L’heure est à la détente pour THE BLACK KEYS, qui s’autorise le temps de ce nouvel opus une sorte de récréation nettement plus vaporeuse, mais non sans livrer un ardente prestation. Souvent galvaudée, le terme de groove prend ici tout son sens à travers 14 morceaux où l’objectif du groupe est clairement de prendre du plaisir et surtout d’en donner. Très 70’s dans les sonorités, des effluves de Soul, de Funk et d’un Blues tendre et généreux font cause commune sur « Ohio Players », qui donne autant le sourire que la patate !
THE BLACK KEYS
« Ohio Players »
(Easy Eye Sound/Nonesuch Records)
Joie et félicité ! THE BLACK KEYS est de retour, clope au bec, avec une pêche d’enfer et sur un groove aussi démoniaque que réjouissant ! Alors ok, Dan Auerbach et Patrick Carney ne sont pas complètement seuls. « Ohio Players » n’est pas non plus complètement un album de leur composition. Et alors ? Le duo est particulièrement bien entouré et la tracklist est joyeuse, funky et, on ne va pas se mentir, ça fait plutôt du bien par les temps qui courent ! Il y a forcément aussi une explication très rationnelle à ce douzième effort studio des Américains, qui nous emmènent assez loin de l’âpreté du Blues Rock de « Dropout Boogie ».
En titrant ce nouvel opus du nom du cultissime groupe de Funk, THE BLACK KEYS annonce la couleur : elle sera festive, légère et explosive. L’idée de cette création inattendue et originale est née lors de soirées organisées par le groupe, où il passait de vieux 45tr de sa collection. Et c’est l’esprit de ces fêtes qui a constitué le fil rouge de l’album. A l’exception de « I Forgot to Be Your Lover », une chanson écrite par William Bell et Booker T. Jones, l’ensemble de « Ohio Players » est signé et produit par le tandem de la petite ville d’Akron. En revanche, les collaborations ne manquent pas et elles ont même parfois assez surprenantes.
Le guitariste/chanteur et le batteur ne renient pas une seule seconde leur patte musicale et encore moins ce son si particulier qui les distingue depuis leurs débuts. L’approche est la même et on la ressent jusqu’à cette production, certes, plus lisse cette fois, mais tellement riche en arrangements. Facile et aérien, THE BLACK KEYS a donc convié l’ami Beck sur près de la moitié de « Ohio Players », tandis que Noël Gallagher (oui, oui !) intervient aussi dans la composition de trois morceaux. Et la participation des rappeurs Juicy J et Lil Noid libère quelques instants de Hip-Hop langoureux. On sait s’amuser dans l’Ohio et ça fait du bien !
Retrouvez les chroniques de leurs deux derniers albums :
Originaire de la côte ouest des Etats-Unis, GREYHAWK n’élude pas ses intentions, qui sont de moderniser le Heavy Metal classique, celui des Dio, Judas Priest, Malmsteen et autre Riot. Virtuose et inventif, le combo lustre l’héritage de ses aînés grâce à un chanteur au spectre vocal rare, deux guitaristes hors-pair et une rythmique ferme. Avec « Thunderheart », c’est un album-concept somptueux qu’il nous livre à travers des atmosphères épiques absolument addictives. Et ce n’est sans doute pas un hasard si c’est un label espagnol qui l’a pris sous son aile. Nul n’est prophète en son pays…!
GREYHAWK
« Thunderheart »
(Fighter Records)
Depuis quelques années et à travers le monde, on assiste à l’avènement de cette NWOTHM, à savoir cette vague de groupes qui se revendiquent acteurs d’un renouveau du Heavy Metal traditionnel. Là où certains y voient une saveur Old School ou vintage, d’autres pensent plutôt à une renaissance actualisée des plus belles heures de ce registre éternel. Et il faut bien avouer que cela dépend vraiment des cas. Pour ce qui est de GREYHAWK, on est clairement dans une continuité et seules la grande expérience de ses membres, une assimilation parfaite du style et une inspiration neuve les distinguent aussi brillamment.
