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Heavy metal Old School Proto-Metal

Cirith Ungol : alive forever

Pour qui ne serait pas encore familiarisé avec CIRITH UNGOL (ça doit exister !), ce « Live At Roxy » est fait pour vous. Cultivant son côté underground, malgré une position de précurseur, le combo livre une prestation inoubliable et, à travers 20 morceaux triés sur le volet, parcourt sa carrière sans rien éluder et commençant même par son dernier opus en date… et en entier ! En attendant un septième joyau que le groupe annonce imminent, savourez donc celui-ci sans aucune modération.

CIRITH UNGOL

« Live At The Roxy »

(Metal Blade Records)

Plus de quarante ans après sa première prestation aux fameux ‘Roxy Theatre’ du Sunset Strip de Los Angeles, CIRITH UNGOL est retourné l’an dernier foulé à nouveau les planches de l’endroit qui les a presque vu naître. Car la carrière du combo de Ventura en Californie, est à l’image de son Heavy Metal : épique ! Enregistré à l’occasion de la sortie de son dernier album effort, le quintet avait offert à ses fans une soirée hollywoodienne digne de ses plus grandes heures. Et au menu de ce double-album, on retrouve l’intégralité de « Dark Parade » sur le premier disque et les classiques du groupe sur le second.

La première chose qui attire l’attention sur ce « Live At The Roxy », c’est ce son gras et robuste, tellement identifiable et véritable marque de fabrique des Américains. Sans artifice, CIRITH UNGOL se montre direct, d’une redoutable efficacité et on a surtout le sentiment d’être au cœur de ce concert, qui s’avère vite hors-norme. Très rapidement, on se prend dans ce Heavy, teinté de Doom et aux allures Power Metal (le vrai !) unique en son genre. Emporté par un Tom Baker en très grande forme, le public ne s’y trompe pas et semble savourer chaque riff et chaque embardée rythmique avec un plaisir qui s’entend clairement.

C’est devenu si rare aujourd’hui de voir un groupe interpréter l’intégralité de son nouvel album en concert qu’on se délecte de découvrir en version live le très bon « Dark Parade », sorti en 2023. Pour autant, CIRITH UNGOL n’oublie pas ses fans de la première heure et passe en revue sur le deuxième volet ses morceaux devenus de véritables hymnes pour beaucoup. De « Join The Legion » à « Atom Smasher », « I’m Alive », « Back Machine », « Chaos Descends ou « Frost And Fire », la setlist est époustouflante et vient nous rappeler à quel point les Américains sont incontournables sur la scène mondiale.

Retrouvez également la chronique de « Dark Parade » :

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Classic Hard Rock Hard Rock

Smith/Kotzen : un harmonieux raffinement

Spontanée et ambitieuse, la nouvelle réalisation de SMITH/KOTZEN dévoile surtout un réel et palpable désir de jouer et de composer ensemble. S’ils peuvent évidemment s’appuyer sur une technique exceptionnelle et très complémentaire, les deux artistes, qui se partagent aussi le chant, sont guidés par une culture musicale commune ponctuée d’étonnants contrastes dans le jeu. Et c’est justement toute la force de « Black Light / White Noise », qui est un modèle du genre, entre élégance sonore et puissance Rock.

SMITH/KOTZEN

« Black Light / White Noise »

(BMG)

Il y a quatre ans ADRIAN SMITH et RICHIE KOTZEN avaient surpris tout le monde avec un premier album éponyme d’une grande classe. Au-delà de cette union artistique assez improbable de prime abord, les deux guitaristes s’étaient trouvés naturellement autour d’un Classic Rock moderne et forcément affûté, s’ouvrant même de belles perspectives. D’ailleurs, quelques mois plus tard sortait l’EP « Better days », puis une version augmentée l’année suivante de cinq titres live. Rien d’un one-shot donc, et c’est tant mieux !

L’impatience commençait à grandir depuis quelques temps accompagnée de nombreuses questions. Et dès la première écoute, on ne peut que se réjouir de voir nos deux virtuoses toujours aussi inspirés et créatifs. « Black Light / White Noise » apporte beaucoup de certitudes, à commencer par la plus éclatante : il existe une touche et un son SMITH/KOTZEN. Assez loin de leur chapelle respective (quoique l’Américain en ait plusieurs), le duo côtoie les sommets, s’appuie sur ses héritages et les fructifie avec talent.

Enregistré à Los Angeles, mixé par Jay Ruston et produit par les deux musiciens et chanteurs, ce deuxième opus fait briller cette alchimie anglo-américaine, qui transcende les courants sur de solides racines Hard Rock et Blues. Accompagné par l’excellente Julia Lage (femme de Kotzen) à la basse et Bruno Valverde d’Angra derrière les fûts, SMITH/KOTZEN a plus que belle allure et cette nouvelle odyssée musicale devient immédiatement familière (« Muddy Water », « White Noise », « Blindsided », « Black Light », « Life Unchained »). Eblouissant !

Retrouvez la chronique du premier album et de « Better Days… And Nights » :

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International Rock US

Miss Velvet : Cinematic Rock [Interview]

Lorsque l’on vit sa musique sur grand écran, autant être armé de fortes certitudes. C’est précisément le cas de MISS VELVET, qui signe un nouvel EP, « Triptych », dans la lignée de son premier album « Traveler ». Audacieux, passionné, sensible et sauvage, son Rock est à son image : moderne, brute, puissante et insaisissable. Derrière ce personnage qu’elle s’est entièrement créé et qu’elle façonne au fil du temps, se cache une chanteuse et compositrice à la vision claire et qui offre un nouvel éclat au Rock US, estampillé californien, avec beaucoup de force et de nuances. Entretien (fleuve) avec une artiste décidée, intrépide et féministe, qui marie son univers à celui de la mode dans un grand écart qu’elle vit et qu’elle assume pleinement.

– Avant d’arriver sur la côte ouest des Etats-Unis, tu vivais à New-York où tu chantais dans le groupe The Blue Wolf. Le style était plus urbain, avec beaucoup de cuivres et un petit côté funky. Pourquoi vous êtes-vous séparés après deux albums, et est-ce ce split qui a motivé ton déménagement pour la Californie ?

Avant la pandémie, j’ai eu un grand coup de chance à New-York en auditionnant pour George Clinton et Parliament Funkadelic au ‘B.B. King’s’ de Times Square. C’était un appel de dernière minute : un des programmateurs, qui connaissait mon manager à l’époque, m’a demandé si nous pouvions monter sur scène pendant la balance. Je jouais avec mon groupe depuis des années, dont certains d’entre nous depuis sept, huit, voire dix ans, et nous nous démenions sur la scène new-yorkaise. Ce soir-là, on nous a dit qu’on pouvait jouer un morceau, et qu’un membre de l’équipe de Parliament Funkadelic l’enregistrerait sur son téléphone et le montrerait à George, assis dehors dans son van. Et c’est ce qu’ils ont fait. Cinq minutes plus tard, on nous annonçait que nous avions le concert.

On était censé monter sur scène à l’ouverture des portes, mais George nous a fait l’incroyable cadeau de nous laisser monter sur scène à 20h, son créneau le plus important, dans une salle comble. Ce soir-là, tout a changé. Le lendemain, on a reçu un appel : 45 dates avec George. Cela a donné lieu à 60… puis 80… puis plus de 120 concerts et deux tournées mondiales. C’était électrique. Nous formions une équipe soudée et nous avions l’impression d’avoir enfin percé.

Puis la pandémie a frappé, et tout s’est arrêté. Ce calme était déstabilisant pour un musicien en tournée. On passe d’un mouvement constant à un arrêt total. Pendant ce temps, beaucoup de choses ont changé. Nous avons commencé à parler de choses en solo, de nouveaux projets. Et sur le plan personnel, j’ai renoué avec l’amour de ma vie. Je suis tombée enceinte. Le groupe s’est séparé. C’était un étrange croisement entre perte et renouveau, et chagrin et profond épanouissement. Je faisais le deuil de la vie que j’avais construite avec mon groupe, tout en entrant dans une nouvelle, en créant littéralement la vie.

Après la naissance de mon premier enfant, nous étions encore en pleine pandémie, et mon mari et moi avons décidé de déménager en Californie. Nous en rêvions depuis des années. J’avais toujours imaginé que l’Ouest s’insinuerait dans ma musique et j’étais prête à recommencer. J’appelle cette période ma période d’incubation : la naissance de moi-même en tant que mère, en tant que femme et aussi la renaissance de MISS VELVET.

– Avoir traversé tout le pays t’a-t-il fait évoluer musicalement pour livrer aujourd’hui un Rock moderne, teinté de Hard et de Classic Rock ? Tu as finalement adopté un style qui colle à l’atmosphère de Los Angeles. Est-ce que tout cela s’est fait assez naturellement ?

La Californie a toujours porté en moi cette énergie mythique, un sentiment d’Americana ancré dans l’immensité de l’Ouest. Les sons qui sortaient de Laurel Canyon, la tradition narrative, cet esprit troubadour, comme les Eagles, Joni Mitchell, ces voix semblaient m’appeler bien avant même que j’y pose les pieds. Il y a quelque chose de particulier en Californie… La façon dont les montagnes se brisent dans la mer, les aigles au-dessus de ma tête, les routes sans fin qui mènent de la côte au désert de Mojave. C’est surréaliste et cinématographique, et en tant qu’artiste, j’avais soif de cette énergie naturelle brute.

