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Harlem Lake : l’envol [Interview]

En quelques années seulement, HARLEM LAKE est parvenu grâce à une identité musicale forte à sortir bien au-delà de ses frontières. Les Hollandais s’étaient déjà fait remarquer avec un premier opus particulièrement abouti. Puis, le quintet a récidivé avec un Live étonnant d’énergie et de puissance avant d’entrer à nouveau en studio pour y enregistrer l’excellent « The Mirrored Mask », récemment sorti. D’ailleurs, depuis la sortie de ce deuxième album, le génial Sonny Ray à la guitare a quitté le groupe et les concerts sont désormais assurés par Wick Hayen. Le bassiste Kjelt Ostendorf, ainsi que la frontwoman Janne Timmer, reviennent sur l’incroyable accélération prise par le quintet.

– Quand je repense à notre première interview il y a près de trois ans lors de la sortie de « A Fool Paradise Vol.1 », j’avais vraiment été séduit par la grande qualité de l’album et de vos compositions. Il s’est passé beaucoup de choses depuis, et nous y reviendrons, mais tout d’abord, comment va HARLEM LAKE et quel regard portez-vous sur ces débuts plus que prometteurs ?

Kjelt : Merci ! Nous venons juste de sortir notre deuxième album studio, « The Mirrored Mask », et nous sommes actuellement en tournée où nous interprétons des chansons de cet album avec nos préférés de « A Fool’s Paradise ». A côté de ça, nous nous efforçons d’être meilleurs dans tous les domaines, que ce soit musicalement et sur l’aspect professionnel également. A mesure que nous grandissons et que nous gagnons en expérience, et avec des budgets plus importants aussi, nous pouvons aujourd’hui investir plus de temps en studio et faire appel à des personnes expérimentées de l’extérieur. Nous avons également signé cet album avec le label Jazzhaus et nous avons désormais des bookers dans plusieurs pays. De nombreux professionnels sont donc impliqués pour nous soutenir maintenant.

– L’an dernier, vous avez sorti « Volition Live », alors qu’on vous attendait avec un deuxième album studio. C’est très surprenant de voir un groupe, qui démarre comme vous, sortir ce genre d’album aussi vite dans sa discographie. C’était une question d’opportunité, qui s’est présentée lors du ‘Culemborg Blues Festival’, que de pouvoir enregistrer ce concert ?

Kjelt : En fait, nous enregistrons presque tous nos concerts. On ne sait jamais si cela peut nous être utile plus tard. Et nous avons eu une occasion unique de faire deux concerts consécutifs dans notre formation XXL, c’est-à-dire avec trois cuivres et deux choristes. Et en sortant ce live, nous voulions aussi offrir quelque chose de spécial à nos fans, sachant qu’il faudrait attendre un certain temps avant la sortie du prochain album studio. Personnellement, j’adore les albums live. Il y a quelque chose de magique dans le fait de capturer un moment unique et avec un minimum de montage. C’est brut, réel et c’est ce qui nous caractérise vraiment.

– Un mot aussi sur cette belle récompense aux ‘European Blues Challenge’, juste après le premier album. J’imagine que c’est une très belle reconnaissance et aussi une grande source de motivation pour la suite, non ?

Kjelt : C’est vrai ! Cela nous a aussi permis de faire des tournées à travers l’Europe, car de nombreux promoteurs de festivals étaient présents et nous ont programmés l’année suivante, ce qui nous a ouvert toutes sortes d’opportunités internationales.

– Vous êtes tous assez jeunes au sein de HARLEM LAKE et les choses sont allées très vite pour vous en peu de temps. Est-ce qu’au niveau de l’expérience acquise et de la confiance en soi, vous avez aussi le sentiment d’avoir fait un grand bond en avant ?

Kjelt : Nous avons acquis de l’expérience, c’est sûr. Depuis la sortie de « A Fool’s Paradise », nous avons donné plus de 100 concerts, dont un grand nombre à l’étranger. Chaque prestation nous apprend quelque chose, que ce soit sur scène ou en coulisses. Nous avons appris à nous adapter à différents types de scènes, à surmonter les barrières linguistiques, à gérer les longs trajets en van, les hôtels… Nous avons également dû apprendre les tenants et aboutissants des contrats d’enregistrement, des réservations, des vols, etc… Et bien sûr, nous continuons encore d’apprendre.

Janne : C’est certain. Je pense que j’ai beaucoup grandi en tant que chanteuse, mais surtout en tant qu’artiste de scène. Je me sens forte et confiante aujourd’hui et je suis plus libre de m’exprimer ! Il y a cinq ans, j’étais beaucoup plus modeste et réservée en concert. Maintenant, je me sens plus assurée, non seulement pour m’exprimer à travers le chant, mais aussi avec mon corps, en dansant et en faisant le show !

– Parlons de ce nouvel album. Là encore, on vous attendait avec le volume 2 de « A Fool Paradise ». Or, vous sortez « The Mirrored Mask ». C’est vrai qu’il est artistiquement assez différent. Est-ce pour cette raison, et peut-être compte tenu des textes, que vous ne voyiez pas en lui la suite du premier ?

Kjelt : Oui, je peux imaginer que tu as pu être surpris en apprenant que ce n’était pas le volume 2. Au départ, nous avions prévu que ce soit le cas. Mais en cours de route, il a évolué de lui-même. Il peut se passer beaucoup de choses en deux ou trois ans. Nous avons changé notre section rythmique et nous nous sommes développés dans plusieurs domaines. « The Mirrored Mask » sonne très différemment de « A Fool’s Paradise », à tel point qu’il n’était plus logique de les regrouper dans ce contexte. Sur le plan thématique, cependant, il y a une certaine continuité. En fait, quelques chansons de « The Mirrored Mask » ont ​​été écrites pendant la même période que « A Fool’s Paradise ».

– D’ailleurs, en parlant des textes, ils sont toujours plein d’émotion avec un aspect très Soul dans l’interprétation et plutôt Americana dans la narration. On peut y percevoir aussi un côté très personnel et intime. Est-ce qu’il est important pour toi, Janne, d’avoir un certain vécu pour pouvoir exprimer des sentiments avec autant de vérité ?

Janne : Mon style d’écriture est très lyrique à la base. J’aime exprimer mes émotions de manière imagée. Je trouve important d’être honnête, mais bien sûr, je romance ou j’amplifie certaines émotions. Les sentiments donnent la voie, mais les expériences qui les provoquent peuvent être à la fois les miennes et celles des autres. C’est plus facile si je les ai vécues bien sûr, car cela me permet d’intégrer des événements réels, ou de les utiliser comme métaphores. Je pense que les paroles de « Crying In A Desert » en sont un bon exemple. J’ai imaginé un cow-boy marchant dans un désert post-apocalyptique, sans cheval, juste lui et son arme. Toute sa situation sert de métaphore de la solitude et du désespoir.

– Une petite chose m’avait aussi intrigué en écoutant « The Mirrored Mask », car j’ai eu la chance de pouvoir le découvrir il y a quelques semaines déjà grâce à vous. J’avais noté les deux très beaux interludes instrumentaux : « Prelude To Mirrored Mask » et « Crying In A Desert Outro ». Pour quelle raison, ce dernier a-t-il disparu de la version finale du disque ?

Kjelt : Il n’a pas disparu ! En fait, c’est l’un de nos préférées. Nous l’avons simplement intégré à « Crying In A Desert », car ils vont vraiment ensemble. Mais ceux qui écouteront le CD verront qu’il y a une plage supplémentaire. Nous avons donné à cette outro, que nous avons surnommée en plaisantant « The Dessert », sa propre piste cachée, afin que les amateurs de guitare puissent passer directement au solo. Vous ne la verrez pas sur la pochette de l’album, mais si vous parcourez le CD, vous la trouverez.

