Il faut parfois des épreuves difficiles pour se forger une identité plus forte. Malheureusement, QUINN SULLIVAN vient d’en subir une, ce qui n’a pas manqué de provoquer une sorte de déclic chez lui. Cependant avec cette nouvelle réalisation, il ne donne pas dans le larmoyant et paraît même avoir beaucoup progressé et gagné en efficacité avec ce très bon « Salvation ». Son Blues Rock est aussi fin que très aiguisé, et les notes de Soul offrent une couleur nouvelle chez lui.
QUINN SULLIVAN
« Salvation »
(Provogue/Mascot Label Group)
Considéré comme un enfant prodige du Blues, le guitariste et chanteur compte déjà cinq albums à son actif avec « Salvation », dont la sortie est pour le moins spéciale. Alors qu’il était en pleine écriture et enregistrement de ce nouvel opus, il a appris le décès de sa mère, ce qui a fortement imprégné le contenu, à commencer par son titre. Forcément très personnel et emprunt d’émotion, c’est pourtant un QUINN SULLIVAN paradoxalement inspiré qui livre des morceaux matures et émouvants. Et c’est peut-être aussi ce qui va faire de lui un musicien de premier plan.
Pour autant, « Salvation » est un disque optimiste et tout sauf résigné. Co-écrit avec John Fields et Kevin Bowe (Jonny Lang, Kenny Wayne Shepherd, Etta James), on doit d’ailleurs aussi la production à ce premier et le résultat est lumineux. QUINN SULLIVAN continue d’aller de l’avant, faisant évoluer son Blues vers un Rock classique teinté de Soul. Six-cordiste aussi technique que gorgé de feeling, le natif du Massachussetts semble avoir fait de ce récent traumatisme une force créatrice étonnante.
Avec « Salvation », QUINN SULLIVAN élève un peu plus son niveau de jeu en réalisant son album le plus varié et abouti à ce jour. Vocalement aussi, l’Américain élargit son champ d’action. Parmi les moments forts, on notera « Once Upon A Lie », « Rise Up Children », « Half My Heart », « Dark Love » et le morceau-titre. En multipliant les collaborations aussi diverses que nombreuses, le songwriter se montre aujourd’hui aguerri et également beaucoup plus identifiable. Il donne même l’impression d’un nouveau départ, avec plus de profondeur.
Pilier et pionnier du Stoner Rock aux saveurs largement Desert et Space Jam dans l’esprit, FU MANCHU mène une carrière exemplaire, parvenant sans cesse à rester très prolifique au sein-même du groupe comme en dehors. Avec « The Return Of Tomorow », le quatuor du sud de la Californie est parvenu à une synthèse parfaite de l’évolution musicale qui les caractérise depuis toutes ces années. Lourd, aérien, délicat et accrocheur, ce nouvel opus s’apprête à déferler sur scène et c’est encore son guitariste, Bob Balch, qui en parle mieux.
– L’an prochain, FU MANCHU célèbrera ses 40 ans d’existence et un très beau parcours. Vous avez commencé en jouant un Punk Hard-Core avant de côtoyer ses sonorités plus Hard Rock pour enfin donner naissance au Stoner et au Desert Rock. Que retiens-tu de cette évolution ? Te paraît-elle assez naturelle avec des étapes finalement nécessaires ?
J’ai rejoint FU MANCHU en 1997, donc le son était déjà plutôt bien établi à ce moment-là. Tu sais, je connais des tonnes de musiciens, qui sont passés du Punk Hard-Core au Heavy Rock des années 70. Pour ma part, j’ai commencé avec des groupes de Heavy Metal de la fin des années 70, puis j’ai découvert le Punk Rock, donc c’est un peu l’inverse me concernant, mais mélanger les deux styles fonctionne totalement !
– Ca, c’est pour l’aspect musical de FU MANCHU, mais qu’en est-il des textes et des thématiques que vous abordez ? Est-ce que, de ce côté-là aussi, il y a eu de profonds changements et peut-être des remises en questions à un certain moment ?
En ce qui concerne les textes, ce serait plutôt une question à poser à Scott Hill. D’après ce que j’en comprends, il s’agit principalement d’inspiration de films de série B et de blagues internes, des sortes de ‘private jokes’. Mais je pense que cela va bien plus loin que cela.
– Est-ce que lorsqu’on fait parti du processus de création du Stoner/Desert Rock, comme c’est le cas pour FU MANCHU et quelques autres, on se sent un peu le gardien du temple ? Ou du moins le garant d’un style qu’il faut peut-être préserver, mais également faire évoluer ?
Pas vraiment, en fait. Au départ, nous n’avions pas vraiment l’intention de créer un son Stoner Rock. Le terme ‘Stoner Rock’ nous est même venu plus tard. Et puis, je pense que chaque style doit également évoluer. Je suis super content quand j’entends un groupe qui pense et qui joue en dehors de son genre d’origine en allant toujours de l’avant.
