Avec « Twenty Graves Per Miles », RUBEN ROMANO a suivi ses envies et celles-ci l’ont mené à travers un univers Desert Rock entre Psych et musique de film. De western plus précisément. Le multi-instrumentiste et songwriter de The Freeks, batteur de Fu Manchu et ex-Nebula, prend ici un virage artistique aussi étonnant que parfaitement maîtrisé. Avec cette escapade musicale, l’Américain nous propose de sauter dans un wagon et de se laisser entraîner dans un périple saisissant.
RUBEN ROMANO
« Twenty Graves Per Mile »
(Desert Records)
Imaginer et concevoir la bande originale imaginaire d’un western imaginaire, telle a été l’entreprise de RUBEN ROMANO, artiste complet et ingénieur du son. Actuel leader de The Freeks dans lequel il officie au chant et à la guitare, mais aussi à la basse et à la batterie au niveau de la composition, il est également et surtout connu pour être, ou avoir été, derrière les fûts des mythiques formations Fu Manchu et Nebula. Un CV conséquent et qui en dit long, mais ce n’est pas de Stoner dont il est question ici.
Loin des élans Rock’n’Roll qui le caractérise habituellement, RUBEN ROMANO a profité d’un break avec son groupe et c’est sans calcul que « Twenty Graves Per Mil » a vu le jour. Très organique, l’atmosphère Psych et Desert Rock de l’album possède en effet des allures de western. Immersif et très acoustique, c’est ce côté épuré que l’on retrouve sur l’intégralité de cette aventure solo aride et presqu’entièrement instrumentale, à l’exception de quelques voix sur « Jump Off Town (From Anywhere) » en toute fin.
Ce road-trip à travers les grands espaces menant vers l’Ouest américain demeure toutefois très narratif, malgré l’absence de textes. En ouvrant et en refermant « Twenty Graves Per Miles » avec le titre « Load The Wagon » décliné en deux parties, RUBEN ROMANO peut laisser son imagination et sa créativité s’étendre à travers des sonorités où chacun peut librement se raconter ses propres histoires. Car c’est d’histoires dont il s’agit, et de liberté aussi, dans cette ambiance paisible et captivante.
Avec une telle signature vocale, il n’est pas si surprenant de voir BYWATER CALL gravir à ce rythme les échelons et surtout s’établir de belle manière sur une scène Southern Blues Rock, qui n’a pas été aussi vivante depuis des décennies. Guidée par sa frontwoman Meghan Parnell, elle-même accompagnée par un brillant sextet, la formation canadienne vient de publier son troisième album, « Shepherd », chaleureux, joyeux et dont il est difficile de se défaire. Enchaînant les concerts comme les distinctions, la chanteuse se livre sur l’approche musicale du groupe, sa liberté nouvellement acquise et le talent des musiciens qui forment cette belle entité ancrée dans une Soul renversante.
– Après votre premier album éponyme en 2019, puis « Remains » en 2022 suivi de l’EP « Beyond The Doorway » l’an dernier, vous revenez avec « Shepherd », qui est probablement votre réalisation la plus aboutie. Est-ce que BYWATER CALL a enfin, selon toi, complètement cerné son identité musicale à travers un style que vous aviez en tête depuis vos débuts ?
En fait, je ne sais pas si nous parviendrons un jour à définir pleinement notre identité musicale. En tant que groupe, nos influences et nos inspirations sont si diverses et en constante évolution que je pense, et j’espère, que notre son continuera d’évoluer au fil du temps. Nous sommes fiers de la diversité de la musique que nous créons. Je pense que cela nous permet d’emmener nos auditeurs dans un véritable voyage. Et j’espère que malgré cela, ou peut-être grâce à cela, nous avons, ou serons bientôt en mesure, de créer un son qui nous est propre.
– D’ailleurs, si « Shepherd » est si assuré et inspiré, est-ce le résultat de la centaine de concerts donnés à travers une dizaine de pays aux côtés de grands noms l’année dernière ? Est-ce que cette expérience acquise vous a aidé dans la composition de ce nouvel album, ou du moins dans son interprétation ?
Oui, je pense que tous ces concerts donnés ensemble au cours des 18 derniers mois nous ont vraiment aidés à nous fixer. Je crois que nous avons une confiance en notre musique et elle continue de grandir à mesure que nous nous appuyons sur nos points forts. Et bien sûr, les opportunités de côtoyer de grands talents, ou en devenir, ont certainement eu une influence. C’est toujours formidable de voir comment d’autres musiciens opèrent. Je crois que nous pouvons tous apprendre les uns des autres.
