Avec un telle entrée en matière, le combo nordique ne risque pas de passer inaperçu. Composé de musiciens chevronnés, GINGER EVIL s’aventure dans un Rock qui se fait de plus en plus rare et qui reprend les codes d’un registre efficace et mélodique. Avec « The Way It Burns », c’est une sorte de retour aux fondamentaux qu’il propose et la belle surprise vient aussi de sa chanteuse, Ella Tepponen, qui s’impose grâce à une technique irréprochable et une grande capacité à varier les intonations vocales. Très mature, ce premier album va réconcilier les fans de Rock au sens large.
GINGER EVIL
« The Way It Burns »
(Frontiers Music)
Voici la nouvelle sensation Rock finlandaise et c’est peu de le dire ! Les membres de GINGER EVIL n’en sont pas à leur coup d’essai, puisqu’on retrouve ici le guitariste Tomi Julkunen et Veli Palevaara qui faisaient tous deux partie de The Milestones. Rejoints par le batteur Toni Mustonen, le combo a enfin affiché complet avec l’arrivée d’Ella Tepponen au chant, laquelle offre au groupe sa véritable identité musicale et, entre Power et Heavy, son Rock est musclé, accrocheur et surtout parfaitement interprété.
En confiant la production de « The Way It Burns » à Teemu Aalto (Insomnium) et le mastering à Svante Forsbäck (Rammstein, Volbeat, Apocalyptica), GINGER EVIL a mis tous les atouts de son côté et ce premier opus est de ceux qui font franchement du bien. Cela dit, il ne faut pas s’attendre à une grande révolution, mais le Rock des Scandinaves a cet aspect très frais et fédérateur, qui peut faire d’eux une valeur sûre. Et puis, ce savoureux mix de Rock US, d’Alternative Rock et de Classic Rock séduit sans mal.
Très moderne dans son approche comme dans le son, GINGER EVIL ne met pas bien longtemps à tout emporter. Dès « Rainmaker », la vivacité des riffs et la puissance vocale de la frontwoman prennent le dessus et la suite s’annonce solide. Très américain dans le style, le quatuor multiplie les ambiances avec des clins aux 70’s comme à la scène californienne des 90’s (« Dead On Arrival », « Shame On », « Hands Move To Midnight », « Better Get In Line », « Not Your Fool »). Actuel et intemporel : une réussite.
Depuis les terres de Calédonie, l’ancien nom des territoires britanniques au nord du mur d’Adrien, Andy Marshall fait revivre une Ecosse reculée, perdue dans les brumes d’un héritage culturel conséquent et éternel. Entre le sacré et l’Histoire surgit le Black Metal atmosphérique de SAOR se parant d’attributs folks, celtes et pagan pour relater des fables épiques et transcendantales. « Amidst The Ruins » lance un appel au réveil au cœur des collines des Highlands. Un voyage hypnotique pour certains, initiatique pour d’autres…
SAOR
« Amidst The Ruins »
(Season Of Mist)
C’est au sein d’une Ecosse ancestrale que SAOR a bâti son Black Metal atmosphérique aux sonorités Folk et Pagan et ce sixième effort s’inscrit plus profondément encore dans un univers rugueux, d’où se détachent des mélodies envoûtantes. Andy Marshall, vocaliste et multi-instrumentiste, s’est donné cette fois des moyens plus conséquents pour faire ressortir l’âme celtique et gaélique d’« Amidst The Ruins ». Ici, la production est solide et le mastering signé Tony Lindgren apporte cette touche d’authenticité, qui manque trop souvent au registre.
Car pour s’enfoncer de manière aussi immersive dans la culture et la tradition écossaise, il faut pouvoir la ressentir bien au-delà du maelstrom métallique dissonant habituel. L’ensemble doit être palpable et organique, ce que SAOR est parvenu à réaliser. Car, ici, c’est audible ! Pour autant, le successeur d’« Origins » n’est pas l’œuvre d’une one-man-band et le premier indice vient du son de la batterie de l’Espagnol Carlos Vivas, qui fait bien plus que marteler mécaniquement, en offrant souvent la direction à suivre avec des variations parfois étonnantes.
