constamment en tant qu’auteurs-compositeurs et musiciens, il faut vraiment avoir cette volonté d’être bruts et directs, car ce n’est pas toujours si facile.
– Peut-être est-ce l’effet combiné de votre collaboration avec Dave Cobb, et aussi Greg Gordon pour le mix, et le fait que vous soyez restés en Georgie tout l’enregistrement, mais vos racines Southern ressortent beaucoup plus avec des sonorités Country plus présentes et un côté Classic Rock moins visible. Est-ce que tu penses que tout cela est lié d’une certaine manière ?
Je pense qu’il est difficile de ne pas ressentir ces racines sudistes et ces sonorités Country quand on est, en fait, dans le Sud et à la campagne. Pour moi, c’est assez simple : l’endroit où l’on se trouve influence vraiment nos décisions, la sonorité de notre musique et les décisions que nous prenons. Tout est donc lié, et si nous avions enregistré le même disque à Los Angeles, il aurait sonné différemment. C’est indéniable.
– Et il y a aussi cette collaboration avec John Oates que l’on connait pour son légendaire duo avec Daryl Hall, qui a coécrit « Long Gone » avec vous. C’est l’un des moments forts de l’album et il raconte une belle histoire. Comment cela s’est-il passé au niveau de l’écriture ? Avez-vous travaillé le texte et la musique ensemble ?
Nous avons rencontré John lors d’une des nombreuses croisières de Joe Bonamassa, ‘Keeping The Blues Alive At Sea’, auxquelles nous avons participé. De là, nous avons discuté de l’idée d’écrire quelque chose ensemble et le timing était parfait pendant l’un de nos séjours à Nashville. Nous nous sommes donc retrouvés et nous avons travaillé sur quelques idées. J’adore le résultat qu’on a obtenu, car la chanson a connu de nombreuses évolutions, en passant du Swing bluesy au Rock pur et dur, et l’incroyable esprit de Dave (Cobb – NDR) l’a amenée là où elle est aujourd’hui.
– Pour « Heartbreaks & Last Goodbyes », vous avez à nouveau présenté la moitié de l’album avec plusieurs singles avant la sortie officielle. C’est vrai que les plateformes numériques ont changé la donne et les réseaux sociaux aussi, mais ne regrettez-vous pas l’époque où l’on découvrait l’ensemble d’un disque à sa parution ? Aujourd’hui, est-ce que cette présence constante est devenue presque obligatoire, selon toi ?
C’est une question d’essais et d’erreurs. Avec l’industrie musicale actuelle, je ne pense pas qu’il y ait franchement une ‘bonne’ façon de procéder. On a testé cette nouvelle idée de sortir des singles, à cause du fonctionnement d’Internet, avec tous ces algorithmes et ces trucs que je ne comprends pas vraiment. Mais bon, il faut essayer, sinon on ne saura jamais. Le prochain album sera-t-il livré de la même manière ? Peut-être, ou peut-être pas. On le saura quand on y sera. Je pense qu’il y a tellement de gens dans le monde que chacun a une idée différente de la façon dont la musique devrait être diffusée, ou consommée. Notre espoir est que les gens se connectent à notre musique et ressentent quelque chose en l’écoutant.
– Enfin, avec ce rythme effréné entre les concerts et les enregistrements, avez-vous pris dorénavant l’habitude de composer surtout en tournée ? Finalement, cette énergie n’est-elle pas la meilleure source d’inspiration pour vous ?
Je pense que la route est une source d’inspiration majeure pour le groupe, mais je crois que nous composons la plupart de nos morceaux à la maison. Nous avons bien sûr profité des balances avant les concerts pour lancer des idées et voir ce qui colle, puis nous rentrons à la maison pour tout mettre en place. On n’a pas autant de temps qu’on le pense sur la route pour se poser et réfléchir. Mais nous aurons bientôt un peu de repos bien mérité cet automne grâce à l’arrivée de nouveaux membres dans nos familles, alors nous avons hâte de nous remettre à l’écriture.