– Vous avez beaucoup tourné depuis la création du groupe et participé à de nombreux festivals. Est-ce que cette proximité avec le public a pu modifier votre manière de composer pour être encore plus efficace et accrocheur dans la composition de vos morceaux ?

Kjelt : Eh bien, oui et non. Nous jouons souvent de nouvelles chansons en concert avant de les enregistrer pour évaluer la réaction du public. D’un autre côté, les performances en live et les enregistrements en studio peuvent donner l’impression que ce sont deux mondes différents. Les gens écoutent différemment la musique lors d’un concert et à la maison, et cela influence la façon dont nous composons et nous enregistrons, c’est certain. En concert, nous pouvons prendre plus de temps et faire quelques expérimentations, car le public est pleinement impliqué dans le moment. En studio, on a tendance à être plus directs et plus précis.

– La complicité entre Sonny Ray à la guitare et Dave Warmerdam aux claviers était déjà très perceptible sur le premier album et surtout sur le ‘Live’. Là, elle prend encore une autre dimension, tout comme cette rythmique irrésistible. On sent un réel élan commun, un esprit de groupe très fort. Vous composez et peaufiner tous les morceaux ensemble ?

Kjelt : Composer, pas nécessairement, mais peaufiner, oui ! Parfois, on part d’un fragment de mélodie, de quelques mots, d’un feeling ou de quelques accords. D’autres fois, la chanson arrive presque terminée. Et même là, on cherche encore ce qui fera qu’elle sonnera comme du HARLEM LAKE, et peu importe qui a eu l’idée initiale.

– J’aimerais aussi qu’on dise un mot sur la version XXL de HARLEM LAKE, qui était d’ailleurs à l’œuvre sur « Volition Live » et qui apportait un volume incroyable. Vous n’avez pas souhaité renouveler l’expérience sur « The Mirrored Mask », car les cuivres sont beaucoup plus discrets ?

Kjelt : Je ne pense pas que nous ayons vraiment abordé le sujet, en fait. Nous voulions simplement faire ce qui nous semblait le mieux pour les chansons. « Volition Live » visait davantage à capturer l’énergie, alors que cet album est davantage axé sur la narration d’une histoire.

– Un mot aussi sur la pochette de l’album, qui s’inscrit dans la continuité artistique des deux autres. Outre le fait de présenter une personnalité musicale très identifiable, c’est important qu’elle se prolonge aussi visuellement ?

Kjelt : Oui ! En fait, chaque élément qu’on peut contrôler fait partie de notre identité. Tout cela fait partie de l’expérience dont dispose l’auditeur avec la musique que nous créons. La représentation visuelle à elle seule peut déjà créer l’ambiance, c’est pourquoi elle est très importante pour nous, en effet.

– Enfin, comment cela se fait-il qu’un groupe comme HARLEM LAKE ne soit pas signé sur un label digne de ce nom, même si Jazzhaus sort celui-ci ? Vous tenez absolument à conserver votre indépendance et donc la liberté artistique qu’elle procure ?

Kjelt : Oui, nous avons signé cet album avec le label allemand Jazzhaus. Mais nous l’avons fait une fois l’album terminé, ce qui nous a permis de conserver une liberté artistique totale. Pour les prochains disques, nous signerons peut-être avant, mais nous privilégierons toujours notre indépendance artistique. Nous exprimer de manière honnête est la principale raison pour laquelle nous faisons tout cela.

Le nouvel album de HARLEM LAKE, « The Mirrored Mask », est disponible chez Jazzhaus et sur le site du groupe : https://harlemlake.com/

Retrouvez la (déjà) longue et première interview du groupe à l’occasion de son premier album…

… et la chronique de l’album Live :

Photos : Maaike Ronhaar (1, 2, 4, 5 6)

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Blues Rock Soul Southern Blues

Warren Haynes : soulman

Comme pour mieux mener à bien sa nouvelle réalisation en dehors de Gov’t Mule et peut-être aussi pour bien distinguer les choses, le songwriter de Caroline du Nord s’est occupé de la production de « Million Voices Whisper », où il explore plus en profondeur ses racines Soul, toujours dans un Southern Blues Rock d’une précision et d’un feeling de chaque instant. Et s’il donne cette impression intime de proximité, WARREN HAYNES n’est pas pour autant seul et il donne même tout son sens à la notion de partage qu’il a toujours entretenu.   

WARREN HAYNES

« Million Voices Whisper »

(Fantasy Records)

L’emblématique leader de Gov’t Mule s’offre une escapade en solo presque dix ans après « Ashes & Dust » (2015) et dans la foulée des deux récentes sorties de son  groupe (« Heavy Loud Blues » en 2021 et « Peace… Like A River » l’année dernière). Autant dire que le musicien d’Asheville est très inspiré. Assez éloigné de ce qu’il propose habituellement avec sa formation et même de ce qu’il a pu faire avant avec le Allman Brothers Band ou avec le Dickey Betts Band qu’il dédie à son fondateur, « Million Voices Whisper » est probablement l’album le plus personnel de WARREN HAYNES à bien des égards.

Toujours aussi bien entouré, les effluves sudistes sont ici distillés par John Medeski, impérial aux claviers, Terence Higgins, hyper-groovy à la batterie, et son compagnon de Gov’t Mule, Kevin Scott à la basse. Et comme le chanteur et guitariste est très accueillant, son ami Derek Trucks l’accompagne sur le titre d’ouverture « These Changes », ainsi que sur « Real, Real Love » et le génial « Hall Of Future Saint », qui clôt « Million Voices Whisper ». Le toucher de WARREN HAYNES et celui de son ancien compagnon de route font littéralement des merveilles sur ce titre, qui semble tellement hors du temps par sa beauté.

S’il reste Rock dans l’ensemble, ce quatrième effort est beaucoup axé sur la Soul, ce qui donne un Blues plus langoureux, plein d’émotion et où chacun prend le temps de poser la bonne note au bon moment (« This Life As We Know It », « Lies, Lies, Lies – Monkey Dance », « Till The Sun Comes Shining Through », « Terrified »). On retrouve également Lukas Nelson and Jamey Johnson, qui l’accompagnent en tournée, sur le somptueux « Day Of Reckoning ». En renouant avec ses premières amours musicales, WARREN HAYNES paraît s’offrir un petit bain de jouvence, en se rappelant à son influence majeure : la Soul. Un grand Monsieur !

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Americana International Soul Southern Blues

Abby Bryant : sweet southern sounds [Interview]

Dans un univers très personnel où se mêlent harmonieusement toutes les sonorités propres au Sud américain, ABBY BRYANT s’impose comme une artiste étonnante, autant par la maturité qu’elle dégage que cette force qu’elle va puiser dans une liberté affichée. Souvent autobiographiques, ses textes prennent vie dans une Soul très Rock, un brin vintage et aux saveurs Americana. Révélée sur « Not Your Little Girl », elle affirme son style sur « Glowing », un deuxième album chaleureux, attachant et enthousiaste. Alors que sa Caroline du Nord natale vient de subir les foudres de l’ouragan Hélène, c’était l’occasion de faire le point sur la situation dans la région et de parler, évidemment, de cette superbe et nouvelle réalisation.