Alors forcément, pour revenir à la source, il faut avoir été biberonné aux décibels des précurseurs, et c’est assez surprenant de constater avec quelle facilité le quintet de Seattle sonne si européen. C’était déjà flagrant sur leur premier EP (« Ride Out » – 2018), puis sur leur premier album (« Keepers Of The Flame » – 2020) et sur son dernier format court (« Call Of The Hawk » – 2022). Ici, GREYHAWK s’affiche au sommet de son art sur ce « Thunderheart », un deuxième opus plein de force, de mélodies épiques, de rythmiques galopantes et effrénés et d’une puissance Heavy, en effet, très contemporaine.
Entre Power Metal, solos néo-classiques, Hard Rock et riffs rapides et entraînants, l’identité des Américains se dessinent au fil des morceaux avec une précision chirurgicale et une maîtrise totale. A eux cinq, Rev Taylor (chant), Darin Wall (basse), Jesse Berlin et Rob Steinway (guitares) et Nate Butler (batterie) manient le chaud et le froid, entre passages fédérateurs et hymnes ravageurs. GREYHAWK fait plus que montrer les crocs, il donne une véritable leçon avec une énergie qui percute frontalement (« Spellstone », « Ombria (City Of The Night) », « Rock & Roll City », « Sacrifice Of Steel », « The Last Mile », …). Une claque !
Ce qu’il y a de rassurant avec SHERYL CROW, c’est qu’après une telle carrière, qui a fait d’elle une icone de la musique américaine, elle reste attachée à un style qui lui ressemble tellement et qui rassemble toujours. Country Rock, Pop Folk avec ce charmant zeste bluesy, elle reste authentique et ce même quand elle se retrouve produite par Mike Elizondo (Dr. Dre, Maroon 5), qui n’a pas saisi l’essence de l’artiste et qui l’enrobe de sonorités en plastique, façon centre commercial. Peu importe, on perçoit toujours cette spontanéité et cette personnalité attachante sur un « Evolution », qui mérite bien plus qu’une écoute.
SHERYL CROW
« Evolution »
(Big Machine Label Group)
Elle avait pourtant juré par ses grands dieux qu’on ne l’y reprendrait plus. Qu’enregistrer des disques était dorénavant de l’histoire ancienne pour elle, alors que le très bon « Threads » et sa voie lactée d’invités aussi nombreux que prestigieux venait tout juste de sortir. C’était en 2019. Seulement, se mettre sur pause alors qu’on est tout juste intronisé au légendaire ‘Rock And Roll Hall Of Fame’ l’an dernier a du paraître impossible et insurmontable pour une SHERYL CROW qui a encore des choses à dire, à chanter et à composer… et pas seulement à travers quelques singles distillés en streaming dans les méandres goulus du numérique.
Peut-être aussi que c’est un œil jeté à ses neuf Grammy Awards, qui l’a convaincu de reprendre sa guitare et de s’assoir au piano pour se mettre à l’écriture de ce onzième album ? Car, et c’est peu le dire, « Evolution » est un bon album, qui livre également son lot de surprises, plus ou moins bonnes, mais où l’on retrouve une compositrice toujours aussi sincère, authentique et dont les chansons demeurent aussi fluides et qu’accrocheuses. Pop avec toujours ce fond de Country Folk, le tout enveloppé d’un Soft Rock, SHERYL CROW fait ce qu’elle a toujours fait et en parfaite osmose avec son temps et son époque.
Ce qui peut surprendre à l’écoute d’« Evolution » dans son ensemble, c’est que, finalement, les singles sortis en amont n’en sont pas vraiment le reflet. Le très stonien « Alarm Clock » passe tout seul, le morceau-titre (avec Tom Morello !) est trop produit et froid et le distant « Digging In The Dirt » de et avec Peter Gabriel dénote du reste. Mais SHERYL CROW a suffisamment de métier pour livrer quelques pépites, dont elle a le secret (« Do It Again », « Love Life », « You Can’t Change The Weather », « Waiting In The Wings »). La chanteuse du Missouri garde le sens de la formule, avec des refrains entêtants, et se montre imparable.