ROBERT JON & THE WRECK
« Heartbreaks & Last Goodbyes »
(Journeyman Records)
En faisant appel à Dave Cobb pour la production de son nouvel album, le quintet s’est adjoint les services de celui qui lui manquait sûrement le plus depuis ses débuts. Reconnu pour son travail avec Chris Stapleton, Brandi Carlile, John Prine, Sturgill Simpson, Whiskey Myers pour le côté Country et Southern, mais aussi Rival Son, Halestorm, Slash, Sammy Hagar ou Greet Van Fleet dans des registres plus musclés, il est le producteur dont avait besoin ROBERT JON & THE WRECK, dont les derniers disques étaient peut-être un peu lisses.
« Heartbreaks & Last Goodbyes » incarne littéralement cette nouvelle vague sudiste dont les Californiens sont devenus en peu de temps des fers de lance. Plus bruts et organiques, les nouvelles compositions sont resplendissantes, accrocheuses, vivifiantes et l’osmose entre les musiciens est encore plus palpable. Si les singles ont déjà offert un bel aperçu de ce nouvel opus, les autres titres à découvrir sont autant de belles surprises, qui s’imbriquent parfaitement dans un ensemble rayonnant et finalement très attachant et chaleureux.
Photos : Rob Bondurant (1, 2, 3, 4) et Denis Carpentier (5)
Cohérent et véloce, ce deuxième effort révèle enfin de manière claire les capacités du tandem ELLEFSON-SOTO. Certes, le pédigrée des quatre musiciens à l’œuvre ici parle pour eux, mais lorsque son chanteur se montre en pleine possession de ses moyens et que les guitares flambent à ce point, c’est un vent de liberté qui se met à souffler sur « Unbreakable », le bien-nommé. La formation italo-américaine est en ordre de marche et ça cogne sévère sur un Heavy Metal puissant et très actuel.
ELLEFSON-SOTO
« Unbreakable »
(Rat Pak Records)
Après avoir participé au concert d’adieu à Ozzy il y a quelques semaines et alors que son ancien groupe vient d’annoncer la sortie de son ultime album studio l’année prochaine, l’ex-bassiste de Megadeth et lauréat d’un Grammy Award est de retour avec son dernier projet personnel en date. Trois ans après « Vacation in The Underworld », ELLEFSON-SOTO remet le couvert avec « Unbreakable » et de bien belle manière. Aux côtés du frontman Jeff Scott Soto, du guitariste Andy Martongelli et de Paolo Caridi à la batterie, le line-up est plus qu’affûté.
Si le premier album avait permis au quatuor de poser de bonnes bases et surtout de se jauger, David Ellefson et ses compagnons savent aujourd’hui beaucoup mieux où ils vont musicalement. « Unbreakable » est plus personnel et présente nettement plus de caractère que le précédent. Agressif, déterminé et percutant, ELLEFSON-SOTO a trouvé son style, peaufiné son entente et la complicité affichée en dit long sur ses intentions. Cette fois, le Heavy Metal domine largement les débats avec même quelques élans Thrash bienvenus et qui offrent du corps.
Si l’on connait déjà bien les performances de Soto et bien sûr d’Ellefson, celles du six-cordistes italien illuminent littéralement ce bel opus, d’ailleurs enregistré aux Rogue Studios de Wembley à Londres et produit par Chris Collier (Mick Mars, Korn). Dès le morceau-titre, ELLEFSON-SOTO sort les griffes, bastonne et enthousiasme. Et ça continue avec « SOAB », « Hate You, Hate Me », « Snakes & Bastards », sans oublier « Poison Tears » avec Laura Guldemond de Burning Witches et « Vengeance » avec Tim ‘Reaper’ Owens. Une bonne beigne !
Délicieusement cuivrées, les performances des Canadiens le sont tout autant en concert qu’en studio. Car avec « Sunshine – Live In 2024 », c’est l’ambiance électrique de ses concerts que présente BYWATER CALL. Et si la communion avec le public est manifeste, celle à l’œuvre sur scène montre un septet soudée qui se trouve les yeux fermés et pour qui l’art de l’improvisation est une seconde nature. Jouant de toutes les émotions, la chanteuse attire le feu des projecteurs, sans pour autant faire de l’ombre aux musiciens brillants qui l’accompagnent.