Déployé sur une heure, « Amidst The Ruins » ne compte que cinq morceaux, une belle affirmation des intentions du musicien à guider l’auditeur au cœur de ces paysages musicaux, qui deviennent de plus en plus vivants au fil des minutes. Dans cette nébulosité, ce sont les guest qui portent le flambeau d’une certaine luminosité comme la voix, le violon et l’uilleann pipe d’Ella Zlotos, le scintillant violoncelle de Jo Quail et les cordes d’Angela Moya Serrat, Miguel Izquierdo et Samuel C. Ledesma. SAOR pose de la modernité sur des thèmes lointains avec percussion.
Ancien chanteur de Frontline, Evidence One, State Of Rock, Sanction X et quelques autres, Robby Boebel avait entrepris l’écriture de titres originaux pour un nouveau projet avant qu’un cancer des poumons ne l’emporte en juillet 2022 à l’âge de 60 ans. Après un temps de réflexion, ses partenaires et amis ont relancé l’aventure et RAY OF LIGHT brille aujourd’hui sur un premier effort, « Salute », qui porte aussi un peu de son empreinte. Nerveux et solaire, le style de la formation germanique déploie un Hard Rock accrocheur et enthousiaste.
RAY OF LIGHT
« Salute »
(Baysis Media)
Après huit albums sous la bannière de Frontline, le bassiste Thomas Bauer, le batteur Stephan Bayerlein et le guitariste Robby Boebel ont fondé RAY OF LIGHT et avaient même commencé à travailler sur un premier opus. Seulement, le décès soudain du six-cordiste et compositeur en 2022 a naturellement mis un coup d’arrêt au projet. C’est l’année suivante que Jörg ‘Warthy’ Wartmann a pris la relève tout d’abord comme producteur, avant de remplacer son ami disparu et d’intégrer définitivement le quatuor.
Avec l’arrivée du talentueux Gregg Cromack au chant, RAY OF LIGHT s’est retrouvé au complet et plus motivé que jamais à l’idée de terminer des morceaux, qui sont autant d’hommages au regretté Robby Boebel. « Salute » représente à la fois un ultime adieu, mais aussi la promesse d’un bel avenir, car les Allemands et leur frontman anglais se présentent avec le line-up parfait, mêlant expérience et créativité, bien soutenu par une technique exemplaire dédiée à un Hard Rock intemporel.
Très mélodiques, oscillant entre Hard FM et AOR, les compositions de RAY OF LIGHT sont d’une incroyable fraîcheur, d’un mordant implacable et surtout animées d’un incroyable esprit positif. Le Britannique se montre impérial au chant, les riffs comme les solos sont percutants et racés, tandis que le duo basse/batterie propulse l’ensemble avec vigueur (« Falling In Pieces », « Ray Of Light », « Alive », « Best Of Me », « Frontline »). Lumineux et entraînant, « Salute » célèbre la mémoire de Boebel avec classe.
Rarement un groupe aura laissé échapper autant de liberté et de joie sur un même album. Pour RED BEANS & PEPPER SAUCE, c’est un huitième opus haut en couleur qui vient marquer une nouvelle étape dans la carrière des Montpelliérains. Si l’esprit de corps dominait déjà dans le son et faisait la force du groupe, avec « Supernova », il prend une incroyable dimension. Autour de sa charismatique chanteuse, le quintet a fait un peu de place pour accueillir pas moins de neuf invités, français comme étrangers. Une très belle célébration de son Classic Rock teinté de Soul et de Blues, dont Laurent Galichon, le guitariste et principal compositeur, nous parle avec autant de fierté que d’émotion.
– Avant de parler de « Supernova », j’aimerais qu’on revienne un instant sur votre parcours. Huit albums studio et un live en 14 ans, le tout ponctué de tournées bien fournies, est un rythme vraiment effréné. Ca vous arrive quand même de prendre quelques pauses ?
Je trouve que c’est dur de se remettre au travail après une pause, j’ai pu le constater quand il a fallu s’y remettre après la pandémie de Covid. Alors je préfère éviter les pauses et battre le fer tant qu’il est chaud.
– Justement avec un tel rythme, toi qui signes l’ensemble des morceaux hormis « I Want To Take You Higher » de Sly & The Family Stone datant de 1969, quand prends-tu le temps de te poser pour composer ? Tu le fais aussi en tournée, ou tu t’imposes des moments dédiés ?
