Les Australiens ont toujours eu d’excellents représentants dans le vaste monde du Rock brut et instantané avec un petit côté vintage savoureux, une petite madelaine qu’on déguste sans sourciller. Et c’est exactement ce qui se produit avec STARCRAZY qui, malgré sa jeunesse, a opté pour un Glam Rock réoxygéné, mélodique et percutant. Après deux formats courts, c’est avec un dix titres complet qu’il donne sa vision très neuve et clinquante du genre. Et c’est une réussite.
STARCRAZY
« Starcrazy »
(Independant)
Fondé il y a seulement quatre ans à Sydney, STARCRAZY fait déjà beaucoup parler sur son île-continent et les concerts à guichets fermés attestent de l’élan pris par le groupe. Après deux EPs, « Played For Suckers » (2021) et « Another Day, Another Squalor » (2023), place enfin à ce premier album éponyme, véritable concentré d’énergie positive. En s’engouffrant dans un Glam Rock coloré et punchy, le quatuor avance un pied dans les années 70/80 et l’autre solidement ancré dans son époque avec une approche très actuelle.
Si on pense, par réflexe, à T-Rex et Alice Cooper, voire Cream et Poison, il faut bien reconnaître que STARCRAZY s’en démarque aussi habillement grâce à une dynamique et surtout un son très moderne. Irrévérencieux à souhait, il se présente avec une réalisation très mature, très bien produite et qui libère une fraîcheur pleine de vigueur et d’une douce sauvagerie. Le petit côté rétro planant sur « Starcrazy » va même plus loin qu’un simple effet revival. Le style ici ne manque pas d’originalité et encore moins d’impact.
A la fois glamour et déjà charismatique, STARCRAZY offre une explosion de riffs aiguisés et des refrains entêtants à des morceaux qui accrochent immédiatement. Dès les premières notes de « The Fire », on entre dans le vif du sujet, puis « I Feel Free », « What’s Worth », « Nighttime », « Ain’t That Crazy ? », « Fanzine » » et « Jar Of Dirt » valident l’ensemble. En marge, le combo n’élude pas quelques belles ballades, preuve qu’il maîtrise son propos avec beaucoup de personnalité. Un premier effort très concluant et pour le moins audacieux.
Entre Rock brut, Heavy Blues et même Pop très British, RED GIANT présente un style, qui peut au départ décontenancer, mais qui devient très vite familier et attachant. Grâce à un frontman au caractère bien trempé et à une paire basse/batterie qui en impose, les Anglais montrent toute leur expérience et surtout un sens du songwriting étonnant et irrésistible. « Red Giant » est une réalisation à la production brute et virevoltante avec une assise solide, qui lui permet bien des écarts, toujours bien négociés.
RED GIANT
« Red Giant »
(Radio Silent Records)
Bâti autour de Dave Simpson, auteur-compositeur, guitariste et chanteur, RED GIANT est le nouveau combo du musicien, qui a déjà fait ses preuves et écumé les scènes du Royaume-Uni avec le Dave Simpson Trio et qui a décidé de prendre une direction artistique nouvelle. Sur ce premier opus éponyme, il a donc fait appel à John Joe Gaskin à la batterie, qui martèle avec un groove pour le moins massif ces nouvelles compositions. Première bonne pioche, puisque la seconde est la jeune bassiste Carina Powell, dont l’impact et la technique éclaboussent littéralement les morceaux. Le duo rythmique fait plus que de tenir la maison.
Cependant, il y a eu un changement majeur dans le line-up actuel du groupe, car si Carina assure ici la basse et les chœurs, elle a quitté le groupe après l’enregistrement de « Red Giant » et a été remplacée pour le moment pour quelques concerts par Keira Kenworthy, une jeune bassiste de talent également, qui officie chez JoanOvArc. RED GIANT est donc d’humeur assez changeante. Et c’est un peu à l’image de cet opus, où s’entrechoquent des titres très Rock, Heavy Blues ou d’autres carrément dans la droite lignée d’une Pop anglaise convenue, sirupeuse et facile (« Why ? », « What It All My Fault ? »).
Mais au regard de l’album, il s’agit de détails, puisque les trois Britanniques livrent aussi et surtout des chansons très bien écrites, pleines d’émotion et avec un état d’esprit sauvage, tout en étant très sensible (« Tell Me », « Free Me », « The Dark Of Me », « You Say, I Say » et le bluesy « What You Gonna Do ? »). Assez introspectif, RED GIANT joue sur la corde raide avec talent et une efficacité redoutable, qui ne l’empêche pas de se montrer aussi très fin dans une interprétation parfois rugueuse. En jouant la carte de l’authenticité, au niveau des textes comme de la musique, « Red Giant » se montre complet et rafraîchissant.
Dave Simpson (guitare, chant), John Joe Gaskin (batterie) et Carina Powell (basse, chœurs), qui a malheureusement quitté le trio, mais dont la prestation est exceptionnelle.
Dix ans après un split assez surprenant, SMASH ATOMS raccroche les wagons et livre donc, et enfin, sa première réalisation. Sobrement intitulée « Smash Atoms », la formation américano-suédoise ne lésine pas sur les riffs costauds, les solos limpides, des parties vocales impactantes et une rythmique fiévreuse et plus appuyée que véloce. Ça martèle donc, et plutôt bien. Si les clins d’oeil aux années 90 ne manquent pas, on retient plutôt l’aspect moderne des compos, un petit côté underground savoureux aussi, et des morceaux entêtants. Après un faux départ, espérons que celui-ci soit le bon !
