Catégories
International Soul Southern Blues Southern Rock

Bywater Call : southern spirit [Interview]

Avec une telle signature vocale, il n’est pas si surprenant de voir BYWATER CALL gravir à ce rythme les échelons et surtout s’établir de belle manière sur une scène Southern Blues Rock, qui n’a pas été aussi vivante depuis des décennies. Guidée par sa frontwoman Meghan Parnell, elle-même accompagnée par un brillant sextet, la formation canadienne vient de publier son troisième album, « Shepherd », chaleureux, joyeux et dont il est difficile de se défaire. Enchaînant les concerts comme les distinctions, la chanteuse se livre sur l’approche musicale du groupe, sa liberté nouvellement acquise et le talent des musiciens qui forment cette belle entité ancrée dans une Soul renversante.

– Après votre premier album éponyme en 2019, puis « Remains » en 2022 suivi de l’EP « Beyond The Doorway » l’an dernier, vous revenez avec « Shepherd », qui est probablement votre réalisation la plus aboutie. Est-ce que BYWATER CALL a enfin, selon toi, complètement cerné son identité musicale à travers un style que vous aviez en tête depuis vos débuts ?

En fait, je ne sais pas si nous parviendrons un jour à définir pleinement notre identité musicale. En tant que groupe, nos influences et nos inspirations sont si diverses et en constante évolution que je pense, et j’espère, que notre son continuera d’évoluer au fil du temps. Nous sommes fiers de la diversité de la musique que nous créons. Je pense que cela nous permet d’emmener nos auditeurs dans un véritable voyage. Et j’espère que malgré cela, ou peut-être grâce à cela, nous avons, ou serons bientôt en mesure, de créer un son qui nous est propre.

– D’ailleurs, si « Shepherd » est si assuré et inspiré, est-ce le résultat de la centaine de concerts donnés à travers une dizaine de pays aux côtés de grands noms l’année dernière ? Est-ce que cette expérience acquise vous a aidé dans la composition de ce nouvel album, ou du moins dans son interprétation ?

Oui, je pense que tous ces concerts donnés ensemble au cours des 18 derniers mois nous ont vraiment aidés à nous fixer. Je crois que nous avons une confiance en notre musique et elle continue de grandir à mesure que nous nous appuyons sur nos points forts. Et bien sûr, les opportunités de côtoyer de grands talents, ou en devenir, ont certainement eu une influence. C’est toujours formidable de voir comment d’autres musiciens opèrent. Je crois que nous pouvons tous apprendre les uns des autres.

– Il y a une autre nouveauté avec ce troisième album. Vous avez quitté votre label, Gypsy Soul Records, pour vous autoproduire. Même si on peut facilement comprendre votre envie de liberté, est-ce que le support d’un label a moins d’importance aujourd’hui dans une industrie musicale qui a beaucoup changé ?

Il y a bien sûr beaucoup d’outils à la disposition des artistes indépendants aujourd’hui C’est formidable pour tous ceuyx qui peuvent ainsi prendre leur carrière en main. Je pense que c’est important. C’est beaucoup de travail de sortir un album tout seul et il y a beaucoup d’opportunités qui peuvent être manquées ou négligées. Il est difficile de savoir si vous faites vraiment tout ce qu’il faut. Avec une maison de disques, c’est agréable de sentir que vous faites partie d’une équipe, qui a l’expérience et la sagesse, et qui connait la meilleure façon de sortir de la musique efficacement. Pour notre part, nous voulions vraiment essayer de faire quelque chose par nous-mêmes, ce que nous n’avions pas encore fait. C’est une grande entreprise et nous avons beaucoup appris.

– Vous avez donc enregistré « Shepherd » vous-mêmes et la production est littéralement éclatante et trouve un bel équilibre. Justement, est-ce que le fait d’avoir été seuls aux commandes cette fois vous a permis d’oser plus de choses ?