– Il a fallu attendre six ans pour que vous livriez ce 14ème album, « The Return Of Tomorrow ». Pourtant, FU MANCHU a été très actif avec un album live, des rééditions, trois Eps et même la bande originale d’un documentaire, sans compter vos tournées. Vous êtes vraiment un groupe d’hyperactifs, et on reviendra aussi sur tes projets personnels plus tard. Est-ce qu’avec toutes ces activités, il vous fallu trouver le bon moment pour vous poser et composer ces 13 nouveaux titres ? Attendre l’accalmie en quelque sorte…
Tu sais, nous nous réunissons pendant environ trois heures tous les jeudis. Ce sont trois heures vraiment très productives. Nous repartons généralement avec un morceau complet, ou au moins la moitié d’une chanson. Nous écrivons ensemble depuis si longtemps que c’est devenu une machine bien huilée à ce stade de notre carrière.
– FU MANCHU est aussi réputé pour être un groupe qui va sans cesse de l’avant. C’est ce que vous avez voulu signifier avec ce titre « The Return Of Tomorrow » ? Que rien n’est figé et vous êtes résolument tournés vers l’avenir ?
Carrément ! Et puis, tu sais, je reste vraiment conscient de notre incroyable longévité et je suis très reconnaissant à tous nos fans.
– Parlons plus précisément de ce nouvel et très bon album. Il est la quintessence parfaite du style FU MANCHU avec encore et toujours des nouveautés dans les compositions et bien sûr dans le son, qui ne cesse d’évoluer lui aussi. Il y a un énorme travail sur le ‘Fuzz’ comme souvent chez vous. Est-ce que, finalement, ce n’est pas la chose qui vous importe le plus ? Le faire grossir et lui faire prendre des directions différentes et nouvelles ?
Nous cherchons toujours à nous améliorer, c’est un fait établi. Ce sont les chansons qui comptent le plus, bien sûr. Mais si nous pouvons obtenir les meilleurs sons possibles, en tout cas pour nous et à nos oreilles, c’est ce qui compte le plus ! Par ailleurs, c’est très important pour nous dans le groupe que notre bassiste, Brad Davis, fabrique et conçoive ses fameuses pédales fuzz ‘Creepy Fingers’.
– « The Return Of Tomorrow » est aussi très particulier dans sa construction, puisqu’il est scindé en deux parties. La première est très Heavy et Fuzz et la seconde est plus Desert avec aussi un côté Space Jam. C’était l’ambition de départ ? De livrer des atmosphères opposées et aussi de pouvoir vous exprimer le plus largement possible ?
Oui, nous en avons discuté dès le départ. Quand nous avons commencé à écrire, nous avons essayé des chansons très lourdes, puis plus douces pour voir quel style servait le mieux les chansons. C’était d’ailleurs très amusant pour nous d’aborder ce disque avec l’idée que nous allions ensuite le diviser en deux.
– Est-ce que, dans le cas de FU MANCHU, cela demande d’être dans un certain esprit pour aborder au mieux ces ambiances très différentes ?
Pas vraiment, finalement. Personnellement, si je me sens inspiré, je vais en tirer le meilleur parti à ce moment précis et je vais composer autant que possible. Mais chaque semaine quand nous nous réunissons, c’est toujours dans l’idée de nous déchaîner et de nous défouler au maximum !
– D’ailleurs, comment allez-vous composer vos setlists pour les concerts à venir ? Elles seront plutôt axées sur le côté Heavy du groupe, et allez-vous intégrer ces nouveaux morceaux plus ‘légers’ comme des interludes, par exemple ?
Probablement, un peu des deux et le plus possible. C’est vrai que nous pourrions aussi en changer soir après soir. Et puis, cela dépend également s’il s’agit d’un concert spécifique de FU MANCHU ou d’une configuration en festival. Si c’est notre propre show, nous jouerons davantage le nouvel album, c’est certain.
– Justement, parlons des concerts, vous serez en tournée en Europe à l’automne, mais d’abord en juin avec un passage au Hellfest, votre deuxième, je crois. Votre dernière venue date de 2019. C’est un festival que vous appréciez particulièrement ?
Oui, le Hellfest est super fun ! La première fois que nous avons joué là-bas, je n’ai regardé ni la scène, ni le public jusqu’à ce que nous montions sur scène. Je me détendais tranquillement dans les coulisses en regardant l’émission « Showdown ». Et quelques minutes plus tard, nous jouions devant des milliers de personnes. C’est un contraste saisissant et jubilatoire !
– Enfin, Bob, j’aimerais que l’on parle aussi de tes multiples side-projets. Il y a Big Scenic Nowhere dans un registre Desert/post-Rock Progressif, Yawning Balch dans un registre assez proche et plus Psych et enfin Slower, qui est un album de reprises de Slayer dans des versions Doom étonnantes. C’est très varié et assez éloigné de FU MANCHU. Tu as besoin de te lancer ce genre de défi, ou c’est plus simplement un désir d’explorer d’autres styles, dont tu es aussi fan ?
Tu sais, mes influences sont très diverses. De plus, j’ai acheté une ‘Universal Audio OxBox’, qui me permet d’enregistrer très facilement mes guitares avec la qualité d’un album à la maison. Cela m’a aussi aidé à devenir plus prolifique. Big Scenic Nowhere et Yawning Balch sont un peu arrivés par hasard, et je n’ai pas su refuser. Je suis un grand fan du jeu de guitare de Yawning Man et de Gary Arce. J’ai secrètement toujours voulu collaborer avec eux. Je suis ravi que cela se soit produit et que cela continue d’exister. Yawning Balch va d’ailleurs bientôt sortir deux albums. L’idée que je m’en fais est plus posée et je me suis aussi bien amusé à faire le premier disque. Et nous avons presque terminé le deuxième. J’ai des tonnes de morceaux originaux cette fois-ci, et c’est génial.
