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Power metal

Power Paladin : fantaisie héroïque

POWER PALADIN est un nouveau venu sur la scène islandaise et œuvre dans un style dont il est le seul représentant de son île : le Power Metal. Ayant parfaitement assimilé les influences des pionniers comme celles de formations plus récentes, le sextet a trouvé son style dans un univers imaginaire où la mélodie guide ce premier album très accrocheur. Particulièrement rapide et sans tomber dans la démonstration, « With the Magic of Windfyre Steel » montre une réelle originalité.

POWER PALADIN

« With the Magic of Windfyre Steel »

(Atomic Fire Records/ADA)

Féru de jeux, de littérature fantastique et d’Heroic Fantasy, le sextet islandais affiche son amour pour les grandes aventures chevaleresques dès la pochette de son premier album. Et il en va de même pour les textes de cet opus entièrement enregistré et produit par le groupe. Si l’île du Nord de l’Europe fait surtout parler d’elle avec des représentants qui donnent plutôt dans le Metal extrême ou carrément le Rock Vintage, POWER PALADIN a choisi le Power Metal… et il demeure à ce jour le seul groupe insulaire du style.

A l’évidence, le combo puise son inspiration dans les forêts magiques, les châteaux et autres dragons incendiaires. Avec sérieux, mais avec du recul, les Islandais s’engouffrent donc dans un univers féérique d’où il ressort un registre enjoué, puissant et où la mélodie semble la priorité. Car si ça va très vite chez POWER PALADIN, les morceaux restent très abordables et sont marqués par les pionniers du Heavy Metal que sont Iron Maiden et Helloween comme par la nouvelle vague dont Rhapsody ou HammerFall. Ça cogne, mais ça fédère !

Massifs et entrecoupés d’intros en forme de clin d’œil, « With the Magic of Windfyre Steel » met l’accent sur des mélodies addictives et des titres particulièrement bien travaillés et remarquablement arrangés. L’envie et la détermination se font sentir sur l’ensemble de ce premier album, qui ne manque pas de piquant et d’imagination (« Kraven The Hunter », « Dark Crystal », « Into the Forbidden »). Epique et multipliant les riffs aiguisés comme les solos endiablés, POWER PALADIN est séduisant à plus d’un titre.    

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Heavy metal Power metal

Crystal Throne : en ordre de marche

Jouant sur l’authenticité d’un Heavy Metal traditionnel plein de ressources et de dextérité, CRYSTAL THRONE vient de sortir, il y a quelques semaines, son premier album éponyme entièrement autoproduit. Bien réalisées, les compos du quatuor ne manquent ni de fraîcheur, ni de vélocité. Les Français se font plaisir et livrent un opus tranchant et fédérateur.  

CRYSTAL THRONE

« Crystal Throne »

(Independant)

Propulsé par son YouTuber de guitariste, Max Waynn, CRYSTAL THRONE est né dans l’Est de la France il y a un peu plus de deux ans et s’est attelé par ses propres moyens à l’écriture et à la production de son premier album éponyme. Composé et interprété par des musiciens chevronnés, « Crystal Throne » a plutôt fière allure et présente un registre massif flirtant avec le Power Metal, quelques sonorités 80’s et des ambiances progressives.

Au chant, on retrouve le frontman de The Hell Patrol, Terry DeFire, dont la voix puissante et perchée nous renvoie aux premières heures du style. La rythmique, quant à elle, est assurée par le bassiste de Catalyst, Jefferson Brand, et par le batteur de Drenalize, dont Max Waynn est d’ailleurs le guitariste, Alex Gricar. Autant dire que le combo est en terres connues et peut s’en donner à cœur-joie.

C’est donc un Heavy racé que propose le quatuor (« Rise To Glory », « Timescape » et le morceau-titre). Si les riffs sont acérés et mélodiques, les compos font ressortir le jeu très shred de son guitariste, qui gagnerait peut-être à aller à l’essentiel. A noter la présence de NeoGeoFanatic (ADX) sur « Shades Of Existence » et de Sonia Anubis (Crypta) sur « Valkyrie Ride ». CRYSTAL THRONE livre une belle et enthousiasmante prestation.