Dès que j’ai une idée, je l’enregistre sur mon smartphone, parfois même en voiture où je chante simplement la mélodie ou le riff pour archiver. Et quand vient le moment de travailler des morceaux, alors je pioche dans le tiroir à idée. Mais c’est vrai que quand on se retrouve à moins de six mois de la deadline pour envoyer le master au pressage, le travail s’intensifie et à chaque fois les derniers mois de production sont très intenses.
– « Supernova » est l’un de vos disques le plus direct et le plus clairement axé sur le Classic Rock, parfois Hard, avec toujours un côté Bluesy et Soul. Est-ce qu’il y a une envie cette fois-ci de prendre les morceaux plus à bras-le-corps et d’aller vers quelque chose de plus essentiel et de dense ?
Oui, tout à fait. Bien avant de commencer le travail, quand on parlait de ce nouvel album avec Niko Sarran (également batteur du groupe – NDR) qui les réalise, on avait en tête d’aller vers plus d’efficacité avec des titres plus courts et plus directs. Quand on attaque un nouvel album, on a souvent des discussions en amont, souvent dans le van en tournée, où on cherche des axes de travail, de nouvelles directions pour continuer d’évoluer et rester créatif.
– D’ailleurs, est-ce qu’au moment de commencer l’écriture d’un tel album, tu avais une sorte de ligne directrice ou une intention en tout cas de faire émerger une atmosphère et une énergie différente, plus massive ?
L’album précédent, « 7 », était très axé sur le Classic Rock et cette fois-ci, il y avait une envie de revenir à un équilibre entre Rock et Soul, mais toujours avec des riffs qui viennent du Blues. En fait, on essaie de faire des albums qui auraient pu sortir dans les 70’s et cette fois-ci, on a essayé de mettre du groove dans le Rock et inversement. Et puis, Niko a fourni un véritable travail d’orfèvre sur le son de l’album. Il y a passé quasiment deux fois plus de temps que sur les précédents.
– L’une des caractéristiques de « Supernova » est bien sûr le nombre d’invités, qui sont tout de même au nombre de neuf, ce qui fait beaucoup sur un même disque. Comment cela se décide-t-il, car c’est assez rare ? Tu as composé certaines chansons en fonction d’eux, ou les choses se sont faites plus naturellement en laissant une petite place à l’improvisation ?
Inviter des musiciens faisait partie de ces axes qu’on se donne avant de commencer la production. On a donc laissé sur certains titres des plages pour permettre à nos invités de s’exprimer, mais sans savoir à l’avance de qui il s’agirait. Et c’est quand on se rapprochait de l’arrangement définitif qu’on prenait le temps de réfléchir à qui le proposer. Parfois, on est resté dans le style de l’invité comme avec Rabie Houti qui à l’habitude de jouer son violon arabo-andalou sur des rythmiques Rock, ou avec Johnny Gallagher sur une ballade Blues Rock. D’autres fois, on s’en est un peu éloigné comme avec Fred Chapellier qui nous rejoint sur un titre très Classic Rock avec un riff de guitare très ‘fat’, ou avec Sax Gordon qui vient jouer sur un titre vraiment très funky et plus éloigné de son Rocking Blues.
– Il est beaucoup question de ‘fusion’ sur cet album, et dans tous les sens du terme. En y prêtant bien l’oreille, on note le soin apporté aux arrangements notamment, tout comme à la production plus largement. « Supernova » a nécessité six mois de travail en studio. Vous êtes-vous laissés quelques respirations, histoire peut-être de prendre parfois un peu de recul, ou au contraire, les choses étaient déjà clairement définies dans ce que vous souhaitiez obtenir ?
C’est un travail de longue haleine, plus un marathon qu’un 100 mètres. Certains titres fonctionnent immédiatement, mais d’autres doivent passer par plusieurs étapes avant que nous soyons satisfaits du résultat. Et le travail continue même après la sortie de l’album, car certains morceaux doivent être repensés pour la scène. C’est un peu comme bâtir une maison : on passe des fondations à un bâtiment couvert très rapidement, mais les finitions, elles, prennent beaucoup plus de temps, car on entre dans les détails.