– Enfin, et puisque l’on parle de tes projets annexes, est-ce que tu te consacres déjà à d’autres choses, ou es-tu essentiellement focalisé sur FU MANCHU et ce nouvel album pour le moment ?
FU MANCHU est mon activité principale. Nous tournons énormément pour soutenir « The Return Of Tomorrow » et j’en suis franchement ravi ! J’ai vraiment hâte que les gens l’entendent. Je pense que nous nous sommes vraiment surpassés sur celui-là !
Le nouvel album de FU MANCHU, « The Return Of Tomorrow », sera disponible le 14 juin sur le propre label du groupe, At The Dojo Records.
Garant d’un Rock US né dans les années 80 et devenu intemporel, BON JOVI est l’un des très rares groupes à avoir traversé presque toutes les époques sans trop d’encombres, jouant des coudes sereinement avec la vague Grunge, puis celle du Rock Alternatif. Et c’est probablement en restant fidèle à ce style inimitable et un songwriting efficace et rassembleur qu’il est devenu cette icone indétrônable. Avec « Forever », ce n’est pas une recette qu’il applique, mais juste un savoir-faire et sa vision du Rock américain qu’il met en œuvre. L’ensemble est plutôt entraînant et joyeux, le reflet d’un artiste accompli et libre.
BON JOVI
« Forever »
(Island Records)
Comme de coutume, les grincheux qui s’ennuient ne manqueront pas de cracher tout ce qu’il leur reste de fiel sur ce nouvel et seizième album de BON JOVI, une institution pourtant outre-Atlantique et où l’on n’oserait même pas imaginer lui manquer de respect. Mais ça, ce n’est pas chez nous, de ce que j’ai déjà pu en lire. Rappelons tout de même qu’en 40 ans de carrière, c’est plus de 130 millions de disques écoulés et tout un pan du Rock US bâti pour durer. Alors, « Forever » est peut-être très ‘mainstream’, certes, mais c’est plutôt une bonne nouvelle, car cela officialiserait le fait que les gens écoutent enfin de la vraie musique !
Bref, trêve de bistrot, on pourra aussi se lamenter sur l’absence de Richie Sambora (depuis plus de 10 ans quand même !) et quand on aura dit ça, on constatera que BON JOVI fait toujours du BON JOVI… Un comble ! Cela fait tout de même quelques décennies que le chanteur du New Jersey n’a plus rien à prouver et, malgré une intense chirurgie reconstructive des cordes vocales en 2022, il donne toujours le change et plutôt bien. On n’attend pas que « Forever » vienne renverser la table pour, tout à coup, présenter autre chose que ce qu’il fait déjà très bien. A 62 ans, le réveil serait un peu tardif.
Le sentiment qui domine ici, c’est que le frontman semble réellement rendre hommage à sa belle et longue carrière, puisque les clins d’œil ne manquent pas. Une façon aussi peut-être de retrouver des sensations passées et qui devraient ravir celles et ceux qui ont grandi avec ses premiers albums (et pas en les découvrant 20 ans après !). Et cette petite nostalgie latente n’est pas désagréable et donne même le sourire (« Legendary », « We made It Look Easy », « Living Proof » et sa talkbox, « The People’s House », « Walls Of Jericho » et le contemplatif « Hollow Man »). Si seulement, il y avait plus de BON JOVI dans ce bas monde…
Chanteuse, musicienne et productrice accomplie, ELIZA NEALS vient tout juste de sortir son troisième album, « Colorcrimes ». Cette nouvelle réalisation, toujours très Blues Rock mais aussi très Soul, est une sorte de plaidoyer pour la tolérance tant la situation qu’elle vit au quotidien dans sa ville de Detroit la touche. Très pointilleuse également, la frontwoman se renouvelle ici avec beaucoup de talent et une inspiration qui ne la quitte jamais. Retour avec elle sur ses nombreuses collaborations et la création de ce nouveau disque haut en couleur… avec toujours le même plaisir !
– Notre dernière interview date d’avril 2020. Nous étions en pleine pandémie, en plein confinement et tu venais juste de sortir ton album « Black Crow Moan ». Il n’a évidemment pas reçu la lumière méritée, mais as-tu pu le défendre normalement sur scène par la suite et comment a-t-il été accueilli ?