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Non classé

Over Serenity : une solide passerelle

Bardé de riffs aiguisés et porté par la voix claire et puissante de sa chanteuse, OVER SERENITY s’est construit entre la Méditerranée et la Manche, à travers l’Algérie et l’Angleterre. Aguerri et créatif, le trio sort son premier album autoproduit, « Bring To Light », dans un Alternative Metal véloce et mélodique. Une belle surprise.

OVER SERENITY

« Bring To Light »

(Independant)

Depuis quelques années maintenant, on voit naître des albums entre musiciens de différents continents, qui ne se sont même jamais rencontrés, et ce bien avant la pandémie. OVER SERENITY fait partie de ces groupes qui composent et réalisent leurs projets à distance et à l’international. Le combo a bâti un pont entre l’Algérie et l’Angleterre afin d’élaborer un Metal alternatif convaincant.

Créé il y a moins de deux ans, OVER SERENITY est composé de Nacer Mechiche (basse), Amine Zidane (guitare, basse, mix) et la songwriter et chanteuse anglaise Bethany Swift. A eux trois, et bien aidés par la technologie, ils ont tout récemment sorti « Bring To Light », un premier album abouti et concis. Très bien produits, les huit titres du groupe sont solides et mélodiques à la fois.  

Entièrement autoproduit, le trio mêle de multiples influences passant d’un Modern Metal percutant à des passages plus légers, qui mettent en valeur le travail effectué sur des refrains bien sentis (« Over Yet », « Lunar Minded », « Dark Of You », « Dream Giver »). Si la voix de sa frontwoman en rappelle certaines issues du metal symphonique, OVER SERENITY tire très bien son épingle du jeu.

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Metal Progressif Rock Progressif

Oscil : des vagues de mélodies

Originaire de Paris, OSCIL signe son premier album, « First Step On My Moon », d’où se dégagent fraîcheur et élégance. Dans un registre progressif, le quatuor s’accapare les genres en combinant habillement un Rock mélodique et très groove avec des sonorités et des passages plus Metal et racés. Avec une approche très personnelle, le groupe se montre sous un beau visage.

OSCIL

« First Step On My Moon »

(Independant)

Dès leur pochette, certains albums laissent entrevoir la qualité de leur contenu. Et c’est le cas avec « First Step On My Moon », premier album d’OSCIL, qui fait suite à un EP, « Never Ending Road(s) », sorti il y a quelques années. Dans un univers progressif, les Parisiens se présentent avec un ton et un style bien à eux, oscillant entre Rock et Metal et portés par une voix féminine forte.

Toute en finesse, OSCIL développe son jeu avec une belle technicité en laissant à certains passages de leurs morceaux une légèreté douce et aérienne. Fort de la dextérité et du sens de la mélodie de ses membres, le quatuor développe un Rock Progressif, mais pas uniquement, puisqu’on y retrouve quelques ambiances Indie et des gimmicks Metal très efficaces.

Grâce à des arrangements subtils et très soignés (« Romance », « The Pact », « Enter the Haze » et le morceau-titre), OSCIL sait aussi se faire plus incisif grâce à des guitares acérées et un ensemble très fluide en jouant habillement sur la puissance de ses titres. La chanteuse du groupe accueille aussi le chanteur Ludo Desa pour un duo de haute volée (« The Heart Of A Woman »). Addictif !

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Black Metal Post-Metal Progressif

Mother : les fractures d’un paysage sonore intense

Ça bouillonne sévère sur la côte belge de la mer du Nord. A Ostende, MOTHER a élaboré un premier album hypnotique, très instrumental et bâti en sept chapitres. Entre post-Blackgaze et post-Metal Progressif, le trio envoûte grâce à des mélodies captivantes et de terribles blasts. Un premier album remarquable de finesse et de puissance.