– Un mot sur les guests en commençant par les artistes français où l’on retrouve Manu Lanvin, Fred Chapellier, Yarol Poupaud ou encore le violoniste Rabie Houti. Ce sont tous des musiciens avec lesquels vous avez déjà joué sur scène. Ces rencontres se sont-elles transformées en collaborations que vous teniez vraiment à réaliser depuis un moment déjà ?
Ce sont surtout des rencontres marquantes qui ont lieu parfois en tournée avec tout le groupe, ou alors par un seul d’entre nous en dehors. Mais dans tous les cas, elles sont si importantes qu’elles donnent l’envie de faire de la musique ensemble. Et on a été ravi que tout le monde nous réponde ‘Oui’ ! Certains enregistrements ont dû être faits à distance à cause de l’éloignement et des emplois du temps, et d’autres ont donné lieu à des séances en studios qui nous ont marqué. J’ai kiffé de passer du temps avec Boney Fields dans le studio de Niko à Montpellier, ou avec Manu Lanvin dans son studio à Paris. Des belles sessions, où tu sens qu’il se passe quelque chose.
– Et puis, il y a l’aspect ‘international’ de l’album avec les présences du Camerounais Emmanuel Pi Djob, des Américains Boney Fields, Fred Wesley et Sax Gordon, sans oublier l’Irlandais Johnny Gallagher. Là encore, le casting est époustouflant. Est-ce que chacun d’entre-eux avait une partition à respecter, ou est-ce qu’on laisse plus facilement des talents comme les leurs s’exprimer librement avec une sorte de carte blanche ?
Pour chacun d’entre eux, c’était carte blanche. Mais forcément, il y avait des échanges. Parfois, notre invité avait une idée très précise, parfois, il hésitait entre plusieurs. Alors, on discute, on échange, on essaye des choses. Par exemple, c’était vraiment génial de passer du temps avec Manu et de le voir proposer tellement de choses avec la générosité qu’on lui connaît. Mais surtout, ils nous ont tous offert ce qu’on attendait, c’est-à-dire le meilleur d’eux-mêmes. On peut entendre la voix incroyable et le groove d’Emmanuel Pi Djob, l’explosivité et le ‘fonk’ de Yarol, le toucher tout en finesse de Fred Chapellier, la générosité et la puissance de Manu Lanvin, le groove qui claque de Boney Fields, l’énergie de dingue de Sax Gordon, la maîtrise et le son envoûtant de Rabie Houti et le feeling de Johnny Gallagher. Et puis, il y a eu la session avec Fred Wesley. J’étais là quand il a commencé à jouer dans le studio : c’était un voyage dans le temps. J’entendais le « Doing It To Death » de James Brown que j’écoutais en boucle plus jeune. C’est un moment précieux que je garderai en moi toute ma vie. Il fait partie des gens qui ont inventé cette musique. En deux notes, tu sais qui est dans la pièce. Tous ces musiciens exceptionnels ont été d’une grande générosité avec nous. Ils ont élevé chacun des titres auxquels ils ont participé à un niveau supérieur, et nous leur en sommes éternellement reconnaissants.
– J’aimerais qu’on dise un mot sur cette reprise de Sly & The Family Stone sur laquelle il y a du beau monde et où le line-up de RED BEANS & PEPPER SAUCE est le plus élargi de l’album. Comment est-ce qu’on tient tout le monde dans ce cas-là, car il règne un esprit jam manifeste ? Et par ailleurs, pourquoi avoir choisi ce morceau-là en particulier ?