SMASH ATOMS
« Smash Atoms »
(M-Theory Audio)
L’histoire de SMASH ATOMS est assez atypique. Créé en 2012 du côté de Göteborg, le groupe commence par sortir une première démo, très bien reçue et qui lui ouvre la voie à plusieurs scènes. Une joie de très courte durée puisque son chanteur, l’Américain Glen Gilbert, quitte le navire, laissant ses trois camarades dans le flou. Qu’à cela ne tienne, ceux-ci fondent The Torch, qui sort deux albums, et leur vocaliste s’active de son côté chez The Story Behind et Hide The Knives. Mais en 2022, coup de théâtre, Martin Söderqvist (guitare), Per Romvall (basse) et Peter Derenius (batterie) retrouvent leur frontman et l’histoire reprend là où elle en était, mais sur de nouvelles bases artistiques.
Revoici SMASH ATOMS sur de bons rails et dans un registre qui a forcément évolué avec le temps pour s’inscrire aujourd’hui dans un Alternative Rock légèrement teinté de Grunge, dans ce qu’il possède de mieux interprété (ça raccourcit la liste !). Le quatuor se présente donc dans un style qui serait une sorte de pont entre Seether et Alter Bridge d’un côté, et Stone Temple Pilots et Soundgarden de l’autre. Cependant les Suédois et l’Américain affichent des morceaux très frais, bien Heavy aussi notamment dans des guitares inspirées du Hard Rock nordique, donc mélodiques, dans les solos surtout. Et toutes ces influences cohabitent très bien et offrent un disque rondement mené.
Parfaitement ancré dans son époque, on doit aussi cette très bonne production aux studios Crehate de leur ville, dont la réputation n’est plus à faire tant les grands noms s’y succèdent. La puissance du son est au rendez-vous et se déverse jusque dans les onze titres de cet effort éponyme. Mais la première chose qui surprend après l’écoute intégrale de « Smash Atoms » est qu’il est presqu’entièrement joué en mid-tempo, alors que la course au Bpm est souvent monnaie courante à l’heure actuelle. Et c’est plutôt bien vu de la part de SMASH ATOMS, qui peut se focaliser sur la force des textes (et de la voix !) et le côté massif des riffs. Un opus très rafraîchissant aux refrains accrocheurs.
Il est tellement actif qu’on pourrait très bien imaginer MYLES KENNEDY être à court d’idées ou d’inspiration. L’homme possède, c’est vrai, un agenda très, très rempli. Or, avec « The Art Of Letting Go », c’est tout le contraire que vient démontrer le musicien de Boston. Car ce troisième effort en solitaire, loin du feu des projecteurs essentiellement braqués sur ces projets en groupe, est de loin son meilleur. Complet et virtuose, ce nouvel opus est d’une justesse de chaque instant. Généreux et authentique, dans sa musique comme dans ses textes, le songwriter atteint une maturité artistique guidé par un fort tempérament.
MYLES KENNEDY
« The Art Of Letting Go »
(Napalm Records)
Il y a des artistes dont les albums solos dépassent très nettement ceux qu’ils font en groupe, et MYLES KENNEDY fait définitivement partie de ceux-là. Tout semble si naturel et évident lorsqu’il est seul aux commandes qu’on a presque le sentiment qu’ailleurs, il est freiné. Que ce soit avec Slash & The Conspirators ou même avec Alter Bridge (le meilleur des deux !), il est méconnaissable dans sa façon d’écrire. Alors, bien sûr, chacun choisira ensuite dans quel rôle il le préfère. En tout cas, pour tout amateur de Rock/Hard US, ses productions sont toujours limpides et lumineuses. Ici encore, ses parties de guitare et son chant prennent subitement un nouvel éclat et une saveur toute personnelle.
Cette fois encore, « The Art Of Letting Go » est l’œuvre d’un maître artisan. MYLES KENNEDY est littéralement au sommet de son art. Si sa voix développe une force toujours très maîtrisée, capable notamment d’envolées surpuissantes, les parties de guitares sont elles aussi d’une incroyable richesse. Entre ce déluge de riffs aux sonorités tellement variées qu’il surprend à chaque morceau et des solos toujours aussi bien sentis, le musicien se met littéralement au service de ses chansons. S’il en fait beaucoup, il n’en fait jamais trop et les artistes de ce calibre se font très rares. Il n’y a ici aucune course à la surenchère. L’efficacité est son moteur… et il ronronne.
Accompagné des fidèles Zia Uddin à la batterie et Tim Tournier à la basse, le trio s’engouffre dans un Rock/Hard US souvent bluesy et toujours très solide. Et cette formule fait mouche que ce soit dans les moments les plus forts et implacables (« The Art Of Letting Go », « Say What You Will », « Mr Downside »). Et quand MYLES KENNEDY laisse parler ses émotions, on monte encore d’un cran dans un Rock universel qui parait si naturel (« Miss You When You’re Gone », « Save Face », « Nothing More To Gain »). Et malgré un ensemble très ample doté d’un volume incroyable, le chanteur sait jouer sur la corde sensible avec beaucoup de sincérité (« Behind The Veil » et surtout « Eternal Lullaby »). L’énergie et la beauté !
Retrouvez la chronique de son album précédent, « The Ides Of March » :
Même si les influences sont manifestes, tout comme l’intention d’ailleurs, la formation de l’Est de la France nous embarque 50 ans en arrière au temps des pionniers et des légendes du Hard Rock et du Classic Rock. Pourtant, le propos de WINECRAFT est très actuel, seule sa musique libère une couleur vintage. Costaud et mélodique, il invoque les névroses de notre époque et ne boude pas son plaisir à faire de ces tensions des envolées inspirées et entêtantes. Une entrée en matière très réussie avec ce « Witchcraft’n Excess Wine » relevé.