Il y a beaucoup de grâce et de malice dans ce « The Muscle Shoals Sessions » que se sont offerts Sharleen Spiteri et le maître de la Soul qu’est le grand Spooner Oldham. Car il s’agit bel et bien d’un cadeau mutuel que partagent les deux artistes. D’ordinaire basé sur une Pop/Rock entraînante, voire Hip-Hop avec le Wu Tang Clan, c’est dans un style très gospélien que les classiques de TEXAS prennent ce magnifique reflet, pas si étonnant quand on y pense, d’une beauté renversante. La rencontre des deux mythes était inéluctable et elle est prodigieuse.
TEXAS & Spooner Oldham
« The Muscle Shoals Sessions »
(PIAS)
Lorsque l’on connait la discographie de TEXAS et surtout la sublime voix de sa chanteuse, il n’y a finalement pas de réelle surprise à voir sortir un album tel que ce brillant « The Muscle Shoals Sessions ». La surprise viendrait même plutôt du nombre d’années à avoir du patienter pour qu’une telle réalisation voit enfin le jour. Car en 35 ans de carrière et du haut de ses 40 millions d’albums vendus avec son groupe, Sharleen Spiteri n’a vraiment plus rien à prouver, alors elle cherche évidemment à se faire plaisir. Et c’est le cas ici avec ce grand Monsieur qu’est Spooner Oldham, pianiste et surtout organiste de génie.
Dès les premières notes de « Halo », la complicité est flagrante et ce n’est qu’un début. Né en Alabama il y a 81 ans, non loin des fameux studios où a eu lieu la rencontre, le musicien américain a joué avec les plus grands de JJ Cale à Neil Young, de Bob Dylan à Linda Ronstadt ou les Everly Brothers. Songwriter reconnu et intronisé au légendaire ‘Rock And Roll Hall Of Fame’, Spooner Oldham incarne le groove avec son jeu à la fois Soul, Bluesy et Gospel. Sur ce fond de Northern Soul, et même si nous sommes dans le Sud, cette collaboration est un petit miracle et le résultat tient de la magie, tant les hits de TEXAS rayonnent.
Photo : Clide Gates
Enregistré à l’été 2022, ce nouvel album, car c’est beaucoup plus qu’une compilation, résonne de ce son si particulier propre aux Studios de Muscle Shoals et notamment le fameux ‘Fame’, que Spooner Oldham connait bien et dont la réputation remonte aux années 60/70, puisqu’il était la source de la Southern Soul américaine. Autour de douze titres emblématiques et deux reprises, Sharleen Spiteri semble guidée par l’orgue, soutenue à l’occasion par des chœurs aussi discrets qu’envoûtants, une basse légère et quelques cordes. Il est étonnant de voir la métamorphose des morceaux de TEXAS dans un style si épuré.
De « Summer Son » à « Say What You Want », « The Conversation », « Black Eyed Boy », « Everyday Now » et l’incontournable « I Don’t Want A Lover », on redécouvre ces chansons si populaires presque mises à nu sous le prisme d’arrangements d’une subtilité inouïe, dans une atmosphère intimiste comme suspendue à la voix enchanteresse, délicate et puissante de la Britannique. Si vocalement, elle sait absolument tout faire, que dire de la prestation pleine de classe de Spooner Oldham que le clavier fait chavirer ? Sa faculté à s’approprier les chansons de TEXAS est fascinante, instinctive et d’une déconcertante élégance. Bravo !
Qualifier BROTHER DEGE de musicien solaire est un doux euphémisme. Alors qu’il vient de nous quitter, son ultime témoignage vient malheureusement mettre un terme à une œuvre Southern où Blues et Folk s’entremêlent avec des sonorités Rock et Country. « Aurora » est le dernier grand cru livré par l’ouroboros du bayou. Le vide va être abyssal et son silence presqu’insupportable, mais ses disques et ses livres restent, eux, éternels et je vous invite à vous y plonger. Un désert de beaux mots.