J’ai plutôt l’impression que c’est ce morceau qui m’a choisi, car j’ai une histoire particulière avec lui. Je l’ai découvert au début des années 90 à la télévision, en voyant des musiciens que je ne connaissais pas le jouer sur une énorme scène, devant des milliers de spectateurs aux États-Unis. Il s’agissait en fait de George Clinton et de Funkadelic/Parliament, avec Larry Graham et d’autres invités. Ce titre m’a transpercé et j’ai adoré le fait qu’il soit interprété par autant de musiciens sur scène : tout le monde dansait, tout le monde chantait, c’était la grosse teuf. J’ai ensuite découvert qu’il s’agissait d’un morceau de Sly & the Family Stone, et l’album « Stand » fut une nouvelle claque. A la même époque, d’autres artistes que je ne connaissais pas se sont produits à Béziers : FFF, puis les JB’s avec Maceo Parker, Fred Wesley et Pee Wee Ellis. Ces trois découvertes, en quelques mois, ont été ma porte d’entrée vers la Soul Music : James Brown, la Stax (avec les disques d’Otis Redding de mon père), la Motown, etc… Alors qu’à l’époque, j’écoutais plutôt du Rock des années 60/70 comme Led Zeppelin, Jimi Hendrix, Deep Purple… Cette période a complètement bouleversé mon orientation musicale. Alors aujourd’hui, enregistrer ce morceau avec Yarol de FFF et Fred Wesley des JB’s qui ont également participé à ce changement, dans une version avec un groupe élargi en mode ‘jam’ comme dans la version de George Clinton, c’est une histoire complètement folle.
– Enfin, « Supernova » est probablement aussi votre album le plus varié avec des aspects Southern, Heavy Rock, Blues, Funky et plus largement très Rock’n’Roll. RED BEANS & PEPPER SAUCE devient de plus en plus inclassable et c’est une très bonne chose. Est-ce une façon aussi de vous débarrasser peut-être de certaines cases dans lesquelles on a pu vous mettre auparavant, ou plus simplement un signe de maturité qui se traduit par beaucoup plus de liberté affichée ?
Ce n’est pas vraiment calculé. Tout le monde dans le groupe a des influences diverses et variées et c’est l’association de nos personnalités musicales qui fait ce qu’est RED BEANS & PEPPER SAUCE. Je ne suis même pas sûr qu’on puisse y changer quoi que ce soit. On peut seulement l’encadrer en se donnant quelques directions, mais au final on sonne comme on sonne et il me semble qu’on reste cohérent d’un album à un autre.
Le nouvel album de RED BEANS & PEPPER SAUCE, « Supernova », est disponible chez Crossroads/Socadisc.
Photos : Cristina Gomes Morgadinho (1), Thierry Wakx (2, 3, 5) et Monsieur Mind (4).
Retrouvez aussi l’interview du groupe à l’occasion de la sortie de l’album « 7 » :
C’est en montrant beaucoup de caractère que les Scandinaves font un retour fracassant six ans après « Panoptical », qui leur avait valu une belle reconnaissance. Un changement de label et une direction musicale qui sonne plus européenne plus tard, et revoici DAYS OF JUPITER renforcé dans ses certitudes et affichant avec « The World Was Nerver Enough » une belle force de frappe. Sans négliger une identité artistique basée sur les émotions, le combo nordique se montre vif et solide sur un disque dense et très soigné.
DAYS OF JUPITER
« The World Was Never Enough »
(Reigning Phoenix Music)
En 15 ans d’existence, DAYS OF JUPITER peut se targuer de mener un parcours sans faute et qui mériterait même une reconnaissance à l’international plus conséquente. Depuis « Secrets Brought To Life », son premier opus sorti en 2012, le groupe a fait évoluer son Hard Rock moderne vers un Alternative Metal très actuel et pêchu. Pour son cinquième album, il a confié la production à Peo Hedin, lequel a réalisé un travail précis pour mettre en valeur des compositions abouties qui naviguent dans des ambiances variées.
Comme souvent, les Suédois soufflent le chaud et le froid entre titres puissants et massifs et ballades plus mélancoliques. DAYS OF JUPITER parvient à maintenir l’équilibre et donne surtout une forte impression de vélocité. Très en verve, les deux guitaristes donnent le ton sur des riffs racés et tranchants et apportent beaucoup d’explosivité aux morceaux (« Original Sin », « Machine »). L’énergie brute qui se dégage de « The World Was Never Enough » doit énormément à leur complicité et leur talent.
Egalement irréprochable, la rythmique prend littéralement d’assaut des nouveaux morceaux et donne encore un peu plus d’envergure à l’ensemble. De son côté, Jan Hilli offre une prestation vocale implacable. Accrocheur et fédérateur, DAYS OF JUPITER ne fait pas dans la demi-mesure, ce qui devrait se sentir prochainement sur scène. Intense, ce cinquième effort est aussi technique qu’entêtant et aussi Metal que Rock (« The Fix », « Parazite », « My Heaven My Hell », « Ignite » et le morceau-titre). Enthousiasmant !