A mon arrivée, je savais que ce nouveau chapitre de MISS VELVET refléterait cela. Sonorité, style, émotion : tout a commencé à s’harmoniser. Et oui, c’est arrivé de manière incroyablement naturelle, car j’en avais soif. J’avais cette vision en moi depuis si longtemps, et quand je suis arrivée ici, je me suis jetée à corps perdu. Les paysages ont directement inspiré la musique et les images. C’est pourquoi nous avons entièrement tourné « Triptych » dans le désert de Mojave. L’environnement n’était pas seulement un décor, il fait partie intégrante de l’histoire.

Il existe une longue tradition de musiciens puisant dans l’âme de la Californie, et je voulais faire de même, tout en la fusionnant avec les éléments modernes et surréalistes que j’explorais. J’ai adoré l’idée d’associer l’ouverture brute du désert à la haute couture, de mélanger le Classic Rock à une production moderne et à des textures inattendues. Il s’agissait de trouver cet équilibre : quelque chose d’intemporel, mais aussi résolument actuel.

– Ton premier album sous le nom de MISS VELVET, « Traveler », est sorti en novembre 2023. Ton adaptation à Los Angeles s’est donc faite très rapidement. As-tu immédiatement commencé à composer et à façonner ce personnage que tu revêts et que tu revendiques aujourd’hui ?

Tout s’est passé très vite, même si sur le moment, cela m’a semblé incroyablement intimidant. Je n’oublierai jamais l’un de mes premiers trajets sur l’emblématique PCH avec  l’océan à ma gauche, les montagnes à ma droite et, sorti de nulle part, cet oiseau massif, peut-être un aigle, qui a traversé la route devant ma voiture. Son envergure était immense. Il était si calme, planant simplement sur ce décor sauvage. Et j’ai eu cette sensation de sortie du corps, comme si le temps avait ralenti. J’ai levé les yeux vers la montagne et je l’ai ressenti : le poids de ce que j’allais accomplir. J’étais arrivée en Californie sans connaître personne. Je prenais un nouveau départ. Et cette montagne représentait l’ascension qui m’attendait. Mais voir cet aigle voler avec tant d’aisance dans le vent m’a redonné de la force. C’était comme un message. Un rappel de force, de vision, d’objectif. Ce moment est resté gravé dans ma mémoire.

À partir de ce moment-là, j’ai plongé tête baissée. J’avais passé tant de temps à garder cette version de moi-même juste sous la surface, cette nouvelle version de MISS VELVET, cette femme façonnée par la perte, l’amour, la renaissance et la maternité. J’étais prête à exprimer tout ce que je portais en moi, à le filtrer à travers cet espace exalté et fantastique qu’occupe MISS VELVET. Elle est devenue le réceptacle de ce que j’avais de plus authentique.

Et puis, comme par hasard, j’ai rencontré ensuite ma partenaire créative actuelle, Esjay Jones. C’était absolument électrique. Deux personnes avec des histoires profondes, des vérités brutes et quelque chose à dire et prêtes à créer. Dès le début, il était clair qu’il ne s’agissait pas d’une simple collaboration. C’était de l’alchimie.

– Et il y a donc eu ta rencontre avec la compositrice et productrice Esjay Jones avec qui tu as co-produit et co-écrit « Traveler », puis « Triptych » récemment. La connexion entre vous semble incroyable. En quoi ce travail à deux a-t-il fait évoluer, et peut-être aussi, grandir ta musique et ta manière de l’aborder ?

Il se produit quelque chose d’incroyablement puissant lorsque deux femmes s’unissent avec force, confiance, respect et sans ego. C’est ça, travailler avec Esjay. Dès le départ, il y avait cette compréhension tacite que nous pouvions être pleinement nous-mêmes, explorer des idées folles, repousser les limites et créer sans crainte. Ce genre de partenariat créatif est une sécurité. C’est rare. Et cela a été une véritable transformation.

Avec « Triptych », la vision m’est venue presque comme un téléchargement : cet univers visuel et cinématographique que je voulais créer. Je l’ai apporté à Esjay et je lui ai dit : « Je veux écrire une bande originale pour ce film qui n’existe que dans ma tête ». J’avais ce concept de trois singles principaux, mais sept titres au total, avec des interludes et des changements de genres : cette histoire en trois actes. Et elle a immédiatement compris. Cette confiance et cette liberté créative sont essentielles.

On en parle souvent : MISS VELVET est une voyageuse de possibilités. Cette phrase est présente dans les paroles de « Traveler », mais c’est aussi une sorte de mantra qui guide notre façon de fonctionner. On retrouve des éléments de décor dans les deux albums : philosophie, visuels et même le symbolisme du tailleur à rayures, présent dans les deux projets. Dans « Triptych », elle le porte à nouveau, cette fois en blanc, et s’éloigne. Ce sont des choix réfléchis. Nous construisons ensemble une mythologie évolutive.

Ce qui rend ce partenariat encore plus spécial, c’est que nous naviguons toutes les deux sur des trajectoires similaires : en tant que femmes, en tant qu’artistes et en tant que créatrices trentenaires conciliant vie, identité, ambition et famille. Ce sont les sujets dont nous parlons. Ce sont les histoires que nous voulons raconter. Et en travaillant ensemble, j’ai découvert certaines des facettes les plus sincères de moi-même, celles que je souhaitais depuis longtemps exprimer en musique.

Esjay n’a jamais cherché à édulcorer quoi que ce soit. Elle respecte la voix. Elle comprend la puissance de ce qui est profondément identifiable et brut. Avoir une collaboratrice comme elle, qui comprend l’histoire dans son intégralité, qui vous rencontre dans l’histoire, c’est non seulement libérateur, mais aussi inspirant. Nous nous améliorons mutuellement.

– « Traveler » est un album explosif, mais aussi très personnel et intime dans les textes et avec des chansons qui sonnent presque Folk parfois. Est-ce que le fait d’être dorénavant en solo te permet-il d’aborder des sujets que tu n’aurais pas pu, ou oser, faire en groupe ?

Absolument. Etre solo, et surtout, avoir plus confiance en moi, m’a donné la liberté d’approfondir des sujets dont je n’aurais peut-être pas eu l’espace ou le courage d’explorer en groupe. MISS VELVET est devenue un réceptacle qui me permet d’appréhender les événements de ma vie en temps réel.

Avec « Traveler », l’accent n’était pas tant mis sur la maternité que sur le déménagement émotionnel et physique de New-York à la Californie. Ce changement, c’est-à-dire ​​quitter une ville, un groupe, une vie que j’avais construite, et s’aventurer vers l’inconnu a été radical. Ça se ressent dans la musique. Il y a des moments sur « Traveler » qui sont véritablement Rock’n’Roll dans tous les sens du terme. Et c’était très intentionnel. C’était comme si je devais honorer le son et l’esprit qui m’avaient portée jusque-là avant de pouvoir m’en libérer pleinement. Je m’accrochais encore, d’une certaine manière, au poids de ce que je laissais derrière moi.

« Traveler » est donc devenu ce pont, un disque sur l’entre-deux. Sur le mouvement, l’incertitude et le début de la transformation. Et ce n’est qu’après avoir réalisé cet album que j’ai pu m’immerger pleinement dans l’espace décomplexé de « Triptych ». C’est l’endroit où je me suis enfin autorisé à explorer non seulement des thèmes émotionnels plus profonds comme la trahison, l’amour-propre radical, le deuil et le temps, mais aussi à expérimenter pleinement le paysage sonore. C’est devenu un espace d’exploration sonore audacieux. J’ai fusionné les genres que j’ai toujours aimés comme des éléments de tragédie grecque et de chœur, de la guitare flamenco, des cordes orchestrales luxuriantes, des thèmes de cinéma jusqu’à ce que j’appelle aujourd’hui le ‘Rock cinématographique’. Il s’agissait de créer quelque chose qui soit à la fois mythique et moderne. Théâtral, mais profondément personnel. C’est le moment le plus expansif et le plus libre que je n’aie jamais vécu.

– Il y a un réel esprit de liberté sur tes deux disques, « Traveler » et « Triptych », et cela se traduit par un Rock US puissant, avec aussi beaucoup de soins apportés aux arrangements comme le piano et les cordes, par exemple. C’était important pour toi que ta musique ne sonne pas trop brut pour garder peut-être aussi un côté féminin plus appuyé ?

Absolument. Mais je pense qu’il est important d’élargir ce que l’on entend par ‘féminin’. Pour moi, le féminin ne se résume pas à la douceur ou à l’élégance : c’est la profondeur, l’intuition, l’ancrage et la férocité. Avec « Triptych », je voulais me réapproprier le véritable sens du pouvoir féminin. Et cela impliquait d’accepter la vulnérabilité et la force. La beauté et la rage. La tendresse et les limites.

Il y a tellement de liberté là-dedans. Dans « Strut », on voit MISS VELVET s’abandonner à un amour-propre féroce et sans complexe. Et dans « Hallelujah », on perçoit quelque chose d’aussi puissant : l’acceptation. Même l’amour de l’ennemi. Une compréhension où l’on peut faire preuve de compassion, tout en revendiquant ce qui nous appartient. Qu’on peut tenir bon sans perdre sa grâce. Que tracer des limites ne vous rend pas dur, mais vous rend entier.