MOTHER

« Interlude I »

Consouling Sounds

Sorti l’an dernier, le premier album de MOTHER sort enfin en format CD ce qui, avouons-le, est bien pratique pour en savourer toutes les nuances. L’occasion est donc belle pour partir à la découverte de ce très bon trio belge. Originaire d’Ostende, le groupe évolue dans un registre post-Blackgaze original, technique et particulièrement immersif. « Interlude I » vous saisit pour ne plus vous lâcher.

Charpenté en sept morceaux qui sont autant de chapitres, l’album se vit comme un voyage et une évolution musicale. De « I » à « VII », MOTHER ne fait qu’accentuer notre impatience à découvrir le titre suivant. Le post-Metal Progressif des Belges est singulier et le travail sur les ambiances et les atmosphères est exemplaire. Surprenant dans sa conception, on se laisse facilement happer.

Très bien produit, « Interlude » est un album dense et compact, qui laisse aussi beaucoup d’espace et de liberté à l’écoute. Il faut attendre « III » pour prendre de plein fouet les premiers coups de blast, car MOTHER a mis l’accent sur l’instrumentalisation de ses morceaux et sur des mélodies entêtantes et percutantes. Et la texture des titres les rend encore plus prenants. Un périple mouvementé, mais très beau.

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Psych Stoner/Desert

Snake Mountain Revival : variations intemporelles

SNAKE MOUNTAIN REVIVAL semble être né sous une bonne étoile, tant les vibrations qui émanent de « Everything In Sight » sont lumineuses et invitent au rêve. L’univers psychédélique du trio américain se fond dans un Stoner Rock souvent Heavy et positif. Très créatif, le groupe avance dans des atmosphères planantes et vertigineuses sur un premier album de haute volée.

SNAKE MOUNTAIN REVIVAL

« Everything In Sight »

(Rebel Waves Records)

L’ombre de Randy Holden plane sur ce premier très bon premier album de SNAKE MOUNTAIN REVIVAL. Précurseur de l’Acid Rock et même du Doom, le guitariste américain a laissé une empreinte gigantesque sur la scène Heavy Stoner Psych actuelle et le trio de la côte est des Etats-Unis en est adepte. Sans pour autant en être trop influencé, le sceau du musicien des années 70 est manifeste sur « Everything In Sight ».

Ryan Chandler (basse, chant), Zack Trowbridge (guitare) et Josh Woodhouse (batterie) ont beau venir d’horizons musicaux différents, ils ont en commun un sens du groove, une même vision du psychédélisme et un goût certain pour les jams. De fait, SNAKE MOUNTAIN REVIVAL s’aventure dans de nombreux registres, passant du Rock au Heavy et du Blues au Doom avec une grande facilité.

Sur des chardons ardents, alternant les fulgurances explosives et les atmosphères planantes, le trio enchaine les riffs savoureux avec des solos endiablés sur des titres à la fois techniques et plein de feeling (« Satellite Ritual », « Graveyard Grove », « Pheremone », « Water Moccasin »). Très accrocheur, SNAKE MOUNTAIN REVIVAL enflamme ses morceaux brillamment (« Moon Baron », « Valley Of Madness »). Rayonnant !  

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Blues Rock Hard Rock Psych Rock Space Rock

Komodor : vintage revival

Enthousiasmant, virevoltant, Rock’n’Roll, Psych et catalyseur de bonne humeur, « Nasty Habits » est tout cela à la fois. Pour son premier album, KOMODOR livre un opus très abouti, à la production remarquable et surtout composé de morceaux entêtants, qui deviennent rapidement addictifs. Les Finistériens s’imposent avec élégance et irrévérence d’entrée de jeu.   