WINECRAFT
« Witchcraft’n Excess Wine »
(Independant)
De toute évidence, il souffle un air de revival sur le Rock actuellement (c’est cyclique, comme dirait l’autre !) et la scène française commence à tirer son épingle du jeu dans le domaine. Bien sûr, on ne peut ignorer les deux beaux représentants issus des terres bretonnes, Komodor et Moundrag (et leur fusion !), et il faut dorénavant mentionner également WINECRAFT, dont le premier effort s’inscrit dans cette même veine. Le Classic Rock du quintet évoque bien entendu, et avec beaucoup d’efficacité, les 70’s et leur grain de folie.
Récemment rassemblés du côté de Strasbourg, les membres du groupe se sont déjà aguerris au sein d’autres formations, puis ont enchaîné avec quelques concerts. Car, c’est justement l’ADN et le nerf de la guerre chez WINECRAFT : la scène ! Ça l’est même au point que « Witchcraft’n Excess Wine » a été enregistré dans des conditions live, afin de capter au mieux l’énergie et la fougue de ses six morceaux… auxquels il faut d’ailleurs ajouter un septième issu en l’occurrence d’une prestation en public (« Who’ll Make It Out Alive ? »).
Bien produit, ce premier EP, long d’une bonne demi-heure tout de même, expose ce son brut et organique, qui constituait la saveur et l’authenticité de cette époque bénie si créative. WINECRAFT maîtrise et connait son sujet, ce qui lui offre une évidente légitimité et une belle crédibilité dans ses compos. Musicalement, l’ambiance renvoie à Led Zeppelin, l’orgue à Deep Purple et certaines parties vocales à Motörhead. Autant dire qu’on s’y sent bien et « Witchcraft’n Excess Wine » régale (« A Protest Love Song », « Back In Town »).
Insatiable voyageur, c’est dans ce « Grand Hôtel Apocalypse » à l’atmosphère toujours aussi sincère et délicate que DARAN a posé ses valises pour un onzième et très attendu nouvel album, sept ans après « Endorphine ». Aussi discret que sa musique est d’une finesse rare, le musicien se livre sur de nouvelles chansons aux textes forts et aux mélodies limpides. De retour dans une formule en trio, c’est l’aspect Rock qui ressurgit à travers onze morceaux intemporels d’une grande clarté. L’occasion de parler de leur réalisation et de leur création entre la Bretagne, la Californie, Montréal et le Mexique.
– Avec « Grand Hôtel Apocalypse », tu fais un retour à un Rock assez épuré, peut-être pas aussi vigoureux qu’il y a quelques années, mais en tout cas plus électrique que tes derniers albums. Tu avais le besoin et l’envie de retrouver un style plus direct et plus relevé aussi ?
En fait, j’aime bien partir avec un tuyau. Je pense que de la contrainte naît souvent des choses intéressantes. Là, je me suis dit que l’idée de départ était le power trio, c’est-à-dire guitare-basse-batterie. Pas de pédales non plus, en direct sur les amplis et sans overdubs. En fait, un album qu’on peut amener sur scène sans toucher à rien. C’était le but. Quelque chose où l’on fait une balance de cinq minutes et ça marche dans un bar ou dans un stade… ou au Bar du Stade ! (Rires)
– Tu as enregistré l’album seul en studio, ce qui donne une production intime, dont on a l’habitude, et également très dynamique. « Grand Hôtel Apocalypse » a aussi été réalisé en peu de temps. Il te fallait une espèce état d’urgence pour capter aussi une certaine fraîcheur ?
L’autre partie de ma vie professionnelle est de faire de la production en studio pour les autres. Et puis, « Endorphine » datant d’avant le Covid, je ne concevais pas de faire d’album sans faire de la scène. Or, après la pandémie, les salles avaient déjà épongé tout ce qu’elles avaient mis de côté durant cette période et j’avais aussi énormément de travail et plus une minute à moi. Il s’est trouvé qu’un projet s’est déplacé. Un projet de trois semaines. Ça m’a libéré de façon soudaine un peu de liberté et je me suis dit que c’était le moment ou jamais. Tout s’est donc fait durant cette période.
– Plus étonnant, c’est la batterie qui a été enregistrée et jouée à Los Angeles par Norm Block, dont on connaît le travail avec Alain Johannes et Mark Lanegan notamment. Justement, il a un jeu très imprégné de Desert Rock, qui correspond parfaitement à l’album. Il est par ailleurs également producteur. Comment a eu lieu cette rencontre si évidente finalement ?
Je travaille de temps en temps à Los Angeles et il avait été le batteur sur un album que j’avais produit là-bas. J’avais été tellement impressionné que je m’étais dit qu’il fallait le prendre ! C’est vraiment un batteur de Rock avec énormément de finesse et de musicalité. Et comme il est producteur, il a aussi une vision plus globale et il possède un studio incroyable. C’est un fou de matériel et il a des micros hallucinants. J’étais amoureux de son son et il m’a paru évident de faire l’album avec lui.
– Et vous l’avez produit ensemble ?
C’est assez amusant, parce que je savais que je voulais lui demander de faire les batteries. Alors, je lui ai envoyé les morceaux avec tous les instruments, dont la batterie avec ses sons à lui. Je lui ai envoyé tout ça en lui demandant s’il souhaitait refaire en vrai tout ce que j’avais fait en faux ! (Rires). Il a été surpris, honoré et amusé. On s’est mis d’accord et il a fait le travail.
– J’ai lu que tu avais écrit, réalisé et enregistré l’album entre Montréal, la Bretagne, le Mexique et la Californie. Cela peut paraître étonnant compte tenu de la différence supposée des atmosphères, et pourtant il y a une réelle unité sonore et musicale sur l’album. Finalement, dans quel endroit as-tu été le plus inspiré ?