Je voulais que la musique reflète cette dualité. Les arrangements (cordes, piano, chœur) véhiculent émotion et mythe. Ils laissent la musique respirer d’une manière expansive et cinématographique. Mais l’énergie est toujours là. La puissance. L’architecture émotionnelle qui maintient les énergies masculines et féminines en tension. MISS VELVET vit dans cet espace : la liberté de s’appuyer sur les deux, d’explorer l’androgynie, d’être fluide, autoritaire, tendre et indomptable. C’est la beauté de « Triptych ». Il ne s’agit pas seulement de reconquérir le pouvoir, mais de redéfinir ce à quoi ce pouvoir ressemble et sonne.

– Justement, tu affirmes clairement ta féminité, ce qui n’est pas très simple dans l’industrie du Rock. Est-ce que revendiquer et véhiculer à travers ta musique un certain féminisme est important à tes yeux aussi ?

Ce n’est pas seulement important, c’est indissociable de l’art. Je ne considère pas le féminisme comme quelque chose que je dois intégrer à la musique : c’est la musique. Il est dans mes choix, des histoires que je raconte et de la façon dont j’incarne MISS VELVET. Il est dans le pouvoir de revendiquer ma propre voix sans compromis, de refuser d’être réduite ou adoucie pour le confort des autres.

Ce que j’affirme, ce n’est pas seulement la féminité, c’est tout le spectre de la condition féminine. Cela inclut la rage, la sensualité, le chagrin, la douceur, le glamour, la sérénité, la sauvagerie, la maternité, l’ambition, la contradiction, la sagesse. Tout est là. Et je pense que nous sommes enfin à un moment culturel où nous pouvons cesser de demander aux femmes de choisir une version d’elles-mêmes et de l’interpréter poliment. MISS VELVET vise à briser ce binaire. Elle vit à l’intersection de la féminité et de la vulnérabilité, du sacré et du profane.

Dans une industrie dominée par les hommes, surtout dans le Rock, affirmer une présence féminine, qui n’est pas conçue pour le regard masculin, peut être difficile. Mais je ne suis pas ici pour jouer selon les règles des autres. Je suis là pour élargir le récit. Pour montrer que le pouvoir féminin peut être raffiné et primordial. Ancré et indompté. Que le féminisme n’est pas une question de rejet, mais de revendication.

Alors oui, c’est profondément ancré dans ce que je fais. Non pas comme une déclaration, mais comme un droit inné. Comme une vérité que je vis haut et fort.

– Tu viens tout juste de sortir « Triptych », qui s’inscrit dans la continuité de l’album. Les trois nouveaux morceaux sont accompagnés d’interludes, mais aussi et surtout, il s’agit d’un véritable concept vidéo que tu as décliné sous la forme d’une tragédie grecque. D’où t’est venue l’idée à laquelle tu as aussi associé beaucoup d’esthétisme dans l’image?

L’idée de « Triptych » m’est venue lors d’un de ces moments rares et divins. J’étais assise sur ces rochers volcaniques noirs à Hawaï, lors d’un voyage avec mes enfants et mon mari. Je médite quotidiennement, cela fait partie de ma vie depuis huit ans, et ce matin-là, je venais de terminer une méditation lorsque je suis entrée dans ce magnifique espace intermédiaire : ni complètement revenue au présent, ni complètement ailleurs. A cet instant crucial, j’ai téléchargé l’intégralité de « Triptych ». J’ai revu chaque scène. L’arc narratif complet. L’Odyssée de MISS VELVET.

A l’époque, je traversais une période profondément douloureuse : la trahison de quelqu’un qu’on a aimé et en qui on avait confiance. C’est bouleversant. Cela vous bouleverse profondément. Et j’étais au point où j’avais le sentiment d’être dos au mur. Avec le recul, j’ai confié cette douleur à la seule personne capable de la porter sans se briser : MISS VELVET. Je me suis demandée : comment allait-elle affronter cela ? Et « Triptych » est devenu la solution. Dans la première partie, « Pistols At Dawn » », on voit MISS VELVET et son ennemie : MISS VELVET sur un cheval noir, l’ennemie dans une Mustang noire. On ne voit jamais le duel, mais l’image est claire : les deux forces se croisent en formation de V, filmées d’en haut. A la fin, elle se tient seule, une gaze rouge tombant de ses mains, symbolisant qu’elle a affronté l’ennemie et en est ressortie transformée, avec du sang métaphorique sur les mains. C’est la mort de l’illusion.

Puis, le chœur inspiré de la tragédie grecque la guide vers la deuxième partie : « Strut ». C’est l’instant d’un amour-propre triomphant, féroce et sans complexe. Entourée d’une communauté diversifiée de personnes s’exprimant dans leur forme la plus authentique, MISS VELVET est à la fois témoin et bénéficiaire de cet amour, et elle le lui rend au centuple. C’est une célébration de la reconquête.

Enfin, le chœur la conduit vers la troisième partie : « Hallelujah ». Un jugement spirituel. MISS VELVET est maintenant vêtue de blanc, debout sur une scène circulaire blanche, entourée du chœur, également en blanc. C’est l’acceptation totale. C’est la suite silencieuse, le moment de la transformation. Elle a affronté la trahison, revendiqué l’amour-propre, et arrive maintenant à un état de grâce, où elle peut aimer même son ennemi, tout en restant pleinement fidèle à sa vérité. « Triptych » s’achève sur la coda : une composition de cordes, sans paroles. MISS VELVET s’éloigne de la caméra, vers la suite. Ce n’est pas une fin, c’est un début.

Pour moi, « Triptych » était une forme d’alchimie émotionnelle. J’ai pris quelque chose que je pouvais à peine assimiler en temps réel et je l’ai traduit dans un monde visuel fantastique, où je pouvais l’affronter à travers l’art. Cela n’a pas fait disparaître la douleur, mais cela m’a offert un réceptacle. Une libération. Et ce faisant, je suis devenue une meilleure version de moi-même. Une meilleure mère, une meilleure épouse et une artiste plus honnête.

– Tu es aussi très présente sur les réseaux sociaux et très suivie. Accordes-tu beaucoup d’importance à ton image, car tu t’intéresses également de près à la mode ? Même si c’est très normal aujourd’hui, ça l’est un peu moins dans le monde du Rock. Comment gères-tu cela et est-ce que concilier ces deux passions te demande de bien les distinguer ?

C’est intéressant, car je ne vois pas vraiment cela comme une combinaison de deux passions distinctes. Pour moi, la mode, la musique, la narration, le langage visuel, tout cela fait partie d’une même impulsion. J’aime utiliser les réseaux sociaux comme une sorte de journal intime. Cela me permet de partager des idées au fur et à mesure qu’elles arrivent, qu’il s’agisse d’une nouvelle vision mode, d’un croquis sonore, d’un moment de ma vie de famille ou simplement d’une émotion du jour. C’est devenu un moyen de faire découvrir l’univers évolutif de MISS VELVET, non seulement en tant qu’artiste, mais comme une expérience artistique à 360°.

Et oui, il y a toujours du bon, du mauvais et du truand avec les réseaux sociaux, mais j’essaie de les aborder comme une extension de l’art. C’est là que je peux exprimer différentes facettes de MISS VELVET : un jour, ce peut être du glamour, le lendemain, une maternité brute, le surlendemain, un teaser conceptuel. Rien de tout cela n’est linéaire. C’est circulaire. Expansif. Ces derniers temps, je me sens de plus en plus attirée par le mot ‘artiste’. Pas seulement ‘artiste d’enregistrement’, même si cela fait partie de moi, mais artiste au sens large et plus sauvage du terme. J’en ai parlé avec mon label et mon équipe : cette idée que MISS VELVET est une entité créative vivante et dynamique. Et cela implique d’explorer de nouveaux espaces de performance, de nouveaux formats visuels, de nouvelles façons d’interagir avec le public au-delà du modèle traditionnel des tournées.

Je suis enthousiasmée par l’idée qu’il n’y ait plus qu’une seule façon de faire. Nous vivons une époque où les frontières entre les disciplines s’estompent, et cela me donne une immense liberté. Les réseaux sociaux font partie intégrante de cette danse. Et les ‘Velvets’, cette communauté qui m’a trouvée en chemin, en font partie aussi. C’est vraiment exaltant. Grandir et évoluer en temps réel et inviter les autres à en être témoins.

– Enfin, j’imagine que tu dois être impatiente de présenter tes nouvelles chansons sur scène. As-tu des projets dans ce sens aux Etats-Unis ou en Europe où tu étais récemment ?

Absolument ! J’ai hâte de retourner sur scène et de partager cette nouvelle version de MISS VELVET. Le spectacle vivant est le point de départ de tout pour moi, et honnêtement, c’est la raison pour laquelle je fais tout cela. Rien n’est comparable à ce contact électrique et humain avec le public. Cet échange d’énergie, ce moment où tout devient réel.

Je suis particulièrement impatiente de donner vie à « Triptych ». Je rêve de différentes manières de le présenter pleinement, pas seulement sous forme de concert, mais comme une expérience immersive. Qu’il s’agisse d’une résidence, d’une installation multi-sensorielle ou de quelque chose d’entièrement nouveau. Je travaille à la création d’un format live qui nous permette de pénétrer pleinement dans l’univers de « Triptych » : sa dramaturgie, ses visuels et son arc émotionnel.