– Il y a une autre nouveauté avec ce troisième album. Vous avez quitté votre label, Gypsy Soul Records, pour vous autoproduire. Même si on peut facilement comprendre votre envie de liberté, est-ce que le support d’un label a moins d’importance aujourd’hui dans une industrie musicale qui a beaucoup changé ?
Il y a bien sûr beaucoup d’outils à la disposition des artistes indépendants aujourd’hui C’est formidable pour tous ceuyx qui peuvent ainsi prendre leur carrière en main. Je pense que c’est important. C’est beaucoup de travail de sortir un album tout seul et il y a beaucoup d’opportunités qui peuvent être manquées ou négligées. Il est difficile de savoir si vous faites vraiment tout ce qu’il faut. Avec une maison de disques, c’est agréable de sentir que vous faites partie d’une équipe, qui a l’expérience et la sagesse, et qui connait la meilleure façon de sortir de la musique efficacement. Pour notre part, nous voulions vraiment essayer de faire quelque chose par nous-mêmes, ce que nous n’avions pas encore fait. C’est une grande entreprise et nous avons beaucoup appris.
– Vous avez donc enregistré « Shepherd » vous-mêmes et la production est littéralement éclatante et trouve un bel équilibre. Justement, est-ce que le fait d’avoir été seuls aux commandes cette fois vous a permis d’oser plus de choses ?
Nous avons eu beaucoup de chance que Bruce (McCarthy – NDR), notre batteur, ait un petit studio et une bonne expérience comme ingé-son et aussi en mixage. Lorsque nous avons décidé de nous lancer dans cet album, il nous a gracieusement donné beaucoup de son temps et de son espace pour que nous puissions le mettre au point. Et oui, je pense que nous avons pu faire pas mal d’expérimentations grâce à ça. Nous savions que nous voulions une certaine esthétique pour certains morceaux et chez Bruce, nous expérimentions avec les micros et la façon de les utiliser, ainsi que les effets de lumière dans la production. Pour quelques chansons, nous voulions incorporer des percussions captivantes et Bruce a pu prendre le temps de jouer avec ça chez lui. De plus, grâce à la façon dont l’album a été conçu, Dave (Barnes – NDR) a pu enregistrer beaucoup de ses guitares chez lui, ce qui lui a donné beaucoup de liberté pour travailler sur la façon dont il voulait que ses parties sonnent.
– L’autre point fort de l’album est la puissance de ta prestation vocale, Meghan. On a le sentiment que tu guides vraiment ces nouveaux morceaux. Est-ce que cela est également dû au fait que vous ayez retrouvé une totale liberté artistique qui transparaît beaucoup plus dans ton chant ?
Ma voix sera toujours un élément important de n’importe quel morceau pour créer l’ambiance d’une chanson. Cependant, nous essayons de plus en plus de trouver l’équilibre idéal, les parties les plus fortes et les plus efficaces de ma voix, et de nous y concentrer au lieu de ressentir le besoin de nous mettre en valeur. Je pense que plus nous jouons et enregistrons, plus je suis à l’aise et confiante dans le fait que ma voix sera entendue, même dans les moments les plus tendres, délicats et décalés, et je pense que c’est tout aussi important. Au fur et à mesure que nous expérimentons, comprendre que je n’ai pas toujours besoin de chanter fort, et au plus haut de ma tessiture pour être entendu, nous aide vraiment à trouver des idées nouvelles et intéressantes.
– L’autre chose qui domine à l’écoute de « Shepherd », c’est cette ambiance très positive et joyeuse. L’esprit Southern est toujours l’élément principal et il y a aussi des sonorités typiques de la Nouvelle-Orléans, qui sont parfaitement incarnées dans « Sweet Maria », notamment. Cette chanson a-t-elle été une sorte de déclic pour conditionner l’atmosphère globale de l’album ?
Nous avons toujours voulu capturer la chaleur et la joie dans notre son. Nous pensons qu’il est important de faire ressentir quelque chose aux gens à travers notre musique et sur cet album, nous avons définitivement célébré cela dans de nombreux morceaux comme « Sweet Maria », « Turn It Around », « Roll » ou « For All We Know, Sign of Peace ». Toutes ces chansons ont une ambiance très positive et estivale.