– Avant de parler de ton nouvel album, j’aimerais que tu nous donnes des nouvelles suite à l’ouragan Hélène qui a frappé notamment la Caroline Du Nord où tu résides. Comment est la situation à Asheville ?

Merci de prendre de nos nouvelles ! Asheville fait face à une dévastation sans précédent depuis l’ouragan Hélène, et nous nous en sortons un jour après l’autre. Avec le groupe, nous allons bien, nos maisons et nos biens sont presqu’intacts, mais tant de gens ont tout perdu. Ces dernières semaines ont été difficiles, mais c’était aussi magnifique de voir les gens s’unir pour s’entraider avec autant d’amour. Notre communauté est incroyable et plus forte que jamais.

– Outre l’impact tragique sur la population, certaines structures comme les studios et les lieux musicaux ont-ils été beaucoup touchés et la vie artistique va-t-elle pouvoir reprendre normalement assez vite ?

C’est une période très incertaine pour tous les artistes de notre région en ce moment. L’un de nos principaux pôles artistiques, le ‘River Arts District’, a été presque complètement balayé, tout comme l’une de nos salles de concert préférées. Tout est différent maintenant et nous avons du mal à comprendre que certains lieux qui faisaient partie intégrante de nos vies et de notre communauté ont tout simplement disparu. Mais l’art survit en dehors de tout lieu et de nombreux artistes sont plus inspirés que jamais pour créer en ce moment.

– Pour conclure sur le sujet, on a vu Dolly Parton et Taylor Swift notamment faire des dons importants à des associations pour les deux Etats de Caroline. Il y a toujours une entraide incroyable aux Etats-Unis après ce genre de catastrophe, et c’est important que les artistes se mobilisent aussi. Va-t-il y avoir des concerts de soutien dans la mesure du possible prochainement ? Et est-ce que tu y penses de ton côté ?

Nous avons vu une générosité incroyable de la part de tous et nous apprécions énormément les importantes contributions apportées à la région par de grands artistes. Nous voyons également nos amis musiciens ici organiser de nombreux concerts de charité en ce moment. Nous avons notamment collecté des dons lors de nos concerts pour soutenir les personnes de l’Ouest de la Caroline du Nord, qui n’ont pas d’électricité et qui ont besoin de chaleur, d’abri et de fournitures à l’approche du froid. Les gens nous surprennent constamment par leur générosité.

– Revenons à toi. Tu es chanteuse, musicienne, auteure et compositrice et tu as sorti deux albums en trois ans. Est-ce tu avais aussi eu des expériences de groupes avant ces deux disques ?

J’ai d’une certaine manière fait de la musique en groupe depuis le tout début, depuis les ensembles à l’église quand j’étais enfant jusqu’aux chorales et aux groupes vocaux de mon université. Puis, j’ai continué à jouer dans les groupes d’amis pendant mes études avant de former le mien. Ainsi, même si ces albums sont mes premiers vraiment complets, jouer de la musique en groupe a toujours occupé une grande place dans ma vie.

– Ton style musical est dominé par une forte empreinte Soul, où l’on trouve aussi des sonorités Blues, Americana, Rock, Country aussi et avec une touche Funky. Au-delà de sa forte identité Southern, comment définirais-tu ta musique ? On a parfois l’impression que tu cherches à échapper aux cases…

Les nombreux styles qui ont influencé ma musique et mes racines sudistes sont profondément ancrés dans ma mémoire. J’ai tendance à puiser dans une grande variété de genres, il est donc difficile de décrire ma musique. J’évite souvent les limites de genre et je vais là où l’inspiration me mène. Mais je pense que beaucoup résumeraient ce style à quelque chose comme du Southern Rock Soul américain. Personnellement, il y a tellement de saveurs uniques dans ma musique qu’aucun terme de genre de base ne me satisfait. Je dis simplement aux gens qui me posent des questions de venir au concert et d’en faire l’expérience par eux-mêmes.

– Trois ans après « Not Your Little Girl », tu viens de sortir « Glowing ». Il y a une réelle continuité musicale entre les deux albums. Quelle était ta priorité en composant ce deuxième album ? Apporter une sorte de prolongement au premier ?

Le deuxième album me donne l’impression d’une exploration plus profonde, à la fois sonore et lyrique. Mon premier album abordait des thèmes de la jeunesse, comme quitter la maison, trouver ma propre identité en dehors de mon éducation traditionnelle, trouver et perdre l’amour, etc… Bien qu’il y ait certainement un certain chevauchement dans les expériences qui ont conduit à l’écriture de ce deuxième album, je pense que « Glowing » capture une sorte de croissance qui est née de beaucoup de difficultés et de la redécouverte d’une appréciation de l’expérience humaine. Après avoir survécu à des hauts et des bas majeurs et réalisé que je peux affronter n’importe quelle tempête, la vie devient plus facile. Je pense que nous sommes tous tellement chanceux d’être ici pour avoir le cœur brisé et ramasser les morceaux, de nous aimer profondément et de trouver la joie et l’espoir dans toutes les difficultés. J’apprends à accepter le voyage.

– Sur ton premier album, tu affichais déjà beaucoup de caractère, ne serait-ce que dans son titre déjà. C’est une manière aussi en tant que chanteuse, songwriter et de femme de s’imposer dans un milieu parfois difficile ou hostile ?

Mon premier album était clairement axé sur l’affirmation de mon indépendance et la recherche de ma propre voie, comme le suggère le titre. Le message est toujours aussi pertinent pour moi. Mais le deuxième album s’appuie sur une version encore plus douce et plus forte de moi-même, qui partage toujours les mêmes valeurs et la même volonté d’encourager les femmes à se lever et à s’exprimer. J’apprends au fur et à mesure à faire preuve d’amour dans tout ce que je fais et à m’entourer de personnes qui font de même, et le monde qui m’entoure me semble un peu moins dur.

– D’ailleurs, tu guides fermement « Glowing » et pas seulement vocalement. Il a aussi une saveur assez rétro et vintage, ce qui peut paraître surprenant de la part d’une jeune femme comme toi. C’est un son et une époque dans lesquels tu te retrouves plus que dans la scène actuelle et donc plus moderne ?

Je suis définitivement attiré par des sons plus rétro lorsque je crée, et je m’inspire souvent d’époques bien plus anciennes. J’aime faire partie de ceux qui font découvrir les trésors de notre passé aux nouvelles générations. J’ai remarqué que d’autres nouveaux artistes comme Sierra Ferrell et Billy Strings nous ramènent à nos racines. Et je pense que c’est une belle chose de remettre au premier plan des sons depuis longtemps oubliés par une grande partie de notre culture actuelle.

– J’aimerais qu’on revienne sur ta performance vocale. J’ai vraiment l’impression qu’il y a eu une sorte de déclic entre les deux albums. On te sent épanouie et tu dégages beaucoup de force et d’assurance. Cette liberté perceptible, la dois-tu aux retours positifs de « Not Your Little Girl » et/ou aux concerts donnés depuis trois ans ?

Je suis tellement reconnaissante de la façon dont « Not Your Little Girl » a voyagé si loin et s’est frayé un chemin jusqu’aux mains de tant d’auditeurs. Pour ce dernier album, je me suis sentie encore plus inspirée à me fier davantage à ma propre intuition, à la fois dans ma performance vocale et dans l’écriture des chansons elles-mêmes. Je pense que le tournant que tu as ressenti avec plus de force et de confiance est que je suis devenue autonome et que j’ai appris à me faire de plus en plus confiance. J’ai hâte de voir où cette évolution me mènera ensuite !