Nous avons eu beaucoup de chance que Bruce (McCarthy – NDR), notre batteur, ait un petit studio et une bonne expérience comme ingé-son et aussi en mixage. Lorsque nous avons décidé de nous lancer dans cet album, il nous a gracieusement donné beaucoup de son temps et de son espace pour que nous puissions le mettre au point. Et oui, je pense que nous avons pu faire pas mal d’expérimentations grâce à ça. Nous savions que nous voulions une certaine esthétique pour certains morceaux et chez Bruce, nous expérimentions avec les micros et la façon de les utiliser, ainsi que les effets de lumière dans la production. Pour quelques chansons, nous voulions incorporer des percussions captivantes et Bruce a pu prendre le temps de jouer avec ça chez lui. De plus, grâce à la façon dont l’album a été conçu, Dave (Barnes – NDR) a pu enregistrer beaucoup de ses guitares chez lui, ce qui lui a donné beaucoup de liberté pour travailler sur la façon dont il voulait que ses parties sonnent.

– L’autre point fort de l’album est la puissance de ta prestation vocale, Meghan. On a le sentiment que tu guides vraiment ces nouveaux morceaux. Est-ce que cela est également dû au fait que vous ayez retrouvé une totale liberté artistique qui transparaît beaucoup plus dans ton chant ?

Ma voix sera toujours un élément important de n’importe quel morceau pour créer l’ambiance d’une chanson. Cependant, nous essayons de plus en plus de trouver l’équilibre idéal, les parties les plus fortes et les plus efficaces de ma voix, et de nous y concentrer au lieu de ressentir le besoin de nous mettre en valeur. Je pense que plus nous jouons et enregistrons, plus je suis à l’aise et confiante dans le fait que ma voix sera entendue, même dans les moments les plus tendres, délicats et décalés, et je pense que c’est tout aussi important. Au fur et à mesure que nous expérimentons, comprendre que je n’ai pas toujours besoin de chanter fort, et au plus haut de ma tessiture pour être entendu, nous aide vraiment à trouver des idées nouvelles et intéressantes.

– L’autre chose qui domine à l’écoute de « Shepherd », c’est cette ambiance très positive et joyeuse. L’esprit Southern est toujours l’élément principal et il y a aussi des sonorités typiques de la Nouvelle-Orléans, qui sont parfaitement incarnées dans « Sweet Maria », notamment. Cette chanson a-t-elle été une sorte de déclic pour conditionner l’atmosphère globale de l’album ?

Nous avons toujours voulu capturer la chaleur et la joie dans notre son. Nous pensons qu’il est important de faire ressentir quelque chose aux gens à travers notre musique et sur cet album, nous avons définitivement célébré cela dans de nombreux morceaux comme « Sweet Maria », « Turn It Around », « Roll » ou « For All We Know, Sign of Peace ». Toutes ces chansons ont une ambiance très positive et estivale.

Je crois que l’on peut dire que « Sweet Maria » a été le début de tout ça. La chanson nous a été apportée par John Kervin (claviers – NDR) et elle dégage une atmosphère tellement agréable dès le début. Il a eu la gentillesse de me laisser creuser vocalement et lyriquement cette idée de célébration, et avec un peu d’expérimentation, nous avons fini par obtenir « Sweet Maria ». C’était le premier nouveau morceau de l’album que nous avons enregistré et sorti en single aussi. Et il semble avoir donné le ton approprié à tout ce qui a suivi ensuite.

Nous avons écrit « Sign of Peace », le dernier morceau de l’album, il y a des années, au tout début de la création du groupe. Nous l’avons donc beaucoup joué et il a évolué au fil du temps, mais il ne nous a jamais semblé pertinent de l’enregistrer. Avec l’ambiance plus joyeuse de cet album et un penchant plus éclectique, cela semblait être le bon moment. Nous avons pensé que nous pourrions nous amuser un peu avec. Alors, Steve (Dyte, trompette –  NDR) a écrit un superbe chorus à quatre voix dans un premier couplet pour aider à capturer l’ambiance de la Nouvelle-Orléans et cela s’intègre parfaitement dans le paysage de « Shepherd ».

– L’orgue et les cuivres sont aussi plus présents sur l’album, ce qui lui donne un aspect plus Soul et un peu moins Rock peut-être. C’est une manière de jouer plus facilement sur les émotions avec plus de douceur dans l’approche musicale et le son ?