BYWATER CALL
« Sunshine – Live In 2024 »
(Independant)
Un an tout juste après l’excellent « Shepherd », c’est une version live de sa Southern Soul Blues que BYWATER CALL propose, histoire de saisir pleinement la dimension qu’il prend sur scène. Et la chaleur et l’énergie qu’il déploie sont juste phénoménales. Puissantes et dynamiques, ses prestations sont pour le moins enflammées et l’on comprend mieux l’engouement croissant autour de la formation guidée par la voix enveloppante de Meghan Parnell. « Sunshine – Live In 2024 » est un témoignage brut et direct, très vite addictif.
Ayant pris son indépendance et évoluant désormais sans label, BYWATER CALL s’est donc occupé de la captation des morceaux, interprétés ici à Newbury en Angleterre, à Woodstock aux Etats-Unis et dans leur Canada natal à Toronto. Comme sur leur précédente réalisation, c’est le batteur du groupe, Bruce McCarthy, qui s’est chargé de l’enregistrement et du mixage et le résultat est irréprochable. Quant au contenu, l’accueil du public est aussi dithyrambique des deux côtés de l’Atlantique. La proximité aidant, on est très vite conquis.
BYWATER CALL avait déjà lâché « Sunshine » en single en mai dernier et cinq autres titres viennent se greffer dans une belle osmose et une complémentarité passionnée. Parmi les nouveautés, cette reprise incroyable de Stephen Stills (« Love The One You’re With » ») qui se pare d’une seconde jeunesse, tout comme « Bring Me Down », extrait du premier album en mode survitaminé. « As If », « Sign Of Peace » et « Everybody Knows » sont issus de « Shepherd » et leur traitement très jam s’étale en longueur pour un plaisir intense et sincère.
Photo : Denis Carpentier
Retrouvez l’interview accordée par Meghan Parnell à la sortie de « Shepherd » :
C’est un souffle vivifiant que l’on attendait depuis un petit moment et aussi sans doute l’une des sorties la plus scrutée de l’année. Puissant et terriblement bien peaufiné, « Private Music » devrait ravir les fans de Rock comme de Metal et ce malgré cette terne époque. Entre Alternative Metal et post-Grunge, la formation de Sacramento a rarement dégagé autant de force, via de déchirantes mélodies et une identité artistique unique. Incomparable et inégalé, DEFTONES reste indéboulonnable de ce panthéon qu’il s’est lui-même bâti.
DEFTONES
« Private Music »
(Reprise/Warner)
Cinq ans après « Ohms », DEFTONES a cette fois pris son temps pour livrer son dixième effort, un chiffre de ceux qui marque une carrière. Et en la matière, les Américains n’ont pas raté le coche. « Private Music » est probablement leur meilleur album et même si c’est le premier sans leur bassiste Sergio Vega depuis 15 ans, Fred Sablan endosse le rôle avec une maîtrise totale. Et pour retrouver et restituer le son qui a fait leur force et forgé en partie leur singularité, le producteur Nick Raskulinecz est de retour derrière la console.
Et c’est vrai que sur « Diamond Eyes » (2010) et « Koi No Yokan » (2012), le très habile metteur-en-son avait parfaitement su capturer l’esprit libre et cette fougue insaisissable pour la canaliser de la meilleure façon qui soit. Si DEFTONES s’est toujours bien entouré en studio, c’est un plaisir de retrouver ce travail d’orfèvre sur les tessitures et les nuances qui expriment si bien cette férocité si instinctive et cette énergie bouillonnante. En ce sens, « Private Music » est époustouflant de démesure musicale et criant d’authenticité.