– Au niveau de la production, celle-ci a aussi gagné en dynamique et s’est considérablement éclaircie. C’est Dave Schools qui a réalisé celle de « Glowing ». De quelle manière avez-vous travaillé ensemble ? Tu avais certains impératifs ?

Travailler avec Dave Schools a été une expérience incroyable. Il a apporté un élément plus organique et brut à ce disque en l’enregistrant en live autant que possible et en laissant la synergie que nous avons ressentie en créant ensemble en studio nous guider. Tout s’est mis en place rapidement d’une manière qui ressemblait à de la magie, même si nous avions une équipe incroyable avec un talent fantastique dès le départ ! Dave nous a aidés à accepter la beauté de l’imperfection humaine et a permis au processus de se dérouler d’une manière qui semblait plus naturelle que n’importe quel enregistrement que j’avais fait auparavant.

– Par rapport à la composition elle-même, tu travailles toujours avec Bailey Faulkner. Comment fonctionnez-vous ? Tu apportes les idées et vous les mettez en musique ensemble, ou  y a-t-il un effort collectif de tous les musiciens, car tu as gardé la même équipe, je crois ?

Oui, je travaille toujours avec Bailey et mon groupe. Nous écrivons toujours des chansons ensemble, parfois aux côtés d’autres excellents co-auteurs quand nous le pouvons. Nous avons chacun des approches différentes de l’écriture des chansons, mais qui semblent très complémentaires. Bailey commence souvent par une progression d’accords ou un groove et se laisse guider par le feeling sur les paroles et la mélodie. Pour ma part, je commence souvent par un sujet ou un message comme élément de base pour la mélodie. Une fois que nous avons une idée plus développée que nous avons construite ensemble, nous apportons la chanson au reste du groupe. Et ils ont souvent de bonnes idées à ajouter pour l’instrumentation, la performance, les arrangements, etc… On forme vraiment tout un village.

– Tu as donc sorti deux albums en indépendant et en te produisant. Vu la qualité des deux disques, tu aurais pu être approchée par un label, non ? Est-ce un choix de ta part, ou est-ce difficile aux USA aussi de se faire signer sur un label ?

Nous avons autoproduit notre premier album et avons fait appel à Dave pour produire le deuxième, mais nous avons sorti les deux albums de manière indépendante. C’est difficile de trouver le bon label avec lequel s’associer et nous sommes tout à fait ouverts à l’idée d’explorer cette option. Pour l’instant, rester indépendant a été notre meilleure option, même si nous continuerons à chercher un partenaire idéal.

– Enfin, un petit mot sur tes projets à venir. Bien sûr, la situation actuelle a figé et stoppé beaucoup de choses. Penses-tu reprendre les concerts rapidement et peut-être même partir en tournée ?

Nous avons continué à donner autant de concerts que possible. Et bien que de nombreuses opportunités locales ne soient actuellement pas disponibles, nous jouons hors de la ville la plupart des week-ends et nous demandons à notre public de soutenir la Caroline du Nord occidentale en apportant des dons que nous pourrons ramener chez nous à Asheville. Nous espérons reprendre un rythme de tournée régulier d’ici le printemps et continuer à faire des tournées pour le nouvel album.

Les albums sont disponibles sur le site de l’artiste : www.abbybryantmusic.com

Retrouvez la chronique du dernier album d’ABBY BRYANT…

… Et une plus courte du premier :

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Americana Country Southern Southern Blues

Michelle Malone : classy neighborhood

Lorsqu’on dispose d’un tel voisinage, il serait dommage de ne pas lui proposer de venir poser quelques notes, et même un peu plus, sur son nouvel album. Et même si elle s’en sort toujours très bien toute seule, c’est ce qu’a fait MICHELLE MALONE en invitant quelques amis musiciens appartenant, par un heureux hasard, au gratin de son Sud natal. Entre Country-Soul, Americana Rock et Roots Rock, la chanteuse passe en revue des chansons dynamiques et positives comme des moments plus poignants avec une grande classe.

MICHELLE MALONE

« Southern Comfort »

(SBS Records)

Musicienne accomplie et indépendante, MICHELLE MALONE livre son seizième album en trois décennies de carrière au service d’une vision très personnelle de la musique américaine. Originaire d’Atlanta en Georgie, elle a forgé son style dans un Americana authentique, où se fondent naturellement le Blues, la Country et le Rock. Forte de caractère, elle a même créé à l’aube des années 2000 son propre label, SBS Records, qui lui offre une totale liberté artistique épanouissante et très perceptible.

MICHELLE MALONE ne manque pas de soutien et ses amis sont aussi nombreux que prestigieux. Assurant bien sûr le chant, les guitares (électriques et acoustiques), la mandoline et l’harmonica, elle a écrit, ou co-écrit, la moitié de « Southern Comfort ». Ce sont Dean Dillon, Eliot Bronson et Gary Stier qui apportent leur talent aux autres morceaux. Pour autant, l’ensemble est très homogène et identifiable entre des titres bien relevés et très Rock et de belles ballades avec une approche vocale Country irrésistible.

Entourée de la crème des musiciens du Sud américain, on retrouve Charly Starr et Paul Jackson de Blackberry Smoke, Rick Richards des Georgia Satellites, Will Kimbrough et Buddy Miller de Spy Boy d’Emmylou Harris et quelques autres encore. « Southern Comfort » est éclatant dans le songwriting et MICHELLE MALONE enchaîne les chansons avec la passion et la sensibilité qu’on lui connait (« Like Mother Like Daughter », « One Track Mind », « Wine And Regret » et le morceau-titre). Brillant… encore une fois !

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Blues International Southern Blues

Devon Allman : son & brother [Interview]

C’est dans la torpeur de Miami que DEVON ALLMAN est allé enregistrer ce nouvel album solo, une production qui reflète d’ailleurs bien la chaleur de la ‘Magic City’. Le chanteur, guitariste et compositeur met de côté le Southern Rock dont il est un héritier direct pour élaborer un Blues plus langoureux et délicat. Pour autant, « Miami Moon » regorge de ces solos qui ont fait sa réputation et il semble littéralement se laisser guider par ces nouveaux morceaux. L’Américain aime surprendre et ce n’est peut-être pas l’album qu’on attendait de lui, tant il paraît loin de la fougue des réalisations du Allman Betts Band notamment. L’occasion de parler avec lui de l’ambiance diffusée ici, de ses sensations sur ce nouveau disque et du lieu symbolique de son enregistrement.

– Cela fait huit ans que l’on attend ce quatrième album solo. Cela dit, tu n’es pas resté inactif puisque tu as sorti deux disques avec Allman Betts Band. A quel moment as-tu ressenti le besoin de te remettre à la composition et à l’écriture ? A moins que ce soit des morceaux que tu avais déjà de côté depuis un moment ?

Une fois que The Allman Betts Band a décidé de faire une pause, j’étais impatient de retourner en tournée et d’enregistrer en tant qu’artiste solo. Je n’avais qu’une seule chanson prête à être jouée… l’instrumental « Sahara ». C’était amusant d’être dos au mur sans aucun autre matériel. Début 2022, j’étais en tournée avec Samantha Fish et mon guitariste Jackson Stokes et j’allais à l’arrière du bus pour écrire les chansons qui sont devenues « Miami Moon ». La seule chose que je voulais vraiment, c’était des chansons qui me donnent l’impression de passer un bon moment.

– D’ailleurs, « Miami Moon » dénote clairement d’avec les albums du Allman Betts Band, qui sont clairement inscrits dans la lignée de l’héritage laissé par vos pères respectifs. Avais-tu aussi besoin d’un changement d’ambiance, de laisser un temps le Southern Rock de côté pour quelque chose de plus Blues ?

