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AOR Hard FM Hard Rock

Lionheart : pacification

Si l’esprit est ouvertement 80’s/90’s, les compos et l’interprétation ne dévoilent pas la moindre ride. Chevronnés et très inspirés, les musiciens de LIONHEART surfent toujours sur une belle vague de Hard Rock mélodique, entre Hard FM et AOR (oui, il y a une différence !). Solide et fédératrice, leur dernière production navigue entre des émotions dues au thème à l’œuvre ici et des envolées dignes des plus belles heures du genre. « The Grace Of A Dragonfly » allie puissance et intemporalité.  

LIONHEART

« The Grace Of A Dragonfly »

(Metalville)

Malgré une histoire qui a commence à la fin des années 80 et un line-up qui a tout du ‘All-Stars Band’, LIONHEART ne compte que quatre opus à son actif, en incluant « The Grace Of A Dragonfly ». Mais depuis « Second Nature » en 2017, les Anglais sont sur une belle dynamique et cette nouvelle réalisation vient confirmer les belles choses entrevues sur « The Reality Of Miracles » (2020). Avec une base Hard Rock, la cuvée 2024 nous embarque sur des refrains accrocheurs dans un Hard FM très soigné.

Forts une réputation qui les précède, Dennis Stratton (guitare, ex-Maiden), Steven Mann (guitare, MSG), Rocky Newton (basse, Wildfire, Schenker), Clive Edwards (batterie, Uli Jon Roth)v et Lee Small (chant, Shy) livrent leur premier concept-album. Centré sur la Seconde Guerre Mondiale, celui-ci se veut un hommage anti-guerre basé sur un travail mélodique exceptionnel. LIONHEART s’est focalisé sur les voix et tout le monde fait d’ailleurs les chœurs, mais c’est guitaristiquement que les Britanniques se montrent brillants.

Réaliser un disque aussi positif sur un thème guerrier n’était pas la chose la plus évidente et pourtant le quintet y est parvenu, grâce à des morceaux harmonieux et finement composés. Les chorus, les twin-guitares, les solos et les riffs du duo Stratton/Mann rayonnent enveloppé de claviers à la fois discrets et efficaces (« Declaration », « V Is For Victory », « The Longuest Night », « Just A Man », « UXB » et le morceau-titre). Tout en maîtrise, LIONHEART se montre sous son meilleur jour et fait parler l’expérience.

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Bluesy Rock Funk Rock Glam Rock Heavy Rock International

Cody Jasper : free to rock [Interview]

Le Texan est typiquement le genre d’artiste à l’américaine, c’est-à-dire capable de s’approprier à peu près n’importe quel style sur une base Rock et Blues. CODY JASPER fait partie de ces musiciens débridés et inclassables, plein d’humour et surtout avec de redoutables qualités de songwriter. Après un album, deux EP et une flopée de singles, il s’apprête à réaliser sa première tournée européenne le mois prochain avec trois dates en France. Alors, avant d’aller le voir fouler les planches à Nantes, Paris et Beauvais, rencontre avec ce guitariste et chanteur à l’univers exalté.

– Tu as sorti ton premier album éponyme en 2014, mais tu n’étais pas vraiment novice, puisque tu avais déjà joué dans le groupe Moon Fever notamment. Comment avais-tu abordé cette première expérience solo à l’époque ?

Mon expérience passée dans le groupe m’a laissé un goût amer, alors que je voulais vraiment m’amuser et juste jouer de la musique par amour.

– Il a fallu ensuite attendre « Ministry Of Sadness » en 2022 avec sept morceaux très différents les uns des autres et avec des couleurs très différentes. On y retrouve même des sonorités très Pop anglaise, ce qui est assez étonnant. On a le sentiment que tu cherches toujours à surprendre en arrivant là où on ne t’attend pas. C’est le cas, et malgré une unité musicale toujours perceptible ?

(Rires) Oui, j’aime toutes les musiques et j’essaie vraiment de rester à l’écart des frontières. J’ai ce sentiment que l’art devrait toujours enfreindre les règles pour repousser les limites. Je ne peux pas imaginer devoir jouer un seul style de musique chaque soir. J’essaie de garder ça intéressant, et pas seulement pour les fans de musique, mais aussi pour moi-même.

– L’année suivante, tu sors « Geronimo », un EP de 6 titres. Avec le recul, ton passé et ta culture musicale, j’ai l’impression que c’est sans doute celui qui te ressemble le plus. C’est aussi ton opinion ?