Heureusement, il a été ajouté sur ‘Sirius XM Bluesville Worldwide’ à 37 millions d’auditeurs coincés à la maison, donc je dirais que ce fut un énorme succès après tout. De nombreuses personnes ont été choquées et effrayées en se réfugiant chez elles. J’avais juste besoin de répondre à la tristesse et à l’inquiétude du monde avec ce nouvel album « Black Crow Moan ». J’ai eu la chance de pouvoir faire appel à une icône du Blues Rock et un ami, M. Joe Louis Walker, qui a chanté, joué de la guitare et produit également. Il a insufflé l’intensité parfaite à l’ambiance générale de « Black Crow Moan » et sur « The Devil Don’t Love You ». Il m’a également invité à jouer quatre fois à ‘Musitique Island’, une île privée appartenant au riche et célèbre Mick Jagger. Alors, je me suis dit pourquoi ne pas sortir « Black Crow Moan », puisque je possède mon propre label avec mon partenaire et que je peux guérir certaines âmes. J’essaie toujours de transformer les citrons en limonade (expression typiquement anglo-saxonne : « When life gives you lemons, make lemonade » – NDR).
– Sur « Black Crow Man », tu avais travaillé avec Joe Louis Walker et Derek St Holmes sur les morceaux et sur la production de l’album. Pour « Colorcrimes », c’est avec Barrett Strong Jr et Michael Puwal. Comment se sont faites ces rencontres, car on sent une réelle complicité entre vous autour des chansons ?
J’avais contacté Joe Louis Walker pour produire et figurer sur quelques chansons de mon album après l’avoir rencontré à New York, via mon ami et bassiste Lenny Bradford, un autre musicien emblématique du Blues. Il a réagi avec une véritable sympathie pour moi en tant qu’artiste et auteur-compositrice, ce qui m’a été d’une grande aide dans le milieu, car il est une icône. Derek St. Holmes est quant à lui une Rockstar de Detroit et un phénomène mondial connu pour avoir joué de la guitare et chanté avec Ted Nugent. Je venais de le contacter avec mon coproducteur et ami Mike Puwal, qui vivait à Nashville à l’époque, tout comme Derek, et il a dit oui. Il a adoré jouer sur mon album après s’être renseigné sur moi et écouté ma voix.
– D’ailleurs, « Colorcrimes » a des sonorités très différentes de « Black Crow Moan ». C’est aussi ce que tu cherchais en changeant d’équipe et de collaborateurs ?
Oui, je me réinvente toujours d’album en album tout en restant dans le Blues moderne et le style Blues Rock américain. Je travaille également avec le meilleur coproducteur, guitariste, auteur-compositeur et ami depuis 20 ans et qui se trouve également être l’ingénieur du son : Michael Puwal. Je l’avais embauché pour travailler à la fin des années 1990 dans le studio d’enregistrement de Barrett Strong. C’était en 1997, date depuis laquelle nous sommes amis et collaborateurs. Mike Puwal est avec moi depuis de nombreuses années et nous continuons simplement à faire ce que nous faisons. Les sons ne sont pas planifiés, ils viennent naturellement. Si je débute seule au piano, alors cela m’amène à l’idée suivante, mon orgue Hammond B3, puis les chœurs teintés de Gospel et ensuite la guitare glissée encore et encore. Je l’entends se développer dans ma tête. L’ambiance a été une sensation très clairsemée, ouverte et aérée et une sorte d’hymne nostalgique pour le morceau « Colorcrimes ». Je l’ai joué sur scène au ‘Bradenton Blues Festival’ juste avec mon piano et avec le groupe, nous sommes entrés très lentement en augmentant l’intensité de la chanson. C’est ainsi que j’ai abordé l’enregistrement. L’arrangement a été créé sur scène devant des milliers d’auditeurs attentifs, qui attendaient tous une sensation forte et nouvelle. Ils se sont immédiatement connectés avec moi sur le plan spirituel avec « Colorcrimes » et beaucoup ont été émus aux larmes. J’ai su immédiatement que ce serait mon nouveau single et mon inspiration pour tout l’album.
– Et comme pour l’album précédent, tu t’es entourée de nouveaux musiciens encore très, très bons. Comment as-tu effectué tes choix pour « Colorcrimes » ?
C’est toute une vie de travail et de relations avec les meilleurs musiciens du monde venus de Detroit et maintenant d’autres régions. Depuis que je tourne en tant qu’artiste de Blues Rock, je vais dans différents endroits pour enregistrer et s’ils sont là, ils font la session. Je sais qui a le sens des chansons, alors je les contacte. J’ai appris du meilleur auteur-compositeur et producteur que la ‘Motown’ avait à offrir et qui est mon mentor : le légendaire Barrett Strong Jr. Il m’a toujours dit que si je pouvais faire jouer les meilleurs musiciens avec moi sur mes disques, alors il fallait le faire. Et je suis ses conseils dans tout ce que je fais. Il est le maître de la production et de l’écriture de chansons. Cela fonctionne. Il a un ton parfait et son oreille entend tout. Si quelqu’un est hors ton, il est remis en place. Alors oui, c’est une expérience un peu humiliante et c’est ce que j’ai aussi appris à faire en studio.
– Est-ce aussi pour cette raison que tu as été enregistrer à Nashville, dans le New Jersey et dans le Michigan ? Tu es à nouveau allée à l’encontre des musiciens ?