Nous travaillons activement à la préparation de prochaines dates de tournée aux Etats-Unis et, espérons-le, en Europe. Alors oui, la scène, qui est ma maison et mon havre de paix, m’appelle. Et j’ai hâte d’y répondre.

L’album « Traveler » et l’EP « Triptych » de MISS VELVET sont disponibles chez Mother Ride Records.

Photos : Chris Quinn (1, 4), Horz (2, 3, 5, 7) et Luisa Opalesky (8).

Retrouvez également la chronique de « Traveler » :

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Hard US Hard'n Heavy Sleaze

L.A. Guns : wild cat

Indémodable et toujours aussi fringuant, L.A. GUNS reste ce combo attachant, parfois surprenant, et bondissant souvent là où on ne l’attend pas. En quatre décennies d’une carrière sinueuse et improbable à l’occasion, il reste cette formidable machine à riffs, aux mélodies intemporelles et avec cette manière toute personnelle de faire des disques avec une déconcertante facilité. Une fois encore, l’expérience et l’inspiration brillent sur ce « Leopard Skin », dont on n’est pas près de se lasser.      

L.A. GUNS

« Leopard Skin »

(Cleopatra Records)

Huit ans après l’heureux rabibochage entre le guitariste Tracii Guns et son frontman Phil Lewis, L.A. GUNS fait toujours vibrer son Sleaze Rock, qui respire le Sunset Strip à plein poumon, là où d’autres ont depuis longtemps déposé les armes. Et comme pour mieux célébrer cette incroyable longévité, notre infatigable quintet souffle cette année ses 40 bougies. D’ailleurs, à l’écoute de « Leopard Skin », on peine à croire que les Américains soient encore capables de livrer des albums d’une telle fraîcheur… le quinzième en l’occurrence et sûrement pas le dernier.

Bardé de riffs affûtés comme s’il en pleuvait, L.A. GUNS n’a rien perdu de son mordant et se fend même d’un opus parfaitement ancré dans son temps, à mille lieux de toute nostalgie, et qui aurait même pu faire rougir certaines formations du temps de la splendeur de la Cité des Anges. Increvables et créatifs, nos vétérans paraissent sortir tout droit d’une cure de jouvence et vont carrément jusqu’à redonner foi en un style qui s’effrite au point de devenir aujourd’hui presqu’invisible. « Leopard Sin » transpire le Rock’n’Roll par tous les pores et devient vite addictif.

Racé sur « Taste It », plus classique sur « Hit And Run », presque champêtre sur « Runaway Train », fusionnel sur « Lucky Motherfucker », bluesy sur « The Grinder » ou grinçant sur « I’m Not Your Candyman », L.A. GUNS sort l’artillerie lourde et se montre largement à la hauteur de sa légende. Entre refrains entêtants et solos incandescents, les Californiens bénéficient de surcroît d’une production puissante et limpide, qui laisse exploser leur panache et une énergie toujours aussi présente. Direct et efficace, le groupe a un sens inné de ce Hard Rock débridé qui devient si rare.  

Retrouvez les chroniques des deux albums précédents :

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Hard Rock Rock US Rock/Hard

Dorothy : l’ascension

Chacun de ses disques est une montée en puissance phénoménale et « The Way » ne déroge pas à la règle. DOROTHY est devenue incontournable sur la scène Rock et Metal mondiale et elle ne doit ce constat qu’à une persévérance et une obstination qui ne la quittent jamais. La force qui guide l’artiste originaire de Budapest prend ici une ampleur incroyable, balayant sur son passage tous les doutes que l’on pourrait avoir sur son talent et ses capacités vocales. Elle joue en permanence sur la force des émotions avec beaucoup d’authenticité et surprend à chaque chanson.

DOROTHY

« The Way »

(Roc Nation)

Incontestablement la meilleure dans son registre, DOROTHY n’a pourtant pas eu le plus facile des parcours, loin de là. Arrivée à Los Angeles de sa Hongrie natale, elle a patiemment gravi les échelons depuis son premier et impressionnant album en 2016, « Rockisdead ». Depuis, la frontwoman tisse sa toile, multiplie les featurings, enflamme les salles et les festivals et nous livre aujourd’hui un quatrième opus détonnant. Avec « The Way », elle impose sa voix, d’une puissance et d’une clarté bien trop rare sur la scène actuelle féminine.

Résolument Hard Rock, DOROTHY se montre toujours aussi moderne dans l’approche comme dans la production. Une mise à jour effectuée à chaque nouvelle sortie. Aux côtés de Mme Martin, Sam Bam Koltun assène des riffs massifs et des solos racés, tandis qu’Eliot Lorango (basse) et Jake Hayden (batterie) font ronronner la machine de bien belle manière. Il n’y a rien de trop, et rien en manque, dans ce style en perpétuel mouvement. Le quatuor est d’une efficacité implacable et l’énergie déployée est à la mesure des ambitions affichées.

Déterminée et positive, la chanteuse percute et en impose quelque soit l’ambiance de ses morceaux. Très Heavy, DOROTHY est fidèle à un registre propre à la Cité des Anges (« I Come Alive », « The Devil I Know », « Unholy Water », « Puttin’ Out The Fire »). A noter aussi la présence explosive de Slash sur un « Tombstone Town » aux effluves Southern que l’on retrouve d’ailleurs parsemé au fil de « The Way ». Solide et mélodique, ce nouvel effort du combo laisse une belle impression de vérité (« Superhuman », « The Way »). Magistral !

Retrouvez la chronique de « Gifts From The Holy Ghost » :

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Heavy metal International

Wings Of Steel : French flight [Interview]

Si le Heavy metal a la faculté de réunir les gens, il a aussi celle de faire se rapprocher les continents. Et quand le langage est le même, il n’en est que plus facile de fonder un groupe sur des bases et une vision artistiques communes. C’est ce qui s’est passé avec le guitariste et compositeur américain Parker Halub et le chanteur/parolier suédois Leo Unnermark. Depuis un peu plus de cinq ans maintenant, WINGS OF STEEL a pris son envol et, fort d’un EP et d’un album studio, les musiciens se sont laissés portés jusqu’en Europe et en France où ils ont enregistré un premier album live, « Live In France », sorti il y a quelques semaines. Rencontre avec ce duo qui s’est bien trouvé et qui ne compte pas en rester là.

– Avant de parler ce nouvel album live, j’aimerais que l’on revienne sur votre parcours. Vous êtes basés à Los Angeles, où vous vous êtes rencontrés dans l’école de musique que vous fréquentiez. Comment est née cette idée de fonder WINGS OF STEEL et est-ce que vos cultures suédoises et californiennes se sont vite retrouvées sur des bases communes ?

Parker : C’est vrai qu’il y a avait beaucoup de gens avec qui fonder un groupe. Quand nous nous sommes rencontrés, je me suis dit que Leo était un gars cool, qu’il écoutait les mêmes choses que moi, alors on a commencé à jouer et à écrire de la musique ensemble. Cela a été très naturel dès le départ. Mais au même moment, on voulait aussi vraiment créer un  groupe complet. Finalement, au début, on a composé et on s’est dit qu’on trouverait les autres membres du groupe plus tard. C’est là que le Covid est arrivé. On a tous été confinés, mais Leo et moi habitions ensemble, donc c’était plutôt cool. On s’est posé et je me suis dit : je peux aussi jouer la basse, on sait écrire un morceau, faisons-le nous-mêmes ! On a commencé par l’écriture, puis quelques démos et on s’est juste dit qu’on trouverait les autres musiciens plus tard ! (Rires) On a tout fait tous les deux et ensuite, les autres musiciens venaient juste pour les concerts. On fonctionne encore de cette manière d’ailleurs dans le sens où nous composons toujours à deux.  

– On vous connait en France depuis votre album « Gates Of Twilight » surtout, mais vous aviez déjà sorti un EP éponyme juste avant. Qu’est-ce qui a changé dans WINGS OF STEEL entre ces deux disques ? J’imagine que vous avez appris à mieux vous connaître et peut-être aussi à former un véritable groupe avec d’autres musiciens ?

Leo : Quand on a fait l’EP, comme l’a expliqué Parker, nous avons appris à mieux nous connaître musicalement et surtout à déterminer le genre de musique que nous voulions faire et on avait aussi une idée précise du son que l’on voulait. On l’a fait assez naturellement et assez facilement finalement. Pour le premier album, notre deuxième enregistrement, on avait acquis beaucoup d’expérience en faisant l’EP. On avait une meilleure idée du processus à suivre. Et on a dû accélérer un peu les choses pour faire « Gates Of Twilight » à cause des problèmes de visa que j’ai eu. Mon visa d’étudiant avait expiré et j’avais juste un visa touristique et donc 85 jours pour tout enregistrer, arrangements compris ! Mais grâce à tout ce qu’on avait pu apprendre auparavant, depuis le départ, ça s’est très bien passé, car on savait où on allait et ce qu’on voulait. On apprend toujours et cela facilite aussi beaucoup de choses en évoluant en tant que groupe.