C’était certainement le disque le plus proche de moi, en effet. Juste du Blues Rock…

– Ce qui est remarquable en parcourant ta discographie, c’est ce socle très fort ancré dans le Blues, la Country Outlaw et le Rock, bien sûr. Pourtant, tu y ajoutes aussi régulièrement des touches Pop, psychédéliques, Soul, Glam et même R&B. C’est le fruit d’un héritage musical varié que l’on retrouve d’ailleurs aussi dans ton Texas natal ?

Pas nécessairement, en fait. Tu sais, là d’où je viens, c’est vraiment difficile de faire quoi que ce soit à moins d’être une copie conforme de ce qui est populaire ici. Comme je te le disais plus tôt, j’aime toutes les musiques et je ne me vois pas jouer la même chose tous les soirs. J’aime la Soul, le Blues, le Rock’n’Roll, la Country et la liste est encore longue. Et qui a dit que je ne pouvais pas tout jouer ? (Sourire)

– Il y a aussi une chose qui est assez fascisante en traversant tes chansons, c’est une fondation très ‘Old School’ finalement, et traditionnelle aussi, sur laquelle tu poses de puissantes guitares et des sonorités très actuelles qui vont même jusqu’à des choses très dansantes. C’est cette liberté-là que tu recherches en premier lieu lorsque tu composes ?

Merci et oui, je me suis lancé dans la musique grâce à la liberté qu’elle me donnait de créer. Je n’essaie pas d’être forcément ‘Old School’, mais je le suis tout de même. J’aime la vraie batterie, explorer les sons de guitare et les conserver de façon aussi analogique que possible.

– Il y a aussi ce sentiment d’éviter à tout prix de rentrer dans le rang et de rester inclassable en parcourant tous les genres que tu aimes au gré de tes envies. Comment est-ce que tu définirais le style CODY JASPER ? Et je pense notamment au public européen qui va bientôt te découvrir…

Eh bien… J’adore la musique, sous toutes ses formes. Et j’ai commencé à en faire quand j’étais enfant en raison du sentiment de liberté que cela me procurait à être qui je voulais. C’est plutôt incroyable. Tu peux prendre les quatre mêmes accords, mais la façon dont tu les joues peut changer toute la sensation d’une chanson. Et j’espère que cela a du sens. Et c’est vrai que j’aime trop la musique pour me limiter à un seul genre.

– En plus de « Ministry Of Madness » et de « Geronimo », tu as sorti de nombreux singles. Là encore, ils sont très différents dans le son, mais pas dans l’approche et ils ont souvent solaires comme « Run », « Jaded », « Benz », « Who You Are », « Disco Limonade » ou « Higher Power ». On a le sentiment que ce sont des instantanés de vie. C’est le cas ? C’est de cette manière que tu les as composés ?

Oui, la plupart de mes compositions sont thérapeutiques. Je reviens toujours à ma guitare en période de stress, de lutte ou même de bonheur. C’est le meilleur moyen que j’ai pour libérer ce que je ressens à l’intérieur de moi-même.

– J’aimerais qu’on dise un mot aussi sur ton attitude, qui est très libre comme on a l’a dit, mais aussi très irrévérencieuse finalement, et assez ‘Sleaze’ sur certains aspects, non ? Pourtant, tu sais aussi te montrer très touchant…

(Rires) J’essaie juste de m’amuser !

– L’an dernier, tu as signé avec le label Evil Teen Records, qui est celui du légendaire Warren Haynes. Un album est d’ailleurs prévu pour cette année. Qu’est-ce que représente cette signature pour toi ? C’est celle que tu attendais et souhaitais depuis longtemps ?

Absolument ! Jamais dans mes rêves les plus fous, je n’aurais pensé me retrouver dans cette situation. Je suis reconnaissant chaque jour d’être entouré d’une si belle équipe.

– Justement, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur cet album à venir ? Est-il déjà composé et enregistré ? Et quelle en sera la couleur, le ton et l’état d’esprit général ?

A l’heure actuelle, l’album est en phase de mixage. Je l’ai enregistré avec Aleks von Korff. Il a travaillé sur de nombreux disques de légende. Tous ces gars sont des rockstars et je suis tellement heureux qu’il ait produit le disque. C’est définitivement un album Rock. C’est à peu près tout ce que je peux te dire sans trop en dire. C’est du putain de Rock !!!

– Le mois prochain, tu vas entamer une tournée européenne, qui passera par l’Allemagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas. J’imagine qu’il y a beaucoup d’excitation bien sûr. Comment l’abordes-tu et est-ce que tu as réfléchis de manière différente pour tes set-lists, sachant que le côté roots de la musique américaine que tu joues est assez peu représenté ici ?