Tout a été fait en Bretagne : guitare, basse, batterie et chant. Ensuite, les voix définitives ont été enregistrées à Montréal, les batteries ont été réalisées à Los Angeles et je l’ai mixé au Mexique. C’est juste que c’était en plein hiver et que, pour mixer l’album et comme j’en avais un autre à mixer aussi, partir au soleil était une bonne idée. C’est pour ça que ça a l’air aussi international, mais tout est parti de Bretagne sur cet album… (Rires)
– Il y a aussi une chose surprenante sur l’album, c’est le déroulé des chansons. Même si elles ne sont pas directement liées entre elles, à l’instar d’un album-concept, le disque donne vraiment l’impression d’avoir un début et une fin. C’est assez rare. Tu avais le désir de raconter une sorte d’histoire, de mener l’auditeur au gré de quelques épisodes ?
C’est aussi parce que j’aime bien jouer l’album dans son intégralité sur scène. Un peu façon Pink Floyd : il y a un nouvel album, alors on le joue. Je réserve les anciens morceaux à une deuxième partie. Sachant que j’allais jouer tout ça d’une traite, j’ai évidemment pensé aux enchaînements scéniques. Il a été construit comme une setlist de concert finalement. C’est peut-être ce qui créé ce chemin lisible. J’avais déjà fait des albums ‘tout-attaché’ comme « Le Petit Peuple Du Bitume » et « Endorphine » avec un fil conducteur. Ils ont d’ailleurs été joués comme ça sur scène.
– Toujours à tes côtés, on retrouve ton ami et parolier de longue date, Pierre-Yves Lebert. Tout d’abord, j’aimerais savoir de quelle manière vous travaillez ensemble. Le plus évident semble être que tu te bases sur ses textes pour composer les mélodies, le climat et le tempo des chansons. Vous fonctionnez comme ça, ou il n’y a pas de processus fixe entre-vous ?
En règle générale, on travaille comme ça. On a de grandes discussions préalables, où on commence à tomber des textes et ensuite, je démarre. Mais là, comme la période s’est libérée de manière assez soudaine, j’ai fait tout l’album en yaourt ! (Rires) Il a donc du faire des textes sur des mélodies déjà ciselées et faire rentrer tout ça au chausse-pied, ce qui demande beaucoup de travail. Cela dit, je lui apporté des bribes et j’avais aussi couché du texte qu’il a évidemment amené à un niveau poétique que je n’aurais jamais tout seul. Ca a été notre façon de travailler. On fait une sorte d’auteur-compositeur à deux !
– Pour écrire ce genre de textes aussi intimes et dans lesquels tu te reconnais aussi forcément, vous devez très, très bien vous connaître. Est-ce qu’il vous arrive tout de même de faire quelques petits ‘brainstorming’ ensemble autour de la structure de l’album, par exemple, et de son contenu au niveau des paroles ? Ou lui laisses-tu entièrement carte blanche la plupart du temps ?
Il y a toujours un ‘brainstorming’ préalable et il arrive aussi parfois que j’amène un sujet par chanson. J’ai même couché des phrases. Je mets une empreinte. Sur ce nouvel album, j’avais aussi le désir d’abandonner mon côté ‘social’, car rien ne change (Sourires), et de faire des choses dont je suis peut-être plus proche. Il y a de moi dans presque toutes les chansons.
– Justement, tu as eu plusieurs paroliers, dont bien sûr et en premier lieu Alana Filippi, Miossec aussi sur quelques morceaux (« Gala, Gala, Etc… », « Le Hall De L’Hôtel », « Le Monde Perdu ») et donc Pierre-Yves Lebert dernièrement. Comme Alana et lui se connaissaient également, est-ce que tu y vois une certaine continuité, même lointaine ? C’est une sorte de cercle finalement…
Ils se connaissaient et c’est par Alana que j’ai connu Pierre-Yves, car son frère est comédien. Elle avait fait le Conservatoire d’Arts Dramatique à Nantes avec lui. Et c’est lui qui m’avait dit qu’il avait un frère qui faisait de la musique. Et quand on s’est séparé avec Alana, elle ne voulait plus trop continuer à écrire avec moi. Donc, je me suis tourné vers Pierre-Yves, dont j’avais remarqué la plume à une époque où je l’avais aidé à faire des maquettes. Cela a été une transition en douceur. Un jour, je l’ai rappelé en lui demandant s’il faisait toujours des chansons, car il faisait un milliard de choses. Il m’a renvoyé un paquet, dans lequel il y avait à peu près tous les textes de « Pêcheur de Pierres ».
– Et puis, ce qui est une grande chance aussi, c’est qu’au bout de onze albums, on te reconnaît, et on t’a toujours reconnu d’ailleurs, au niveau des textes. Il y a une certaine continuité chez les auteurs…
J’ai un autre exemple comme ça. C’est le nombre de personnes qui ont bossé pour Alain Bashung et c’était toujours du Alain Bashung ! Je pense qu’inconsciemment, on doit projeter quelque chose qui oriente. Je ne sais pas…
– J’aimerais que l’on dise aussi un mot de la pochette de l’album, qui me rappelle celle du « Petit Peuple Du Bitume » (2007). Y a-t-il un petit côté nostalgique ? Et de quelle manière reflète-t-elle l’atmosphère de ce nouvel album pour toi ?