J’avais déjà huit autres albums avant même que The Allman Betts Band ne se forme. J’ai donc toujours aimé montrer différentes facettes de mes goûts musicaux. J’aime toujours changer de style… du Blues au Rock, en passant par l’Americana et le R&B. Je m’ennuie facilement ! (Rires)

– Pourtant, tu n’as pas complètement coupé les ponts, puisque « Miami Moon » a été enregistré dans les studios Criteria où ton père a réalisé « Eat A Peach » avec Allman Brothers Band et où ton oncle Duane et Eric Clapton ont enregistré le célèbre « Layla ». J’imagine qu’il y avait une atmosphère assez spéciale. Justement, est-ce que tu y as trouvé une sorte de réconfort et de familiarité, ou plutôt un peu de pression ?

Les studios Criteria m’ont offert une atmosphère agréable pour travailler. Aucune pression du tout… Juste un groupe de musiciens fantastiques, qui donnent vie à des chansons. Cela signifie beaucoup pour moi de travailler dans un espace où ma famille et mes héros ont travaillé… c’est un honneur d’avoir travaillé là-bas.

– A priori, l’ambiance était plutôt à la détente, puisqu’on te retrouve dans un registre très Soul, Funky, un peu Pop et parfois aussi latino et sur un groove assez vintage de temps en temps. Il en ressort un album très chaleureux et passionné. Est-ce que tu aurais pu l’enregistrer ailleurs qu’à Miami pour obtenir cette ambiance, et est-ce que les saveurs de la ville t’ont aussi inspiré ?

Je pense que cette ambiance est en grande partie due aux excellents musiciens, mais oui, Miami elle-même s’est retrouvée dans le groove et les sensations de l’album. Je pense toujours que le lieu peut ajouter à l’art, c’est sûr. Mais ces musiciens ont tout simplement cartonné.

– La production est elle aussi très organique et on imagine facilement que tout a été enregistré sur bandes en analogique. Pourtant, « Miami Moon » dégage beaucoup de modernité dans les morceaux comme dans le son d’ailleurs. De quelle manière as-tu trouvé cet équilibre et quel est ton rôle au niveau de la production ?

Tom Hambridge et moi avons travaillé côte à côte sur trois projets jusqu’à présent. Nous avons tout gravé pendant l’enregistrement de départ sur des bandes analogiques, comme on le faisait pour les albums classiques. Il a supervisé le découpage de la bande et j’ai pris le relais avec Chris Turnbaugh, ingénieur du son à St. Louis, pour les overdubs, afin de réaliser les percussions, les chœurs, la section de cordes, les cuivres, les guitares et tous ces autres petites douceurs pour les oreilles. Tom a ensuite travaillé avec moi sur les voix à Nashville. J’étais satisfait du mélange de tout ce travail et je suis retourné à Nashville pour le mixage… tout cela a été un très long processus.

– En dehors de tes albums solos, tu as toujours accordé beaucoup d’importance aux collaborations et aux réalisations en groupe comme avec Royal Southern Brotherhood, Honeytribe et bien sûr Allman Betts band. Depuis « Turquoise » en 2013, considères-tu ces productions sous ton propre nom comme quelque chose de plus personnel, voire intime, à savoir un environnement dans lequel tu peux t’exprimer pleinement et plus librement ?

Oui, j’aime collaborer avec d’autres musiciens, comme le reflète ma discographie, mais faire les choses seul permet de s’épanouir davantage. Les autres groupes ont généralement un cadre et un son dans lesquels travailler… Le faire seul me permet d’aller au-delà.

– Durant ta carrière, tu as joué un peu partout et notamment en Europe avec même une collaboration assez longue avec Javier Vargas, que j’ai aussi eu le plaisir d’interviewer. Y a-t-il un aspect ou une approche sonore et musicale du Blues ici qu’on ne retrouve pas aux Etats-Unis et qui te séduit ?

Le Blues appartient à l’Amérique… Nous sommes un jeune pays, nous n’avons pas grand-chose à revendiquer, car l’Europe a beaucoup plus d’Histoire que l’Amérique… mais le Blues et le barbecue sont à nous ! (Rires)

– Parmi tous tes projets, Allman Betts Band est probablement le plus attrayant pour le grand public, car il perpétue une sorte de mythe à travers une transmission et une continuité familiale. « Bless Your Hearts » est sorti il y a quatre ans maintenant. Est-ce que vous avez déjà avec Duane un troisième album en tête, ou vos carrières solos respectives occupent toute votre attention pour l’instant ?

…Reste connecté ! (Sourires) – (J’aurais essayé ! – NDR)

– Pour conclure, j’aimerais que tu nous parles de la magnifique tournée d’Allman Betts Family Revival en fin d’année aux Etats-Unis. Le casting est exceptionnel et j’imagine que les setlist le seront tout autant. Tout d’abord, comment se prépare une telle réunion, et enfin peut-on espérer vous voir tous ensemble (ne serait-ce que toi en solo !) un jour en France ?

C’est une tournée très agréable et le plan directeur est quelque chose que j’ai pris de l’incroyable film-concert « The Last Waltz »… Allman Betts Band est notre groupe-maison et nos invités viennent célébrer le catalogue intemporel de mon père et du Allman Brothers Band. C’est comme une grande réunion de famille et c’est toujours tellement agréable de retrouver tout le monde et de jouer ensemble. Et là, je viens de jouer à Megève et j’ai également passé mes vacances avec ma femme à Saint-Tropez… J’attends toujours avec impatience mon retour en France !

L’album de DEVON ALLMAN, « Miami Moon », est disponible chez Create Records, le propre label du musicien.

Photo : Emma Delevante (2)

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Bywater Call : southern spirit [Interview]

Avec une telle signature vocale, il n’est pas si surprenant de voir BYWATER CALL gravir à ce rythme les échelons et surtout s’établir de belle manière sur une scène Southern Blues Rock, qui n’a pas été aussi vivante depuis des décennies. Guidée par sa frontwoman Meghan Parnell, elle-même accompagnée par un brillant sextet, la formation canadienne vient de publier son troisième album, « Shepherd », chaleureux, joyeux et dont il est difficile de se défaire. Enchaînant les concerts comme les distinctions, la chanteuse se livre sur l’approche musicale du groupe, sa liberté nouvellement acquise et le talent des musiciens qui forment cette belle entité ancrée dans une Soul renversante.

– Après votre premier album éponyme en 2019, puis « Remains » en 2022 suivi de l’EP « Beyond The Doorway » l’an dernier, vous revenez avec « Shepherd », qui est probablement votre réalisation la plus aboutie. Est-ce que BYWATER CALL a enfin, selon toi, complètement cerné son identité musicale à travers un style que vous aviez en tête depuis vos débuts ?

En fait, je ne sais pas si nous parviendrons un jour à définir pleinement notre identité musicale. En tant que groupe, nos influences et nos inspirations sont si diverses et en constante évolution que je pense, et j’espère, que notre son continuera d’évoluer au fil du temps. Nous sommes fiers de la diversité de la musique que nous créons. Je pense que cela nous permet d’emmener nos auditeurs dans un véritable voyage. Et j’espère que malgré cela, ou peut-être grâce à cela, nous avons, ou serons bientôt en mesure, de créer un son qui nous est propre.