D’habitude, je n’aime pas trop les setlist, car ce sont juste toutes les chansons que nous connaissons finalement. Mais chaque soir, je joue devant un public différent et aussi comme je le sens. Je peux donc changer les trois premiers morceaux en fonction de l’ambiance. Avec mon groupe, on joue toutes sortes de trucs, alors si je remarque que la salle est un peu plus Blues, on aura certainement quelques titres Blues bien musclés dans notre poche.

– On sait aussi, via Internet pour nous, que tes prestations scéniques sont enflammées et dégagent beaucoup d’énergie. Doit-on s’attendre à quelques surprises, car on connaît aussi ton côté entertainer et show-man ?

Oh oui, j’essaie toujours d’offrir aux gens le meilleur spectacle. Je suis tellement heureux que le public soit venus me voir jouer que j’ai l’impression que le moins que je puisse faire est de leur donner tout ce que j’ai.

Toutes les infos et toutes les dates de concert sont disponibles sur le site de CODY JASPER : https://codyjasper.com/

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Southern Rock

Blackberry Smoke : une tradition intacte

Pionnier de cette nouvelle génération de formations Southern à s’être émancipée d’un certain public pour en conquérir d’autres, BLACKBERRY SMOKE prouve, s’il était encore nécessaire, qu’il est ce grand représentant d’une musique typiquement sudiste qui vit, bouillonne et rayonne dorénavant comme au temps des Lynyrd Skynyrd, Allman Brothers Band, 38 Special et autres Molly Hatchet. « Be Right Here » est entraînant, joyeux, électrique, brut et d’une ferveur aussi palpable que confiante. Une réussite totale !

BLACKBERRY SMOKE

« Be Right Here »

(3 Legged Records/Thirty Tigers)

Avec « Your Hear Georgia » en 2021, BLACKBERRY SMOKE avait laissé beaucoup de fans sur leur faim, tant la déception fut grande. Cela n’a pas remis en question la grande qualité de ses prestation scéniques et encore moins celle de sa discographie, mais cela avait dévoilé certaines limites créatives. Cela dit, on peut aussi se dire qu’il ne s’agissait que d’un simple coup de mou, comme cela arrive chez la majorité des groupes. Car « Be Right Here » vient remettre quelques pendules à l’heure, et avec la manière. Techniquement imparable, le groove et les mélodies sont au rendez-vous, au même titre que l’inspiration et le feeling.

BLACKBERRY SMOKE retrouve ici son Southern Rock, le vrai, celui qui est gorgé de Country, de Blues et d’Americana. Et ce retour à une authenticité dissoute sur le précédent album donne cette belle sensation de liberté retrouvée, cette légitimité qui fait la force des Américains et qui les a très justement désignés comme le renouveau du Rock Yankee, après des années 70 désormais lointaines. Etonnamment, même le producteur Dave Cobb (Chris Stapleton, Jason Isbell), grand habitué et faiseur de disques très mainstream, est parvenu à rendre au groupe, avec « Be Right Here », ce son live et spontané, qui le rend si identifiable.

Enregistré entre Nashville et Savannah en Georgie, ce huitième opus dégage une sincérité que cette apparente simplicité rend immédiatement positive. Au chant, Charlie Starr surfe sur un groove roots et enthousiaste et donne brillamment le change à Paul Jackson avec qui il forme un somptueux duo de guitaristes. De « Dig A Hole » à « Barefoot Angel”, en passant par « Don’t Mind If I Do », « Little Bit Crazy », « Like I Was Yesterday » ou les plus délicats « Other Side Of The Light », et « Whatchu Know Good », BLACKBERRY SMOKE n’a pas à se forcer pour exceller dans un registre qu’il incarne autant qu’il le respire… à pleins poumons !

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Doom Doom Rock France Stoner Doom

Witchorious : dans les pages du grimoire [Interview]

WITCHORIOUS, c’est un trio composé d’Antoine Auclair (guitare) et des frère et sœur Paul (batterie) et Lucie (basse) Gaget, qui s’est forgé un univers Doom autant Metal que Rock et débordant à l’envie dans des atmosphères Stoner. En quelques années, les Franciliens ont su façonner un son et une identité très personnelle, au point de taper dans l’œil du label italien Argonauta Records. Antoine se fait porte-parole du groupe pour revenir sur ce premier album plus que réussi. Entretien.  

Photo : Cred Faallaway

– Avant de parler de ce premier album éponyme, j’aimerais que l’on revienne sur la création du groupe, qui est aussi une histoire de famille… Quel a été le déclic ?