KOMODOR

« Nasty Habits »

(Soulseller Records)

Solaire et lumineux, ce premier album est la révélation Rock Hard 70’s de cette fin d’année. Avec «  Nasty Habits », les Bretons de KOMODOR effectuent un revival musical aux saveurs psychédéliques dans un esprit vintage assumé et surtout une joie et une fougue très communicative. Réalisé de A à Z par ses soins, le quatuor se montre particulièrement sûr de lui et très inspiré.

Solide et très aérien, « Nasty Habits » réhabilite avec élégance un son très Garage, rappelant les belles heures de la scène de Detroit. Si KOMODOR a enregistré et mixé lui-même son album, il a laissé le soin au grand Jim Diamond (White Stripes, The Fleshtones) d’y porter la touche finale en réalisant un mastering de toute beauté. Et le résultat est brillant et affiche un style vintage terriblement au goût du jour.

Guitares doublées et énorme travail sur les voix qui se font souvent hypnotiques, les morceaux de KOMODOR rentrent dans la tête pour ne plus en sortir (« Just An Escape », « Debt City », « Washing Machine », « Moondrag »). Chez les Bretons ça groove autant que ça percute. Le trip est sauvage tout en restant délicat et planant (« Nasty Habits », « Set Me Free », « Mamacita »). La classe !

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Folk/Americana Rock Progressif

Erewän : une tradition revisitée

Ce n’est jamais facile pour un Latin de s’accaparer la culture celte. Et pourtant, cet album d’EREWÄN est une belle surprise qui parvient à éviter les clichés sans se heurter aux habituels et nombreux écueils musicaux de la musique traditionnelle. « How Will All This End ? » est aussi original qu’il est bien réalisé et présente une plongée très réussie et assez obscure dans l’âme humaine.

EREWÄN

« How Will All This End ? »

(Anesthetize Productions)

Multi-instrumentiste et originaire de Nice, c’est pourtant dans un univers celtique qu’a choisi de se diriger EREWÄN pour son premier album. En invitant l’auditeur à la réflexion, « How Will All This End ? » présente des morceaux assez sombres dans les textes et étonnamment positifs musicalement, en évoluant dans un registre Folk/Rock/Prog affiné. Un contraste que l’on retrouve sur l’ensemble du disque.

Réalisé par Alexandre Lamia (Nine Skies), que l’on retrouve au mix et au mastering, ainsi qu’à la guitare sur les titres « Childhoods » et « Highlands » aux côtés d’Eric Bouillette au violon sur ce dernier (Nine Skies aussi !), EREWÄN propose un album varié dont il signe la musique et les textes. D’ailleurs, c’est sur un instrumental délicat que le musicien ouvre ce premier opus (« Rising Sun On The Shore »).

Sur neuf morceaux très homogènes, le Niçois nous plonge dans des histoires de violence, de haine et de guerre, comme pour mieux l’exorciser (« Walk Away », « Headline », « Twist Of Fate », « Evil In Us »). Mélangeant habillement des influences traditionnelles et des sonorités très actuelles, EREWÄN marie le Rock Celtique et la Folk avec le Progressif pour un résultat convaincant. Un audace à saluer.

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France Rock

Arion Rufus : scander la voie [Interview]

Ca ne se fait plus beaucoup dans le petit monde du Rock français, mais il reste des groupes qui font de leurs textes une priorité. C’est le cas avec ARION RUFUS (vous chercherez vous-mêmes la signification !), qui nous offre un premier album, « Dehors, c’était la nuit » (M&O Music) et qui ne manque ni d’audace, ni de pertinence et surtout pas de vérité ! Entretien avec Erwan Bargain, clameur du combo, et son bassiste (plus discret, mais super efficace) Florent Jacques.

– ARION RUFUS est né du split de votre ancien groupe e.Sens. Et vous avez décidé de poursuivre l’aventure dans un style différent, tout en conservant tout de même plusieurs aspects. Pourquoi avoir changé de registre ? Vous vous sentiez un peu à l’étroit et aspiriez à un univers plus Rock ?