– D’ailleurs, si « Shepherd » est si assuré et inspiré, est-ce le résultat de la centaine de concerts donnés à travers une dizaine de pays aux côtés de grands noms l’année dernière ? Est-ce que cette expérience acquise vous a aidé dans la composition de ce nouvel album, ou du moins dans son interprétation ?

Oui, je pense que tous ces concerts donnés ensemble au cours des 18 derniers mois nous ont vraiment aidés à nous fixer. Je crois que nous avons une confiance en notre musique et elle continue de grandir à mesure que nous nous appuyons sur nos points forts. Et bien sûr, les opportunités de côtoyer de grands talents, ou en devenir, ont certainement eu une influence. C’est toujours formidable de voir comment d’autres musiciens opèrent. Je crois que nous pouvons tous apprendre les uns des autres.

– Il y a une autre nouveauté avec ce troisième album. Vous avez quitté votre label, Gypsy Soul Records, pour vous autoproduire. Même si on peut facilement comprendre votre envie de liberté, est-ce que le support d’un label a moins d’importance aujourd’hui dans une industrie musicale qui a beaucoup changé ?

Il y a bien sûr beaucoup d’outils à la disposition des artistes indépendants aujourd’hui C’est formidable pour tous ceuyx qui peuvent ainsi prendre leur carrière en main. Je pense que c’est important. C’est beaucoup de travail de sortir un album tout seul et il y a beaucoup d’opportunités qui peuvent être manquées ou négligées. Il est difficile de savoir si vous faites vraiment tout ce qu’il faut. Avec une maison de disques, c’est agréable de sentir que vous faites partie d’une équipe, qui a l’expérience et la sagesse, et qui connait la meilleure façon de sortir de la musique efficacement. Pour notre part, nous voulions vraiment essayer de faire quelque chose par nous-mêmes, ce que nous n’avions pas encore fait. C’est une grande entreprise et nous avons beaucoup appris.

– Vous avez donc enregistré « Shepherd » vous-mêmes et la production est littéralement éclatante et trouve un bel équilibre. Justement, est-ce que le fait d’avoir été seuls aux commandes cette fois vous a permis d’oser plus de choses ?

Nous avons eu beaucoup de chance que Bruce (McCarthy – NDR), notre batteur, ait un petit studio et une bonne expérience comme ingé-son et aussi en mixage. Lorsque nous avons décidé de nous lancer dans cet album, il nous a gracieusement donné beaucoup de son temps et de son espace pour que nous puissions le mettre au point. Et oui, je pense que nous avons pu faire pas mal d’expérimentations grâce à ça. Nous savions que nous voulions une certaine esthétique pour certains morceaux et chez Bruce, nous expérimentions avec les micros et la façon de les utiliser, ainsi que les effets de lumière dans la production. Pour quelques chansons, nous voulions incorporer des percussions captivantes et Bruce a pu prendre le temps de jouer avec ça chez lui. De plus, grâce à la façon dont l’album a été conçu, Dave (Barnes – NDR) a pu enregistrer beaucoup de ses guitares chez lui, ce qui lui a donné beaucoup de liberté pour travailler sur la façon dont il voulait que ses parties sonnent.

– L’autre point fort de l’album est la puissance de ta prestation vocale, Meghan. On a le sentiment que tu guides vraiment ces nouveaux morceaux. Est-ce que cela est également dû au fait que vous ayez retrouvé une totale liberté artistique qui transparaît beaucoup plus dans ton chant ?

Ma voix sera toujours un élément important de n’importe quel morceau pour créer l’ambiance d’une chanson. Cependant, nous essayons de plus en plus de trouver l’équilibre idéal, les parties les plus fortes et les plus efficaces de ma voix, et de nous y concentrer au lieu de ressentir le besoin de nous mettre en valeur. Je pense que plus nous jouons et enregistrons, plus je suis à l’aise et confiante dans le fait que ma voix sera entendue, même dans les moments les plus tendres, délicats et décalés, et je pense que c’est tout aussi important. Au fur et à mesure que nous expérimentons, comprendre que je n’ai pas toujours besoin de chanter fort, et au plus haut de ma tessiture pour être entendu, nous aide vraiment à trouver des idées nouvelles et intéressantes.

– L’autre chose qui domine à l’écoute de « Shepherd », c’est cette ambiance très positive et joyeuse. L’esprit Southern est toujours l’élément principal et il y a aussi des sonorités typiques de la Nouvelle-Orléans, qui sont parfaitement incarnées dans « Sweet Maria », notamment. Cette chanson a-t-elle été une sorte de déclic pour conditionner l’atmosphère globale de l’album ?

Nous avons toujours voulu capturer la chaleur et la joie dans notre son. Nous pensons qu’il est important de faire ressentir quelque chose aux gens à travers notre musique et sur cet album, nous avons définitivement célébré cela dans de nombreux morceaux comme « Sweet Maria », « Turn It Around », « Roll » ou « For All We Know, Sign of Peace ». Toutes ces chansons ont une ambiance très positive et estivale.

Je crois que l’on peut dire que « Sweet Maria » a été le début de tout ça. La chanson nous a été apportée par John Kervin (claviers – NDR) et elle dégage une atmosphère tellement agréable dès le début. Il a eu la gentillesse de me laisser creuser vocalement et lyriquement cette idée de célébration, et avec un peu d’expérimentation, nous avons fini par obtenir « Sweet Maria ». C’était le premier nouveau morceau de l’album que nous avons enregistré et sorti en single aussi. Et il semble avoir donné le ton approprié à tout ce qui a suivi ensuite.

Nous avons écrit « Sign of Peace », le dernier morceau de l’album, il y a des années, au tout début de la création du groupe. Nous l’avons donc beaucoup joué et il a évolué au fil du temps, mais il ne nous a jamais semblé pertinent de l’enregistrer. Avec l’ambiance plus joyeuse de cet album et un penchant plus éclectique, cela semblait être le bon moment. Nous avons pensé que nous pourrions nous amuser un peu avec. Alors, Steve (Dyte, trompette –  NDR) a écrit un superbe chorus à quatre voix dans un premier couplet pour aider à capturer l’ambiance de la Nouvelle-Orléans et cela s’intègre parfaitement dans le paysage de « Shepherd ».

– L’orgue et les cuivres sont aussi plus présents sur l’album, ce qui lui donne un aspect plus Soul et un peu moins Rock peut-être. C’est une manière de jouer plus facilement sur les émotions avec plus de douceur dans l’approche musicale et le son ?

Exploiter les émotions est très important pour nous et nous nous efforçons toujours de nous améliorer. Chaque musicien du groupe est incroyablement talentueux, nous voulons donc nous assurer de mettre en valeur et de cultiver tous nos points forts. John est un claviériste incroyable et Julian (Nally, saxophone – NDR) et Steve (trompette) travaillent si bien ensemble. Il est donc important de mettre cela en valeur. Nous aimons faire bouger les morceaux… Mais nous aimons encore plus les moments très Soul, plein d’émotion et de joie. Et les cuivres et l’orgue contribuent à adoucir l’esthétique de la musique.

– On l’a dit, vous avez beaucoup tourné et notamment en Europe, où vous avez aussi participé à la ‘Sea Mediterranean Cruise’ de Joe Bonamassa. Aujourd’hui, cela vous vaut d’être nominés aux UK Blues Awards pour le prix du meilleur artiste international. C’est déjà une belle récompense, d’autant qu’elle arrive d’un autre continent. Dans quel état d’esprit êtes-vous ? Et cela doit être également une grande motivation…

Cette nomination a été une surprise totale. Je l’ai découvert lorsque nous avons été tagués dans un post sur les réseaux. Venant d’un pays où nous n’avions eu l’occasion de faire qu’une seule tournée à ce moment-là, et considérant les artistes phénoménaux aux côtés desquels nous étions nommés, c’était vraiment un honneur. Etre mentionné aux côtés de Larkin Poe notamment est incroyable. Cela dit, je pense qu’il est important de ne pas accorder trop d’importance aux récompenses, il y a trop d’artistes fantastiques pour que tout le monde soit correctement reconnu… mais ça aide de savoir que notre musique est appréciée !