BROTHER DEGE
« Aurora »
(Prophecy Productions)
Cela faisait déjà un petit moment que je me délectais de cette nouvelle réalisation de BROTHER DEGE Legge, lorsque j’ai soudainement appris sa mort survenue le 9 mars dernier, alors qu’il n’avait que 56 ans. Ce magnifique « Aurora » s’apprêtait à sortir et une tournée européenne était même prévue en avril. Il s’est éteint dans sa ville de Lafayette en Louisiane et laisse un héritage précieux. Et si son fougueux Southern Psychedelic Rock ne vous dit a priori rien, peut-être avez-vous en tête son morceau « Too Old To Die Young », qui figurait sur la B.O. de « Django Unchained » de Quentin Tarantino en 2012 ?
« Aurora » est le quatrième opus de BROTHER DEGE, après « How To Kill Horse » (2013), « Scorched Earth Policy » (2015) et « Farmer’s Almanac » (2018). Il est sans doute aussi le plus intime et le plus personnel. Au regard de sa carrière, y compris celle d’écrivain, on y trouve une espèce de synthèse de son long travail à travers ce parcours si atypique ancré dans le Sud des Etats-Unis qui l’a façonné et qu’il incarnait tellement. La discrétion et l’humilité de l’artiste révèlent sa force poétique, qu’elle soit dans les textes ou dans sa musique bercée par un dobro toujours aussi magnétique.
On pense bien sûr à Ry Cooder sur l’instrumental morceau-titre qui ouvre l’album, mais le songwriter fait rapidement rayonner sa touche si particulière. Cette fusion si singulière entre le slide du Delta Blues, la Folk et un Rock issu du Bayou rend BROTHER DEGE assez unique. Poignant et plein de sensibilité sur « Where The Black Flowers Grow » et « A Man Needs A Mommy », il accélère sur « Turn Of The Screw » pour se montrer très élégant sur « The Devil You Know » et sur l’énigmatique « The Longing » presque prophétique. La douce folie et l’approche de l’Américain vont terriblement manquer au monde de la musique.
Frontman iconique de Creed, puis d’Art Of Anarchy deux petites années, SCOTT STAPP mène également une carrière sous son nom depuis 2005 et cinq ans après « The Space Between The Shadows », son dernier fait d’armes, il signe « Higher Power » au moment-même où toutes les planètes sont alignées. Le Floridien démontre qu’il demeure un chanteur hors-norme, déterminé et toujours capable de livrer des lignes vocales imparables. Percutant, il combat ses tourments dans un disque très personnel et toujours fédérateur.
SCOTT STAPP
« Higher Power »
(Napalm Records)
Alors que Creed va enchaîner les concerts avec 3 Doors Down, Daughtry et quelques autres, puis avec Mammoth WVH en remplacement de ce dernier, son leader revient avec un nouvel album solo, son quatrième, comme pour mieux sonner la charge. Et ce cumul de bonnes nouvelles nous replonge à l’aube des années 2000, où l’Alternative Metal/Rock submergeait les Etats-Unis et un tout petit peu l’Europe aux côtés des inévitables Nickelback. Et l’autre bonne nouvelle est que SCOTT STAPP est en pleine forme.
Toujours marqué par les séquelles de son accident à Miami en 2006, le chanteur semble avoir mené à terme son combat contre la dépression et la dépendance. D’ailleurs, « Higher Power » vient clore en quelque sorte ce chapitre, même si les textes sont, pour l’essentiel, assez sombres et ténébreux. Mais SCOTT STAPP affiche beaucoup de détermination et celle-ci se traduit par une performance vocale puissante et toujours très mélodique. Certes, le virtuose Mark Tremonti n’est pas de la partie, mais d’autres ressources sont à l’œuvre.
Entouré d’une belle équipe de production, dont il fait partie, l’Américain surfe sur une sorte de Hard Rock moderne et accrocheur, pêchu et assez mid-tempo aussi sur la seconde partie de « Higher Power ». La présence du guitariste grec Yiannis Papadopoulos sur trois titres et le duo avec Dorothy Martin (« If These Walls Could Talk »), ainsi que la collaboration de Steve McEwan, faiseur de hits, à l’écriture donnent un souffle de fraîcheur à cette réalisation solo d’un SCOTT STAPP revigoré, entreprenant et qui se bonifie avec l’âge.