Je crois que l’on peut dire que « Sweet Maria » a été le début de tout ça. La chanson nous a été apportée par John Kervin (claviers – NDR) et elle dégage une atmosphère tellement agréable dès le début. Il a eu la gentillesse de me laisser creuser vocalement et lyriquement cette idée de célébration, et avec un peu d’expérimentation, nous avons fini par obtenir « Sweet Maria ». C’était le premier nouveau morceau de l’album que nous avons enregistré et sorti en single aussi. Et il semble avoir donné le ton approprié à tout ce qui a suivi ensuite.
Nous avons écrit « Sign of Peace », le dernier morceau de l’album, il y a des années, au tout début de la création du groupe. Nous l’avons donc beaucoup joué et il a évolué au fil du temps, mais il ne nous a jamais semblé pertinent de l’enregistrer. Avec l’ambiance plus joyeuse de cet album et un penchant plus éclectique, cela semblait être le bon moment. Nous avons pensé que nous pourrions nous amuser un peu avec. Alors, Steve (Dyte, trompette – NDR) a écrit un superbe chorus à quatre voix dans un premier couplet pour aider à capturer l’ambiance de la Nouvelle-Orléans et cela s’intègre parfaitement dans le paysage de « Shepherd ».
– L’orgue et les cuivres sont aussi plus présents sur l’album, ce qui lui donne un aspect plus Soul et un peu moins Rock peut-être. C’est une manière de jouer plus facilement sur les émotions avec plus de douceur dans l’approche musicale et le son ?
Exploiter les émotions est très important pour nous et nous nous efforçons toujours de nous améliorer. Chaque musicien du groupe est incroyablement talentueux, nous voulons donc nous assurer de mettre en valeur et de cultiver tous nos points forts. John est un claviériste incroyable et Julian (Nally, saxophone – NDR) et Steve (trompette) travaillent si bien ensemble. Il est donc important de mettre cela en valeur. Nous aimons faire bouger les morceaux… Mais nous aimons encore plus les moments très Soul, plein d’émotion et de joie. Et les cuivres et l’orgue contribuent à adoucir l’esthétique de la musique.
– On l’a dit, vous avez beaucoup tourné et notamment en Europe, où vous avez aussi participé à la ‘Sea Mediterranean Cruise’ de Joe Bonamassa. Aujourd’hui, cela vous vaut d’être nominés aux UK Blues Awards pour le prix du meilleur artiste international. C’est déjà une belle récompense, d’autant qu’elle arrive d’un autre continent. Dans quel état d’esprit êtes-vous ? Et cela doit être également une grande motivation…
Cette nomination a été une surprise totale. Je l’ai découvert lorsque nous avons été tagués dans un post sur les réseaux. Venant d’un pays où nous n’avions eu l’occasion de faire qu’une seule tournée à ce moment-là, et considérant les artistes phénoménaux aux côtés desquels nous étions nommés, c’était vraiment un honneur. Etre mentionné aux côtés de Larkin Poe notamment est incroyable. Cela dit, je pense qu’il est important de ne pas accorder trop d’importance aux récompenses, il y a trop d’artistes fantastiques pour que tout le monde soit correctement reconnu… mais ça aide de savoir que notre musique est appréciée !
– Enfin, on assiste depuis quelques temps à un certain renouveau de la scène Southern Rock et Blues avec l’émergence de formations comme la vôtre d’ailleurs, qui ont vraiment su se faire une place. Qu’est-ce que cela t’inspire de voir ce style si emblématique trouver un second souffle avec une nouvelle génération pleine de talent ?
Je pense que c’est très encourageant de voir qu’il y a encore une place pour la musique live dans le monde numérique et celui des DJ d’aujourd’hui. Il y a une chaleur, une émotion et une humanité qui semblent souvent absentes dans une grande partie de la musique actuelle, du moins pour moi. Voir de nouveaux groupes dans des genres similaires au nôtre réussir à attirer un public est une victoire pour nous tous. Plus ce renouveau touche de fans, plus il y en aura de nouveaux à même d’écouter tous ceux qui tentent leur chance… Les adeptes de la scène Southern Rock et Blues, nouveaux comme anciens, ont beaucoup de place dans leur cœur pour les artistes établis et aussi émergents. Ils veulent juste faire partie de quelque chose de magique, comme nous.