C’est une photo qu’a prise mon père quand j’avais dix ans. On sortait des cartons avec ma grande sœur, où il y avait de vieilles photos. On est tombé là-dessus et elle m’a dit : voilà, tu l’as ta pochette ! Et c’est resté ! (Rires) Oui, il y a une vraie ressemblance avec celle du « Petit Peuple Du Bitume », sauf que ce n’est pas moi sur celle-là. C’est vrai qu’à l’époque, ma mère a eu un doute et m’a demandé si c’était une photo de moi ! (Rires) Ce petit garçon me ressemblait un peu quand j’étais petit. Voilà, maintenant, les gens ont vraiment la tête que j’avais petit.
– Il s’est aussi passé sept ans depuis « Endorphine ». Outre les concerts qui ont suivi, les moments passés aux Rencontres d’Astaffort en tant qu’intervenant, tu travailles aussi avec des artistes au Québec notamment. Comment es-tu venu à cette autre facette du métier ?
Je fais beaucoup de choses en production, oui. J’ai toujours aimé et je n’ai jamais conçu la musique sans toucher aux boutons. Donc, me voilà ingénieur du son, mixeur, arrangeur, producteur artistique… Je fais beaucoup d’albums pour les autres et dans des styles extrêmement variés. C’est ce qui m’amuse le plus ! Et je fais beaucoup d’artistes émergents. D’ailleurs, cela m’ennuierait que, si un jour l’un d’eux marche très fort, on ne vienne plus me chercher que pour un style précis. J’adore faire énormément de choses et le renouvellement est une source de jouvence pour moi.
Le nouvel album de DARAN, « Grand Hôtel Apocalypse », sort le 11 octobre chez Pineapple French Pop/Believe France/Kuroneko Medias.
Avec un humour décapant et une force de frappe conséquente, TEXAS HIPPIE COALITION rempile déjà avec son huitième opus sur lequel il renoue avec le son massif, chaud et généreux de ses débuts. Fortement imprégné de son sud natal, le quintet se montre toujours aussi sincère que ce soit sur des titres costauds et accrocheurs que dans des instants plus roots teintés d’émotions viriles et brutes. Et avec une figure de proue comme ‘Big Dad Ritch’, il reste robuste et tenace sur ce très vivifiant « Gunsmoke ».
TEXAS HIPPIE COALITION
« Gunsmoke »
(MNRK Records)
Alors qu’il avait sorti le très bon « The Name Lives On » l’an dernier, il y a fort à parier que TEXAS HIPPIE COALITION se soit ardemment remis à l’ouvrage pour sortir en temps et en heure ce furieux « Gunsmoke », qui vient célébrer les 20 ans du groupe. Et en termes de coup de boost, le moins que l’on puisse dire est que les Texans savent y faire. Leur mix entre Hard Rock et Heavy Metal, sous la bannière Southern, est l’un des plus musclés du genre et remue avec beaucoup de fougue l’actuelle scène pourtant si fertile.
Mené de main de maître par ses fondateurs Richard Earl Anderson, aka ‘Big Bad Ritch’, au chant et Cord Pool à la guitare, et dont les solos rayonnent sur tout l’album, TEXAS HIPPIE COALITION peut aussi compter sur les frères Romo (Nevada à la six-cordes et Larado à la basse) et sur son cogneur en chef Joey Mandigo derrière les fûts pour guider ce groove épais et ravageur. Cela dit, c’est un aspect légèrement plus Rock et résolument sudiste qui est mis en avant ici, comme un retour à ses origines musicales.
L’entame de « Gunsmoke » est rugueuse et cash. Les trois premiers morceaux (« Deadman », « Baptized In The Mud » et « Bones Jones ») sont bruts et mélodiques et les riffs lourds et puissants se libèrent sur un rythme d’enfer. Pour autant, TEXAS HIPPIE COALITION sait aussi se montrer plus délicat (« She’s Like A Song », « I’m Gettin’ High ») grâce, notamment, à son incroyable et irremplaçable frontman, qui incarne littéralement l’âme du combo (« Eat Crow », « Droppin’ Bombs » et l’irrésistible chanson-titre). Une saveur authentique.
Si la délicatesse caractérise le jeu de LESOIR, son côté Rock et dynamique vient compléter une palette artistique lumineuse et positive, notamment grâce à des voix souvent doublées et des parties de guitares limpides et entraînantes. Sans faire étalage de leur technique, les Néerlandais sont pourtant extrêmement pointilleux et poussent le souci du détail dans ses retranchements. Avec « Push Back The Horizon », c’est avec beaucoup de maturité et d’inspiration, qu’ils nous invitent à un voyage musical coloré et envoûtant.
LESOIR
« Push Back The Horizon »
(V2 Records)
En l’espace de 15 ans aujourd’hui, la formation de Maastricht a su se faire un nom sur la scène progressive, malgré une trop grande discrétion à mon goût. Avec « Push Back The Horizon », c’est sa sixième réalisation et le style se fait de plus en plus précis. Musicalement d’une grande richesse, grâce à un travail impressionnant sur les textures et les arrangements, LESOIR sort vraiment du lot et le fait même avec beaucoup d’élégance. Et entre Prog soigné et Art-Rock, on est littéralement porté par la fluidité des mélodies.
Guidé par ses deux fondateurs et principaux compositeurs, Maartje Meessen (chant, claviers, flûte) et Ingo Dassen (guitare), le groupe trouve son équilibre sur des riffs efficaces et des orchestrations d’une grande finesse. Dans la continuité de « Mozaic », sorti il y a quatre ans déjà, « Push Back The Horizon » est à nouveau produit par le duo constitué de John Cornfield (Muse, Robert Plant) et Paul Reeve (Matt Bellamy), qui cerne parfaitement l’atmosphère du quintet et offre à LESOIR beaucoup de profondeur.