Très respecté pour son style d’écriture, ainsi que pour un jeu de basse très identifiable, MARKO HIETALA, qui avait pourtant annoncé son retrait, semble avoir retrouvé de l’envie et surtout de l’inspiration. A la tête d’un quatuor uni et chevronné, il donne vie à « Roses From The Deep », un disque très bien réalisé où le songwriting se révèle toujours aussi authentique dans des registres qui, malgré leurs différences, se retrouvent dans un même élan pour éclairer le monde musical de ce musicien hors-norme, dont la performance est toujours aussi saisissante. Un deuxième effort solo remarquable et captivant.
MARKO HIETALA
« Roses From The Deep »
(Nuclear Blast Records)
La réputation de MARKO HIETALA n’est plus à faire, ni son talent à démontrer. L’ancien bassiste et co-chanteur de Nightwish fait son retour en solo pour donner suite à « Pyre Of The Black Heart » (2020). L’homme aux multiples projets (Tarot, Northern Kings et de très nombreuses collaborations comme avec Delain, Ayreon ou Avantasia) livre l’album qu’on attendait un peu de lui, à savoir une production où s’entremêlent les genres, passant d’un Metal mélodique souvent Hard et parfois Symphonique, à de la Folk ou du Prog. On sait l’étendue stylistique du musicien particulièrement vaste et il en use avec beaucoup d’habileté.
Et on ne met bien longtemps à retrouver l’univers artistique du Finlandais. Parfaitement accompagné de Tuomas Wäinolä (guitare), Anssi Nykänen (batterie) et Vili Ollila (claviers), le line-up a de l’allure, conjugue expérience et jeunesse et débouche sur un « Roses From The Deep » fluide et équilibré. MARKO HIETALA tient solidement les rênes et déploie des compositions créatives et efficaces. Entre orchestrations généreuses et arrangements subtils, ces nouveaux titres montrent une belle énergie, beaucoup de sincérité et un savoir-faire imparable.
Dès l’entraînant « Frankenstein’s Wife » qui ouvre les festivités, suivi de « Left On Mars » en compagnie de sa complice de toujours, l’ex-chanteuse de Nightwish Tarja Turunen, le Scandinave semble vouloir rassurer ses fans les plus ‘métalliques’ et « Proud Whore » va aussi dans ce sens. Histoire d’ajouter encore un peu de piquant, Juha-Pekka Leppäluoto de Northern Kings, se livre à un véritable exercice de style sur « Two Soldiers », marquant un certain basculement pour la suite. Puis, MARKO HIETALA régale avec le long « Dragon Must Die » ou le très accrocheur « Impatient Zero », et aussi « Tammikuu » chanté en Finnois.
Le titre de cette nouvelle production de TOMMY CASTRO & THE PAINKILLERS résume à lui seul l’intention du maestro : revenir à l’essence-même du Blues, en parcourant ses différents courants et en s’y collant au plus près. Pari amplement remporté, ce qui n’est pas vraiment une surprise lorsque l’on connaît le sens de la musique qui l’habite. En ne proposant que trois petits inédits, c’est surtout vers des morceaux qui le font vibrer que le musicien s’est penché et « Closer To The Bone » côtoie les sommets.
TOMMY CASTRO & THE PAINKILLERS
« Closer To The Bone »
(Alligator Records)
En un peu plus de trois décennies, TOMMY CASTRO avoisine la vingtaine d’albums, une dizaine de Blues Music Awards et surtout un feeling qui va grandissant. Avec ses PAINKILLERS, c’est un disque un peu spécial que le natif de San José en Californie propose, puisque celui-ci ne comprend que trois chansons originales (« Can’t Catch A Break », « Crazy Woman Blues » et « Ain’t Worth The Heartache »), auxquelles il faut ajouter tout de même onze reprises, et pas n’importe lesquelles. Lui qui a exploré à peu près tous les registres, passant du R’n B à la Soul ou au Rock, s’offre le loisir de se faire plaisir… et nous avec !