Sobre et sombre, Chino Moreno livre une prestation hors-norme que l’on peut sans l’offenser attribuer à une expérience acquise sur une belle carrière de trois décennies. Dès « My Mind Is A Mountain », on comprend que DEFTONES est à son apogée et sera phénoménal. « Private Music » est presque cyclonique et présente le groupe dans ce qu’il a de meilleur, le tout enrobé d’une production très actuelle et organique, qui nous laisse sur le carreau (« Ecdysis », « Souvenir », « Milk Of Madonna », « Metal Dream »). Massif !
Depuis ses débuts, la chanteuse a paré sa culture Rock et Hard Rock de glamour. Et les deux sont loin d’être incompatibles. Complètement ancrée dans son époque, DIAMANTE a un faible pour des années 80 qu’elle n’a pourtant pas connues, mais dont elle s’est appropriée les codes. Du blond au bleu, la frontwoman et compositrice reste naturelle et mène sa carrière en indépendante. Maîtrisant parfaitement tous les rouages d’une industrie musicale bouleversée, elle tient son originalité d’une force artistique solide, d’une voix puissante et sensuelle et d’une volonté d’élever son Rock US toujours plus haut. Entretien avec une chanteuse présente sur tous les fronts et à l’esprit fondamentalement Rock.
– Pour le public français qui ne te connait pas encore très bien, on t’a découvert avec ton EP « Dirty Blonde » en 2015 et depuis ta carrière est en pleine ascension. Dix ans se sont écoulés depuis tes débuts, quel regard portes-tu aujourd’hui sur ton parcours ?
C’est fou de penser que cela fait déjà dix ans ! (Sourires) En même temps, j’ai l’impression d’avoir vécu mille et une vies depuis. Je suis très fière de mon parcours, aussi difficile a-t-il pu être, car je n’ai jamais dévié de ma trajectoire. Je crois sincèrement que tout arrive pour une bonne raison et que les difficultés rencontrées pour avancer sont nécessaires. Les hauts et les bas ont construit la personne et l’artiste que je suis aujourd’hui et je ne changerais rien dans mon parcours.
– Tu avais été vite repérée à Los Angeles par le label Better Noise Records sur lequel tu as sorti ton premier album « Coming In Hot ». Pourtant, tu l’as quitté deux ans plus tard pour te lancer en indépendant. Est-ce que, selon toi, l’industrie musicale a tellement changé qu’une maison de disques n’est plus essentielle aujourd’hui ?
Je ne crois pas forcément que les labels soient essentiels pour les artistes, mais je pense qu’un ‘bon‘ label peut être extrêmement puissant. Pour moi, un bon label peut ne pas convenir à n’importe quel artiste, et vice versa. Tout dépend donc de ce que recherche l’artiste. J’ai toujours recherché un partenariat avec une structure qui me permette de me sentir véritablement soutenu dans mon identité artistique, et je crois que je l’ai trouvé aujourd’hui ! (Sourires) Je suis donc très enthousiaste pour l’avenir.
– Ton dernier album en date, « American Dream », a été très bien accueilli et également salué par la critique. Cela t’a aussi permis de le défendre sur scène avec succès. Tes concerts sont explosifs et donnent toute sa dimension Rock à ta musique. Est-ce finalement sur scène que tu te sens le plus dans ton élément ?
Absolument ! C’est mon lieu préféré. Je suis à la fois puissante, vulnérable et libre. Je puise dans une énergie qui me dépasse. Je me transforme en quelque chose de plus grand que moi et j’ai vraiment le sentiment d’accomplir ma véritable vocation. Depuis que j’ai découvert ma passion pour le théâtre, enfant, en faisant des comédies musicales, j’ai toujours rêvé de monter sur scène.
– On a parlé de la scène, mais tu sors également beaucoup de singles. C’est devenu une manière plus efficace pour garder le contact avec tes fans, via les plateformes et les réseaux sociaux ?
Oui, j’adore sortir des singles, notamment avant la sortie d’un album, car cela me permet de créer un univers et de passionner les fans. J’adore voir leurs réactions à leur sortie, car ces chansons que j’ai eues pour moi pendant si longtemps sont désormais les leurs. Je lis souvent leurs messages sur ce que la chanson signifie pour eux et je leur réponds avec des indices sur ce qu’ils peuvent s’attendre à entendre ensuite.