Le nouvel album de BYWATER CALL, « Shepherd », est disponible sur le site du groupe, tout comme les billets de la tournée qui aura lieu du 2 octobre au 22 novembre prochain en Europe : www.bywatercall.com
Photos : Juan Perez-Fajardo (1), Erin Cosentino (2, 3), Mal Whichelow (4) et Zoran Veselinovic (5).
Avec sa nouvelle formation, le six-cordiste, songwriter et producteur Jason Hook tourne la page de son ancien groupe en se montrant plus créatif. Résolument moderne dans le son et l’écriture, le Canadien a effectué un recrutement de choix, tout en mixant un virulent Hard Rock avec des incursions bien sentiers vers le Nu Metal et brièvement le MetalCore. Avec un tel premier effort, FLAT BLACK ne devrait pas rester bien longtemps dans l’ombre.
FLAT BLACK
« Dark Side Of The Brain »
(Fearless Records)
Après avoir œuvré chez Five Finger Death Punch une bonne décennie et participé à six albums majeurs du groupe, Jason Hook avait décidé de quitter le navire, estimant qu’artistiquement, l’essentiel avait été réalisé. Et on ne peut que lui donner raison. Ensuite, c’est aux côtés de l’excellent Corey Marks et de la chanteuse Dorothy Martin qu’il a continué à distiller ses talents de guitariste et de compositeur. Et c’est l’an dernier qu’il monte FLAT BLACK, un combo de musiciens affamés et inspirés.
Regroupés autour de leur leader, qui produit également l’album avec Chris Collier (Korn), le chanteur Wes Horton, le bassiste Nicholas Diltz et le batteur Rob Pierce donnent le meilleur d’eux-mêmes et malgré un relatif anonymat, ils se montrent à la hauteur et très aguerris. FLAT BLACK possède une belle force de frappe et l’Alternative Metal des Américains déploie une énergie féroce et constante. Certes, on y retrouve aussi quelques touches identifiables à FFDP, puisque Hook en a longtemps été la signature sonore.
Ici, il sort l’artillerie lourde et son jeu est fulgurant. Toujours aussi impressionnant au niveau des riffs, les mélodies ne sont pas en reste et le frontman se fait lui aussi plaisir en variant le clair et le scream sur une rythmique survoltée. FLAT BLACK a de beaux arguments, capable d’être tranchant et brutal tout en imposant des refrains accrocheurs (« It’s Ok To Be Angry », « Sideways », « Home », « Halo », « Unwanted », « It’s Your Lack Of Respect »). Le quatuor signe ici une entrée en matière fracassante avec cet opus massif.
La période estivale étant plus propice à la rêverie et, de fait, à un repos bien mérité, j’ai pris le temps pour une fois de me laisser embarquer et endormir par les réseaux sociaux pour voir un peu ce qu’il s’y dit. Une façon aussi de tâter le pouls de la population à travers des commentaires, souvent peu inspirés et inutiles, mais parfois intéressants quant aux idées et aux impressions qui se dessinent derrière un vocabulaire peu poétique ou judicieux. Mais bon… Peu importe et la chose qui m’a marqué, car elle revient souvent, est le fait que beaucoup de fans parlent des albums de leurs artistes préférés en affirmant qu’ils sont devenus ‘mainstream’… ce qui est dommage, a priori ! Et rien que ça mérite de s’y arrêter un petit instant.
Avant tout, je tiens à dire que j’ai aussi du employer le terme à quelques reprises cette année : je suis donc à mettre dans le même panier ! Pour faire court, est ‘mainstream’, ce qui s’adresse à la masse via les gros médias et qui devient donc abordable et compréhensible par toutes et tous. Et derrière cette accessibilité nouvelle se cache aussi le fait que ce soit destiné à une population la plus large possible et donc, si on pousse le bouchon un peu plus loin, c’est devenu commercial… et ça, c’est mal ! Alors, je veux bien, mais si on regarde le Metal notamment, qu’est-ce qui est devenu grand public ? Parce qu’en dehors du Hellfest pour les festivals et de l’album de Metallica (quoique !), c’est le grand vide.
Déjà, le terme ‘mainstream’ n’est pas un gros mot à mes yeux, car il signifierait qu’en quelque sorte la chose deviendrait la norme tellement elle serait populaire. Or, le Metal et tous ses dérivés restent confidentiels dans notre beau pays. Ceux qui ont eu la chance d’aller hors de nos frontières, notamment aux Etats-Unis bien sûr, mais aussi en Allemagne, en Belgique, dans les îles britanniques ou en Hollande savent que le Hard Rock et le Heavy Metal, par exemple, y sont beaucoup plus diffusés que chez nous. Nous ne sommes pas prêts d’entendre Aerosmith, Ac/Dc, Iron Maiden, Judas Priest ou Guns N’Roses en faisant nos courses dans la grande surface du coin. Alors ailleurs, c’est souvent le cas… et depuis très longtemps.