TOMMY CASTRO & THE PAINKILLERS n’élude ici aucun d’entre-eux, sachant se faire tendre, délicat ou explosif et pétillant le morceau suivant. « Closer To The Bone » fait un peu le tour des goûts et des préférences du guitariste-chanteur et il faut bien avouer qu’on ne voit pas le temps passer. L’idée est donc de le réécouter dans la foulée avec la même délectation. Avec comme noyau dur Mike Emerson aux claviers, Randy McDonald à la basse et au chant et Bowen Brown à la batterie, l’ensemble sonne comme une ode au Blues sous toutes ses belles coutures et le talent de chacun fait naître une osmose savoureuse.
Car ce qui surprend aussi sur « Closer To The Bone », c’est l’harmonie qui règne au sein de THE PAINKILLERS, qui n’a jamais aussi bien porté son nom, avec aussi un humour omniprésent. Petite cerise sur le gâteau, TOMMY CASTRO a invité quelques amis et non des moindres. On y croise au fil des titres Chris Cain, Rick Estrin, Christoffer ‘Kid’ Andersen et l’incroyable saxophoniste et chanteuse Deana Bogart sur « Some Moves Me » et « Bloodshot Eyes » pour un duo. Electrique et jouant sur une proximité naturelle, l’Américain livre un opus radieux, optimiste et tout simplement irrésistible. Une vraie gourmandise !
Volontaire et ténébreux, PLAGUE OF STARS s’est sans doute nourri de la période pandémique pour créer son nouvel opus. A la fois très rentre-dedans et jouant sur des instants plus délicats, le groupe livre un disque complet et célèbre du même coup l’arrivée derrière le micro de Liz Ziegler, qui n’a pas mis très longtemps à trouver ses marques. Vocalement captivante, elle mène ces nouveaux morceaux avec aplomb et beaucoup de force. « Extinction » sort déjà du lot grâce un Metal sombre et super-efficace.
PLAGUE OF STARS
« Extinction »
(Wormholedeath Records)
C’est du côté de Minneapolis, Minnesota, que PLAGUE OF STARS a éclot en 2012 et surtout en 2014 avec la sortie de « When Morning Came », un premier opus qui allait lancer une sorte de quête d’un Metal presqu’absolu entre Doom, Gothic et aux saveurs Black et Heavy. Composé de musiciens expérimentés, le quintet sort aujourd’hui son troisième album studio, auquel il faut ajouter un live (« Virtual Live » en 2021) et un single il y a trois ans. Ce dernier marque d’ailleurs l’ultime prestation de son ancienne chanteuse, Melissa Ferlaak.
Car, c’est dorénavant Liz Ziegler qui a pris les rênes du chant chez PLAGUE OF STARS, et qui parvient dès son arrivée à imposer sa patte et un registre clair et puissant. Pas de hurlements, ni de grognements, ce qui rend ce nouvel album sans doute plus percutant, notamment au niveau des textes, qui restent dans une veine très sombre. « Extinction » révèle donc sa nouvelle frontwoman, laquelle offre d’ailleurs un très bon duo avec celle qu’elle remplace désormais sur le morceau-titre, un geste de grande classe pour un titre détonnant.
Après la courte intro (« Akerra »), « Vain » nous propulse dans un Metal musclé, vif et massif. Tout en restant mélodique, PLAGUE OF STARS frappe fort en distillant une ambiance apocalyptique savamment constituée d’influences diverses qui se retrouvent sans mal. De « False Reality » et son petit côté symphonique au percutant « Sentinels », en passant par le plus éthéré « Shift » et jusqu’à « Akelarre », qui clot ce nouvel effort en réponse à l’intro, les Américains frappent fort, évitent toute répétition et jouent sur une originalité exemplaire.
Provocateur et explosif, DREW CAGLE & THE REPUTATION donne enfin une suite à un premier essai très concluant sorti il y a quelques années. Cette fois, le musicien de l’Illinois met les petits plats dans les grands avec beaucoup d’audace et surtout dénué de tout complexe. « Bad Attitude » montre une assurance folle et les riffs racés distillés sur des mélodies entêtantes viennent mettre en valeur une performance vocale éclatante. Original et moderne, ce deuxième opus a déjà tout d’un futur classique.