Exploiter les émotions est très important pour nous et nous nous efforçons toujours de nous améliorer. Chaque musicien du groupe est incroyablement talentueux, nous voulons donc nous assurer de mettre en valeur et de cultiver tous nos points forts. John est un claviériste incroyable et Julian (Nally, saxophone – NDR) et Steve (trompette) travaillent si bien ensemble. Il est donc important de mettre cela en valeur. Nous aimons faire bouger les morceaux… Mais nous aimons encore plus les moments très Soul, plein d’émotion et de joie. Et les cuivres et l’orgue contribuent à adoucir l’esthétique de la musique.

– On l’a dit, vous avez beaucoup tourné et notamment en Europe, où vous avez aussi participé à la ‘Sea Mediterranean Cruise’ de Joe Bonamassa. Aujourd’hui, cela vous vaut d’être nominés aux UK Blues Awards pour le prix du meilleur artiste international. C’est déjà une belle récompense, d’autant qu’elle arrive d’un autre continent. Dans quel état d’esprit êtes-vous ? Et cela doit être également une grande motivation…

Cette nomination a été une surprise totale. Je l’ai découvert lorsque nous avons été tagués dans un post sur les réseaux. Venant d’un pays où nous n’avions eu l’occasion de faire qu’une seule tournée à ce moment-là, et considérant les artistes phénoménaux aux côtés desquels nous étions nommés, c’était vraiment un honneur. Etre mentionné aux côtés de Larkin Poe notamment est incroyable. Cela dit, je pense qu’il est important de ne pas accorder trop d’importance aux récompenses, il y a trop d’artistes fantastiques pour que tout le monde soit correctement reconnu… mais ça aide de savoir que notre musique est appréciée !

– Enfin, on assiste depuis quelques temps à un certain renouveau de la scène Southern Rock et Blues avec l’émergence de formations comme la vôtre d’ailleurs, qui ont vraiment su se faire une place. Qu’est-ce que cela t’inspire de voir ce style si emblématique trouver un second souffle avec une nouvelle génération pleine de talent ?

Je pense que c’est très encourageant de voir qu’il y a encore une place pour la musique live dans le monde numérique et celui des DJ d’aujourd’hui. Il y a une chaleur, une émotion et une humanité qui semblent souvent absentes dans une grande partie de la musique actuelle, du moins pour moi. Voir de nouveaux groupes dans des genres similaires au nôtre réussir à attirer un public est une victoire pour nous tous. Plus ce renouveau touche de fans, plus il y en aura de nouveaux à même d’écouter tous ceux qui tentent leur chance… Les adeptes de la scène Southern Rock et Blues, nouveaux comme anciens, ont beaucoup de place dans leur cœur pour les artistes établis et aussi émergents. Ils veulent juste faire partie de quelque chose de magique, comme nous.

Le nouvel album de BYWATER CALL, « Shepherd », est disponible sur le site du groupe, tout comme les billets de la tournée qui aura lieu du 2 octobre au 22 novembre prochain en Europe : www.bywatercall.com

Photos : Juan Perez-Fajardo (1), Erin Cosentino (2, 3), Mal Whichelow (4) et Zoran Veselinovic (5).

Catégories
Alternative Metal Power Rock

The Warning : une intensité épanouie

Avec « Keep Me Fed » », Daniela (chant, guitare), Paulina (batterie, chant) et Alejandra Villareal (basse, chœurs), également pianistes, affirment avec force une identité musicale désormais identifiable. Entre Rock et Metal, avec une touche combative très fédératrice, leur audace fait mouche sur ces 12 nouveaux titres, véritablement taillés pour la scène, devenue entretemps leur terrain de jeu favori. L’heure de la maturité a donc sonné pour les jeunes femmes qui ont fait de THE WARNING une machine bien huilée et irrésistible.

THE WARNING

« Keep Me Fed »

(Lava Records/Republic Records)

Alors qu’elles avaient sorti « XXI Century Blood » (2027) et « Queen Of The Murder Scene » (2018) juste après leur premier EP, « Escape The Mind » (2015), les trois sœurs n’étaient que très peu sorties de leur Mexique natal et avaient pourtant attiré mon attention dès 2020. S’en étaient suivi « Error » (2022) après le six-titres « Mayday » (2021) et c’est à partir de ce moment-là que THE WARNING a vraiment explosé, tant que le plan artistique qu’au niveau de sa notoriété, bien aidé par une maîtrise des réseaux sociaux avec lesquels elles ont grandi.