– D’ailleurs, entre tes deux albums, tu as aussi sorti « The Diamond Covers » (2022) avec des reprises assez étonnantes des années 80. De quelle manière et sur quels critères avais-tu choisi ces cinq chansons, car tu n’as pas connu cette époque ?
Pour « The Diamond Covers », j’avais simplement choisi des chansons que j’adore chanter ! (Sourires) J’ai grandi en chantant celles des autres dans ma chambre pendant des heures tous les jours, alors j’ai eu l’idée de m’inspirer de certaines de mes préférées et d’y apporter ma touche personnelle. A l’époque, j’avais également sorti cet EP pour donner un avant-goût de ce que serait mon prochain album, laissant entendre qu’il s’inscrirait dans l’univers sonore des années 80.
– Justement, tu fais partie de cette nouvelle génération qui n’a pas connu les années 80. Pourtant, tu interprètes un Rock proche du Hard Rock en jouant aussi sur le côté glamour de ces années-là, comme le démontre d’ailleurs ta chanson « 1987 ». Qu’est-ce qui te fascine à ce point-là ?
Bien que née en 1996, j’ai toujours été attirée par la musique des années 80, car ce sont les chansons de cette époque qui me touchent le plus. Des ballades puissantes et planantes à la batterie massive, en passant par les synthés et des solos de guitare épiques… (Sourires) Je peux écouter des morceaux de ces années-là encore et encore sans jamais m’en lasser. Je ressens la même émotion à chaque écoute.
– Parmi tes récentes sorties, tu apparais aussi sur les B.O. de « Queen Of The Ring » et « American Psycho ». C’est une belle mise en lumière. Quels souvenirs en gardes-tu et est-ce que ce sont des expériences particulières dans une carrière de chanteuse ?
Ces deux apparitions sur des bandes originales ont été un vrai plaisir, car j’adore faire des reprises. Pat Benatar est ma chanteuse préférée, donc reprendre « Love is Battlefield » était un rêve devenu réalité. Participer à la bande originale d’un long métrage pour la première fois a également été un honneur, surtout de pouvoir y contribuer avec des collègues femmes qui cartonnent. J’adorerai participer à d’autres musiques de films à l’avenir.
– Ces derniers mois, tu nous a déjà présenté « 1987 », « All For The Glory » et tout récemment « Silver Bullet », ton nouveau single. J’imagine que l’album ne devrait plus tarder. Est-il prévu pour cette année et as-tu travaillé avec les mêmes musiciens et la même équipe de production ?
Oui, l’album arrive bientôt ! (Sourires) Pour celui-ci, j’ai écrit toutes les chansons avec Taylor Carroll (Lit, Kemikalfire), qui a également produit chaque morceau. C’était une expérience d’écriture complètement différente, car nous n’étions que deux. Nous avons travaillé dans un studio sur les collines d’Hollywood, et je crois que l’esprit Glam Rock de Los Angeles transparait dans tous les sons. J’ai vraiment pris mon temps sur chaque morceau, m’assurant que j’en serais fan pendant des années. Mes amis qui sont en tournée avec moi depuis 2018 ont également joué sur l’album ! Neil Swanson est à la guitare, Matt Denis à la basse et Taylor est à la batterie, bien sûr, car c’est lui qui fait tout.
– Tu as aussi fait de nombreux featurings, doit-on s’attendre à quelques surprises sur ce troisième album ? Et d’ailleurs, de quelle manière les choisis-tu ? Ce sont les circonstances et les rencontres qui s’y prêtent, ou le choix est-il purement artistique ?
Sans trop en dévoiler, je tiens à préciser que j’espère vivement avoir des invités sur mon prochain album ! (Sourires) J’ai une chanson en tête qui, selon moi, ferait un duo exceptionnel. J’aime contacter directement les artistes qui, à mon avis, conviendraient parfaitement à un morceau en particulier. Et je réfléchis principalement à la façon dont leur voix s’accorderait à la mienne, ainsi qu’au contexte de la chanson.