Erwan : Je ne pense pas que nous nous sentions à l’étroit avec e.Sens, bien au contraire. Nous avons enregistré un troisième album, un double, enregistrement qui s’est étalé sur un an et demi. Nous n’étions plus que quatre dans le groupe et, à force de travailler sur ce disque, une certaine lassitude s’est sans doute installée et deux membres du groupe, ont alors souhaité faire une pause. L’album était prêt, mixé, masterisé, mais il nous manquait les moyens financiers de la presser et de le sortir. Je pense que ne pas avoir réussi à sortir ce disque, couplé aux envies personnelles de chacun a eu raison d’e.Sens. Avec Florent (Jacques, bassiste – NDR), , on a souhaité rapidement rebondir et avons décidé de créer un nouveau groupe. Le troisième album d’e.Sens, qui devait s’intituler « Apocope », prenait déjà une direction rock avec des longs morceaux un peu psyché, des intro de trois minutes, des passages blues un peu gras, des sons de guitare un peu traf…En gros, ce tournant rock avait déjà été amorcé. Il se peut aussi que la frustration, la déception, et peut-être une forme de colère de voir l’aventure e.Sens se terminer ainsi a influencé les compositions et les premiers textes d’ARION RUFUS. Nous jouons un rock plus frontal, plus ramassé, comme si nous étions revenus aux fondamentaux et que l’on renouait avec notre adolescence (à quarante-cinq berges passées ça la fout un peu mal, mais bon !).   

– Le groupe existe depuis quelques temps déjà, et pourtant dernièrement vous avez décidé de mettre un coup de boost avec l’enregistrement de « Dehors, c’était la nuit », votre premier album. Et dans la foulée, vous signez avec M&O Music. Finalement, il suffisait de s’y mettre ! Comment tout cela s’est-il passé ?

Erwan : Oui, le groupe existe depuis trois ans, il me semble. Nous avons pris notre temps, c’était nécessaire. Car si je connaissais Florent et que nous jouions ensemble depuis déjà quelques années, ce n’était pas le cas de Jérôme (batterie) et Jean-Marc (guitare) Le Pape, avec qui nous n’avions jamais joué. Jean-Marc était plutôt habitué à faire des reprises Rock et n’avait quasiment jamais composé, si je ne me trompe pas, quant à Jérôme, il avait joué durant quelques années dans un bagad. Je pense qu’il a fallu que nous nous trouvions… Après, nous avons enregistré l’album, il y a plus d’un an déjà, il était mixé et masterisé, mais avec tout ce qui s’est passé sur le plan mondial, je pense qu’il était plus sage d’attendre pour le sortir. D’où ce long laps de temps.

– ARION RUFUS évolue dans un registre globalement Rock sur des textes très écrits, poétiques et même politiques. Hormis ces quelques composantes, le groupe présente un style atypique où viennent se greffer beaucoup d’éléments musicaux très variés. Comment vous décrire le mieux possible finalement ?

Erwan : C’est difficile à dire. C’était une façon de nous mettre nous-mêmes dans une case, mais nous avions choisie et de créer finalement notre propre style. Il y a tellement de styles, de sous-styles, de sous-genres, dans chaque secteur de la musique que ça en devient parfois absurde. Alors pourquoi ne pas, nous aussi, créer notre propre style et être les premiers sur ce créneau… Plus sérieusement, le terme de ‘Garage Rock Poetry’ est là pour mettre en avant le côté Rock joué dans un petit local au Faou, dans le Finistère, et le côté poétique des textes déclamés en Français. Un peu comme Linton Kwesi Johnson avec son Dub Poetry.  A la base, je ne suis ni chanteur, ni musicien, mais auteur. J’ai sorti plusieurs recueils de poésie et j’attache donc une grande importance aux mots. Avec e.Sens, nous faisions un mélange de Jazz Rock et de Spoken Word. Nous avons juste durci un peu les composantes musicales, plus carrées, plus Rock et moins free qu’avec e.Sens et poursuivi dans la voie du Spoken word, même si sur certains morceaux, la voix est parlée et chantée.