Oui, ça marche comme quand je suis en tournée, je travaille sur des chansons en fonction des sessions et des musiciens en ville. Donc oui, je planifie tout, car la plupart des gens se trouvent dans différentes régions. Si on ajoute New-York, par exemple, j’y ai quatre studios d’enregistrement disponibles répartis sur quatre spots et avec des musiciens stellaires dans mon équipe. C’est une entreprise très coûteuse, donc si j’ai de très bons amis qui sont également des musiciens professionnels de studios, c’est parfait. Barrett Strong me disait aussi toujours que si vous écrivez la chanson, vous êtes également le producteur, parce que vous savez comment ça se passe mieux que quiconque. Donc, jusqu’à présent, ça a fonctionné pour moi. Je suis ouverte à travailler avec d’autres producteurs, mais je ne leur donnerai pas 20.000 $ pour faire ce que je sais faire. Tout cet argent doit être récupéré dans mon budget grâce aux ventes de disques et à la radio.
– D’ailleurs, et ce qui est même assez étonnant, c’est que la production de l’album est très homogène, malgré les différents studios et le nombre importants de musiciens. Le mix et le mastering ont dû être assez longs, j’imagine ?
Non, au contraire, la plupart des gens me regardent et pensent « Oh, vraiment ! C’est une productrice, je parie que ce n’est pas très bon ! ». Ensuite, ça arrive sur les ondes et c’est immédiatement ajouté à toutes les stations de radio et à Sirius XM. C’est donc que ça doit être bien, qu’elle fait quelque chose de bon. Lorsque vous étudiez l’art de la production de The Great Barrett Strong Jr. pendant plus de 20 ans, on acquiert des connaissances de ce génie musical. Il m’a appris comment embaucher des musiciens, comment produire ma propre musique, comment placer les choeurs, comment enregistrer ma voix en studio pour un album, comment mixer, comment obtenir certains sons à la batterie, etc… Tout est réglé dans ma tête et dans mes oreilles. Je suis une Américaine d’origine arménienne et nous sommes une nation de musique. J’ai obtenu un diplôme spécialisé en musique, j’ai étudié la direction d’orchestre, l’opéra, le piano et j’ai fait une tournée mondiale dans une chorale d’élite en compétition pour le chœur du monde à la ‘Wayne State University’. J’ai étudié avec le maître lui-même, M. Barrett Strong, qui a écrit, produit et arrangé la crème de la crème. Je sais comment faire en sorte que chaque chanson fonctionne avec la suivante, car c’est un sentiment et une ambiance que je ressens en studio juste en écoutant. Si c’est enregistré correctement avec d’excellentes performances et bien sûr que la chanson est bonne, vous ne pouvez pas vraiment vous tromper. Michael Puwal a également appris de Strong. C’est un musicien extrêmement talentueux, qui joue de tous les instruments et lui et moi avons travaillé ensemble en toute harmonie.
– Est-ce que, pour les concerts à venir, tu gardes le même dur noyau dur de musiciens, c’est-à-dire ceux qui t’accompagnaient déjà sur l’album précédent ?
J’ai différents musiciens partout dans le monde qui sont les meilleurs du genre. De nos jours, garder la même équipe coûte très cher, car il faut avoir un bus, acheter de la nourriture, payer les hôtels, etc…. Même les artistes avec de grandes maisons de disques font faillite en faisant des tournées. Tout dépend de combien vous dépensez en amont et gagnez ensuite au final.
– J’aimerais que tu me parles de la genèse de « Colorcrimes » et aussi de son titre. Est-ce que la pandémie, notamment, a eu impact sur l’écriture des textes, car ils sont paradoxalement très positifs ?
« Colorcrimes » a été écrit il y a longtemps sous l’influence de Mr. Strong. Nous avions même un chœur Gospel dessus, lorsque nous l’avons enregistré. Je l’ai écrite sur mon piano et il a adoré. J’ai grandi dans la banlieue de Detroit, où le racisme et l’intolérance sont bien vivaces. Je le ressens tous les jours, que cela s’adresse à moi également, parce que je suis blonde, arménienne, femme et aussi à mes amis noirs, musulmans et à d’autres minorités. Je me suis toujours sentie à l’aise avec les minorités, je ressens le besoin d’aider mes amis s’ils sont maltraités par un autre groupe ethnique. Et la plupart du temps, ce sont les suprématistes blancs. Je suis blanche, mais ne vous laissez pas tromper par l’extérieur. Par ailleurs, pour le morceau, j’ai senti qu’il y avait besoin d’une refonte des arrangements et je l’ai faite sur scène au ‘Bradenton Blues Festival’ l’hiver dernier. Les gens étaient en larmes, car cela a touché une corde sensible. Donc, je savais qu’il fallait insister sur le fait que nous avions encore des imbéciles racistes et sexistes sectaires à soigner dans ce monde. Alors, j’espère qu’ils entendront tous « Colorcrimes ».
– Un mot aussi sur l’atmosphère globale de l’album, qui est moins Blues Rock et plus Soul avec d’incroyables parties d’orgue et de piano encore. Et tu as également interprété l’intégralité des voix, c’est-à-dire incluant les chœurs. C’est ce côté très solaire que tu recherchais ?
Oui, j’adore le mélange de l’orgue B3, du piano et de ma voix qui est bluesy, Rock avec un soupçon de Soul. Donc oui, je suis contente de ce son global. Barrett Strong m’a appris à empiler les voix pour que cela ressemble à une chorale, c’est ce que j’ai fait. Tous les chœurs sont de moi. Je sais aussi comment apporter un son plus religieux. Je suis très heureuse de l’album dans son ensemble. Si je peux l’écouter et que je ne m’en lasse pas, alors j’ai réussi.