Depuis une grosse dizaine d’années maintenant, le trio de Monterrey suit une trajectoire parfaite, qui les propulse aujourd’hui parmi les révélations, et même un peu plus, de la scène Rock/Hard. Il faut dire qu’elles n’ont eu de cesse d’enchaîner les concerts aux côtés de grands noms, parmi lesquels leurs idoles de Metallica, et c’est même entre leurs tournées qu’elles ont composé « Keep Me Fed », où THE WARNING fait définitivement sa mue en se présentant avec des nouveaux titres beaucoup plus matures et toujours aussi accrocheurs.

La première chose qui surprend agréablement sur ce quatrième opus, c’est la puissance et le coffre de la production. Le trio montre ainsi toute l’ampleur de son potentiel et la fratrie Villareal se hisse à un niveau dont l’impact, tout en nuances, est saisissant. « Six Feet Deep », « S!ck », « More », « Consume » et celui qui devenu un hymne dans leur pays « Qué Más Quieres », chanté en espagnol, offrent un relief auquel THE WARNING ne nous avait pas encore habitué. Et cette rage toute féminine brille et résonne comme un rugissement. 

Retrouvez les chroniques précédentes :

https://www.facebook.com/share/p/t3vP6hHGEtrunQcc

Catégories
Desert Rock Heavy Psych Rock

Mooch : l’odyssée de l’âme

Entre Heavy Psych et Desert Rock, les Québécois de MOOCH semblent avoir cerné leur terrain de jeu, et les atmosphères présentes sur « Visions », viennent confirmer la belle créativité du combo. Avec un côté brut soigné, on se laisse porter par des morceaux aux climats à la fois apaisants et aussi propres à la réflexion. Costaud ou plus léger, le voyage proposé par la formation de Montréal combine des références évidentes avec une personnalité affirmée.

MOOCH

« Visions »

(Black Throne Productions)

Non seulement MOOCH possède une identité musicale singulière, mais en proposant un regard philosophique très pertinent à travers ses textes,  il parvient à se réinventer à chaque album. Avec « Visions », son troisième, il nous transporte dans un Heavy Psych Rock qui va puiser dans la scène de Seattle de la belle époque, tout comme dans l’univers psychédélique des 70’s. Mais s’il y a une agréable touche vintage dans le jeu des Canadiens, on la doit aussi à l’unité et la complémentarité qui règnent au sein du trio.

Car l’une des forces de MOOCH est d’être composé de trois chanteurs, tous multi-instrumentistes. Les configurations sont donc aussi nombreuses que les paysages sonores explorés. Et « Visions » donne cette fois encore une autre facette que celle perçue sur « Wherever It Goes ». Ben Cornel, Julien Lac et Alex Segreti jouent aussi sur les émotions à travers des plages instrumentales captivantes et si l’ombre des Doors plane sur ce nouvel opus, le groupe s’en détache habillement avec beaucoup d’originalité.

Grâce à une production très organique, probablement analogique, il émane énormément de chaleur de ces nouvelles compositions, où les ambiances acoustiques rayonnent au côté d’autres plus Rock, Desert et Stoner. Vocalement, l’empreinte du grand Jim Morrison habite littéralement « Visions », ce qui le rend très attachant. Non sans d’émotion, MOOCH étend son univers unique avec une profondeur pleine d’optimisme (« Hangtime », « Vision », « Together », « Intention, « Morning Prayer »). L’odyssée est belle et envoûtante.  

Catégories
Soul Southern Blues

Marcus King : over the spleen

Les fans de la première heure de la pourtant très courte carrière du guitariste-chanteur risquent de peiner à reconnaître le fougueux six-cordiste qu’il était sur ses premières réalisations. « Mood Swings » s’inscrit plus dans la lignée d’un Marvin Gaye que de l’Allman Brothers Band… Très Soul, moins Rock, très produit, moins sauvage, ce troisième effort (c’est le cas de le dire !) fait un pas de côté par rapport à son registre, ce qui n’enlève cependant rien à l’immense talent de MARCUS KING.