– Et puis, il y a également un aspect qui prédomine, c’est ce côté un peu Punk et très Garage, plutôt dans l’esprit, l’attitude et le climat des morceaux d’ailleurs. ARION RUFUS rappelle même parfois le Rock Alternatif français des années 80 dans une version plus élaborée. C’est aussi votre sentiment, et peut-être même aussi un peu votre démarche ?

Florent : Nous avons fait notre éducation musicale dans les années 90. A cette époque tout fusionnait : le Hip-Hop, le Metal, le Reggae, le Dub, le Punk… Nous sommes un pur produit de ces années-là.

Erwan : Et, tous ces styles nous ont consciemment ou inconsciemment influencé. Ado, j’écoutais (et écoute toujours) les Pixies, The Clash, Police, Nirvana, Pearl Jam, Rancid, NOFX, Bad Religion, Tool, RATM, Noir Désir, Black Maria, et même Dick Dale, etc… Et à cela s’ajoute, pour ma part, toute la scène alternative française, avec Bérurier Noir, Les Wampas, Les Cadavres, Ludwig von 88, les Garçons Bouchers, etc… J’ai toujours aimé le Rock français. Quand j’étais ado, j’écoutais plus particulièrement la scène alternative, il y avait quelque chose d’assez jouissif, car je comprenais les paroles immédiatement et j’avais donc un rapport direct avec ces textes énervés, révoltés et agités. Alors qu’en écoutant des groupes américains ou anglais, je devais en général traduire les textes pour les comprendre et en saisir la subtilité.

– Faire coexister le Reggae Dub, le Stoner, des notes bluesy et même la Surf Music dans un ensemble très Rock peut paraître improbable, et pourtant ARION RUFUS y parvient le plus naturellement du monde. La fusion des genres semble presqu’instinctive chez vous, non ?

Erwan : Oui, il y a sans aucun doute un côté instinctif dans notre musique. Je pense qu’il est difficile de définir ce qui se passe lors de la création d’un morceau. Parfois, ça nous échappe. Chacun y met du sien, de sa personnalité, dans sa manière de jouer, d’appréhender le titre… Il y a quelque chose de magique dans la musique. On ne part de rien, ou alors d’un riff de guitare, d’une ligne de basse, de deux ou trois vers posés sur le papier et, au fur et à mesure, les pièces du puzzle s’assemblent, suivant la sensibilité de chacun. Il faut que tout le monde trouve sa place et puisse d’une manière ou d’une autre affirmer sa personnalité tout en pensant au collectif. Car la musique, en général et à mon sens, est un sport collectif

– On observe aussi que la rythmique basse/batterie a beaucoup d’importance, car elle guide les morceaux, qui sont d’ailleurs très évolutifs. Et ARION RUFUS présente des titres très épurés également. C’est votre manière d’aller à l’essentiel ?

Florent : Nous sommes un trio de musiciens, chacun doit apporter sa pierre à l’édifice. La basse ne peut se contenter d’appuyer la rythmique, elle doit avoir aussi un rôle à jouer dans les mélodies. Personnellement, j’ai un faible pour les airs qui traînent dans la tête.

Erwan : Un groupe est un collectif où chacun doit être en mesure de s’épanouir. Même si, je ne te cache pas que, dans les morceaux qui sont sur l’album, chaque membre du groupe a une « bête noire », qu’il redoute de faire en live. Car le travail en studio et sur scène n’est évidemment pas le même. Mais je dirai qu’aller à l’essentiel, vu la configuration que nous avons, est en effet une idée que nous suivons. Si on fait du Rock et qu’on le revendique, je ne vois pas vraiment d’autre solution. Même si, à l’avenir, on ne s’interdit rien. Peut-être que nous aurons envie d’explorer d’autres voies, sans pour autant perdre notre identité.