DREW CAGLE & THE REPUTATION
« Bad Attitude »
(Pavement Entertainment)
Cela fait déjà un moment que DREW CAGLE traîne sa réputation et ce serait plutôt une fierté qu’un boulet. Car, trois ans après « Haunted », il semble plus jamais déterminé à livrer au monde entier son savoureux mélange de Hard et de Rock US. Dans la lignée de la scène notamment californienne des années 80/90, le chanteur, guitariste et compositeur tire son épingle du jeu avec beaucoup d’habileté et une énergie débordante. Magistralement conçu, « Bad Attitude » ne souffre d’aucun temps mort, malgré quelques petites accalmies.
Il faut préciser que DREW CAGLE & THE REPUTATION affiche un line-up assez incroyable. Enregistré à Nashville, le frontman s’est entouré des guitaristes Sol Philcox-Littlefield (Luke Combs, Jelly Roll), Sam Hunter (Willie Nelson) et B. James Lowry (Kenny Chesney). Ajoutez-y Shannon Forrest (Toto, Taylor Swift) derrière les fûts et Craig Young (Elton John, Post Malone) à la basse et vous obtenez une véritable dream team. Et « Bad Attitude » transpire un Rock authentique, sleaze et généreux de bout en bout.
Et on prend en compte que Matt Coles (Eagles, Alice Cooper) est à l’enregistrement, au mix et à la production, on tient là un disque de haute volée. Sur huit titres (seulement !), DREW CAGLE & THE REPUTATION se montre très inspiré, que ce soit sur des chansons percutantes comme « All Figured Out », ou encore le morceau-titre où l’Américain accueille Tracii Guns dans une belle complicité. Pour le reste, on passe par toutes les émotions avec une passion sincère (« If It’s Not Love », « So Cold », « Live Right », « Wine Talkin’ »). Une bouffée d’oxygène !
« Parasomnia » est probablement l’album le plus attendu de ce début d’année dans la sphère Metal. 16 ans après son départ, Mike Portnoy fait son retour en patron et DREAM THEATER célèbre comme il se doit les quatre décennies d’une carrière incroyable, faite de quelques turbulences, mais d’une exemplarité remarquable. Ce nouvel opus témoigne du savoir-faire, de la créativité et de la technicité qui rendent unique son Metal Progressif. Et si certains y trouvent déjà redire, quelle importance, finalement…
DREAM THEATER
« Parasomnia »
(InsideOut Music/Sony Music)
Totalement réfrigéré par un « A View From The Top Of The World » ennuyeux et démonstratif, lequel a pourtant reçu toutes les louanges possibles et même un Grammy Award, c’est avec un peu d’appréhension que j’ai glissé « Parasomnia » dans la platine. Cela dit, le retour du grand Mike Portnoy derrière les fûts avait de quoi me rassurer, puisqu’il nous rend le DREAM THEATER dans son line-up originel et inégalable avec James LaBrie au chant, John Petrucci à la guitare, John Myung à la basse et Jordan Rudess aux claviers.
Et c’est sans doute cette alchimie qui manquait depuis « Black Clouds & Silver Linings » sorti il y a déjà plus de 15 ans. Un seul être vous manque… Pour autant, les Américains ont gardé leurs bonnes habitudes, puisqu’on retrouve Petrucci à la production, James ‘Jimmy T’ Meslin à l’enregistrement et Andy Sneap au mix. Et il ne faut pas attendre bien longtemps pour voir DREAM THEATER rayonner de nouveau. D’ailleurs, l’instrumental qui ouvre « Parasomnia », « In The Arms Of Morpheus », donne déjà le ton et l’atmosphère du disque.
Ce seizième album sonne même comme une libération pour le quintet. Comme souvent, il dépasse largement l’heure et il n’est pas lassant un seul instant (sauf pour les grincheux, bien sûr !). L’exigence est toujours au rendez-vous et l’inspiration ne manque pas. Et si l’ensemble est assez sombre et très Heavy, les morceaux sont d’une fluidité absolue, mélangeant à la fois les mélodies et une technique irréprochable (« Night Terror », « Dead Asleep », « Midnight Messiah » et le monumental « The Shadow Man Incident » et ses 19mn). DREAM THEATER renoue littéralement avec son ADN et s’offre un nouveau souffle.