MARCUS KING

« Mood Swings »

(American Recordings/Republic/Universal)

Loin de l’esprit jam très Southern auquel le natif de Caroline du Sud nous a habitué avec son groupe, puis en solo, MARCUS KING livre cette fois un album très personnel et intimiste. A travers « Mood Swings », il dresse un état des lieux très sombre de ce qui paraît être les tourments et les travers par lesquels il est récemment passé. Et c’est vrai qu’à la première écoute, le musicien, habituellement si lumineux, montre une grande tristesse que sa propre musique accroît encore un peu plus… ou sublime, c’est selon. Mais n’est-ce pas là le signe des grands albums finalement, et donc ce qu’on en attend ?

Loin de la production brute et enjouée de Dan Auerbach sur « Young Blood », MARCUS KING a confié les clefs de la boutique au non-moins mythique Rick Rubin avec qui il s’est enfermé aux fameux Shangri-La Studios de Malibu. Changement de décor et aussi de ton, puisque « Mood Swings » est résolument Soul, moins Rock mais toujours bluesy avec un zest de l’âme sudiste du musicien. L’ensemble se veut plus feutré, plus poli aussi et les arrangements de cordes très présents, comme l’orgue, confirment cette ambiance moite propice à une certaine introspection.

Cependant, l’humeur de ce nouvel opus n’est pas si maussade que ça. La voix d’ange de MARCUS KING est plus envoûtante que jamais, et même s’ils sont beaucoup moins présents, les solos de guitare ne manquent ni de feeling, ni de virtuosité. Ils sont juste plus millimétrés et jamais à côté du propos. La marque des grands. La lumière passe donc sur ce « Mood Swings » aux humeurs changeantes, c’est vrai, et laisse apparaître des morceaux de toute beauté (« F*ck My Life Up », Soul It Screams », « Cadillac », « Hero », « Deliah », « Me Or Tennessee » et le morceau-titre). En espérant que la douleur passe…

Photo : JM Collective

Retrouvez la chronique de son précédent album :

Catégories
Groove Metal Hard-Core Thrash Metal

Swarm : un groove exponentiel

La scène Metal française ne s’est jamais aussi bien portée et SWARM en est le parfait exemple. Malgré une exposition bien trop discrète, la formation d’Antibes enchaîne les concerts et les albums depuis une bonne décennie maintenant. Le groove brutal et mélodique à l’œuvre sur « Omerta » devrait sans mal conquérir les fans de Thrash Hard-Core aux riffs tranchants et aux solos survoltés. Cette belle offrande décibélique ne doit rien au hasard, tant le groupe monte en puissance à chaque disque.  

SWARM

« Omerta »

(Independant)

Il y a cinq ans déjà, SWARM m’avait déjà fait forte impression avec « Anathema », son deuxième album. Le successeur de « Division & Disharmony » (2017) sortait d’ailleurs en indépendant ce qui, vu sa qualité, tenait de l’hérésie en comparaison d’autres productions supportées par un label. Ensuite, le combo nous a fait patienter avec « Mad In France », un EP paru l’an dernier, doté de six titres explosifs, où il a encore peaufiné un style basé sur un Groove Metal teinté de Thrash et de Hard-Core à la redoutable efficacité. Son registre semble être cette fois arrivé à maturité, car la force déployée est monumentale.  

D’ailleurs à l’époque de la parution du format court, beaucoup se sont interrogés, car le troisième opus était a priori déjà en boîte. Cela dit, ça valait vraiment la peine d’attendre, car « Omerta » montre et démontre que SWARM fait bel et bien partie du haut du panier de la scène hexagonale. Toujours enregistré et mixé au studio Artmusic dans le Var par Sebastien Camhi, le mastering a été confié au grand Jacob Hansen et le moins que l’on puisse dire est que ce nouvel effort a du coffre, du relief et dégage une folle et dévastatrice énergie. Tous les ingrédients sont réunis et les feux sont au vert.

« Omerta » ouvre avec « Alsamt », une belle intro instrumentale, acoustique et solaire. Mais SWARM, c’est d’abord deux guitares qui claquent, une rythmique qui bastonne et un chant accrocheur et varié. Musclée et massive, cette nouvelle réalisation présente un bel équilibre et balance bombe sur bombe (« Step By Step », « Suicidal Dreams », « Make Your Move », « My Inner »). Le quintet s’offre aussi une brève accalmie (« DeAD Inside »), quelques phrasés en français (« Clink And Come End ») avant de clore magistralement les débats avec l’excellent « First Class », l’ultime et brillant joyau d’« Omerta ». Bien joué !