– Enfin, on assiste depuis quelques temps à un certain renouveau de la scène Southern Rock et Blues avec l’émergence de formations comme la vôtre d’ailleurs, qui ont vraiment su se faire une place. Qu’est-ce que cela t’inspire de voir ce style si emblématique trouver un second souffle avec une nouvelle génération pleine de talent ?

Je pense que c’est très encourageant de voir qu’il y a encore une place pour la musique live dans le monde numérique et celui des DJ d’aujourd’hui. Il y a une chaleur, une émotion et une humanité qui semblent souvent absentes dans une grande partie de la musique actuelle, du moins pour moi. Voir de nouveaux groupes dans des genres similaires au nôtre réussir à attirer un public est une victoire pour nous tous. Plus ce renouveau touche de fans, plus il y en aura de nouveaux à même d’écouter tous ceux qui tentent leur chance… Les adeptes de la scène Southern Rock et Blues, nouveaux comme anciens, ont beaucoup de place dans leur cœur pour les artistes établis et aussi émergents. Ils veulent juste faire partie de quelque chose de magique, comme nous.

Le nouvel album de BYWATER CALL, « Shepherd », est disponible sur le site du groupe, tout comme les billets de la tournée qui aura lieu du 2 octobre au 22 novembre prochain en Europe : www.bywatercall.com

Photos : Juan Perez-Fajardo (1), Erin Cosentino (2, 3), Mal Whichelow (4) et Zoran Veselinovic (5).

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Kyle Daniel : Southern flavors

Tout ici respire le sud des Etats-Unis. L’Alternative Country enrobée d’Americana, de Blues et de Rock rayonne et se diffuse avec évidence sur « Kentucky Gold », premier opus d’un KYLE DANIEL qui se pose déjà comme le futur songwriter incontournable de cette nouvelle génération Southern Rock, décidemment en pleine ébullition. Il a écumé les bars et les clubs et a appris les moindres détails qui font flamboyer l’âme de baroudeur qu’il affiche déjà. Modernes et avec une approche Old School raffinée, ces douze morceaux se savourent encore et encore.  

KYLE DANIEL

« Kentucky Gold »

(Snakefarm Records)

Comme l’indique le titre de son album, c’est bel et bien du Kentucky et plus précisément de Bowling Green qu’est originaire le talentueux KYLE DANIEL. Basé à Nashville depuis la pandémie, celui qui a été élevé en écoutant de la Country et du Southern Rock n’est donc pas dépaysé, même si son style se démarque franchement de sa nouvelle ville d’adoption. Après deux EPs en indépendant, un éponyme en 2018 et « What’s There To Say » l’année suivante, « Kentucky Gold » marque le franchissement d’une étape importante, le tout avec une maîtrise totale et un sens de la chanson captivant.  

Cela dit, KYLE DANIEL n’est pas totalement inconnu sur le circuit Blues, Country et plus largement Southern américain. Redoutable guitariste, il remporte le ‘Kentucky Blues Challenge’ à 17 ans, puis le très renommé ‘International Blues Challenge’ dans la foulée. Autant dire que le musicien sait parfaitement où il va, et en confiant la production à Jaren Johnston (The Cadillac Three), Brian Elmquist (The Lone Bellow) et au faiseur de hits canadien Mike Krompass, il s’assure une entrée en matière somptueuse pour un résultat qui l’est tout autant.

Torride, l’entame de « Kentucky Gold » s’inscrit dans la lignée classique du Rock Sudiste, musclée et fédératrice (« Can’t Hold Me Back »). KYLE DANIEL a aussi pris le soin de se rendre à Muscle Shoals, ce qui libère un côté Soul très authentique (« Me And My Old Man »). Puis, les surprises s’égrainent au fil du disque avec des duos de haut vol. On se régale de « Fire Me Up » avec Maggie Rose, de « Southern Sounds » avec Kendrell Marvel, de « Summer Down South » avec The Cadillac Three et enfin de « Everybody’s Talkin’ » avec Sarah Zimmerman. Epoustouflant !

(Photo : Jason Stolzfus)

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Blues Rock Southern Blues Southern Rock

Tyler Bryant & The Shakedown : so plugged

Avec « Electrified », TYLER BRYANT &HE SHAKEDOWN présente la quintessence de la musique roots américaine telle qu’il l’entend. Très Blues et minutieusement teinté de Country, le Southern Rock de la formation du Tennessee atteint son apogée avec cette nouvelle réalisation d’une rare authenticité. Avec son explosif frontman, le groupe déploie une énergie frénétique sur des solos et des riffs mélodiques et foudroyants. Un régal !

TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN

« Electrified »

(Rattle Shake Records)

Depuis qu’ils se sont affranchis de leur ancienne maison de disques et avec surtout la création de leur propre label, Caleb Crosby, Graham Whitford et Tyler Bryant semblent sur un petit nuage. Déjà sur le précédent « Shake The Roots » (2022), on avait très nettement senti ce vent de liberté, cet esprit insaisissable et cette volonté de renforcer le côté Southern et American Roots de leur musique. Toujours aussi Rock, mais aussi Blues et Country, TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN a littéralement trouvé son allure de croisière avec « Electrified ».

Evidemment très organique, la production de ce nouvel opus donne carrément l’impression d’être projeté dans la même pièce que le trio et le groove qui s’en dégage est quasi-hypnotique. Le combo de Nashville sait où il va et si le son parait volontairement très live et sauvage, la maîtrise est totale. Accrocheur et énergique, « Electrified » ne contient aucune fausse note. TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN avance d’un seul homme sur des compos particulièrement bien arrangées avec, notamment, des parties de guitares étincelantes.

Ce sixième album reflète parfaitement son titre et la chevauchée promise est farouche, mais aussi très délicate. D’entrée, « Between The Lines » met le feu aux poudres avant que le shamanique « Crossfire » ne nous emporte vraiment. Les Américains présentent des titres courts d’une redouble efficacité (« Snake Oil », « Trick Up My Sleeve », « Dead To Rights »). Rebecca Lovell de Larkin Poe, Madame Bryant, vient même faire les chœurs sur « Happy Gets Made ». TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN entre dans la cour des grands de la plus belle des manières !

Photo : Zack Whitford

Retrouvez la chronique de l’album précédent :

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Blues Rock Contemporary Blues Hard Blues Southern Blues

Troy Redfern : inner fire

Délicieusement rugueux et joliment âpre, le jeu de TROY REDFERN s’aventure avec une facilité déconcertante dans les moindres recoins du Rock sur un Blues éternel et enflammé. Il y a quelque chose d’hypnotisant chez le guitariste, qui est à même de s’engouffrer dans des ambiances presque voodoo, puis retrouver un Hard Blues très roots toujours précis et instinctif. « Invocation » reflète tous les éléments qu’il détient dans sa vaste créativité.