– ARION RUFUS a aussi la particularité, et c’est même une exception dans le genre, de présenter un ‘Spoken Word’ pour le moins acéré. Sans être non plus dans le Rap, on pense plutôt au Slam. C’est une volonté de se distinguer ou une manière plus évidente de faire passer un message et donc de mieux faire ressortir les textes ?

Erwan : Alors, autant l’avouer tout de suite, je ne suis pas chanteur et n’ai jamais eu cette prétention. Le ‘Spoken Word’ est, probablement, une solution de facilité en ce qui me concerne même si sur certains morceaux, je suis amené à chanter un peu. Mais ce que j’aime, ce sont les intentions que l’on peut mettre dans le texte. En le déclamant ainsi, comme par exemple sur le titre « Nos Discussions », je peux mettre une intensité dans la voix, je peux vivre le texte, jouer avec, comme je pourrai le faire avec un texte de théâtre ou un monologue cinématographique. Le ‘Spoken Word’ a finalement un côté assez théâtral… Et comme j’ai la prétention d’écrire des textes à dimension poétique, je pense que cette manière de l’offrir au public est la meilleure. Mais, je peux me tromper. En tout cas, ce côté ‘Spoken Word’ fait aussi partie intégrante de notre singularité et nous le revendiquons.

– Justement, restons sur les textes qui oscillent entre poésie et politique et se faisant parfois même très intimes. Finalement, peu importe le thème abordé, il y a toujours cette volonté d’engagement quelque part chez vous…

Erwan : Oui. Après, c’est vrai que cet engagement passe par les textes, mes mots engagent aussi les musiciens. C’est bizarre, comme question, car que ce soit Florent, Jérôme ou Jean-Marc, ils ne m’en parlent que très rarement comme s’ils me laissaient carte blanche sur l’écriture. Mais cet engagement, même quand il concerne l’intime, est viscéralement lié à mon écriture depuis la naissance de mon premier enfant, en 2006 puis du second en 2009. Voir ce qui se passe dans ce monde qu’on va laisser aux futures générations, est révoltant et me met en colère. Ne pas évoquer cela dans mes textes, reviendrait en quelques sortes à nier la réalité qui est la nôtre à l’heure actuelle. Si j’écris en Français, avec les influences Rock que j’ai, écrire pour ne rien dire et seulement chercher le beau refrain qui fera plaisir au plus grand nombre, n’a aucun sens. ARION RUFUS n’est pas un groupe mainstream. Nous sommes dans une niche, comme ils disent. Pour mon fils, qui a bientôt seize ans, autant te dire que notre musique n’est pas sa tasse de thé. Nous passons sur des radios associatives, indépendantes, des radios universitaires avec lesquels, finalement, nous partageons les mêmes valeurs. Des valeurs humanistes, où l’humain et son avenir sur cette terre sont le cœur. Et donc évidemment, bien loin de la pensée ultra-libéraliste qu’on nous impose actuellement et qui creuse, chaque jour, les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres. Comme diraient certains candidats, en campagne, on se coupe d’un certain électorat. Mais c’est ainsi, on ne peut pas plaire à tout le monde, et c’est tant mieux, on l’assume.

Florent : Pour moi la qualité des textes d’Erwan provient justement de cet alliage entre poésie et engagement. Cette manière de saisir les choses qui nous entourent et le courage de les traiter par le biais de la poésie. L’intimité n’est qu’une cape d’invisibilité qui a pour but de maintenir la bienséance, de faire taire les douleurs, les inquiétudes, les révoltes aussi. Car nous sommes ainsi faits : aux maux, nous préférons le silence. Les mots les font exister. Seule la poésie a le pouvoir d’énoncer avec tact, beauté, la plus vile des situations et ainsi de dépasser le dégoût pour passer à la réflexion. 

– D’ailleurs, on peut retrouver les textes des chansons dans le livret de l’album, ce qui est devenu assez rare (comme les CD d’ailleurs !), à part peut-être chez les groupes de Metal extrêmes et pour cause. C’est un réflexe de l’écrivain que tu es aussi ?