– D’ailleurs, votre lien avec la France a commencé avec « Gates Of Twilight », qui a été mixé par Damien Rainaud, qui a travaillé avec DragonForce, Fear Factory et Angra. Outre son très bon travail, comment vous êtes-vous rencontrés et vous a-t-il aussi aidé à peaufiner votre son ? A moins que vous saviez déjà ce que vous vouliez…

Parker : En fait, nous avons rencontré Damien au moment du premier EP. Quand on a décidé de le finaliser, toutes les chansons étaient écrites et enregistrées. Il fallait juste faire le mix. On a essayé avec deux/trois personnes, mais cela ne collait pas. Alors un ami nous a présenté Damien. Il a fait le mix du morceau « Wings Of Steel », qui figure sur l’EP. On a été très content et il a mixé le reste et il a réalisé aussi le mastering. Mais on voulait, Leo et moi, rester les producteurs du disque. On lui a donc donné les indications sur ce que nous voulions vraiment au moment du mix. Il est vraiment bon dans ce qu’il fait et dans ce qu’il a fait avec nous. On se comprend très bien, et c’est d’ailleurs lui qui a mixé l’album live. Et il sait le son que nous attendons pour nos morceaux.

– Je vous avais découvert sur Internet au moment de la sortie de « Gates Of Twilight » et j’avais été frappé par la maturité de votre jeu. Avant que l’engouement ne commence en France, quels retours avez-vous reçu à Los Angeles et avez-vous aussi pu tourner là-bas ?

Parker : Nous avons donné nos trois premiers concerts au ‘Whisky A Gogo’, deux fois, et au ‘Viper Room’. Ça a vraiment été génial et je pense que c’est à ce moment-là que tout a réellement commencé. Je pense que la réception de l’album a été bonne et pas seulement à Los Angeles, dans le reste des Etats-Unis aussi. On a été diffusé dans le mid-west, au Texas, sur le côté ouest, à Chicago, un peu partout. Et tout ça s’est fait après seulement trois concerts ! Le reste a été réalisé via Internet. Les gens nous ont connus comme ça, car on peut y partager notre musique dans le monde entier, et pas uniquement à Los Angeles, en Californie ou dans le reste du pays. On peut le faire partout où les gens aiment le Heavy Metal ! On nous apprécie maintenant aussi en France, au Brésil, en Allemagne, au Japon et ailleurs… C’est génial ! (Rires)

– Quelques mois plus tard, Olivier Garnier qui est un attaché-de-presse renommé ici en France (Replica Promotion), a eu un coup de cœur pour votre premier album. Comment cette prise de contact a-t-elle eu lieu ?

Leo : Oui, il nous a contactés par Messenger sur Facebook, si je me souviens bien. Je crois qu’il avait écouté l’album que ses amis lui avaient envoyé. Il a adoré et c’est génial qu’il ait eu notre contact. Il nous a tout de suite dit qu’il voulait qu’on vienne jouer en France et qu’il fallait qu’on se rencontre. Nous nous sommes donc rencontrés et c’est un mec génial. Il a vraiment été super avec nous. En arrivant en France, on a fait une journée de relations-presse avec des tonnes d’interviews en un seul jour ! (Rires) C’était au ‘Hard Rock Café’ à Paris qui, je crois, à fermer depuis malheureusement. C’est comme ça que cela s’est fait et nous sommes toujours en contact. On essaie de mettre des choses en place pour 2025 et il est incroyable. C’est l’une des personnes qu’on apprécie le plus dans l’industrie musicale. Il a pris du temps pour nous et c’est vraiment génial !  

– Parlons de votre musique et de ce Heavy Metal teinté de Hard Rock auquel vous donnez beaucoup de fraîcheur et de modernité. Vos influences sont assez évidentes et vous y apportez votre touche. Quelle était votre intention de départ ? Apporter une énergie nouvelle à un style que vous écoutez depuis votre adolescence ?

Leo : C’est intéressant comme question. Nous n’avions pas de plan spécifique quand nous nous sommes connus avec Parker. Quand nous avons commencé, nous avons partagé nos influences et beaucoup étaient les mêmes. Je ne sais pas si on a voulu faire faire quelque chose de précis. On a juste essayé un truc et cela nous plait ! Donc, nous l’avons enregistré et sorti ! C’est vraiment ce qu’il s’est passé ! (Rires)

Parker : L’idée première était de faire la musique qu’on aime. Nous ne sommes pas comme ces groupes qui veulent faire revivre le Heavy Metal des origines. Ce n’est pas le but et je ne vois pas vraiment où est l’intérêt. Pourtant, j’aimerais que ce style de musique devienne de nouveau très populaire. Bien sûr que nous avons en tête tout ce qui a été fait à l’époque avec Tony Iommi et Ronnie James Dio, par exemple, sur « Heaven & Hell ». Ils ont juste créé ce qu’ils voulaient et c’est la même chose pour tous les disques de Heavy Metal. Il y a un côté instinctif. En ce qui nous concerne, nous avons ces influences, certes, mais nous voulons composer notre musique, l’écrire et faire en sorte qu’elle soit différente. Pas que ce soit un ‘Tribute’, ou quelque chose comme ça. On veut juste faire un truc qui déchire, c’est très simple ! (Sourires)

Leo : Et si tu regardes notre musique, tu y trouveras des dynamiques très différentes, rien ne sonne de la même manière. On n’essaie pas du tout de s’adapter à quoique ce soit. On fait vraiment ce qu’on a envie de faire et on utilise tout ce qu’on a à notre disposition.

– On évoque justement depuis quelques temps la NWOAHM (New Wave Of American Heavy Metal), et c’est vrai que le Heavy Metal trouve un nouvel écho aux Etats-Unis avec de jeunes formations. Est-ce que vous vous sentez appartenir à cette nouvelle vague et comment cela se traduit-il concrètement ?

Leo : Je pense qu’on peut dire que nous appartenons à cette ‘nouvelle vague’, car nous sommes un jeune groupe avec seulement quelques années d’existence. Nous avons juste trois disques. Cela dit, et peu importe comment on l’appelle, c’est vrai qu’il y a un renouveau de ce côté-là dans le Heavy Metal traditionnel, Old School, épique, etc…

Parker : C’est aussi une bonne chose, car cela attire l’attention et motive les gens. Mais comme l’a dit Leo, on ne s’adapte pas à un style, nous vivons dans notre propre espace et c’est important. On peut nous mettre dans n’importe quelle case, et ce n’est pas important du moment que c’est la meilleure ! (Rires)

– Vous êtes les deux piliers de WINGS OF STEEL et j’aimerais savoir comment est-ce que vous composez et est-ce que rester dans cet univers très codés du Heavy Metal est votre objectif ?

Parker : Leo et moi avons toujours beaucoup d’idées. Si, par exemple, je trouve un début de chanson que j’aime, je l’envoie à Leo et il fait la même chose. Quand on est d’accord sur une même base, on commence à construire la chanson toujours à partir de la guitare et de la basse. Ensuite, on ajoute les autres instruments au fur et à mesure jusqu’à l’enregistrement de la démo avec le batteur en studio. Il faut que tout soit écrit. Une fois que toutes ces étapes sont franchies, on échange avec Damien pour le mix en essayant d’être le plus précis possible, car nous sommes très pointilleux et les chansons sont très différentes aussi. Ça peut aller très vite parfois, mais il nous arrive aussi d’enlever des choses auxquelles on pensait depuis longtemps. Ça se passe comme ça, très simplement et en essayant toujours de trouver le meilleur.

– Vous sortez aujourd’hui « Live In France », qui est un témoignage de cette tournée européenne au printemps dernier, qui vous a mené en Allemagne au festival ‘Keep It True’ et en France à Lille et Paris. Tout d’abord, comment avez-vous mis tout ça sur pied ? Cela demande beaucoup d’organisation…

Leo : Oui, Olivier nous a beaucoup aidé, c’est lui qui est derrière tout ça : il est le masterman ! (Sourires) Pour le reste de la tournée, c’est Parker et moi qui avons cherché à faire le plus de concerts possible en prenant contact avec des gens. C’est vrai que cela demande beaucoup d’organisation, mais partout où nous avons joué, c’était vraiment cool ! Et les gens sont venus, les promoteurs ont été supers. La tournée a été un succès, je pense. Cela aurait été génial d’avoir un booker pour mieux planifier tout ça, car on aurait pu faire plus de concerts. Cela dit, on en a fait onze et c’est très bien pour une première. Et puis, ce qui compte, c’est la qualité des shows et on s’est senti très bien !

– « Live In France » a été enregistré au ‘Splendid’ de Lille le 17 mai dernier. Tout d’abord, pourquoi le choix de ce concert ? C’était le meilleur des deux ou c’est juste une question d’opportunité ?

Leo : La réponse est très simple : on n’a rien choisi du tout, c’était une idée d’Olivier ! (Rires) Nous sommes venus, nous avons donné notre concert et après il nous a dit qu’il avait été enregistré et que,  si on le souhaitait, on pouvait en profiter pour le sortir en disque. On s’est dit : cool, on a un album ! (Rires) On pensait prendre des morceaux de différents shows, mais c’est très bien comme ça. Ça sonne de manière très authentique.

– Et pourquoi n’y avait-t-il pas de nouveaux morceaux sur cette tournée et donc sur ce disque ?