Je serai le plus heureux des hommes si le Metal dans son ensemble, et aussi le Rock tout simplement, devenaient la musique qu’on entend partout sans faire hurler de désespoir la foule justement ! Ca commence à venir et on ne va pas s’en plaindre, puisqu’on est un peu moins pariât qu‘autrefois. Mais nous le sommes toujours ! Alors, quand le Hellfest, grand messe médiatique s’il en est, se vide de ses fans véritables de la première heure au profit de ‘touristes musicaux’ et autres curieux arborant des chemises hawaïennes et autres déguisements de plus ou moins de bon goût, peut-on affirmer que le Metal soit devenu ‘mainstream’ ? Je ne crois pas… Ce serait plutôt du marketing et de la communication, selon moi.
Enfin, il existe un critère imparable pour savoir si le Metal est devenu ‘mainstream’ dans notre belle France : les ventes d’albums, voire les chiffres de streaming. Et on est très loin du compte ! Quant aux tournées, elles parlent d’elles-mêmes. Les stars étrangères ne font que quelques rares dates ici et nos groupes nationaux ont des difficultés à remplir les salles, même moyennes. Qui aujourd’hui est capable de faire le tour des Zéniths ? A moins de créer artificiellement une affiche regroupant les plus connus : personne ! Le Metal reste donc un style, qui a ses adeptes et ils sont de plus en plus nombreux, mais qui rame encore. Cela dit, on peut toujours se consoler en se disant que nous sommes peu nombreux… comme l’élite !
Un grand merci à Charlotte Bertrand pour les photos prises au Hellfest et retrouvez son travail sur son site :https://rocknhell.com/
Alors, ils ne sont pas beaux, les nouveaux fans de Metal ? Hyper-‘mainstream’ finalement !
Alors que Gojira vient d’enflammer la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, la Philharmonie de Paris, quant à elle, n’a pas attendu les sportifs pour mettre un coup de projecteur sur le Metal à travers une exposition qui se tient depuis le 5 avril et jusqu’au 29 septembre. Le Musée de la Musique, situé à la Villette dans la capitale, propose une immersion dans ce monde finalement assez peu connu du grand public pour y dévoiler et en expliquer les principaux codes. Avec METAL, DIABOLUS IN MUSICA, on retrouve cette musique souvent mal-comprise et perçue comme subversive, à travers un chemin initiatique, qui déconstruit certaines croyances populaires.
METAL, DIABOLUS IN MUSICA
Corentin Charbonnier/Milan Garcin
Gründ/Philharmonie de Paris
Avant même d’ouvrir METAL, DIABOLUS IN MUSICA, il faut reconnaître qu’on a un bel objet entre les mains. De la sobriété de la couverture aux tranches imprimées, la conception est particulièrement soignée et on a plus qu’une envie : tourner les pages et en découvrir le contenu. Bien sûr, en se lançant dans un ouvrage aussi général, on se doute bien que l’ensemble ne saurait être complet et que la liste des chapitres est bien entendu non-exhaustive. Le Metal ne peut se résumer à 250 pages et ce n’est d’ailleurs pas le propos des auteurs, qui se veulent avant tout pédagogues.
Et puis, c’est quoi le Metal exactement ? Le terme a du apparaître au début des années 2000, où l’on pouvait soudain entendre des ‘j’écoute du Metal !’. Avant ça, les choses paraissaient bien plus simples. Il y avait le Hard Rock, le Heavy Metal, Le Thrash, le Death et quelques autres courants dérivés. Et on s’y retrouvait très bien et c’était même plus clair. Puis, chacun a commencé à vouloir se distinguer en créant d’innombrables sous-genres. Sous doute pour cette raison, METAL, DIABOLUS IN MUSICA a aussi la bonne idée de proposer une galaxie des multiples styles sur une double page dépliable bien réalisée.