On avait déjà joué ensemble avec Lucie, au sein de différents groupes. Au moment de créer ce nouveau projet, on a naturellement pensé à Paul pour nous rejoindre. On savait qu’il aurait beaucoup à apporter à ce nouveau projet de part ses influences et son jeu de batterie. Et puis, quand tu montes un groupe avec des gens, tu vas passer énormément de temps avec eux et ce n’est pas toujours pour rigoler, donc autant le faire avec des gens que tu aimes.

– WITCHORIOUS a vu le jour il y a cinq ans et vous aviez commencé par sortir un single avec les titres « 3 AM » et « Evil Creature ». Malheureusement, la pandémie a brisé ce premier élan. Quelle a été votre réaction à ce moment-là. Car, comme pour beaucoup, de nombreux espoirs et investissements se sont envolés…

On avait prévu d’enregistrer un EP au moment où le premier confinement est tombé. On a naturellement été déçu de devoir le repousser. Mais avec le recul, c’est ce qui nous a permis d’affirmer notre projet en travaillant davantage nos morceaux et notre identité. On en a profité pour travailler sur d’autres riffs, d’autres thèmes. C’était un moment très propice à la réflexion, notamment sur la vie avec cette ambiance de fin du monde, et de ce point de vue là, ça tombait plutôt bien. On a aussi évolué pendant ce temps, et donc on a intégré d’autres influences. Au final, l’album qu’on a produit ressemble vraiment à la proposition artistique qu’on rêvait de sortir, et je pense qu’il est beaucoup plus riche et abouti que le potentiel EP qu’on aurait pu sortir à la base. De toute façon on n’a pas eu le choix, il a fallu laisser faire le karma !

Photo : Brian Downie

– Après votre single, vous aviez donc en tête de sortir un EP de 5 titres. Finalement, vous avez revu vos ambitions à la hausse et décidé de vous lancer dans un album complet. Souvent, les groupes sortent des formats courts par manque de moyens, ou pour jauger leur following essentiellement. Cette étape ne vous a finalement pas paru nécessaire ?

C’est vrai qu’on s’est d’abord posé la question de ce qui serait le mieux stratégiquement : EP ou album ? En discutant avec les gens, les points de vue étaient tellement divergeants qu’on n’a pas trouvé de réponse, et comme chaque parcours est particulier, on a choisi de plutôt faire comme on le sentait. Avec cette histoire de pandémie, qui nous a donné un répit sur les répétitions et les enregistrements et donné beaucoup de temps pour écrire, c’est devenu limpide. Alors c’est vrai que ça a été un plus gros investissement, autant en efforts que financièrement, mais on ne regrette pas du tout. On adore écouter des albums où le propos peut être complètement développé, et on avait trop envie de faire un LP. Les conditions étaient réunies, alors on n’allait pas se priver.

– Ensuite, vous avez cherché un label, ce qui n’est jamais une mince affaire. Vous faites votre entrée sur le très bon label italien Argonauta Records, dont le catalogue est de grande qualité. Comment cette signature a-t-elle eu lieu et les avez-vous facilement convaincus ?

On trouvait le roster d’Argonauta excellent, il travaillait déjà avec quelques groupes français qu’on apprécie comme Conviction, Goatfather et Oaks. Au moment de chercher un label pour préparer la sortie de l’album, on l’a contacté et le projet l’a tout de suite emballé. On est très heureux de travailler avec Argonauta pour ce premier album. Gero, qui gère le label, est un passionné et il sait parfaitement nous conseiller.

Photo : Cred Faallaway

– J’aimerais que l’on parle de l’univers de WITCHORIOUS qui, forcément, tourne autour du personnage de la sorcière qui endosse d’ailleurs de multiples rôles. Est-ce que vous pensez que cela deviendra récurrent, ou voyez-vous plutôt « Witchorious » comme un album-concept ?

On ne voit pas vraiment ce premier album comme un album-concept, mais plutôt comme un recueil de morceaux présentant notre identité. On aime bien utiliser des métaphores dans nos textes et on trouvait intéressant de développer celle de la sorcière car, pour nous, c’est une figure à la fois rebelle et oppressée, qui effraie et fascine. Ce personnage de la sorcière est présent jusque dans le nom du groupe et fait fortement partie de notre identité, je pense qu’on continuera à la faire vivre par la suite. Et puis, c’est aussi un cliché dans le genre du Stoner Doom, et ça nous amuse beaucoup d’en jouer.

– Musicalement, votre Heavy Doom oscille entre Metal et Rock et j’y vois même un certain parallèle avec Candlemass et Avatarium. Est-ce que leur parcours et leur histoire commune et respective ont pu avoir une influence dans votre processus de création et d’exploration de ce vaste registre ?