Deuxième partie du concept amorcé et développé par la tête pensante du projet, Florian Zepf, pour THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE. Cette réunion autour du Metal Progressif démarrée il y a quatre ans a trouvé ses repères, son ton et une patte qui le rendent désormais identifiable. Formé autour d’un line-up changeant, hormis son frontman, le collectif présente la suite de « Sonic Birth » avec « Sonic Rebirth », une production exceptionnelle, riche et d’une fluidité de chaque instant qui la rend assez unique.
THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE
« Sonic Rebirth »
(Metalville Records)
Lorsque que j’avais interviewé Florian Zepf, guitariste, compositeur et maître d’œuvre de THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE en 2020 à la sortie de « Sonic Birth », il m’avait confié qu’il ne s’agissait nullement d’un groupe, mais d’un projet dédié à l’amour de la musique progressive. Et pour mener à bien cette aventure, il avait réuni un casting international de haut vol, qui s’était vraiment investi dans la création d’un album très abouti et moderne. Et grâce à un savant mélange d’éléments numériques et organiques, le résultat était assez bluffant de vérité.
Pour « Sonic Rebirth », l’Américain continue sur cette belle lancée et il est toujours aussi bien entouré. A commencer par le chanteur Vladimir Lalic (Organized Chaos) qui est devenu bien plus que la simple signature vocale du collectif. Sont venus grossir les rangs : Megan Burtt (Gingerbomb), Jamie Powell et Simen Børven (Leprous), Gerald Peter (Jordan Rudess), Tim Korycki (Tomorrow’s Eve), ainsi que des membres de Special Providence et des musiciens d’Eric Clapton, Joe Cocker… THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE a donc encore fière allure, tout comme l’ensemble de ce nouvel opus.
Les deux réalisations s’inscrivent dans un même concept et l’on reprend là où en était « Sonic Birth ». Toujours aussi affiné et élégant, le Metal Progressif du combo brille par la technicité de ses membres, mais pas seulement. Les mélodies sont accrocheuses, les thèmes très bien développés et les compositions de Florian Zepf montrent d’étonnantes facettes dans leurs structures. Si l’on pense parfois à Pain Of Salvation ou Haken, THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE s’étend dans un style très personnel et dans des ambiances très variées. Une nouvelle réussite.
Après les si peu convaincants « Croweology » et « 1972 » il y a deux ans, ainsi que la tournée des retrouvailles qui a débouché sur « Shake Your Money Maker Live », version public de leur premier et plus grand succès, THE BLACK CROWES est attendu au tournant… et c’est peu de le dire ! On sait les hommes d’Atlanta investis et aussi connus pour afficher des caractères bien trempés, mais « Happiness Bastards » confirme et rassure sur leur inébranlable passion. De plus, la production au lustre poussiéreux de Jay Joyce est le tour de magie qui rend son âme au combo, grâce aussi à des chœurs enchanteurs et des guitares scintillantes. En un mot, c’est bon de les retrouver avec cette envie et cette audace !
THE BLACK CROWES
« Happiness Bastards »
(Silver Arrow Records)
Que l’attente fut longue… au point qu’on y croyait presque plus. 15 ans après leur dernière réalisation studio, les frères Robinson se sont enfin de nouveau réunis pour s’atteler au successeur de « Before the Frost…Until the Freeze » et faire un retour très convaincant avec « Happiness Bastards », un disque au titre joyeux et à la vilaine pochette. Mais c’est ce qui se passe au cœur des dix nouvelles compositions qui nous intéresse ici, d’autant qu’elles viennent aussi, pour l’anecdote, célébrer les 40 ans d’existence du groupe. Ce neuvième opus est résolument tourné vers le Rock très Southern qui a fait l’identité de THE BLACK CROWES et il dégage une fraîcheur et une hardiesse qu’on espérait tellement.