– Enfin, j’aimerais qu’on parle aussi de ta venue en France en septembre prochain au ‘Léman Blues Festival’ et en tête d’affiche d’ailleurs. Quels sont les sentiments qui t’animent et surtout vas-tu en profiter pour donner d’autres concerts ici, ou ailleurs en Europe ?
J’attends avec impatience le ‘Léman Blues Festival’ le 13 septembre prochain et je vous apporterai mon vaudou de Détroit ! Merci beaucoup ! La France est un endroit que j’ai toujours voulu visiter. Lorsque le festival m’a appelé, j’ai été très heureuse d’accepter. Il inclura des amis et des musiciens fabuleux dans une ambiance Blues Rock et Soul de Detroit et ce sera quelque chose que vous n’avez encore jamais entendu.
L’album d’ELIZA NEALS, « Colorcrimes », est disponible chez E-H Records LLC et sur toutes les plateformes de streaming.
Retrouvez la chronique de l’album précédent :
Et une première interview réalisée avant la création du site sur Facebook…
Avec deux guitaristes qui se donnent le change et une rythmique lourde, ABRAMS s’envole grâce à la voix de son frontman, véritablement habité par les textes qu’il porte. Après le sombre « In The Dark » qui les avait propulsés, les Américains changent quelque peu leur fusil d’épaule pour un Stoner Rock costaud dans lequel lévitent des ambiances très personnelles, foudroyantes et parfois sourdes. « Blue City » n’est pas un disque comme les autres et le côté Noise de certains morceaux n’y est pas étranger.
ABRAMS
« Blue City »
(Blues Funeral Recordings)
Chef de file de la scène underground de Denver, ABRAMS poursuit son expérimentation musicale, comme s’il était en quête de sa véritable identité. Sludge Progressif et post-HardCore à ses débuts avant d’emprunter des sonorités Stoner Metal teinté de Rock, le quatuor livre un cinquième album encore différent et s’aventure cette fois dans des contrées toujours Stoner, bien sûr, avec un côté Psych assumé et une impression globale très aérienne, progressive et parfois même tirant sur l’Alternative Rock.
Cet étonnant mix à l’œuvre sur « Blue City » présente aussi des couleurs post-Rock assez grungy. Une sorte de post-Grunge pleine d’émotions aux sentiments très contrastés et accrochés à des refrains accrocheurs. Et il faut bien reconnaître que cette nouvelle réalisation a également un aspect très cinématographique, mis en évidence par une tracklist qui se tient et forme une belle unité. ABRAMS nous plonge dans un monde où l’épaisseur des riffs se mêle aux mélodies.
Et la formation du Colorado a fait appel au producteur idéal pour « Blue City ». C’est en effet Kurt Ballou (Converge, Torch, High On Fire) qui a parfaitement saisi la complexité de l’univers du groupe. Sur un groove massif et une fausse impression de flou, les titres défilent avec une froideur constante pourtant pleine d’énergie (« Tomorrow », « Fire Waltz », « Etherol », « Lungfish », « Narc »). ABRAMS et son chanteur Zachary Amster trouvent l’inspiration dans de multiples sources, tout en gardant une vibration permanente qui ensorcelle.
Il est exubérant, flamboyant et il respire l’âge d’or du Rock’n’Roll à pleins poumons malgré sa jeunesse. Totalement débridé, le songwriter aura attendu seulement un EP et deux albums avant de réaliser son premier live. C’est dire la témérité et l’exaltation de GYASI, homme de spectacle et musicien accompli. Avec « Rock n’Roll Sword Fight », il expose une identité musicale hors-norme et explose les codes établis.
GYASI
« Rock n’Roll Sword Fight »
(Alive Naturalsound Records)
Il y a deux ans, j’avais eu le plaisir de poser quelques questions au très électrique GYASI à l’occasion de la sortie de son deuxième album, « Pronounced Jay-See ». Dorénavant basé à Nashville, le natif de Virginie Occidentale poursuit son périple et ce n’est pas très surprenant de le voir surgir avec « Rock n’Roll Sword Fight », un live qui se trouve être le parfait reflet de l’intense énergie qu’il déploie et surtout du son qui émane de son travail en studio. Une sorte de prolongement, en somme.
C’est donc dans son élément de prédilection, la scène, que l’Américain a capté les émotions et l’intensité de son jeu. GYASI nous fait le plaisir de se livrer sur près d’une heure d’un Rock’n’Roll fougueux, où il ne prend d’ailleurs guère le temps de lever le pied. Dans une atmosphère très 70’s et porté par un public restreint mais tout acquis, le guitariste et chanteur fait le show… et il le fait même très bien ! La tempête décibélique fait son œuvre et devient même addictive.
Théâtral et incandescent, GYASI incarne littéralement le renouveau du Glam Rock perçu sur « Pronounced Jay-See », et apporte beaucoup de fraîcheur à un registre où l’on se délecte des références à Led Zeppelin, T-Rex et aux Stooges avec un soupçon de Bowie et de Slade. Il se les est accaparé et, très bien soutenu part un groupe efficace, il laisse parler un univers très personnel. A noter en fin d’album les versions survoltées du medley « All Messed Up » et le génial « Sugar Mama ». Un vent de liberté !