Ce sont des groupes qu’on adore, et je trouve que le Doom d’Avatarium a un côté particulièrement grandiloquent, qui m’a toujours fasciné. Les deux font clairement partie des groupes qui ont influencé certains de nos morceaux, parce qu’ils ont exactement cette démarche d’un Doom qui reste très traditionnel dans les riffs et l’approche, mais avec des structures et des esthétiques qui apportent vraiment du renouveau. Le travail vocal incroyable d’Avatarium, le ton en permanence hanté de Candlemass, ce sont des sons qu’on a directement en tête quand on écrit, quand on cherche des modèles d’ambiance… We are bewitched !

Photo : Brian Downie

– L’une des particularités de WITCHORIOUS réside aussi dans le fait que vous soyez deux au chant et surtout qu’il y ait une voix féminine et une autre masculine. C’est quelque chose qui s’est imposé dès le début ? Sans compter que cela ouvre de nombreuses possibilités…

On a toujours apprécié ajouter des chœurs. Les deux voix, et mêmes les alternances entre voix chantées et criées, nous permettent de jouer sur les nuances. C’était important pour nous de mettre les deux voix en avant sur ce projet. Cela nous permet d’avoir deux présences en travaillant sur nos différents personnages. Et c’est quelque chose qu’on aimerait travailler davantage à l’avenir.

– Un petit mot aussi sur la production de « Witchorious », qui est puissante et équilibrée, ce qui est toujours une belle performance pour un premier album. Comment s’est déroulé l’enregistrement ?

On a enregistré l’album avec Francis Caste au studio Sainte-Marthe et on est vraiment très contents du résultat. Le travail en studio nous a permis d’affirmer notre son, notre identité, et Francis, qui avait très bien compris où nous voulions aller avec ce premier album, nous a parfaitement guidés. C’était un vrai plaisir de travailler avec lui, il nous a beaucoup apporté sur la définition des ambiances. Nos morceaux étaient déjà très matures, alors il nous a fait réfléchir à l’histoire globale qu’on voulait raconter, faire en sorte que les morceaux forment un tout cohérent. Il nous a fait gagner en efficacité en nous aiguillant pour renforcer certaines structures. Il y a aussi eu un gros travail sur l’identité sonore des instruments et des voix, sur lesquels on a vraiment pris le temps d’explorer. Le but était que ça sonne hanté.

Photo : Brian Downie

– Outre la qualité sonore, il se dégage beaucoup de maîtrise de vos morceaux. Vu le soin apporté aux arrangements et à la structure des titres, j’imagine que cela est dû à un travail minutieux et de longue haleine pour apporter aussi du renouveau à un style comme le Doom ?

Lorsqu’on a créé le groupe, l’idée était vraiment de faire un groupe de Doom. Si on ne peut pas nier leur influence, on ne voulait pas cloner Black Sabbath ou Monolord. Assez naturellement, d’autres influences sont venues se greffer à nos compositions. Un côté Stoner, mais aussi des influences plus modernes de post-Metal ou de Black Metal. On était aussi assez friand d’ajouter des voix et des guitares d’ambiance, des sons bizarres… On voulait vraiment garder le côté brut des morceaux joués sur scène en trio, en ajoutant un vernis de studio ensorcelé.

– Enfin, vous allez probablement partir sur la route défendre ce bel album. Avez-vous prévu une certaine scénographie, afin de restituer au mieux ses ambiances et ses atmosphères saisissantes ?

Oui bien sûr, on a déjà une quinzaine de dates de prévues et on travaille à rallonger la liste ! Pour l’instant, on a beaucoup travaillé sur la fluidité et l’efficacité du set, notre jeu de scène, comment on donne vie à nos personnages en étant le plus authentique possible. Et on essaie de rajouter des éléments au fur et à mesure. On a beaucoup d’idées qu’on voudrait tester sur les prochains mois.

Le premier album éponyme de WITCHORIOUS est disponible chez Argonauta Records.

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Rock Progressif

Kristoffer Gildenlöw : full of salvation

Artiste complet et plus que confirmé, KRISTOFFER GILDENLÖW se livre dans une nouvelle production, où il embrasse de nombreuses contrées musicales, celles qui l’inspirent depuis toujours. Et le spectre est vaste, tant « Empty » parcourt des thématiques sonores variées, toujours maîtrisées, et avec une virtuosité de chaque instant. Avec un véritable travail d’orfèvre sur les arrangements, on se laisse envelopper dans une dynamique de sons et de tempos assez unique.