Si le calme est revenu dans cette fratrie aux egos plus qu’affirmés et dans les vies de Chris et Rich, « Happiness Bastards », ne manque pas d’énergie pour autant et renoue avec un son authentique, légèrement gras et épais à souhait. Et cela n’est nullement dû au hasard, puisque c’est l’excellent et désormais incontournable producteur Jay Joyce, qui est aux manettes. Et question musique roots, il en connaît un rayon, puisqu’on lui doit les récentes réalisations de Carrie Underwood, Osborne Brothers, Miranda Lambert ou encore Zac Brown. THE BLACK CROWES a appelé en renfort celui qui fait briller la musique de l’Amérique profonde d’aujourd’hui. Electrique et relativement dépouillé, c’est irrésistible.
Les frangins brandissent cet esprit sudiste comme pour mieux faire sonner ce Rock véritable et relevé. « Bedside Manners » et « Rats And Clowns » donnent le ton avant le très attachant « Cross Your Fingers ». Pourtant, c’est bel et bien « Wanting And Waiting », qui met le feu aux poudres avec son riff démoniaque. THE BLACK CROWES a même convié (pour la forme) la belle étoile montante de la Country Music Lainey Wilson sur le délicat « Wilted Rose ». Mais Chris Robinson retrouve vite sa verve accrocheuse et les titres aux refrains entêtants s’enchaînent (« Dirty Cold Sun », « Flesh Wound », « Follow The Moon »). Bluesy, lumineux et avec le groove aux tripes, les Américains semblent repartis un tour !
C’est avec son nouveau chanteur, Girish Pradhan, que le légendaire bassiste Jeff Pilson a enregistré et produit le nouvel opus de THE END MACHINE dans son studio de Santa Clarita en Californie. Et complétée par George Lynch et Steve Brown, la machine est plus que rôdée. Le Hard US, toujours assez Heavy, du combo claque comme il se doit. Ces quatre-là se font vraiment plaisir et cela s’entend tant la communion est évidente. « The Quantum Phase » avance à grand coup de riffs étincelants et d’éclatants solos sur des tempos véloces, le tout porté par un frontman dans une forme exceptionnelle.
THE END MACHINE
« The Quantum Phase »
(Frontiers Music)
Parmi les multiples projets du très prolifique George Lynch, il y a THE END MACHINE, qui est probablement le plus intéressant d’entre eux. Au départ, formé autour du guitariste, ses anciens compagnons de Dokken, Jeff Pilson à la basse et Mick Brown à la batterie, le groupe avait sorti un très bon premier album éponyme, renouant avec le son de leur ancienne formation. Mais les aléas se sont multipliés et c’est aujourd’hui le chanteur Girish Pradhan (Firstborne, Girish And The Chronicles) qui tient le micro, tandis que l’excellent Steve Brown de Tesla, Ronnie Montrose et Oleander officie derrière les fûts.
Cela dit, sur le papier, c’est à se demander si le line-up actuel n’est pas le meilleur, du moins le plus cohérent, malgré tout. Car, même si le deuxième effort, « Phase 2 », avait tenu toutes ses promesses, THE END MACHINE se surpasse sur « The Quantum Phase ». En effet, le quatuor est beaucoup plus direct et donc efficace dans ces nouveaux titres, qui sont la quintessence-même d’un Hard’n Heavy, qui ne renie pas ses origines, mais qui se projettent aussi très habillement dans l’air du temps. Même Lynch, qui a une forte tendance à en mettre partout, donne une petite impression de sobriété dans son jeu.
Girish Pradhan s’éclate comme au premier jour, sûr de son chant et de ses lignes mélodiques. Il est le parfait ‘rockeur’ dont le groupe avait besoin. Sa voix éraillée et puissante offre cette tonalité très Hard US à ce troisième album, qui ne manque pas de fraîcheur. Bien sûr, THE END MACHINE ne révolutionne pas le genre, et ce n’est pas ce qu’on lui demande, mais il redonne des couleurs à un style toujours aussi fédérateur. Le duo basse/batterie cinq étoiles impose le rythme et Lynch y va de ses riffs tranchants, de ses solos si relevés où le tapping et la wah-wah règnent en maître. Gourmand et généreux.