Catégories
Psych Stoner/Desert

Karkara : lust in dust

Formé il y a seulement cinq ans, à l’aube d’une pandémie qui leur a peut-être donné des idées, KARKARA poursuit sa route, chemine dans les antres du psychédélisme et se frotte au shamanisme musical avec de plus en plus de grâce et d’habileté. Plus inspirée encore, « All Is Dust » est une réalisation pertinente, obsédante et surtout interprétée et composée sans bride, ce qui lui offre et libère un sentiment de totale liberté. Alors, on se laisse aller, on se laisse prendre dans ce flux fantasmagorique et enchanteur… et le voyage est beau, bien que mouvementé ! Il y a même une certaine magie.

KARKARA

« All Is Dust »

(Le Cèpe Records/Exag Records/Stolen Body Records)

« All Is Dust » est typiquement le genre d’album (le troisième du groupe), qui fait plaisir à écouter et à savourer, car il va si bien à l’encontre des préceptes actuels et de cette frénésie à vouloir découper systématiquement un disque en singles, comme pour mieux en supprimer la substantielle moelle. KARKARA m’a donc rendu le sourire. En effet, pour qui déciderait d’en écouter quelques bribes en le parcourant nonchalamment, il passerait complètement à côté, car la démarche entreprise ici relate une quête quasi-survivaliste entre poésie et rage (« Monoliths », « On Edge », « Moonshiner » et ses oiseaux).

Il fait aussi et d’abord préciser que le style du trio s’y prête également très bien. Dans un Psych Rock oscillant entre Stoner et Desert Rock, il nous raconte une histoire, nous guide dans les pas d’un personnage dont l’épopée se comprend, se ressent et se vit justement en écoutant l’ensemble des six morceaux… dans leur entier et dans l’ordre. Ses étapes, ses rencontres et ses combats sont saisissants. Et je ne vous raconterai évidemment pas la fin de cette aventure aux multiples rebondissements narrée par KARKARA, mais la chute est aussi hallucinatoire que radicale et magnifique.  

Plutôt que vintage, c’est une saveur rétro-futuriste qui englobe « All Is Dust » à travers de longs morceaux, qui sont nécessaires au déploiement de cette ambiance épique et hypnotique, ainsi que galopante et nerveuse. Très organique dans le son, tout comme dans son jeu, KARKARA jour sur les effets de basse et de guitare, ponctue ses titres de notes de synthés d’un autre temps et avance sur un chant aérien et désespéré aussi. Il se permet même l’incursion d’un saxophone démoniaque (« The Chase ») et d’une trompette solaire qui vient presque sonner le glas (« All Is Dust »). Terriblement humain, bravo !

Photo : Guthio
Catégories
Americana Country folk

Jesper Lindell : une douce mélodie nordique

Et si un souffle frais venu d’Europe du Nord venait rafraîchir et revigorer le petit monde de l’Americana ? C’est en tout cas la promesse faite avec « Before The Rain », troisième réalisation en cinq ans du songwriter JESPER LINDELL. L’écriture et la composition sont très sûres, l’interprétation en sextet donne du volume et un relief mélodique souvent familier. Les morceaux du chanteur dévoilent une âme de caractère et un cœur tendre et entier. Un disque qui fait du bien !

JESPER LINDELL

« Before The Sun »

(Brunnsvik Sounds)

S’il n’était pas originaire du nord-ouest de Stockhölm, on aurait peine à imaginer JESPER LINDELL les pieds dans la neige, mais plutôt en balade du côté des Appalaches ou dans l’Amérique profonde. Avec son Americana, teinté de Folk, de Soul et de Country Rock, le Suédois est au diapason d’un registre qu’il embrasse pleinement et avec beaucoup d’élégance et de finesse. Bien sûr, on perçoit une sensibilité proche de The Band, Ray LaMontagne et surtout Van Morrison et Chris Stapleton. Pour autant, son style est très personnel, lumineux et ce troisième album l’inscrit parmi les valeurs sûres du genre. 