Leo : En fait, on avait joué uniquement notre répertoire en y ajoutant juste deux morceaux : « Heaven & Hell » de Black Sabbath et « Creeping Death » de Metallica. C’était simplement deux petites surprises pour les concerts. Mais on a laissé ces enregistrements de côté, même si c’est un moment sympa qu’on aime beaucoup les jouer en live. Nous voulions vraiment qu’il n’y ait que nos chansons. Et en fait, nous n’avions pas, non plus, de nouveaux titres prêts à ce moment-là, juste ceux déjà existants.

– A l’initiative de cet album live, on retrouve Arno Geenens de Vérone Productions et l’ingénieur du son Jean-Loup Demeulemeester. Comment vous êtes-vous mis d’accord pour la production, le mix et l’édition ?

Parker : En fait, on a juste eu les fichiers audio que l’on a envoyés directement à Damien pour qu’il réalise le mix. L’ensemble sonnait très bien. Tu sais, quand tu enregistres un concert, tu as le son qui vient de la console et c’est assez différent de ce que tu entends lorsque tu assistes au show, quand tu es dans la salle. Je trouve que l’ambiance est très bien restituée et tu peux t’en apercevoir si tu l’écoutes au casque notamment.

– Est-ce que vous avez eu quelques surprises avec le public qui ne vous connaissaient pas forcément très bien ? Avez-vous été étonné par l’accueil que vous avez reçu ?

Leo : A mon avis, les deux concerts en France ont été les meilleurs de la tournée. Franchement ! (Rires) Nous avons été agréablement surpris de l’accueil qu’on nous a fait, car les gens qui sont venus nous voir étaient vraiment enthousiastes, alors qu’ils ne nous connaissaient pas vraiment. Beaucoup sont venus grâce au bouche à oreille et nous ont découvert. La prochaine fois, je suis sûr qu’ils chanteront avec nous ! (Sourires)

Parker : Oui, beaucoup de gens sont venus parler avec nous après les concerts, ont acheté du merchandising pour nous soutenir et commencent maintenant à nous suivre sur les réseaux aussi. Ils sont d’un grand support, il y avait une énergie incroyable pendant les concerts et notamment à Lille où nous avons passé une soirée géniale.

– D’ailleurs, est-ce que vous travaillez déjà sur votre deuxième album, ou est-ce que vous vous consacrez surtout aux concerts pour ce moment ?

Parker : En fait, Leo était avec moi au mois d’août jusqu’en novembre et nous nous sommes retrouvés, comme pendant la tournée, avec beaucoup de temps devant nous. Alors, on s’est posé un peu et nous avons commencé à composer un nouvel album que nous avons même enregistré. Nous sommes actuellement en pleine production. On espère le sortir en août ou septembre prochain. Mais on ne veut pas trop en parler pour le moment ! (Rires) Nous sommes focus sur l’album live, mais nous dévoilerons quelques chansons dans les mois à venir.

– Juste une dernière petite question. Vous êtes actuellement en autoproduction. Est-ce que vous êtes à la recherche d’un label qui pourrait peut-être aussi vous permettre de grandir, ou préférez-vous conserver cette liberté qui est aujourd’hui la vôtre ?

Leo : Je pense que c’est intéressant pour nous d’être indépendants pour le moment. Tu peux faire exactement ce que tu veux, quand tu veux. Et puis, tu peux aussi garder l’argent pour l’investir dans l’enregistrement, la production, etc… même si on aimerait s’offrir aussi un tour du monde ! (Rires) Bien sûr que si un label nous approche, on étudiera les propositions, mais ce n’est pas évident de décrocher le bon contrat du premier coup. Pour le moment, on continue comme ça et le plus important reste d’écrire et d’enregistrer. Ca a vraiment du sens pour nous. 

Parker : Si on trouve le bon deal, on verra bien. Nous n’avons pas vraiment ce genre de chose en tête pour l’instant. Comme l’a dit Leo, notre principal objectif aujourd’hui est de composer la meilleure musique possible, de progresser, de faire des concerts et de partager nos morceaux au plus grand nombre de fans. Si un label arrive et nous permet de tenir ces objectifs en les améliorant, on verra bien, sinon nous continuerons comme ça, car c’est le mieux pour nous.

Tous les albums de WINGS OF STEEL sont disponibles sont disponibles sur le site du groupe et son Bandcamp :

https://wingsofsteelband.com/home

Photos : GG (4) et Yann Charles (5)

Et retrouvez la chronique de « Gates Of Twilight » :

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Funk Rock Fusion Livre

Red Hop Chili Peppers : funky California

Avec des débuts fracassants et enthousiasmants, les RED HOT CHILI PEPPERS ont marqué profondément et de manière indélébile le monde du Rock au sens large. Précurseurs d’un registre qui a fait des émules et traversé plusieurs générations, ils sont les plus funky de la côte ouest et ont balisé leur parcours à grands coups de riffs brûlants, de slaps phénoménaux et de hits aussi nombreux qu’incontournables. Fédérateurs et parfois borderlines, les Américains font des étincelles jusque dans cette belle docu-BD.

RED HOT CHILI PEPPERS

B. Figuerola/C. Cordoba/F. Vivaldi/S. Degasne

Editions Petit à Petit

La maison d’édition normande poursuit sa belle série dédiée à la musique et elle s’attaque cette fois à un nouveau monument du Rock mondial. Et c’est du côté de la Californie que l’on suit les aventures des RED HOT CHILI PEPPERS. Fondé sous le soleil de Los Angeles en 1982 par deux amis d’enfance, Anthony Kiedis (chant) et Flea (basse), le groupe prend véritablement forme avec les arrivées en 1988 de Chad Smith (batterie) et Jon Frusciante (guitare), qui stabilisent le combo, malgré deux départs de ce dernier par la suite.

Aujourd’hui, du haut d’une discographie de 13 réalisations studio, les R.H.C.P. approchent les 80 millions d’albums vendus et, pour ceux que ça intéresse, plus de cinq milliards de streams. Autant dire que le quatuor pèse dans l’industrie musicale et ce n’est pas une question de marketing. Non, il est le créateur d’un style et d’un son unique, identifiable entre mille et en quelques secondes. Une touche très personnelle où se mêlent de manière très naturelle Rock, Funk, Metal, Soul, Rap ou Punk dans une harmonie totale.

Cela dit, et avec tout le respect que j’ai pour les R.H.C.P., il faut bien avouer qu’ils se sont éteints à l’aube des années 2000. Si techniquement, ils sont irréprochables, les productions qui ont suivi « Californication », voire même avant, manquent de souffle. D’ailleurs, les puristes affirment que « Mother’s Milk » est même leur dernier joyau. Bref, la bande dessinée, bien documentée, relate l’incroyable succès et les frasques qui ont émaillé la carrière exceptionnelle de quatre musiciens appréciés de tous… d’une manière ou d’une autre.

128 pages/Format 19×26 cm/19,90€

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Heavy metal Old School Progressive Heavy Metal

Diamonds Hadder : mystic Metal

Jouant sur une personnalité assez énigmatique, puisqu’il est question de l’ici de l’histoire de son protagoniste ‘Johnathan Hadder’, John Evermore entend bien perpétuer la tradition d’un Heavy Metal tranchant, épique et légèrement cinématographique. Sur des mélodies accrocheuses, des parties de guitares dynamiques et brûlantes et des changements de tempos aussi surprenants que véloces, DIAMONDS HADDER se livre à un voyage musical introspectif entre classicisme à la Dio pour la voix et une profondeur progressive héritée notamment de Fates Warning.

DIAMONDS HADDER

« Beyond The Breakers »

(No Remorse Records)

Je ne suis habituellement pas très adepte des one-man-bands, surtout de nos jours où l’informatique fait déjà la loi et où l’IA commence aussi à augmenter les dégâts. Le progrès à la place de la créativité, c’est ce que subit la musique au quotidien. Mais il reste encore quelques artistes étonnants qui osent d’aventurer sur des sentiers déjà bien balisés pour y apporter un petit quelque chose d’autre, un petit grain de folie. Et c’est exactement ce que propose John Evermore, alias DIAMONDS HADDER, avec « Beyond The Breakers ».

Loin justement de remplir l’espace sonore en empilant les pistes instrumentales pour un résultat d’une exemplaire platitude, comme c’est la norme, ce premier album est au contraire très organique, un brin vintage et interprété de main de maître. Le musicien y joue tous les instruments, et même très bien, s’est aussi occupé de l’enregistrement, du mix et de la production, sans oublier bien sûr l’écriture et la composition. Et surtout, DIAMONDS HADDER nous ramène à des sonorités familières entre Heavy Metal et Hard Rock.

Egalement au chant, l’Américain, basé à Los Angeles, a imaginé et réalisé un opus en forme de conte et doté d’une narration riche et dynamique. Et l’on doit ce son si authentique sans doute au fait que « Beyond The Breakers » ait été enregistré dans une usine abandonnée, ce qui lui confère cette atmosphère si particulière. DIAMONDS HADDER ne manque pas non plus de (bonnes) références et nous fait naviguer du côté de chez Rainbow, Savatage, Queensrÿche, voire Iron Maiden. Une belle odyssée classique et progressive.