KRISTOFFER GILDENLÖW

« Empty »

(New Joke Music)

Connu pour ses faits d’armes en tant que bassiste de Pain Of Salvation pendant une douzaine d’années, puis des collaborations avec Neil Morse, Damian Wilson, Kayak, Lana Lane et quelques autres, KRISTOFFER GILDENLÖW a aussi entamé une carrière solo en 2021 avec « Lust ». Cette première production a été le commencement d’une ère musicale plus personnelle pour le Suédois qui, depuis, s’épanouit brillamment. Multi-instrumentiste, il est également auteur-compositeur et producteur. « Empty » est déjà son cinquième effort et il s’étale avec fluidité sur une belle heure.

En s’occupant aussi de tout l’aspect visuel, KRISTOFFER GILDENLÖW gère l’ensemble de son projet, puisqu’il joue lui-même la majorité des instruments… et de très belle manière. Pour autant une bonne dizaine de musiciens est venue lui prêter main forte avec de belles parties de violon, de violoncelle et d’orgue. Cela dit, le disque reste globalement très Rock, toujours dans une teinte progressive bien sûr avec des paysages plus intimistes et épurés, offrant ainsi une belle profondeur aux textes.

Dès l’entame d’« Empty », on prend la mesure de la dimension que l’artiste souhaite donner avec « Time To Turn The Page », un titre où son talent de guitariste vient percuter l’auditeur avec un solo exceptionnel. Ce nouvel opus joue sur les reliefs avec une précision et une orchestration millimétrées. A la fois explosif ou plus contemplatif, KRISTOFFER GILDENLÖW nous guide dans un univers plein d’émotion et de sensibilité. Difficile donc pointer du doigt un morceau plus qu’un autre, « Empty » s’écoute dans son entier et dans le détail.

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Alternative Rock Pop Rock

tAKiDA : radio frequency

Derrière son aspect très accessible et fédérateur au possible, tAKIDA compte parmi les formations incontournables dans son pays, la Suède. A mi-chemin entre un Rock parfois débridé et une Pop musclée, ce nouvel opus regorge de refrains entêtants et la recette a visiblement encore de beaux jours devant elle. Très formaté pour les radios et peut-être aussi trop produit, « The Agony Flame » n’est peut-être pas aussi facile et mielleux qu’il n’y paraît, puisqu’il a réussi à émouvoir son nouveau label, Napalm Records.

tAKiDA

« The Agony Flame »

(Napalm Records)

Peu connu, voire carrément inconnu dans l’hexagone, tAKIDA affiche pourtant 25 ans de carrière et un neuvième album studio à son actif. C’est vrai aussi qu’en dehors de quelques grosses locomotives américaines (auxquelles on ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser ici !), l’Alternative Rock n’est pas forcément très répandu dans nos contrées, et a fortiori lorsqu’il est autant teinté de Pop. Cela dit, les Suédois ne connaîtraient pas un tel succès, certes surtout en Scandinavie et en Allemagne, s’il n’y avait un petit quelque chose.  

Alors, bien sûr, tAKiDA s’adresse essentiellement à un jeune public, mais si cela pouvait lui permettre de s’éloigner un temps de toute la soupe qui vient dévorer ses derniers neurones avec si peu de créativité et de talent, le pari serait en partie gagné. Car derrière des mélodies souvent sirupeuses, et tellement accrocheuses, le quintet est capable de hausser le ton, façon Nickelback, avec de grosses guitares qui viennent ainsi renforcer ce petit côté ‘hit’ omniprésent (« Third Strike », « The Other Side », « On The Line »).

Très mainstream dans l’esprit et le son, le quintet peut également compter sur son chanteur, Robert Petterson, dont la voix, le plus souvent délicate, dégage beaucoup d’émotion dans une mélancolie savamment dosée. Très mid-tempo dans l’ensemble, « The Agony Flame » fait aussi une belle place à un piano plein de douceur (« Your Blood Awaits You », « Second Fiddle »). On aurait pu s’attendre, avec cette arrivée chez Napalm Records, à une montée en puissance du groupe, mais tAKIDA reste fidèle à lui-même… et à ses fans.

Photo : Jonathan Perlmann
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Hard Rock Heavy Rock Stoner Rock

Emergency Rule : en acier trempé

Tout vient à point à qui sait attendre. Tel pourrait être le mantra d’EMERGENCY RULE, qui a patienté plus d’une décennie avant de sortir « The King Of Ithaca ». Et cette première réalisation est une bombe qui nous plonge dans la fureur et l’efficacité primale et palpitante du Rock véritable. Apre et mélodique, véloce et écrasant, fédérateur et musclé, le combo est à découvrir de toute urgence… et à écouter très fort !