– Enfin, tu fais partie d’une génération qui se détourne malheureusement peu à peu du Rock et du Hard Rock. Est-ce que cette utilisation des réseaux sociaux comme tu le fais, et avec un côté glamour très présent, est une manière pour toi d’entretenir un certain mythe et d’en maintenir la flamme ?
Oui ! (Sourires) L’esprit du Rock’n’Roll ne s’éteindra jamais. Je le vois sur les réseaux sociaux, mais aussi dans le public de mes concerts. Il y a des gens de tous âges et des parents qui amènent leurs enfants, ce qui me rend si heureuse. Je suis enthousiaste quant à l’avenir du Rock. Je pense que ce genre est en plein essor en ce moment… Alors, si je peux contribuer à perpétuer ce flambeau tout en y ajoutant du glamour, de la mode et des paillettes, je le ferai avec plaisir ! (Sourires)
Le dernier single de DIAMANTE, « Silver Bullet », est disponible (avec tous les autres et ses albums !) sur toutes les plateformes numériques.
Retrouvez la chronique de son dernier album en date, « American Dream » :
Incisif, sombre et précis, ce dixième effort de la fratrie de l’Illinois vient encore renverser l’ordre établi d’un Alternative Metal souvent convenu et prévisible. Massif et explosif, « Bright As Blasphemy » témoigne d’une époque en souffrance, mais combative et assez philosophe. Ce nouvel opus n’est pas seulement l’expression d’une détonation musicale très équilibrée, elle reflète aussi une maîtrise totale acquise au fil de ces 30 dernières années et qui mène CHEVELLE au sommet de son art. Entre émotion et arrangements presque minimalistes, il ouvre une autre voie.
CHEVELLE
« Bright As Blasphemy »
(Alchemy Recordings/Rise Records)
Le stratosphérique « Niratias, sorti il y a quatre ans, avait placé les Américains sur orbite et lui offrir un successeur digne de ce nom n’était pas une mince affaire. Jamais à court d’idées, CHEVELLE relève pourtant le défi avec panache et haut la main. Les influences progressives se sont dissipées et les frères Loeffler (Peter au chant et à la guitare et Sam à la batterie) reviennent aux fondations musicales de leur groupe, c’est-à-dire un Alternative Metal surpuissant et livrent « Bright As Blasphemy », qui se révèle être l’une de leurs meilleures réalisations.
Produit par ses soins avec l’aide de Kemble Walters à l’enregistrement et à la basse sur l’essentiel des morceaux, le duo se montre d’une incroyable créativité que met parfaitement en valeur le mix de Beau Burchell. CHEVELLE est probablement le combo le plus torturé de son registre, et la noirceur dont il fait preuve sur « Bright as Blasphemy » le rend énigmatique et lui ouvre une multitude de possibilités. Très Metal et à l’environnement Indus, ce dixième album est tout simplement renversant et surprend au fil de son écoute. Une prouesse plutôt rare.
Autour du thème de la psyché fracturée de l’humanité dont il est aux premières loges, CHEVELLE dispose d’une matière considérable qui lui permet d’œuvrer dans une sorte de tempête mélodique. Parfois étranges, mais réellement implacables, les neuf nouvelles compositions de la formation de Chicago sont brillantes et sa performance est d’une percussion chirurgicale (« Pale Horse », « Cowards, Pt 1 & 2 », « Wolves (Love & Light) », « Karma Goddess », « Blood Out In The Fields »). Tout dans ce disque est à sa place et c’est bien là la marque des grands.
Véritable concentré d’énergie, le Heavy Stoner Rock de BORRACHO vient frapper de nouveau avec une nouvelle réalisation où le Doom flotte toujours un peu à travers des mélodies tenaces. Avec des touches occultes et des fulgurances Sludge, « Ouroboros » a une teneur très politique et le fait que la formation frappe si fort avec une telle précision explique en partie son contenu. A la fois Rock et Metal, la percussion ne manque ni d’impact, ni de profondeur. Un brûlot électrisant !