Avec un chant féminin aussi incantatoire que virulent, le Doom de CASTLE RAT oscille entre un Heavy Metal porté par la NWOBHM et un Stoner chargé et obscur. Vintage dans le fond comme dans la forme, « Into The Realm » se fait l’écho d’un groupe déterminé et plein d’audace. La sincérité des New-Yorkais transpire sur les morceaux de ce premier disque aux délectatives couleurs revival.
CASTLE RAT
« Into The Realm »
(King Volume Records)
Tout juste cinq ans et quelques singles après sa création, CASTLE RAT sort son premier album et nous propose un bon dans le temps. Dans un univers très médiéval aux saveurs fantasy, la formation de Brooklyn propose un Heavy Stoner Doom très vintage, bien maîtrisé et où chaque code du genre est respecté. Entre influences issues de la NWOBHM et un proto-Metal rappelant Manilla Road et Candlemass, le quatuor soutenu en live par Maddy Wright, alias ‘The Rat Reapress’, se montre épique.
Avec « Into The Realm », CASTLE RAT n’entend pas révolutionner le genre, mais s’attèle surtout à entretenir un bien bel héritage. Sur des riffs tendus et épais, des solos bien distillés et une rythmique basse/batterie lourde et efficace, le combo arpente des chemins mystiques, guidé par la voix envoûtante bardée de réverb’ de sa frontwoman Riley Pinkerton, qui se montre fascinante en donnant un relief particulier à cet opus. Bien qu’un peu court, on se laisse vite emporter par cette atmosphère très sombre et Heavy à souhait.
Conçu sur un modèle narratif, « Into The Realm » s’articule autour de trois interludes instrumentaux (« Resurrector », « The Mirror », « Realm »), qui font corps avec l’ambiance globale. La chevauchée de CASTLE RAT ne manque ni de sel, ni de variété et les Américains multiplient ainsi les configurations en se distinguant habillement (« Dagger, Dagger », « Feed The Dream », « Fresh Fur », « Red Sand » et le plus léger et mystérieux « Cry For Me »). Direct et parfois même hallucinatoire, ce premier effort ne lâche rien.
Avec « Electrified », TYLER BRYANT &HE SHAKEDOWN présente la quintessence de la musique roots américaine telle qu’il l’entend. Très Blues et minutieusement teinté de Country, le Southern Rock de la formation du Tennessee atteint son apogée avec cette nouvelle réalisation d’une rare authenticité. Avec son explosif frontman, le groupe déploie une énergie frénétique sur des solos et des riffs mélodiques et foudroyants. Un régal !
TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN
« Electrified »
(Rattle Shake Records)
Depuis qu’ils se sont affranchis de leur ancienne maison de disques et avec surtout la création de leur propre label, Caleb Crosby, Graham Whitford et Tyler Bryant semblent sur un petit nuage. Déjà sur le précédent « Shake The Roots » (2022), on avait très nettement senti ce vent de liberté, cet esprit insaisissable et cette volonté de renforcer le côté Southern et American Roots de leur musique. Toujours aussi Rock, mais aussi Blues et Country, TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN a littéralement trouvé son allure de croisière avec « Electrified ».
Evidemment très organique, la production de ce nouvel opus donne carrément l’impression d’être projeté dans la même pièce que le trio et le groove qui s’en dégage est quasi-hypnotique. Le combo de Nashville sait où il va et si le son parait volontairement très live et sauvage, la maîtrise est totale. Accrocheur et énergique, « Electrified » ne contient aucune fausse note. TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN avance d’un seul homme sur des compos particulièrement bien arrangées avec, notamment, des parties de guitares étincelantes.
Ce sixième album reflète parfaitement son titre et la chevauchée promise est farouche, mais aussi très délicate. D’entrée, « Between The Lines » met le feu aux poudres avant que le shamanique « Crossfire » ne nous emporte vraiment. Les Américains présentent des titres courts d’une redouble efficacité (« Snake Oil », « Trick Up My Sleeve », « Dead To Rights »). Rebecca Lovell de Larkin Poe, Madame Bryant, vient même faire les chœurs sur « Happy Gets Made ». TYLER BRYANT & THE SHAKEDOWN entre dans la cour des grands de la plus belle des manières !
Alors que Living Coloür a repris la route, son chanteur s’offre une petite escapade avec SONIC UNIVERSE, nouveau groupe ultra-dynamique, qui évolue dans un style pas si éloigné. Entre Metal et Funk, « It Is What It Is » se montre d’une créativité gourmande guidée par quatre cadors, qui font parler leur expérience avec talent et spontanéité. Très vivant et tout aussi sensible, l’ensemble assène une bonne claque revigorante !
SONIC UNIVERSE
« It Is What It Is »
(earMUSIC)
Eternel frontman de Living Coloür depuis 1994, Corey Glover réapparait avec un nouveau projet très ambitieux et qui aurait même presque pu être une nouvelle réalisation de sa formation d’origine. Mais la touche et le son de son emblématique fondateur et guitariste Vernon Reid ne sont pas de la partie. Cependant, SONIC UNIVERSE ne manque pas de piquant et vient réoxygéner un registre à bout de souffle. Car, il est ici encore question d’un Crossover Metal Funk de haut vol.