EMERGENCY RULE

« The King of Ithaca »

(Wormholedeath Records)

Si les Australiens sortent aujourd’hui leur premier album, ce n’est pas pour autant des nouveaux venus sur la scène Metal et Rock. Depuis 2012, EMERCENCY RULE distille des singles au compte-goutte (« Snakes Eyes », « Blind », « Flag And A Medal », « The Zealot »). Composé de musiciens plus qu’aguerris ayant œuvré aux côtés d’Universum, Bruce Kulick et Mike Tramp, le quatuor balance un énorme pavé de Hard Rock avec « The King Of Ithaca », dont le contenu est d’une rare explosivité.

Si la puissance paraît être l’un des principaux arguments du groupe, c’est sans compter sur la richesse des genres présents sur ce très vigoureux opus. Le groove épais et gras des deux guitaristes, Chris George et Cal Wegener, mène la danse sur des riffs massifs et incendiaires, qui deviennent inévitablement contagieux au fil du disque. Il y a du Zakk Wylde dans l’air. Et EMERGENCY RULE s’appuie sur les martèlements de son cogneur de batteur, tout autant que sur les lignes de basse de Doug Clark, également chanteur.

Rugueux et brut, le style de la formation océanique puise dans les origines du Heavy, du Hard Rock, ainsi que du Southern et du Stoner. Difficile de résister à cet ouragan de décibels et à la voix rauque et enveloppante de son frontman. L’approche résolument live d’EMERGENCY RULE le rend irrésistible et très vite addictif (« Garden », « Bartender », « Abuse », « Ulysses », « Corporation », « From The Grave »). Et comme chez beaucoup de ses compatriotes, on retrouve cette touche si identifiable de son île-continent.

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Rock Progressif

The Pineapple Thief : un œil sur le monde

THE PINEAPPLE THIEF fait dans le beau et c’est même sa marque de fabrique. Captivante et délicate, puissante et explosive, la formation d’outre-Manche aime jouer sur les contrastes et les opposer avec toute l’élégance et la technicité qu’on lui connait. Sur « It Leads To This », son Rock Progressif endosse encore le costume d’Art Rock avec une évidence de plus en plus fragrante. Lumineux !

THE PINEAPPLE THIEF

« It Leads To This »

(Kscope)

Avec 15 albums en l’espace de 25 ans d’existence, le rythme mené par les Britanniques est plutôt soutenu. Cependant, cette fois, Bruce Soord et ses compagnons de route ont mis un peu plus de temps pour concevoir « It Leads To This ». Cela dit, étant donné le pédigrée des membres de THE PINEAPPLE THIEF, ça ne semble pas être une question de créativité ou d’inspiration, mais plutôt de recherche de perfection, allant jusque dans le moindre détail pour atteindre ce degré d’exigence inhérent au groupe.

Pour « It Leads To This », Gavin Harrison, également batteur de Porcupine Tree, le bassiste Jon Sykes, le claviériste Steve Kitch et bien sûr Bruce Soord, à la guitare et au chant, semblent s’être focalisés sur l’efficacité des morceaux, ce qui explique qu’aucun d’entre-eux ne s’étalent en longueur. Pour autant, THE PINEAPPLE THIEF reste fidèle à ce qu’il sait faire de mieux : un Rock Progressif léché, subtil et aérien tout en montrant les muscles au moment opportun. En ce sens, les Anglais n’ont rien changé à leurs habitudes.   

Plus concis que ses prédécesseurs, l’album joue pourtant toujours aussi habillement sur les atmosphères, ce qui peut d’ailleurs le rendre plus accessible pour qui découvrirait le quatuor. Car en termes de pépites, THE PINEAPPLE THIEF en livre encore quelques unes, qui devraient faire le plus bel effet en concert (« Rubicon », « The Frost », « All That’s Left », « Now It’s Yours », « Every Trace Of Us »). Sans jouer la carte de la surprise, le combo joue celle de la finesse et de la précision avec une classe de chaque instant.

Photo : Tina Korhonen
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Classic Rock Progressif Stoner/Desert

Big Scenic Nowhere : sans limite

Ils ont beau être très occupés tous les quatre avec leur groupe respectif et différents projets annexes, les membres de BIG SCENIC NOWHERE continuent l’aventure en se livrant cette fois dans un répertoire Classic Rock, toujours emprunt de Stoner et de Desert Rock, guidé par un groove tantôt progressif, tantôt plus costaud. « The Waydown », troisième album auxquels viennent s’ajouter deux EP, plonge dans des espaces plus identifiables, certes, mais tout en mélangeant toujours des tempos et des ambiances variés.