Malgré son jeune âge, KATIE HENRY a déjà tout d’une grande. Compositrice, pianiste, guitariste et chanteuse, elle embrasse le Blues avec un naturel déconcertant, tout en affichant déjà une originalité remarquable et beaucoup de personnalité. Ne s’interdisant aucun détour par le R&B, la Soul, le Rock ou la Pop, l’Américaine vient de sortir « Get Goin’ », son deuxième album, qu’elle a eu la chance d’enregistrer avec le grand Bernard Allison accompagné pour l’occasion de ses musiciens. Rencontre avec une blueswoman, dont les premiers pas annoncent un avenir radieux.
Photo : Tino Sieland
– « High Road », ton premier album, est sorti il y a six ans maintenant et le chemin parcouru est remarquable. Quel regard portes-tu sur ces premières années et tes débuts dans le New-Jersey ?
Merci d’apprécié mes progrès et mon parcours. En repensant à l’endroit où tout a commencé, je me sens vraiment reconnaissante que ma famille aime la musique et qu’il y ait eu un piano à la maison ! Je dois aussi beaucoup à ma grand-mère, parce qu’elle m’a écouté attentivement, lorsque je jouais et m’a fait prendre conscience de l’impact que la musique peut avoir.
– Tu as commencé à composer très tôt après avoir appris le piano, puis la guitare. Même si tu mélanges plusieurs styles dans tes albums, comment es-tu venue au Blues ?
Je dirais que la chanson « Hurts Me Too » d’Elmore James est vraiment ce qui m’a permis de comprendre que le Blues était en moi. J’ai vu un groupe le jouer en live et je suis rentrée chez moi pour l’apprendre, parce que j’avais un désir ardent de la jouer. C’était aussi l’une des premières chansons que j’ai interprétées au chant. Puis, j’ai rejoint mon premier groupe de Blues peu de temps après ça, car quelqu’un m’avait entendu la jouer. J’ai finalement découvert de plus en plus de choses et j’ai appris que c’est la base de toute la musique Classic Rock que j’aime et avec laquelle j’ai grandi.
– Il y a deux ans, les choses se sont accélérées avec la signature chez Ruf Records, un label reconnu dans le monde du Blues pour son beau catalogue, puis est sorti de « On My Way ». J’imagine que cela a été une belle récompense et aussi une grande source de motivation, non ?
Absolument ! Je suis très reconnaissante que mon chemin ait croisé celui de Thomas Ruf à ce moment-là. Ruf Records est devenu comme une famille pour moi maintenant.
– La même année, il y a eu « Blues Caravan » avec Ghalia Volt et Will Jacobs. Qu’est-ce que tu retiens de cette expérience avec de jeunes artistes comme toi, et qui t’a aussi permis de partir en tournée hors des Etats-Unis ?
C’était la première fois que je voyageais hors des États-Unis, et surtout que je faisais une tournée ailleurs ! C’était très excitant et je ne savais pas à quoi m’attendre. C’était la première fois que je jouais aussi longtemps, soir après soir, et j’ai tellement grandi grâce à cette expérience. C’était aussi très amusant de jouer avec des artistes que je considère comme mes amis, parce qu’ils sont aussi très attachés à la musique et soucieux de bien faire.
Photo : Tino Sieland
– Et tu as eu aussi l’occasion de jouer aussi en Europe ensuite pour le 30ème anniversaire de Ruf Records, et notamment à Paris récemment au New Morning. Quelles différences as-tu noté entre le public américain et européen ? Est-ce que les amoureux de Blues sont les mêmes partout ?
Oui, j’étais tellement heureuse d’avoir eu l’opportunité de jouer à Paris ! J’ai eu envie de venir et d’y jouer toute ma vie et j’ai bien l’intention de revenir. Et je dirais que les amateurs de Blues sont les mêmes partout, mais que le public européen le fait vraiment savoir lorsqu’il s’amuse ! L’énergie dans la salle à la fin du spectacle pour un rappel est toujours très spéciale.