Erwan : J’ai toujours aimé avoir les textes des chansons avec l’album, que ce soit en cassette ou en CD et ce depuis que j’écoute de la musique. Je ne sais pas pourquoi, sans doute mon côté ‘Old School’. Mais il est vrai que nous tenions à avoir les textes car quand on chante en Français, je pense que c’est important. Il s’agit là aussi probablement de l’ego de l’auteur, je ne le cache pas, en me disant que mes textes peuvent aussi être lus via ce cd, d’autant qu’il y a pas mal de jeux de mots qui ne passent pas à l’oral.

– Enfin, comment est-ce que cela se passe au niveau de la composition des morceaux ? Les ambiances viennent du texte, ou au contraire les thèmes des chansons découlent de l’atmosphère musicale ? Car les deux sont d’égale importance chez ARION RUFUS…

Florent : La plupart du temps, c’est un thème musical qui est le point de départ d’un morceau. Erwan étant très productif, il nous propose ce qui lui semble adéquat afin d’appuyer l’ambiance générale du morceau. Nous en discutons et nous élaborons le titre.

Erwan : Florent est sympa, car ils sont beaucoup plus productifs que moi notamment ces derniers mois. Disons que je m’inspire de ce qu’ils proposent dans 90% des cas, que je m’imprègne de l’ambiance musicale et je vois ce que cela m’inspire. Mais il arrive parfois comme pour « Dehors, C’est la nuit », que le texte arrive avant. Mais Florent a raison, le thème musical vient en général avant et je m’en imprègne pour écrire un texte selon ma sensibilité et parfois mon humeur du moment.

L’album d’ARION RUFUS, « Dehors, c’était la nuit », est disponible depuis le 3 décembre chez M&O Music.

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Sludge Stoner Metal

Going Faster] : Modder / Restless Spirit

Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de disques qui sortent et qu’il serait dommage de passer à côté de certains d’entre eux : [Going Faster] se propose d’en mettre plusieurs en lumière… d’un seul coup ! C’est bref et rapide, juste le temps qu’il faut pour se pencher sur ces albums, s’en faire une idée, tout en restant toujours curieux. C’est parti !

MODDER – « Modder » – Lay Bare Recordings & Consouling Sounds

Pour son premier opus, MODDER n’y est pas allé de main morte. Sur quatre morceaux s’étalant sur une grosse demi-heure, le quintet belge avance de solides arguments à travers un Stoner Doom instrumental aux reflets à la fois Sludge et Progressif. Sur près de dix minutes, « Mount Frequency » déploie une machine à riffs qui semblent infinie tant ceux-ci se succèdent avec frénésie et efficacité. L’énorme travail effectué sur les atmosphères rend ce premier enregistrement éponyme saisissant et captivant. Dans un registre Doom, MODDER sait aussi se montrer dynamique et percutant (« Wax Ritals », « Spasm »), tout en maintenant ce son écrasant et cette épaisse rythmique. Avec une réalisation très aboutie, les Belges ne vont pas tarder à s’installer durablement dans l’univers Doom Sludge mondial.

RESTLESS SPIRIT – « Blood of the Old Gods » – Lifeblood Records

Depuis quatre EP et un album, c’est depuis Long Island, son quartier de New-York, que le trio élabore son Heavy Stoner Doom avec minutie et puissance. Avec une technique sans  faille, le combo se présente avec « Blood of The Old Gods », un opus terriblement massif et dévastateur. Faisant les beaux jours de la scène underground de la Grande Pomme depuis 2015, RESTLESS SPIRIT évolue à grands coups de riffs dans un univers épique basé sur un Heavy tranchants. Mélodique, le Doom percutant du combo s’inscrit dans la lignée de Crowbar et Type O Negative avec virtuosité et talent. Et avec des éléments progressifs, les Américains côtoient même le Sludge dans un élan fracassant. Une tornade métallique dont il est difficile de se défaire.