Grâce à un travail iconographique très fouillé et une mise en page remarquable, on se laisse vite embarquer par la qualité des textes, plus pertinents qu’à l’habitude dans ce type d’exercice. Le regard de musiciens comme Robert Trujillo de Metallica et de sa fille Chloe, celui de Max Cavalera de Soufly, de Nergal de Behemoth ou de notre Stéphane Buriez national de Loudblast apporte également une vision différente et immersive. Et METAL, DIABOLUS IN MUSICA fait aussi de la place à deux sociologues, une doctorante, ainsi qu’au directeur des collections du Hard Rock Café. Le panel est intéressant et varié.
De la scénographie des concerts en passant par la customisation des instruments, le rapport à la musique classique et à l’art (Philharmonie oblige !), les rituels métalliques, les pochettes d’albums emblématiques, la presse spécialisée, les festivals et autres collectionneurs fétichistes, METAL, DIABOLUS IN MUSICA n’élude presque rien, survole certains sujets, c’est vrai, et a aussi tendance à insister sur la frange extrême du Metal. Mais pour qui souhaiterait une vision bien documentée et accessible, et même se replonger dans ses souvenirs et en apprendre aussi parfois un peu : c’est un volume de référence.
(En photo : Corentin Charbonnier, docteur en anthropologie co-commissaire de l’exposition ‘Metal, Diabolus in Musica’ à la Philharmonie de Paris)
264 pages – 23x27cm – 39,95€
Disponible en librairie et aux Editions des Flammes Noires
Sans être pris au dépourvu, la déception est pourtant grande. Non pas que l’écoute de « Residuum Unknown » ne soit pas des plus agréables, car elle l’est, mais le groupe annonce mettre un terme à une histoire qui commençait franchement à prendre du volume. En l’espace de quelques réalisations, THE SWELL FELLAS aura marqué l’esprit des fans de Heavy Stoner Psych, grâce à un sens de la composition assez spécial. La liberté exacerbée de ses morceaux garde ici encore une place prépondérante et on souhaite les retrouver, même séparément, dans des projets aussi audacieux que celui-ci très bientôt.
THE SWELL FELLAS
« Residuum Unknown »
(Independant)
Certains albums laissent un goût amer et ce même quand leur qualité est irréprochable et révèle aussi le meilleur d’un groupe. C’est le cas avec « Residuum Unknown » qui marque la fin de l’aventure des Américains. Elle avait commencé il y a sept ans dans leur ville natale d’Ocean City dans le Maryland, avant que le power trio optent pour Nashville, Tennessee, où ils ont atteint l’apogée d’un Heavy Stoner Psych aux contours progressif et à l’esprit très jam, qui habite THE SWELL FELLAS depuis ses débuts.
Depuis la sortie de « The Big Grand Entrance », premier opus paru en 2020, jusqu’à ce « Residuum Unknown » qui sort aujourd’hui, l’évolution n’a jamais cessé et le style s’est peaufiné pour devenir l’un des plus originaux et créatifs de la scène actuelle. Au fil d’EPs et de singles captivants et pointilleux (« The Great Play Of Extension », « Death Race », « Novaturia »), THE SWELL FELLAS a gardé son indépendance, préférant adopter une liberté artistique totale, qui lui ressemble tellement. L’underground au sens noble.
Par conséquent, le combo a également soigné sa sortie et les frères Poole (Conner à la guitare et Chris à la batterie) avec Mark Rohrer (basse), assurant aussi tous les trois le chant, livrent probablement leur meilleur album à ce jour. Avec des paysages sonores toujours aussi lourds et un relief musical très varié, THE SWELL FELLAS parvient à se faire aérien et captivant à travers des morceaux d’une belle longueur (« Chlore To Bathe », « The Drain », « Pawns Parade », « Give Roses », « Next Dawn »). Ils nous manquent déjà !
Au fil des années et malgré de nombreuses souffrances, l’engagement et la lutte menée avec ténacité par MELISSA ETHERIDGE ne faiblit pas, bien au contraire. Et le bien-nommé « I’m Not Broken » est une nouvelle pierre à l’édifice bâti par la songwriter à la voix éraillée et tellement chaude. A l’instar de Johnny Cash en son temps, c’est dans une prison pour femmes de la cité qui l’a vu naître qu’elle a capté l’une de ses plus enthousiastes et bouleversantes performances. Saisissant de vérité !