BIG SCENIC NOWHERE

« The Waydown »

(Heavy Psych Sounds)

Fondé il y a quatre ans sous l’impulsion d’un quatuor constitué de cadors de la scène Stoner/Desert Rock, BIG SCENIC NOWHERE continue de livrer des albums toujours plus aboutis et surprenants. L’une des particularités des Américains est aussi d’évoluer au fil des réalisations devenant un collectif dans lequel viennent se greffer et se fondre des invités prestigieux qui se prêtent à l’exercice avec talent et virtuosité. « The Waydown » révèle cette fois un visage nouveau, sans pour autant renier les fondements qui ont forgé son identité sonore et musicale.

Sur des bases aussi diverses qu’inamovibles, BIG SCENIC NOWHERE explore de nombreux horizons et va encore étonner tant le champ d’investigation est spectaculaire depuis sa première production, « Vision Beyond Horizon » en 2020. Bob Balch (Fu Manchu, Slower) à la guitare et sur tous les fronts actuellement, Tony Reed (Mos Generator) à la basse, aux synthés et surtout au chant, Gary Arce (Yawning Man) à la guitare et Bill Stinson (Yawning Man) à la batterie forment une entité très soudée et capable d’atteindre des sommets de créativité.

Avec « The Waydown », c’est dans une lignée Classic Rock, toujours très infuzzée, que BIG SCENIC NOWHERE s’engouffre en proposant des morceaux lumineux et hors du temps. Loin  des jams qui l’ont toujours caractérisé, le songwriting est plus traditionnel, faisant la part belle au Rock Progressif, à la Funk Psyché, à quelques passages Surf Rock et même Soul Blues. L’interprétation est magistrale et Reeves Gabrels (The Cure, Bowie), Per Wiberg (ex-Opeth) et Eliot Lewis (Hall And Oates) viennent aussi prêter main forte sur cet opus aussi accrocheur qu’envoûtant. Monumental !

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Classic Rock Livre

Led Zeppelin : la vibration ultime [Livre]

LED ZEPPELIN a toujours été entouré de mystères, et c’est même le propre de tous les groupes de cette dimension, aussi peu nombreux soient-ils. Jouant sur les symboles occultes et une force musicale créative assez inédite pour leur époque, les Britanniques ont alimenté bien des fantasmes. Avec « Led Zeppelin en Bandes Dessinées », une vingtaine de dessinatrices et dessinateurs se sont partagés sous forme de chapitres l’épopée de cette formation qui a révolutionné le Rock et qui demeure toujours aussi intrigante et insaisissable, malgré une discographie assez courte, très dense et toujours inégalée.

LED ZEPPELIN EN BANDES DESSINEES

Par Thierry Lamy et Tony Lourenco

(Editions Petit à Petit)

On a déjà tant écrit, et peut-être même déjà tout, sur LED ZEPPELIN qu’on peut se demander en quoi un nouvel ouvrage sur ce groupe mythique se voudrait opportun. L’histoire du dirigeable, qui a réalisé neuf albums studio entre 1969 et 1982, a bouleversé le monde du Rock au sens très large du terme et influencé de multiples courants pourtant souvent lointains. Son ombre est encore très présente sur les nouvelles générations, qui ne l’ont pourtant pas connu au sommet de son art. Malgré tout, « Led Zeppelin en Bandes Dessinées » offre un regard nouveau, notamment grâce à son contenu graphique.

Dans la collection ‘Docu BD’ initiée par les Editions Petit à Petit, le livre scénarisé par Thierry Lamy et Tony Lourenco vient s’ajouter à une belle série, dans laquelle on retrouve de grands noms comme Jimi Hendrix, Pink Floyd, Prince, The Doors, Ac/Dc ou celui dédié au Metal, dont j’ai récemment parlé. LED ZEPPELIN y a bien sûr sa place, tant il pèse sur la planète Rock plus de 30 ans après la séparation du quatuor. Robert Plant, Jimmy Page, John Paul Jones et John Bonham ont fait rêver des générations entières et on situe les ventes totales de sa discographie autour de 300 millions d’albums vendus.

Et comme toutes les légendes, le quatuor a alimenté toutes sortes de mythes. On lui a prêté des proximités très fortes avec l’ésotérisme et l’occultisme notamment, concernant surtout son guitariste, ainsi que toutes sortes de dérapages liés à la drogue. Même si tout n’est pas qu’affabulation, et si l’époque s’y prêtait très franchement, LED ZEPPELIN n’est pas si extravagant qu’il n’en a l’air. Sa musique, en revanche, traverse le temps et pénètre les âmes avec douceur et sauvagerie : une constante. Alors, l’idée de (re)découvrir les Anglais en BD est aussi ludique que cela permet des mises en situation souvent pertinentes.

160 pages / 21,90€