Enregistré chez lui, dans son studio, et avec ses cinq musiciens de tournée, JESPER LINDELL a écrit et composé l’ensemble de « Before The Sun », excepté « Honesty Is No Excuse » du grand Phil Lynnot. Et le songwriter ne manque pas d’inspiration puisque ce nouvel opus arrive dans la foulée de « Twilights », sorti il y a à peine deux ans. Des ennuis de santé désormais derrière lui (il a subi une greffe de rein), le Scandinave se meut dans une certaine mélancolie assez positive et ensoleillée, offrant de beaux contrastes à travers des chansons à la narration douce et à l’interprétation souvent surprenante.

Très cuivré, « Before The Sun » a un aspect très ‘Muscle Shoals’ dans la couleur et la chaleur très organique qu’il dégage. « One Of These Rainy Day » donne une pulsation originale dès l’entame et tout en émotion par la suite (« A Little Light In The Dark »), JESPER LINDELL montre un large spectre musical et ce n’est pas tout. L’un des moments forts est aussi le duo avec la chanteuse de l’Oregon Kassi Valazza, valeur montante de la Country Folk (« A Strange Goodbye »), puis le génial « Do Me In » où il alterne un chant très aigu avec sa voix normale. Il se montre bluffant de bout en bout. Un futur très grand !

Photo : Emilia Bergmark Jiménez
Catégories
Blues Blues Rock

Delgres : porter la parole

Engagé mais pas enragé, DELGRES mène son combat contre l’oubli avec des mots forts et des mélodies enivrantes. Si le Blues Rock créole distillé sur ce nouveau « Promis Le Ciel » a des saveurs d’alizées, les riffs sont tempétueux, les rythmiques souvent rageuses et malgré tout, il en émane une ambiance solaire et positive. Profond et ardent, le registre des trois musiciens prend racine et déclame les siennes avec beaucoup d’élégance.

DELGRES

« Promis Le Ciel »

(Discograph/Pias)

L’entreprise s’avérait audacieuse lorsque le trio s’est lancé dans un tryptique avec son premier album « Mo Jodi » en 2018. Dans la foulée, « 4:00 AM » a continué à convaincre le public, alors que de grands médias lui faisaient les yeux doux. Il faut reconnaître que le Blues arrangé de DELGRES a de quoi séduire. Militant et enthousiaste, le groupe tient son nom de l’anti-esclavagiste antillais Louis Delgrès, figure de l’abolitionnisme guadeloupéen de l’ère napoléonienne : un héritage lourd, mais motivant.

Pascal Danaë (chant, multi-instrumentiste), Baptiste Brondy (batterie) et Rafgee (soubassophone) livrent le troisième volet de cette aventure belle et touchante avec « Promis Le Ciel », un opus rayonnant et intense. Le Blues Rock teinté de rythmes et de couleurs caribéens de DELGRES est d’une énergie incroyable et on se laisse littéralement porter par ce chant en français, anglais et créole qui se déploie dans une belle communion. Chaud et mélancolique à la fois, « Promis Le Ciel » fait parler les esprits.

Avec un pied dans les Antilles et l’autre en Louisiane, le métissage des genres est cœur de cette troisième réalisation à travers des thèmes universels, dont le devoir de mémoire et tout ce qu’il contient de dignité, de résilience et d’espoir. Une atmosphère gospel plane aussi sur « Promis Le Ciel », diluée dans une production riche et moderne qui reflète toute l’actualité du propos de DELGRES (« Walking Alone », « A La Fin », « Mettre Les Voiles », « Pa Lese Mwen », « An Pa Ni Sou » et le morceau-titre). Vivant !

Catégories
Hard Rock Heavy metal

Art Of Anarchy : no trouble

Avec autant de chanteurs que d’albums à son actif, ART OF ANARCHY a finalement livré trois réalisations qui finissent par lui ressembler. Il faut dire que ses fondations sont solides et que ses membres parviennent toujours à ajuster leurs compositions au timbre vocale du nouveau venu. C’est encore le cas avec Jeff Scott Soto, qui fait parler l’expérience, sur ce « Let There Be Anarchy », qui ouvre peut-être un nouveau chapitre, tant l’harmonie est flagrante.