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Blues Blues Rock Contemporary Blues International Soul

Eva Carboni : the way of the voice [Interview]

Italienne et insulaire, EVA CARBONI n’avait, a priori, pas de prédisposition naturelle pour le Blues. Et pourtant, depuis quelques disques maintenant, elle a parfaitement réussi à imposer sa voix, mais aussi un registre qui parcourt sans retenue, et va même parfois au-delà, l’univers des notes bleues. Ce mois-ci est sorti « Blues Siren », un troisième album qui, comme son nom l’indique, est captivant à plus d’un titre et il est même difficile de s’en défaire facilement. Aujourd’hui installée à Londres, la chanteuse multi-culturelle continue de façonner un chant expressif et sincère entourée d’une équipe de haut-vol. L’occasion de revenir avec elle sur son parcours et également sa vision de la musique, de ce qu’elle apporte et aussi ses intentions pour l’avenir.

– Avant de parler de ce nouvel album, « Blues Siren », j’aimerais que l’on revienne sur ton parcours. Tu es née en Sardaigne, qui n’est pas véritablement une terre de Blues. De quelle manière l’as-tu découvert et surtout comment est venue cette envie de le chanter ?

Tout d’abord, je tiens à te dire que mon père est né et a grandi en France. Alors autrefois, je parlais très bien le français. Mais aujourd’hui, je suis très rouillée ! (Sourires) Il chantait beaucoup quand il était jeune, même s’il s’est ensuite consacré à autre chose. Mais enfant, il me faisait chanter des chansons de Gilbert Bécaud et d’Edith Piaf, assise sur la table de la cuisine pendant qu’il faisait la vaisselle. Dans notre maison, on écoutait toujours beaucoup de bonne musique et dans des styles très différents… C’est comme ça que j’ai découvert Janis Joplin. J’ai alors été frappée par la foudre, alors que je n’avais seulement que 11 ou 12 ans.

– Par la suite, tu es partie pour Los Angeles où tu as obtenu ton diplôme de chant à la prestigieuse ‘Vocal Power Academy’ avec la très réputée Elisabeth Howard. En quoi cette école a-t-elle un passage obligé et est-ce là que tu as véritablement trouvé ‘ta voix’ ?

Oui, la ‘Vocal Power Academy’ est arrivée plusieurs années après. J’ai un peu vagabondé, puis j’ai rencontré Elisabeth Howard en Italie dans une masterclass, et j’en suis tombée amoureuse. Ensuite, je l’ai rejointe à Los Angeles où j’ai pu approfondir mes connaissances avec sa super méthode. J’ai aussi beaucoup travaillé sur moi et sur ma voix, en revoyant finalement tout ce que j’avais appris auparavant. Je voulais qu’elle résonne librement, sans tension et qu’elle devienne un instrument qui me permette d’exprimer tout ce que je ressentais à l’intérieur de moi. Je l’ai ensuite cultivée et soignée avec amour et curiosité.

– Étonnamment, c’est ensuite en Angleterre aux côtés du guitariste et compositeur Mick Simpson que tu trouves l’association parfaite, puisque vous travaillez toujours ensemble. On aura pu penser que tu serais restée aux USA, berceau du Blues, et pourtant c’est à Londres, où tu vis aujourd’hui d’ailleurs, que tu t’épanouies. Tu as plus d’affinités avec le British Blues, ou c’est juste un concours de circonstance ?

Ma rencontre avec mon ami, le grand guitariste et auteur-compositeur-interprète Mick Simpson, m’a fait entrer dans une famille britannique fantastique et magique. Il m’a présenté à mon producteur Andy Littlewood, qui est aussi musicien, auteur, interprète et un compositeur incroyable avec qui je collabore depuis 2017. J’adore chanter du Blues britannique et aussi made in USA. J’aimerais d’ailleurs faire une tournée aux Etats-Unis bientôt et pouvoir rendre visite à mes amis américains.

– Tu es également compositrice et tu co-signes plusieurs chansons de « Blues Siren ». Dans quel domaine interviens-tu le plus ? On imagine que les paroles ont une place particulière dans ton univers musical…

Quand j’ai l’inspiration pour écrire une chanson, elle me vient comme une histoire à raconter. La musique et les paroles naissent pratiquement ensemble. Pour moi, c’est comme recevoir un cadeau et j’en suis très reconnaissante. Je me laisse guider par ma voix intérieure. « Blues Siren », par exemple, m’est venue alors que je réfléchissais à ma vie et à celle de tous mes merveilleux amis, qui ont rendu ce monde plus beau avec leur voix. Cette chanson, sérieuse et avec une légère ironie, contient un peu de moi, un peu de toutes les grandes reines du Blues et un peu aussi des moins connues, mais qui n’en sont pas moins de grandes chanteuses de Blues. Elles ont toutes ouvert leur cœur pour donner de douces émotions à travers leur chant.

– « Blues Siren » est ton troisième album après « Italia Square » (2019) et « Smoke And Mirrors » (2022), auxquels il faut ajouter quelques singles et l’EP « In The Name Of The Blues ». Je me suis amusé à écouter ta discographie de manière aléatoire et c’est incroyable de voir à quel point il y a une intemporalité dans ta musique au point que c’est difficile de dater tes chansons. Est-ce que c’est ce que tu cherches avant tout à travers tes disques ? Qu’ils soient hors du temps ?

Oui… Avec Andy, on suit le flux du moment. C’est aussi parce que, pour moi, le temps n’existe pas… Mais là, c’est un peu plus compliqué à expliquer ! (Sourires) Et je suis très contente que tu aies écouté toute ma discographie, merci !

– « Blues Siren » vient donc tout juste de sortir, mais il y a quelques mois tu nous as fait patienter avec l’EP « In The Name Of The Blues », qui est d’ailleurs plus Rock et plus rugueux que ton répertoire habituel. Pour quelles raisons as-tu sorti ce format-court ? Ce sont des chansons que tu avais de côté depuis un moment déjà, ou est-ce peut-être parce qu’elles ne s’intégraient pas vraiment dans ce troisième album ? Car il est assez différent, y compris dans le son…

En fait, « In the Name of the Blues » est arrivé comme un double-single avant la sortie de l’album. Et comme nous avions déjà beaucoup de chansons, c’est devenu un EP. Nous avions un tas d’idées et nous y sommes allés doucement ! Cela dit, même sur « Blues Siren », il y a beaucoup de Rock, des chansons comme « Don’t Get In My Way », « Walking A Tightrope », ou « Alive And Breathing » le sont définitivement. L’album alterne avec des morceaux aux saveurs différentes et qui vivent tous ensembles en harmonie.

– Vocalement, tu t’inscris depuis tes débuts dans la tradition des grandes chanteuses de Blues et de Soul comme Etta James ou Aretha Franklin, grâce à une voix à la fois sensuelle et puissante. Curieusement, tu vas un peu à contre-courant des chanteuses actuelles qui jouent un Blues moderne plus Rock et explosif. Est-ce que, finalement, le secret ne vient-il pas du travail que tu fais sur les atmosphères ?

Comme je te le disais, j’aime beaucoup jouer avec ma voix et c’est souvent la chanson qui m’inspire et m’invite à la suivre. Sur certains titres, je chante ce que je suis, dans d’autres, je raconte une histoire en étant spectatrice. Cela peut se faire de manière plus intime, limpide ou explosive. Dans le monde du Blues, il y a beaucoup de chanteuses et de chanteurs fantastiques et authentiques et chacun suit ce qu’il ressent à ce moment-là. Cette diversité est belle et c’est génial qu’elle existe. Je n’aime pas me coller une étiquette et je ne pense pas que quiconque aime cela d’ailleurs. Beaucoup d’artistes, femmes et hommes, ont toujours aimé parcourir ce style à travers différentes atmosphères et expérimenter en permanence.

– D’ailleurs, si tu évolues dans un registre Blues au sens large du terme, il y a de nombreuses influences Soul et Jazzy avec un côté feutré et une certaine dramaturgie dans ton répertoire. C’est finalement cette chaleur très présente sur tes albums que tu recherches tant dans les textes que musicalement, comme une façon de capter intensément l’attention de l’auditeur ? On a presque le sentiment que tu ne veux rien manquer du vaste monde du Blues. Et en fin de compte, rien ne te résiste, non plus. C’est important pour toi de ne pas te restreindre à un seul courant ?

J’ai eu la chance d’étudier intensément de nombreux styles vocaux et chacun m’a laissé quelque chose. Au départ, le Blues ne nous est pas venu très naturellement, à nous les Européens. C’est une question de culture, bien sûr. Nous ne sommes pas nés noirs, ni en Amérique. Mais nous pouvons nous imprégner, écouter et intégrer en nous ce qui vient de ceux qui ont respiré le Blues depuis leur enfance et nous l’approprier à notre manière. Elisabeth m’avait dit une fois qu’elle avait même dû enseigner le Blues à des élèves noirs, qui avaient été adoptés par des blancs en Amérique.

– Juste avant « Blues Siren », tu as aussi sorti quelques singles comme « Winter Of 51 », « The Magic » et une version étendue incroyable de « Call My Name », toujours avec ton complice Mick Simpson. Ce sont des chansons qui n’étaient pas prévues pour un album, ou est-ce que, dans ce nouveau monde numérique, c’est aussi une façon de rester présente pour tes fans et à travers les réseaux sociaux ?