En ouvrant avec le morceau-titre, les Hollandais captent sans mal l’attention, tant l’harmonie entre le chant, les chœurs, la rythmique et le duo guitare-flûte est évidente. C’est toute la force de ce Rock pointu, qui alterne les ambiances en se faisant tour à tour aérien et mystérieux (« Fireflies », « You Are The World », « What Do You Want From Me ? », « As Long As Your Girls Smile »). Et sur certaines versions, LESOIR nous fait le plaisir des 20 minutes de « Babel », un titre d’anthologie datant de 2022 et son véritable joyau.
Si NO ONE IS INNOCENT reprendra la route l’an prochain, son avenir discographique est, quant à lui, plus qu’incertain. L’engagement que cela demande en termes d’investissement personnel a fait naître chez Kemar et Tranber, historiques frontman et bassiste du groupe, cette réflexion sur l’avenir de leur énergivore combo. En attendant, c’est donc avec un ‘Best Of’ un peu particulier, que le quintet revient dans les bacs en proposant quelques inédits et surtout deux nouveaux titres, « L’Arrière-Boutique du Mal » et « Ils Marchent », qui ouvrent et ferment « Colères ». Au total, ce sont 16 morceaux qui ont marqué les esprits et la scène française durant ces 30 ans de combat musical. L’occasion de discuter avec Kemar de cette belle aventure, de ce disque, de notre époque et d’une suite tant espérée…
– Sans entrer dans les détails des problèmes judicaires qui t’ont touché, NO ONE IS INNOCENT a vu son line-up éclater à ce moment-là. Comment est-ce que tu l’as ressenti et de quelle manière as-tu reconstruit le groupe ?
Avec Tranber, on a senti qu’émotionnellement, les autres l’avaient mal vécu. Et dans ces moments-là, il y a un peu d’animosité et certaines choses qui refont surface. Ça ne nous a pas plu et nous a même un peu refroidis. Il y a aussi eu des désaccords sur la façon de revenir, c’est-à-dire la date, les concerts et certains voulaient aussi lever le pied. Bref, trop de trucs lourds et au-delà de ça, le fait d’arrêter n’était pas vraiment au rendez-vous pour Tranber et moi. A un moment donné, il ne faut pas se forcer à remonter dans un bus et, finalement, faire croire aux gens qu’on est de super potes et qu’on aime jouer ensemble. Ça ne marche pas comme ça dans NO ONE ! Ensuite, ils ont décidé d’eux-mêmes de quitter le groupe. Et puis, on s’est dit aussi que ce n’était pas la première fois qu’on vivait ça. Les lines-up ont souvent été difficiles dans le groupe, parce que cela implique beaucoup d’énergie, de la fatigue, … Il faut pouvoir supporter tout ça aussi. Et puis, on ne raconte pas des choses anodines, non plus, et ça peut déboucher sur des débats un peu houleux. On s’est très vite retourné pour trouver d’autres musiciens, et voilà.
– On te sait combatif, mais est-ce que l’idée de mettre fin à l’aventure NO ONE IS INNOCENT t’a tout de même traversé l’esprit ?
Oui ! Avec Tranber, elle nous avait déjà traversé l’esprit. J’ai commencé à lui en parler bien avant. Nous sommes vraiment très liés et même au début de la composition d’« Ennemis », j’ai senti quelque chose. Il y aussi le fait de devoir assumer ce que demande physiquement NO ONE quand tu joues un concert parfois quatre fois par semaine. Tu perds des ‘points de vie’ et c’est une chose qu’on avait déjà abordé. Ce n’est pas forcément une question artistique, car on avait encore des morceaux et on n’avait pas envie de se freiner. Mais l’assumer sur scène, c’est vraiment différent ! On ne triche pas ! Faire un concert avec un pied de micro, c’est carrément impossible ! Je recherche une transe, c’est-à-dire l’inattendu et voir ce qu’il va se passer. Chaque concert est différent et cela demande une énergie énorme. Et puis, il y a aussi cette idée de faire l’album de trop. C’est quelque chose qui m’angoisse total ! Je n’ai pas envie d’être Kiss, Deep Purple ou Alice Cooper ! (Rires) On a peut-être une exigence scénique plus forte qui joue sur certains membres et c’est normal. Et c’est vrai qu’avec les gars qu’on a choisi, eux seraient partants pour continuer, sortir des albums et repartir sur la route ! Mais, ils ne sont pas à notre place.
Kemar & Tranber, piliers du groupe
– A en juger par les deux inédits « L’arrière-boutique Du Mal » et « Ils Marchent », NO ONE IS INNOCENT repart sur de solides bases. Il y a toujours cette culture du riff et ce son qui vous caractérise tant. J’imagine que les nouveaux membres connaissaient le groupe, puisque la ligne directrice est respectée et l’ADN très perceptible. Comment se sont passées les discussions au moment de composer ?
Si tu prends Fred Mariolle (guitare – NDR), il a toujours gravité autour de NO ONE, il a même fait des concerts avec nous et il a surtout co-écrit deux titres de « Propaganda » à l’époque. C’est la première personne qu’on a appelé ! Ensuite il nous a présenté Mathys (Dubois, batterie – NDR) qu’on avait déjà vu jouer en concert avec un autre groupe et il nous avait tapé dans l’œil. Et puis Marceau (guitare – NDR), c’est Mathys qui l’a rencontré dans un festival et qui lui a dit qu’on cherchait un guitariste. Et c’est parti comme ça ! C’est génial ! (Rires)
– Dans votre large discographie, il manquait un ‘Best Of’, c’est vrai. Est-ce que, justement, ce retour sous un nouveau line-up était l’occasion de marquer le coup, et surtout d’amorcer une nouvelle ère chez NO ONE INNOCENT, sans parler de nouveau départ ?