ART OF ANARCHY

« Let There Be Anarchy »

(Pavement Entertainment)

ART OF ANARCHY, c’est avant tout une aventure commencée en 2011 par Ron ‘Bumblefoot’ Thal et les frères jumeaux Votta, Jon à la guitare et Vince derrière les fûts. Et pour ce qui est de ce socle fondateur, il est toujours en place, malgré une histoire chaotique faite de désaccords et aussi de deuil. C’est Scott Weiland de Stone Temple Pilots, qui œuvra sur l’opus éponyme des Américains en 2015, et que l’on retrouvera mort dans son tour bus après avoir quitté le groupe. Puis, c’est Scott Stapp de Creed que l’on retrouve au chant sur « The Madness » en 2017, avant d’acter son départ l’année suivante. 

Après deux chanteurs de ce calibre, il fallait donc à ART OF ANARCHY un frontman à la hauteur des espoirs et des attentes du quintet, dont Tony Dickinson (ex-Trans-Siberian Orchestra) tient d’ailleurs basse aujourd’hui. Et c’est Jeff Scott Soto, qui a notamment laissé une trace indélébile sur « Rising Force » (1984) et « Marching Out » (1985) d’Yngwie J. Malmsteen, que l’on retrouve derrière le micro. Une reprise de flambeau très largement à sa portée, mais on ne peut s’empêcher de regretter un tel gâchis de talent depuis les débuts du combo. L’anarchie dans toute sa splendeur !

En revanche, il faut reconnaître à ART OF ANARCHY une qualité qui fait sa force, c’est celle d’avoir réussi à adapter son jeu à une nouvelle couleur vocale à chacune de ses productions. Et c’est encore le cas sur « Let There Be Anarchy », taillée sur mesure pour un Soto au meilleur de sa forme. Il se fond et surnage même dans de nouvelles compos massives et musclées. Le Hard Rock très Heavy affiché ici va comme un gant au frontman, plus aiguisé que jamais, et parfaitement en phase avec ses partenaires (« Die Hard », « Echoes Your Madness », « Dying Days », « Rivals », « Vilified »). Enfin, l’heure de la stabilité ?  

Catégories
Heavy Stoner Stoner Metal Stoner Punk

The Clamps : pleine balle

Speed Stoner’n’Roll est en effet le terme qui caractérise le mieux le registre des transalpins de Bergame. Sans concession et imbibé d’un Fuzz constant, ils livrent une sorte de brûlot post-pandémique, où l’on a vraiment le sentiment que chacun d’entre-eux a dû être malade en même temps et un paquet de fois ! Une chose est sûre, ils l’ont très mal pris et « Megamouth » semble agir comme un shot d’adrénaline, un vaccin à retardement finalement… THE CLAMPS n’est pas content, et cela s’entend.

THE CLAMPS

« Megamouth »

(Heavy Psych Sounds)

Depuis ses débuts en 2012, le trio n’a pas pris l’habitude de s’encombrer de trop de fioritures. Et ce n’est sûrement pas avec « Megamouth » que les choses vont soudainement changer. Bien au contraire, puisque THE CLAMPS n’a toujours pas digéré l’épisode pandémique de 2020/21 et c’est avec une rage non-contenue qu’il nous balance en pleine tête un troisième opus brut de décoffrage. Ici, le Stoner se pare de Rock’n’Roll, de Punk et de Metal dans un réjouissant maelstrom.   

THE CLAMPS ouvre les hostilités avec le morceau-titre, d’ailleurs entièrement instrumental, et qui s’avère même être l’une des pépites de l’album. Ben (guitare, chant), Bely (basse) et Marcy (batterie) sont là pour en découdre et ne lèvent pas une seule fois le pied tout au long de « Megamouth ». Si l’énergie, intense, va puiser dans divers genres, c’est bel et bien le Stoner très Metal qui domine les débats. Et bien sûr, c’est le nom de Motörhead qui vient immédiatement à l’esprit et l’influence de l’autre trio est omniprésente. Et c’est tant mieux !

Véritable tabassage en règle, « Megamouth » fait presque figure d’exutoire pour des Italiens survoltés et assez peu portés sur le détail, mais plutôt sur les déflagrations à l’œuvre sur ce nouvel opus rageur. Pour autant, si la sauvagerie et la colère sont manifestes, THE CLAMPS ne livre pas un Stoner aussi rudimentaire qu’il n’y parait et montre même une étonnante diversité (« Forty-Nine », « Bill Jenkins’ », « CuboMedusa », « Bombs »). Efficace, véloce et incandescent, le combo assomme autant qu’il réveille les morts.

Photo : Senza Titolo