MELISSA ETHERIDGE
« I’m Not Broken (Live From Topeka Correctional Facility) »
(Sun Records)
Alors que Paramount + diffuse une docu-série sur sa vie, MELISSA ETHERIDGE sort un double-album live, qui est probablement l’un de ses disques les plus poignant et émouvants, mais aussi plein d’espoir, de sa longue carrière. L’activiste, lauréate de deux Grammy Awards, ayant vaincu un cancer du sein il y a 20 ans et accusé la mort de son fils de 21 ans due à une overdose d’opioïdes en 2020, est un modèle de résilience et c’est en musique comme toujours et dans un endroit assez spécial qu’elle se livre avec force.
Dans sa ville de natale de Leavenworth, Kansas, et devant 2.500 femmes de la prison de Topeka, MELISSA ETHERIDGE a offert un concert unique, tout en émotion et avec conviction, et qui a littéralement enflammé son auditoire. La chanteuse, guitariste et compositrice avait même un petit cadeau pour l’occasion. Inspirée par les lettres de cinq résidentes du centre correctionnel, elle a composé la chanson « A Burning Woman », qui est bien évidemment l’un des moments forts de la prestation de l’Américaine.
Toujours aussi Blues et Folk, le Roots Rock de MELISSA ETHERIDGE traverse le temps et les épreuves pour faire chavirer l’assemblée durant 90 minutes. En dialoguant avec son public entre chaque morceau, elle installe une proximité et une convivialité vraiment touchante et pleine de sens. L’esprit de communion entre la musicienne et les détenues donne d’ailleurs lieu à des instants d’une grande beauté et très positifs (« All American Girl », « Born Under A Bad Sign », « I’m The Only One », « Like The Way I Do »). Un disque qui fait du bien !
La côte ouest des Etats-Unis et sa fameuse Bay Area continuent de faire trembler le monde du Metal grâce à un son unique et surtout une créativité et une technique incontestables. En termes de formations, on ne compte plus celles qui ont influencé, et le font encore, une grande partie de la scène actuelle une quarantaine d’année après son éclosion, voire son explosion. CATEGORY 7 regroupe en son sein des musiciens parmi les plus aguerris et chevronnés du genre, et surtout dont l’envie de repousser les limites est intacte.
CATEGORY 7
« Category 7 »
(Metal Blade Records)
La catégorie 7 est le niveau le plus élevé en termes de catastrophe, notamment nucléaire. Alors, autant dire que lorsqu’un groupe, un temps soit peu sérieux, prend ce nom, ce n’est pas vraiment un hasard même s’il faut l’assumer. Et CATEGORTY 7 n’a rien non plus de très ordinaire. Ses musiciens se connaissent tous de longue date, figurent parmi les plus grands noms du Metal et leur réunion est somme toute presque naturelle. Un tel line-up étant quasi-inespéré, on peut donc ici sans se tromper parler de ‘supergroupe’.
Ce genre de formation est souvent un assemblage de talents et de grands techniciens, dont l’objectif est habituellement d’en mettre plein la vue en jouant les virtuoses. Certes, les membres de CATEGORY 7 affichent des CV hors-normes, mais ils sont surtout unis par la même passion pour un Metal musclé qui tabasse. A la manœuvre, à la composition, et à la production, on retrouve Mike Orlando (Adrenaline Mob, Sonic Universe) et sa guitare, aux côtés de celle de Phil Demmel (Machine Head, Vio-Lence, Kerry King).
Au chant, c’est John Bush (Armored Saint, ex-Anthrax) qui s’y colle, tandis que Jack Gibson (Exodus) à la basse et le foudroyant de Jason Bittner (Overkill) derrière les fûts offrent une prestation ultra-rugueuse. CATEGORY 7 n’est pas là pour trier les lentilles et son Thrash très Heavy, teinté de NWOBHM, bastonne dans un ensemble convaincant (« In Stitches », « Land I Used To Love », « Exhausted », « Through Pink Eyes », « Etter Stormen »). Ce premier album est la quintessence d’un Metal qui a fait ses preuves et qui est joué ici par des cadors.
Tout ici respire le sud des Etats-Unis. L’Alternative Country enrobée d’Americana, de Blues et de Rock rayonne et se diffuse avec évidence sur « Kentucky Gold », premier opus d’un KYLE DANIEL qui se pose déjà comme le futur songwriter incontournable de cette nouvelle génération Southern Rock, décidemment en pleine ébullition. Il a écumé les bars et les clubs et a appris les moindres détails qui font flamboyer l’âme de baroudeur qu’il affiche déjà. Modernes et avec une approche Old School raffinée, ces douze morceaux se savourent encore et encore.