TROY REDFERN

« Invocation »

(RED7 Records)

L’explosif et très prolifique TROY REDFERN est toujours aussi incandescent et c’est peu de le dire ! Troisième album en trois ans pour le maître de la slide anglaise et « Invocation » s’inscrit non seulement dans les pas de « The Fire Cosmic ! » et  (2021) et « Wings Of Salvation » (2022), mais il confirme aussi que le spectre musical du musicien va bien au-delà des frontières du Blues Rock. Son style se précise encore un peu plus et il dévoile ici des sonorités qui nous ramènent à la scène californienne des années 90.

Beaucoup de gourmandise donc au menu de ce huitième opus qui sent la poudre. Comme à son habitude, TROY REDFERN a conçu et livré l’intégralité en six petites semaines après s’être isolé au Pays de Galles pour poser les fondations de ces nouveaux titres. Et le résultat, toujours aussi organique et direct, dévoile une performance où la diversité rivalise avec la virtuosité du Britannique. Ayant fait appel à la même équipe de production, il laisse échapper « Invocation » avec beaucoup de liberté dans l’interprétation.

Sur un rythme effréné, TROY REDFERN nous balade du Sud des Etats-Unis à L.A. en passant par son île natale avec une fougue et un grain de folie que l’on n’a plus entendu depuis quelques années… Et là encore, il faut chercher du côté du Texas. Rock, Glam, Hard Rock et bien sûr Blues rocailleux, le guitariste va où bon lui semble, guidé par une énergie sans limite et aucun territoire ne lui résiste (« Van Helsing », « Getaway », « The Native », « The Strange »). « Invocation » s’approprie le Rock’n’Roll avec une classe débridée.

Photo : Jason Bridges

Retrouvez les chroniques des deux derniers albums :

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Blues Blues Rock International Southern Blues

Susan Santos : sunny vibes [Interview]

La guitariste, chanteuse, compositrice et productrice SUSAN SANTOS a livré il y a quelques semaines son nouvel et sixième album, « Sonora ». Elle nous transporte au coeur du desert à travers huit titres à l’atmosphère plutôt Blues Rock, mais pas seulement. Mâtiné de divers courants allant de sonorités hispaniques et Southern, comme Country ou même Western, l’Espagnole fait preuve d’un éclectisme bluffant et d’une maîtrise totale avec une identité marquée. L’occasion de lui poser quelques questions au sujet de ce brûlant nouvel opus…   

Photo : Juan Pérez-Fajardo

– Le moins que l’on puisse dire est que « Sonora » est un album très solaire à de nombreux points de vue. Même s’il ne dénote pas de tes précédentes réalisations, est-ce que faire du désert le point central du disque est une envie que tu as eue avant même le processus de composition ?

C’est quelque chose qui s’est fait petit à petit, en fait. J’ai commencé à écrire des chansons sans intention précise, et au fur et à mesure du choix des morceaux, l’idée a émergé pour devenir finalement le fil rouge de l’album.

– D’ailleurs, tu l’as entièrement composé, paroles et musique, et tu l’as aussi coproduit avec Jose Nortes. Tout a été réalisé aux studios Black Betty à Madrid. C’était important d’être presque seule à chaque étape de « Sonora » pour en quelque sorte ‘centraliser’ les choses ?

Dès le départ, il était clair pour moi que je voulais faire les choses à ma manière, tout décider et participer à tout le processus, y compris le mixage et le mastering. L’enregistrer à Madrid était le plus pratique, puisque j’habite là. L’enregistrement s’est fait en quelques jours, mais avec les concerts, les voyages et les tournées, j’ai du attendre mon retour pour repartir en studio pour le mixage.

Photo : Juan Pérez-Fajardo

– Les morceaux de « Sonora » sont efficaces sans pour autant être épurés, loin de là. On t’entend jouer de la guitare électrique, baryton et acoustique, ainsi que du banjo et du thérémine. L’album est vraiment très riche, ainsi qu’au niveau des arrangements. Est-ce une chose sur laquelle tu t’es longuement penchée ?

Pas vraiment, la vérité est que tout s’est fait un peu à la volée. En fait, j’ai même écrit  des chansons et de nombreux arrangements en studio pendant que nous enregistrions. J’avais une totale liberté de décision et c’était vraiment très amusant ! C’est vrai que tout ça a aussi fait bouger beaucoup de choses pendant les journées d’enregistrement.

– Je disais que « Sonora » était musicalement très solaire dans son ensemble, à travers le thème du désert bien sûr, mais aussi musicalement. C’est la première fois que tu réalises ce qu’on pourra apparenter à un album-concept ?

Oui, c’est la première fois que je fais quelque chose comme ça. Comme je te le disais, je n’y ai pas pensé au début, lorsque je me suis décidée à enregistrer un album. J’ai commencé l’écriture des chansons et dès que j’en ai eu deux ou trois, c’est à ce moment-là que l’idée m’est venue et s’est imposée.

Photo : Juan Pérez-Fajardo

– Evidemment, la thématique et certaines sonorités hispaniques, et parfois Southern aussi, font penser à une bande originale de western. Est-ce un peu de cette manière que tu as conçu « Sonora » ?

Absolument ! J’aime beaucoup être au croisement de tous ces sons entre Rock, Blues, Country, Southern Rock et Western. Et l’environnement du désert est parfait pour encadrer et englober toutes ces ambiances.

– Un petit mot aussi sur le clip de « Hot Rod Lady », qui a été tourné à Joshua Tree. Pourquoi spécialement là-bas, même si on en a une petite idée ? On aurait aussi pu l’imaginer dans les Bardenas Reales… 

En fait, j’étais en tournée en Californie, lorsque je mixais l’album et on était très proche de Joshua Tree. Ca m’a semblé être l’endroit parfait pour le tournage du clip de la chanson.

– Depuis tes débuts, tu multiplies les styles de Blues et aucun ne te résiste. Y a-t-il cependant un registre qui a ta préférence et qui te ressemble le plus ?

Je suis très curieuse de tous les styles musicaux et beaucoup d’entre eux se marient facilement car, au final, ils ont tous la même source et les mêmes racines. J’aime toujours me renseigner en amont pour ensuite orienter les chansons vers d’autres ambiances. C’est à chaque fois un défi que j’aime beaucoup.

Photo : Juan Pérez-Fajardo

– Depuis quelques années, on voit de plus en plus de blueswomen mises enfin en lumière. Certains découvrent de grands talents, alors que la majorité d’entre-vous êtes là depuis un bon moment. Est-ce que tu penses aussi que cette reconnaissance est souvent un peu tardive ?

Oui, il nous faut se battre et progresser petit à petit. Pour le moment, je continue à faire ce que j’aime le plus, c’est-à-dire composer des chansons et les jouer en concert partout où c’est possible. Et oui, bien sûr que j’aimerais avoir bien plus de reconnaissance, évidemment.

– On l’a dit, tu navigues entre plusieurs styles, tous plus ou moins Rock d’ailleurs. Cela dit, ton propre son est très européen, malgré quelques touches américaines, notamment Southern. Est-ce qu’après toutes ces années et avec six albums à ton actif, il y a un désir en toi de t’imposer au pays du Blues, ou est-ce que les frontières ont déjà été franchies ?

J’ai beaucoup voyagé, mais pour le moment je me sens très bien ici en Espagne. J’y ai de bonnes relations avec beaucoup de monde et de bonnes collaborations également. Mais je n’exclus pas de vivre ailleurs à l’avenir. La vérité est que je joue déjà beaucoup en dehors de l’Espagne, car ici le circuit est assez restreint pour ce style de musique.

Le nouvel album de SUSAN SANTOS, « Sonora », est sorti et est disponible sur le site de l’artiste : https://www.susansantos.info/shop