Cette fois encore, le frontman est très bien entouré, puisqu’il a fondé le groupe avec le six-cordiste Mike Orlando d’Adrenaline Mob et les très, très bons Booker King à la basse et Tyakwuan Jackson à la batterie. SONIC UNIVERSE, c’est du lourd et la technicité du quatuor en est presqu’étourdissante. Le groove de la rythmique percute autant qu’il envoûte et, même si le jeu hyper-shred d’Orlando se perd parfois un peu, l’intense fraîcheur dégagée prend toujours le dessus.
Et face à cette déferlante décibélique et cette avalanche de riffs, la voix gorgée de Soul de Glover surnage et son authentique émotion fait le reste. Comme toujours, ses textes prônent la tolérance et appellent à l’unité dans une Amérique plus fascisante que jamais. De rebondissements en rebondissements, SONIC UNIVERSE évolue avec une folle énergie, tout en se forgeant une identité forte (« I Am », « My Desire », « Life », « Higher », « I Want It All » et le morceau-titre). Une première qui atteint des sommets !
G N’R bien sûr, mais aussi Velvet Revolver, Slash’s Snakepit ou encore Myles Kennedy & The Conspirators, le détenteur de multiples et prestigieuses distinctions, et aux plus de 100 millions d’albums vendus, revient aux origines, celles du Blues. Avec « Orgy For The Damned », une nouvelle réalisation de covers, SLASH atteste qu’il est l’un des plus grands six-cordistes de sa génération et l’incarnation d’un feeling musical hors-norme. Et malgré quelques petits ratés, l’entreprise du guitar-hero est belle et se balade entre Rock, Blues et le tout dans un esprit très (trop ?) mainstream.
SLASH
« Orgy Of The Damned »
(Gibson Records)
SLASH fait son retour en solo, ou presque, avec un sixième album logiquement signé chez Gibson Records. Et pour un peu, il nous ferait le même coup qu’avec son premier, axé lui aussi autour d’une liste d’invités très séduisante. Cette fois, le Londonien de naissance se penche sur ses premières amours, ses influences fondatrices : le Blues. Cela dit, il y a plusieurs niveaux de lecture, ou d’écoute, dans la découverte de cette « Orgy For The Damned ». Et cela pourra désarmer les puristes et même les faire fuir, comme séduire les néophytes du genre.
Car s’il ravit sur bien des aspects, il peut également passer pour une sorte de grand barnum, comme ces concerts de charité qu’affectionnent les Américains et qui voient défiler des stars venues surtout se faire plaisir. Il y a un peu de ça, il faut le reconnaître. Et en la matière, SLASH sait y faire et est vraiment rompu à l’exercice. Le casting est bon, les morceaux choisis aussi et leurs interprétations tout autant. Et il nous gratifie même d’un inédit instrumental, « Metal Chestnut », vraiment plaisant. Mais entre les pépites, il demeure malgré tout quelques bémols de taille.
Avant d’entrer dans le détail, notons que l’ensemble est produit par Mike Clink, encore et toujours irréprochable. Présents sur tous les morceaux, on retrouve aussi les comparses de SLASH de l’époque ‘Slash’s Blues Ball’, combo épisodique des années 1996/1998, à savoir Johnny Griparic (basse) et Teddy Andreadis (claviers), auxquels viennent s’ajouter Michael Jerome (batterie) et le très bon Tash Neal (guitare, chant). Ce dernier interprète d’ailleurs l’excellent « Living For The City » de Stevie Wonder. Une surprise. Autant dire que ces gars-là connaissent et transpirent le Blues par tous les pores.
Les reprises sont bien vues : Robert Johnson, T. Bone Walker, Albert King, Willie Dixon, Charlie Segar, Steppenwolf, … Et « Orgy For The Damned » fait très fort avec les présences de Chris Robinson des Black Crowes, Gary Clark Jr, Billy F. Gibbons, Chris Stapleton et la grande Beth Hart, littéralement habitée sur ce « Stormy Monday » qu’elle connait si bien. Brian Johnson d’Ac/Dc n’a pas, non plus, à rougir de ce « Killing Floor » avec Steven Tyler à l’harmonica. En ce qui les concerne, c’est souvent somptueux et SLASH se montre d’une classe incroyable. On est là entre gens du Blues… ou très proches.
Puis, il y a ce qui va beaucoup moins bien à l’instar du chant très poussif de Paul Rodgers, ou encore Demi Lovato d’une banalité confondante sur le pourtant très Pop « Papa Was A Rolling Stone ». Et si la chanteuse Dorothy est à côté de la plaque sur « Key To The Highway », la palme d’or de la navre revient à Iggy Pop, blafarde iguane sur « Awful Dream », une vieille habitude chez lui. Mais ces quatre titres ne ternissent heureusement pas vraiment la qualité de ce nouvel opus de SLASH. S’il reste un mythe vivant de la guitare, il n’en est encore rien en termes de casting. Mais c’est un beau moment au final.