C’est vrai qu’un ‘Best Of’, ça pose une cloison et c’était voulu. Après les concours de circonstance font que cela se fait avec un nouveau line-up. Mais avec Tranber, on avait déjà décidé de mettre une fin au chapitre. Mais c’est peut-être aussi tant mieux que cela se fasse comme ça ! Il y a une espèce de fraîcheur. Lors du dernier concert qu’on a donné cet été en Belgique, on a eu l’impression avec Tranbert qu’on n’avait pas ressenti un tel enthousiasme depuis longtemps ! C’était vraiment cool !
– « Colères » balaie plusieurs périodes de vos 30 ans d’activités bien sûr, et présente aussi plusieurs titres live. C’était important pour un groupe de scène comme vous d’en mettre autant ? Et puis, l’énergie sur ces versions est incroyable…
En fait, ces morceaux ont beaucoup évolué sur scène par rapport à ce qu’ils pouvaient raconter sur les versions studio. Et puis, ce sont des titres qui marquent aussi une période de l’histoire du groupe. Je pense à « Nomenklatura », par exemple, qui nous figent dans notre combat contre les extrêmes que ce soit politiques ou religieuses. « Chile » est le fruit de notre voyage au Chili et en Argentine avec cette phrase de Pablo Neruda qui est scandé : « Nous gagnerons même si tu ne le crois », qui est pour moi très emblématique de ce qu’est NO ONE, en fait. Mettre ces versions-là avait beaucoup de sens.
– Et puis, il y a cette version de « Massoud » revisitée avec le Lahad Orchestra, ce qui lui donne un aspect encore plus oriental. Peux-tu nous en dire plus sur les conditions d’enregistrement et surtout la démarche en elle-même ?
C’est venu d’une rencontre faite par hasard avec un groupe de musiciens influencés par les musiques orientales et qui donnent des cours aussi. Leur répertoire est aussi constitué de chansons qui ne sont pas anodines et qui donnent même lieu à des débats un peu houleux. On leur a proposé de travailler avec nous sur la réorientation orientale de trois/quatre titres. Ils ont été super enthousiastes, d’autant que les morceaux de NO ONE ne sont pas forcément ce qu’ils écoutent tous les jours. Il y avait une espèce de challenge très intéressant et cela nous permettait aussi d’entendre nos chansons différemment. Et surtout, on a eu la chance de les jouer avec eux et ça a été magique ! C’est une seconde jeunesse pour ces morceaux. A un autre niveau bien sûr, il y a un petit côté Led Zep quand Page et Plant ont joué « Kashmir » avec The Egyptian Orchestra (dirigé par Hossam Ramzi – NDR).
– L’ombre de ‘Charlie Hebdo’ plane aussi sur « Colères » avec notamment un discours très poignant d’une des journalistes. Les conditions ce soir-là, à la Cigale à Paris, étaient très spéciales. Comment se sent-on à ce moment-là sur scène ? Entre émotion et colère ?
Il y a tout qui se mélange à ce moment-là… Je sais que j’ai craqué ce soir-là avec le discours de Marika Bret de ‘Charlie Hebdo’. Et puis, c’était en plein concert, cela faisait déjà une heure qu’on jouait et nous étions en tension totale. L’adrénaline était à son max. Alors, quand elles sont venues parler… Et puis, il y a tout ce que cela a représenté pour nous aussi avec « Charlie ». Tous ces sentiments-là se sont mêlés. Avec Tranbert, c’est aussi notre génération et il y avait tous ces gens qui renvoyaient tellement d’affection en scandant ‘Charlie’. C’était une ode à la résistance, c’est peut-être dix fois plus fort que de jouer un morceau !
– C’est ce que j’allais te dire, car ce n’est pas un morceau, mais un discours. Et puis, il est présent sur le ‘Best Of’ entre les chansons sans préparer de suite au disque…
C’était important ! Avec Tranber, on s’est dit qu’il fallait qu’on le mette, parce que c’est aussi un moment crucial de notre carrière. C’est tout ce qu’on a essayé de construire avec ce groupe. Et il exorcise l’horreur également, tout en étant un instant de résistance. C’est tout ce qu’on a toujours voulu faire avec NO ONE !
– Un mot quand même sur l’actualité, qui est un sujet viscéral chez NO ONE IS INNOCENT. Entre le FN (appelons-les par leur nom !) en France, l’extrême droite partout en Europe, les meurtres à Gaza et ailleurs, certaines chansons de votre répertoire ressurgissent. J’imagine qu’en ce moment les idées de textes ne manquent pas… Qu’arrive-t-il à nos sociétés ?
J’ai l’impression que le mot ‘Colère’ n’a jamais été aussi scandé, hurlé et évoqué qu’en ce moment. Il y a tellement de carences au niveau judiciaire, économique, sociétal… Tout s’entremêle et il y a une espèce de dérèglement. On parle de dérèglement climatique, mais il y a aussi celui-là dans nos sociétés. C’est ce dont je parle dans « Ils Marchent » et qui fait vraiment flipper. (Silence) Pour être honnête avec toi, j’ai l’impression qu’on est en sursis. Ce morceau est un témoignage qui dit ça, que nous sommes en sursis du pire ! Il faut que les lignes bougent… C’est aussi pour cette raison qu’on a décidé de l’interpréter de cette façon-là, sans mettre les watts à 12 pour le dire. Ce sont les gars qui m’ont dit spontanément que ce texte-là n’avait pas besoin d’être scandé. Et dans l’histoire du groupe, il y a aussi eu des morceaux très forts qui n’avaient pas besoin d’être joué les potards à fond. On avait envie de dire des choses et là, il y a une menace et une peur qui transpirent du morceau. Je pense que nous sommes très nombreux à le ressentir. J’espère que la chanson fera un peu mouche chez les gens qui sont sensibles musicalement et aussi au niveau du texte. Vraiment, cela fait 30 ans que NO ONE est là et je n’ai jamais ressenti ça… Et on a été de tous les combats pour lutter contre les extrêmes, le racisme, les blitzkriegs sociales, les fous de religions, … Mais ça là, ce sursis du pire, je ne l’ai jamais autant ressenti.