BORRACHO
« Ouroboros »
(Ripple Music)
Il y a toujours eu quelque chose de titanesque chez BORRACHO, au sens premier du terme. Plus que jamais, l’appellation power trio prend toute sa mesure, tant ce sixième album atteint une dimension où règne un certain gigantisme qui passe par une attaque en règle des maux de notre société. Et étant basés et originaires de Washington DC, il faut dire que les trois musiciens sont aux premières loges pour constater l’étendu des dégâts à l’œuvre et avoir une vision claire de ceux à venir. Mais attardons-nous sur « Ouroboros »…
Moins Doom que ses prédécesseurs, ce nouvel opus présente une approche plus Rock et presque Hard Rock, tout en percussion malgré quelques passages psychédéliques qui, à l’occasion, offrent des moments de respiration. Il y a aussi une sensation d’odyssée dans ces sept nouveaux morceaux. Le Fuzz est épais à en être parfois étouffant, l’esprit Metal n’est jamais bien loin et BORRACHO montre une incroyable diversité dans les arrangements avec des sonorités Grunge, bluesy et Desert Rock. Et l’harmonie est totale du début à la fin.
Massifs et menaçants, les titres sont suffisamment longs pour laisser s’instaurer un côté jam, où le groupe développe des riffs lourds et entraînants. La pesante rythmique trouve sa place dans des atmosphères ténébreuses, mais libératoires. Si le chant donne des allures dystopiques à « Ouroboros », BORRACHO a bel et bien les pieds sur terre et son propos se veut aussi très actuel (« Vegas Baby », « Lord Of Suffering », « Machine Is The Master », « Broken Man »). Le chevronné combo américain se renouvelle encore une fois avec brio.
Décontractés et solaires, le songwriter et ses musiciens apportent du grain à un Rock Sudiste, qui peut étonner de prime abord tant il s’éloigne parfois des standards habituels. Direct et enveloppant, « Ain’t Rocked In A While » a un côté marécageux qui libère un volume incroyable dans des atmosphères très variées. C’est le style de BRENT COBB & THE FIXIN’S et il est aussi riche qu’attachant. Une pierre de plus à un édifice Southern Rock, qui se renouvelle encore et toujours.
BRENT COBB & THE FIXIN’S
« Ain’t Rocked in a While »
(Ol’ Buddy Records/Thirty Tigers)
Originaire d’Ellaville en Georgie, BRENT COBB est profondément ancré dans une culture sudiste, dont il maîtrise tous les contours. Auteur-compositeur, il a travaillé pour Luke Combs, Miranda Lambert, Whiskey Myers, Little Big Town, Kenny Chesney et bien d’autres. Cette fois avec son groupe THE FIXIN’S, il engage une parenthèse Rock, mettant entre parenthèse son bagage Country pour des sentiers plus bruts et rugueux. Et dans ce domaine aussi, il excelle en s’engouffrant dans des sonorités d’une réelle authenticité.
Et cette sincérité qui émane de « Ain’t Rocked In A While », on la doit tout d’abord à la production de ce septième album très roots. Réalisé en collaboration avec le très réputé Oran Thornton, BRENT COBB & THE FIXIN’S ont immortalisé ce nouvel opus lors d’un enregistrement en condition live au Black Palace de Springfield dans le Missouri. Fusionnel et incandescent, le quatuor développe une saveur très 70’s irrésistible. Sans complexe, il salue ses racines à sa façon et avec beaucoup de diversité.
En ouvrant avec une version lointaine et presque psychédélique au piano de « Beyond Measure » (qu’on retrouve électrifié en toute fin), BRENT COBB amorce un développement très chaleureux et une narration captivante. Le Sud reste présent tout au long de « Ain’t Rocked In A While » sur un groove très Soul et épais, qui va même flirter avec des ambiances Garage Fuzz. Honorant un héritage assumé, THE FIXIN’S surprend en restant assez classique (« Bad Feelin’ », « Do It All The Time », « Even It’s Broken », « Take Your Neds »).