KYLE DANIEL
« Kentucky Gold »
(Snakefarm Records)
Comme l’indique le titre de son album, c’est bel et bien du Kentucky et plus précisément de Bowling Green qu’est originaire le talentueux KYLE DANIEL. Basé à Nashville depuis la pandémie, celui qui a été élevé en écoutant de la Country et du Southern Rock n’est donc pas dépaysé, même si son style se démarque franchement de sa nouvelle ville d’adoption. Après deux EPs en indépendant, un éponyme en 2018 et « What’s There To Say » l’année suivante, « Kentucky Gold » marque le franchissement d’une étape importante, le tout avec une maîtrise totale et un sens de la chanson captivant.
Cela dit, KYLE DANIEL n’est pas totalement inconnu sur le circuit Blues, Country et plus largement Southern américain. Redoutable guitariste, il remporte le ‘Kentucky Blues Challenge’ à 17 ans, puis le très renommé ‘International Blues Challenge’ dans la foulée. Autant dire que le musicien sait parfaitement où il va, et en confiant la production à Jaren Johnston (The Cadillac Three), Brian Elmquist (The Lone Bellow) et au faiseur de hits canadien Mike Krompass, il s’assure une entrée en matière somptueuse pour un résultat qui l’est tout autant.
Torride, l’entame de « Kentucky Gold » s’inscrit dans la lignée classique du Rock Sudiste, musclée et fédératrice (« Can’t Hold Me Back »). KYLE DANIEL a aussi pris le soin de se rendre à Muscle Shoals, ce qui libère un côté Soul très authentique (« Me And My Old Man »). Puis, les surprises s’égrainent au fil du disque avec des duos de haut vol. On se régale de « Fire Me Up » avec Maggie Rose, de « Southern Sounds » avec Kendrell Marvel, de « Summer Down South » avec The Cadillac Three et enfin de « Everybody’s Talkin’ » avec Sarah Zimmerman. Epoustouflant !
C’est avec beaucoup de générosité, tant dans l’intention que dans l’interprétation, qu’ALBERT CASTIGLIA s’offre un nouvel opus en solo. Conçu et réalisé assez rapidement, il officie en véritable patron aux côtés de grands noms du Blues Rock actuel venus lui prêter main forte. Et si le nombre de covers dépasse celui des originaux, on se régale de ses talents d’autant que les artistes qui le soutiennent dans cette aventure sont exceptionnels. « Righteous Souls » va compter parmi les meilleures réalisations de cette année.
ALBERT CASTIGLIA
« Righteous Souls »
(Gulf Coast Records)
Tout juste auréolé d’un Grammy Award du meilleur album de Blues Rock à Memphis pour son duo ‘Blood Brothers’ avec son ami Mike Zito, également patron de son label et producteur de ce nouvel album, ALBERT CASTIGLIA remet le couvert et nous offre même un menu cinq étoiles. Car si on a l’habitude des duos, regrouper autant d’invités si prestigieux sur un même disque est assez incroyable. Et l’Américain ne se contente pas d’empiler les morceaux, il les lie sur une thématique forte et très personnelle.
Deux ans après « I Got Love » et quelques mois seulement après le « Live In Canada » en duo, c’est une nouvelle inspiration qui guide cette fois le guitariste et chanteur. Malgré un laps de temps trop court pour livrer à lui seul tous les titres, « Righteous Souls » compte quatre chansons inédites (« Centerline », « Mama, I Love You », « Till They Take It Away » et « No Tears Left To Cry »). Et sur ces nouveautés, ALBERT CASTIGLIA est accompagné par Popa Chubby, Christone ‘Kingfish’ Ingram, Ally Venable, Gary Hoey et sa Fille Rayne.
Sur des reprises savamment choisies parmi lesquelles on retrouve Willie Dixon, Buddy Guy, Eric Clapton, Luther Johnson et son mentor Junior Wells sur deux pistes, le New-Yorkais se montre brillant et son jeu toujours aussi affûté. Avec une saveur vintage très relevée, ALBERT CASTIGLIA accueille Alabama Mike, Danielle Nicole, Joe Bonamassa, Jimmy Carpenter, Josh Smith ou encore Monster Mike Welch. Et, cerise sur le gâteau, « Righteous Souls » garde sa patte malgré cette péliade de guests. Un travail somptueux et virtuose.
Retrouvez la chronique de son dernier album et celle de BLOOD BROTHERS en duo avec Mike Zito :