– Pour « Get Goin’ », tu as eu l’opportunité et la chance d’enregistrer avec Bernard Allison et son groupe. Il a aussi joué sur plusieurs morceaux et a produit l’album. Cela doit être une expérience incroyable, d’autant qu’elle a dû être très enrichissante à tous points de vue, non ?
Ce fut vraiment une bénédiction de travailler avec Bernard et son groupe. Ils ont fait de leur mieux pour me soutenir tout au long du processus. Bernard a notamment veillé à ce que je ne me limite en aucune manière. Il voulait faire ressortir toutes mes facettes musicales, ce que j’ai beaucoup apprécié. C’est gratifiant d’avoir travaillé dur ensemble et d’avoir cet album, dont nous sommes tous fiers.
– D’ailleurs, est-ce que tu avais déjà composé l’ensemble de l’album avant d’entrer en studio, ou y a-t-il eu un travail de co-écriture avec Bernard, ou juste quelques arrangements ou orchestrations sur certains morceaux ?
J’avais juste des ébauches de chansons et quelques arrangements avant d’entrer en studio, mais nous avons surtout beaucoup travaillé sur les chansons sur place.
– Justement, de quelle manière composes-tu ? Tu pars du piano ou de la guitare et est-ce que l’un ou l’autre va automatiquement donner la couleur du morceau ? La guitare peut être plus percutante, par exemple…
C’est vrai ! J’aime le côté percutant de la guitare et les chansons ressortent définitivement de manière différente. Je dirais que j’écris sur les deux instruments de manière égale. Généralement, je trouve une mélodie au chant et je construis autour de cela. La plupart des chansons commencent par le premier couplet, ou par ce qui finit par être le refrain, comme la chanson « A Doll’s Heart », par exemple. La mélodie du refrain est apparue, puis le reste de la chanson a été construit autour.
– Si « Get Goin’ » est très bluesy évidemment, on y décèle aussi des notes Pop, R&B, Soul, Soul et Rock. C’est important pour toi cette pluralité musicale ? Tu ne te sentais peut-être pas de réaliser un album purement Blues ?
Oui, il y a un mélange bluesy dans le son et les influences, car la pluralité musicale est très importante pour moi. J’essaie aussi de ne pas me concentrer sur la catégorisation de la musique que je fais, car cela peut limiter mon processus créatif au final. Au lieu de ça, je me concentre sur la création d’une musique que je ressens et qui résonne en m’étant fidèle intimement et aussi selon mon propre vécu.
Photo : Tino Sieland
– Même s’ils s’inscrivent dans une continuité très naturelle, « Get Goin’ » montre une étonnante maturité par rapport à « On My Way ». Tu as ressenti aussi une réelle progression dans ton jeu et dans la composition entre les deux albums ?
Merci ! J’ai vraiment l’impression d’avoir énormément grandi au cours des deux dernières années. Comme je le disais tout à l’heure, jouer soir après soir sur la tournée ‘Blues Caravan’ a vraiment renforcé mes capacités, et m’a aussi permis d’obtenir de plus en plus de premières parties et d’opportunités de festivals. Je pense aussi que certains changements personnels, ainsi que des pertes subies, m’ont fait plonger plus profondément en moi-même ce qui, je pense, transparaît aussi dans l’écriture.
– On l’a dit, tu es chanteuse, guitariste et claviériste. Dans quel domaine te sens-tu le plus à ton aise ? Seule au chant ou avec un instrument entre les mains ?
Jouer du piano et chanter est la configuration dans laquelle je me sens le plus à l’aise, car c’est comme ça que tout a commencé !
– Pour conclure, tu vas sûrement défendre ce nouvel album sur scène. Quels musiciens vont t’accompagner ? Ceux de Bernard, ou un autre groupe ?
Oui, j’ai vraiment hâte de jouer ces chansons en live et ce sera désormais avec mon propre groupe, mais si l’occasion se présente de jouer à nouveau avec Bernard, je la saisirai avec plaisir !
« Get Goin’ » de KATIE HENRY est disponible chez Ruf Records.