Parfois, Andy et moi essayons de tenir compagnie à nos amis et aux fans qui nous suivent avec quelques chansons, même en version single ou sur un EP. On le fait en attendant l’arrivée du nouvel album qui, comme tu le sais bien, demande parfois un peu plus de temps que prévu. « Winter Of 51 » et « Call My Name » font toutes deux partie d’un album. Pour « Call My Name », Mick avait joué un très long et très beau solo en studio. C’était si intense et touchant que nous avons décidé de le présenter dans une version augmentée. « The Magic », quant à elle, est une chanson que nous avons sortie à Noël dernier. Elle est pour moi très spéciale et sincère.

– Enfin, 2024 a été une belle et riche année pour toi avec un EP et un album complet. J’imagine que 2025 sera consacrée essentiellement à la scène, à moins que tu ne travailles déjà sur le successeur de « Blues Siren » ?

Oui, je compte désormais me consacrer intensément au live et avec un super groupe anglais. Mais… De nouvelles chansons bourdonnent déjà dans nos têtes. Je vous tiendrai au courant de tout ça plus tard ! (Sourires)

Le nouvel album d’EVA CARBONI, « Blues Siren »  est chez Mad Ears Productions et sur le site de l’artiste : https://evacarboni.com/

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Crossover International Rap Metal

Body Count : impitoyable [Interview]

Dans dix jours sort le très attendu nouvel album du légendaire gang de Los Angeles BODY COUNT. Et après un « Carnivore » sans concession passé malheureusement un peu sous les radars en raison de la pandémie, le groupe n’a pas l’intention de lever le pied et se présente avec « Merciless », qui est probablement l’une de ses meilleures réalisations à ce jour. Comme de coutume, on y retrouve des invités, une reprise et surtout le mordant et l’intacte férocité des Californiens. Après une série de dates en Europe cet été, Ernie C., guitariste en chef et fondateur du combo avec Ice T., nous parle de ce huitième opus. Et puis, c’est aussi une petite exclusivité française, puisque l’interview a été réalisée le 20 octobre dernier…  

– « Merciless » devait sortir cet été et le public le découvrira finalement en novembre. A quoi est dû ce retard ? La raison est-elle est la grosse tournée estivale, car j’imagine qu’il n’est pas facile de faire la promotion d’un album en sillonnant l’Europe notamment ?

Oui, c’est vrai et « Merciless » sortira finalement ce 22 novembre ! Il en aura fallu du temps. D’abord, bien sûr, il y a eu la pandémie, alors que nous venions juste de terminer « Carnivore ». Comme il est arrivé au début des confinements, nous nous sommes dit que nous devions commencer à travailler sur un autre disque. Ce que nous avons fait. D’ailleurs, il n’y avait même pas eu de tournée pour défendre « Carnivore ». Les nombreux concerts de cet été ont permis de le présenter enfin au public…

– D’ailleurs, vous nous avez mis l’eau à la bouche avec la sortie de trois singles (« Psychopath », « Fuck What You Heard » et « Comfortably Numb »). C’est une manière de vous faire un peu ‘pardonner’ de ce retard, ou avez-vous succombé aux nouvelles pratiques qui consistent à occuper le terrain sur les réseaux sociaux avec de nouveaux morceaux ?

Tu sais, ça, ce sont des trucs de maisons de disques. Ils sortent les disques lentement, au compte-goutte, c’est comme ça. Avant, c’était souvent comme ça qu’on faisait les disques. Les labels sortaient quelques singles et ensuite, l’album arrivait enfin… J’imagine qu’ils essaient de le faire un peu à l’ancienne.

– Lors de notre dernière interview à la sortie de « Carnivore », tu me disais que tu étais presque surpris par la dimension musicale de BODY COUNT aujourd’hui, par rapport au côté Punk de vos débuts. Tu ajoutais que vous étiez dorénavant un vrai groupe de Metal. C’est d’ailleurs quelque chose qui saute aux oreilles dès l’into de « Merciless »…

Oui, c’est vrai. En fait, c’est tout simplement ce que nous sommes aujourd’hui. Je ne pense pas que nous serons à nouveau un jour ce groupe Punk que nous étions à nos débuts. Mais  c’est une progression assez naturelle de notre style musical, à mon avis…

– Pour ce huitième album, on retrouve toujours votre ‘troisième guitariste’ Will Putney à la production et le résultat est toujours aussi impressionnant. Vous n’imaginez pas un album sans lui ? Ne serait-ce que pour essayer une nouvelle approche musicale ? Est-il en quelque sorte le garant du son de BODY COUNT ?

Putney est évidemment un élément important de BODY COUNT. Nous aimons vraiment travailler ensemble. Ce que nous apprécions aussi, c’est que les choses sont très simples avec lui. En fait, nous ne voulons pas nous compliquer la vie, juste être efficace. Et il reste simple dans son approche, ce qui nous convient très bien. Et puis, je ne veux plus produire de disques de BODY COUNT, c’est plus simple de jouer de la guitare… (Sourires)

– Avant de parler des invités qui figurent sur « Merciless », il en est un qui a étonné tout le monde, car on n’aurait jamais imaginé qu’il se joigne à BODY COUNT : c’est bien sûr David Gilmour, ex-Pink Floyd, sur « Comfortably Numb ». De quelle manière deux univers aussi différents se sont-ils retrouvés car, même si Ice T a apporté du texte, on est très loin de South Central ? Et la reprise est magnifique…  

Ice est arrivé avec la chanson et il voulait que je puisse la jouer sans aucune limite. Il faut savoir que dans la première version, je joue la première guitare et c’est Richie Sambora qui joue la seconde. Ensuite, nous l’avons donc envoyée à l’entourage de David Gilmour pour obtenir son approbation. Ils nous ont répondu qu’il adorait la version, mais qu’il voulait savoir s’il pouvait jouer dessus… et là, on s’est dit : ‘Oh putain, oui, tu peux !’ (Rires) Ce fut vraiment un honneur et un privilège de l’avoir sur le morceau. Nous l’avons ensuite renvoyée à Roger et son management nous a donné son accord… Le fait que ces deux-là, David et Ice, soient d’accord sur une chanson me donne foi et espoir pour le monde… (Rires)

– D’ailleurs à propos de reprises, sur « Carnivore », vous aviez repris « Ace Of Spades » de Motörhead et donc cette fois, c’est Pink Floyd. Le spectre s’élargit. C’est une manière de dire aussi que BODY COUNT peut surgir là où on ne l’attend pas ?

En fait, on ne l’a pas vraiment imaginé dans cette optique-là. Finalement, c’est juste notre façon de dire que nous écoutons toutes sortes de musique au sein de BODY COUNT. Nous ne nous mettons jamais de limites à ce qu’on peut jouer en termes de style. Et nous ne savons pas non plus ce qui arrivera dans les futurs albums… (Sourires)

– Parlons des guests qui figurent sur l’album, une vieille habitude maintenant. Ici, ils sont tous issus directement de la branche extrême du Metal. On retrouve Max Cavalera de Soufly, Joe Bad de Fit For An Autopsy, Howard Jones de Killswitch Engage et George ‘Corpsegrinder’ Fisher de Cannibal Corpse. C’est assez surprenant compte tenu de leur groupe respectif. C’est ça qui vous a attiré ? De confronter les styles ?

Tu sais, nous avons déjà tourné avec Cannibal Corpse par le passé. On se connait bien maintenant. Quant à Joe Bad, il joue avec Will Putney dans Fit for An Autopsy. Ca nous a donc paru assez évident. A y regarder de plus près, ce n’est pas si incohérent de retrouver ces artistes sur notre disque. Et pour Killswitch Engage, nous avons également fait de nombreux concerts ensemble. Et enfin, Max est un ami et il est à nos côtés depuis les années 90 maintenant…

– A y regarder de plus prêt, et si j’ai de bons yeux, ne serait-ce pas l’ami George Fisher entre les mains d’Ice T sur la pochette de l’album ? Comment se porte-t-il après cette petite séance de relaxation ?

(Rires) Georges va très bien, merci pour lui ! (Rires)

– Parlons un peu de ton jeu, qui est toujours aussi tranchant. Comment as-tu abordé la composition de « Merciless », car l’album est nettement plus sombre encore que « Carnivore » ?

Tu sais, c’est très simple. Avec le reste du groupe, nous avons juste abordé la composition de « Merciless » comme on le fait toujours, de la même manière et comme pour chaque album. Alors maintenant, je ne saurais te dire si ça sonne plus sombre que les précédents. Ce n’est pas vraiment quelque chose que je prends en compte. C’est tout simplement sorti de cette façon. Je n’ai pas vraiment de formule et il n’y a aucun calcul.

– Et enfin, vous venez de faire une grosse tournée en Europe après une longue absence due à la pandémie. J’imagine que les retrouvailles avec votre public ont été incroyables ?

Oh oui, c’était génial d’être de retour en Europe pour cette série de concerts. J’espère que nous pourrons revenir voir tous nos fans l’été prochain, car cette tournée était essentiellement consacrée à l’album « Carnivore ». Donc la prochaine fois, nous pourrons vraiment nous concentrer sur « Merciless ». Et ce qui m’a aussi marqué, c’est que les gens étaient vraiment heureux de nous voir. Tous nos concerts ont affiché complet, ce qui nous fait toujours très plaisir ! Keep rocking and keep rolling ! (Sourires)

Le nouvel album de BODY COUNT, « Merciless », sera disponible le 22 novembre chez Century Media Records.

Retrouvez l’interview d’Ernie C. accordée au site à la sortie de « Carnivore » :

Photos : Alessandro Solca, sauf 5.