– Pour conclure et rester un court instant sur le sujet, il y a une question que je pose à certains groupes quand l’évidence est manifeste : est-ce qu’on peut écouter et apprécier NO ONE IS INNOCENT et être de droite ?
Ouais, bien sûr ! NO ONE n’est pas seulement un groupe à texte. Pourquoi un mec de droite n’aura-t-il pas envie de kiffer juste la musique ? En concert, je ne suis pas sûr que les gens devant nous soient tous de gauche…
– Vous leur mettez quand même plein la gueule…!
Oui… Mais je pense qu’il y a une façon de dire les choses. Si on était un groupe Punk premier degré, genre ‘Macron enculé !’ etc…, ce serait le cas, bien sûr. Il y a des mecs qui m’ont déjà dit : ‘je suis de droite, mais je vous écoute’. Alors, pourquoi je vais commencer à l’emmerder ? (Rires) C’est Kurt Cobain qui disait : « Je ne suis pas gay, même si j’aimerais bien, juste pour faire chier les homophobes ». Alors, que tu sois de droite ou de gauche, j’ai envie de dire que si tu viens nous voir, c’est avant tout parce que tu aimes la musique. Il ne faut pas oublier que NO ONE est un groupe qui fait de la musique et, après, qui dit des choses. Tu sais, à certains moments, je me suis trouvé un peu déstabilisé, parce qu’on ne me parlait presque plus de musique. Effectivement, il y a dans les textes des sujets souvent tellement lourds et importants. Alors forcément, cela rebondissait et les gens avaient envie de parler de ça. C’est quelque chose que je ressens encore. Et pour être complètement honnête avec toi, les politiques culturelles des mairies de droite sont parfois plus cool que celles de gauche. Ça nous ait arrivé des dizaines de fois en parlant avec des directeurs de salle qu’on nous dise qu’avec des maires de droite, on leur donnait les clefs et on faisait le point dans un an. Alors qu’avec la gauche, c’est souvent : ‘Attention, on veut avoir la main sur la programmation’. Une façon de dire que la culture, c’est nous. Ca existe et ce n’est pas une légende ! C’est aussi un détail qui veut dire beaucoup de choses…
Le ‘Best Of’ de [NO ONE IS INNOCENT], « Colères», est disponible chez Verycords.
Avec une incroyable justesse, Anne-Claire Rallo signe son premier effort solo d’une beauté souvent renversante et, même si elle est particulièrement bien entourée, c’est bien elle qui porte « A Brand New World », comme pour conjurer le sort et aussi repartir de l’avant. Un nouveau départ musical en forme d’escapade émotionnelle, dont la narration souvent intense est aussi bouleversante qu’enthousiasmante. FRANT1C est aussi une formation très familiale, où l’on perçoit même les instruments d’un grand musicien qui, tel un ange, est venu hanter avec bienveillance et douceur ce premier opus majestueux.
FRANT1C
« A Brand New World »
(Independant/FTF-Music)
Suite à la disparition de son mari, Eric Bouillette, la reconstruction paraissait l’étape suivante, à la fois évidente et nécessaire pour Anne-Claire Rallo. Musicienne, compositrice et parolière de talent, c’est forcément dans la musique et l’écriture qu’elle s’est replongée pour trouver un nouveau souffle. Et quel souffle ! Avec FRANT1C, son nouveau projet, c’est entouré de sa famille musicale qu’elle s’est remise à l’œuvre pour ce premier album. Et « A Brand New World », dont le titre fait évidemment écho, annonce aussi une belle renaissance artistique dans un Rock Progressif, au sein duquel elle s’est toujours épanouie.
Pas question ici de retrouver les effluves, pourtant délicates, de Nine Skies ou de Solace Supplice. Anne-Claire ouvre un nouveau chapitre bâti sur celui d’un nouveau monde, où l’on va suivre sur plus d’une heure les aventures de Hope, incarnée par l’enchanteresse chanteuse de Sun Q, Helen Tiron, et de Charlie porté par Martin Wilson, le frontman de The Room. Côté textes, celles et ceux qui connaissent ses écrits à travers ses livres et son blog y retrouveront un univers familier. Et puis, l’équipe de FRANT1C est constituée de proches, humainement comme artistiquement, entièrement dévoués à la mise en lumière de l’album.
Comme une évidence, cette première réalisation est conceptuelle et narre une histoire dans laquelle on est vite immergé. Ils sont une dizaine de musiciens à évoluer sur « A Brand New World », se mettant avec application au service des morceaux de FRANT1C. Difficile dans ce type de production se faire ressortir une chanson plutôt qu’une autre, mais on retiendra « The Awakening », « People In Their Cage », « Where Have You Been », « Sweet Confusion », « On The Run », « Take A Little Time » et l’incontournable « The Ballad Of Peggy Pratt » qui, du haut de ses 13 minutes, domine l’ensemble avec beaucoup de force et de délicatesse.
(Photo : Philippe C. Photos)
Pour vous procurer l’album, cliquez juste sur la bannière en haut de la page d’accueil.