Parler de sincérité et d’authenticité lorsque l’on a affaire à deux monuments comme JOHN PRIMER & BOB CORRITORE est presque malvenu, sinon déplacé. Le réputé et expérimenté tandem guitare/harmonica est l’un des meilleurs représentants de ce Chicago Blues, à la fois inimitable et tellement identifiable. A travers une belle douzaine de joyaux nés dans la ville de l’Illinois, « Crawlin’ Kingsnake » nous emporte dans un tourbillon festif, émouvant, dansant et littéralement lumineux.
JOHN PRIMER & BOB CORRITORE
« Crawlin’ Kingsnake »
(VizzTone Label Group)
Sur près d’une heure, JOHN PRIMER & BOB CORRITORE font une nouvelle fois briller le Blues de Chicago, entouré d’un groupe à faire pâlir toute concurrence, même si c’est plutôt le respect et le partage qui habitent tout ce beau monde. Pour ce quatrième album commun, nos deux bluesmen entretiennent et font sonner ce courant si cher au grand Muddy Waters. Et lorsque l’on connaît leur pédigrée et leur parcours, ça ressemble plutôt à une promenade de santé, guidée par un désir de transmission et un plaisir présent sur chaque note.
Pour mener à bien ce somptueux « Crawlin’ Kingsnake », JOHN PRIMER & BOB CORRITORE, tous deux originaires du South Side de Chicago, sont accompagnés par un groupe d’élite avec Jimi Primetime Smith à la guitare, Anthoni Geraci au piano, Bob Stroger à la basse et Wes Starr à la batterie. Je vous invite à aller jeter un œil sur leur splendide CV à tous pour faire une idée plus concrète du très haut niveau du combo à l’œuvre ici. Et c’est entre 2021 et 2023 que les sessions ont été enregistrées dans les studios Tempest en Arizona.
Au long de « Crawlin’ Kingsnake », on se retrouve entouré de James Cotton, John Lee Hooker, Willie Dixon, BB King, Jimmy Rodgers, Magic Slim et bien entendu Muddy Waters, repris à trois reprises. Chaleureux et groovy, JOHN PRIMER & BOB CORRITORE y mettent tout leur savoir-faire, une dextérité et une technique implacable et surtout un feeling époustouflant. Slide enflammée, piano survolté, harmonica transi de bonheur et une voix envoûtante : il ne manque rien à ce nouvel opus, qui sonne si live et tellement authentique.
Après s’être remise en question et avoir procédé à des changements de line-up conséquents, la formation Hard Rock du Danemark fait son retour avec « Look At Me Now », une galette de dix morceaux à croquer et très bien produite par Soren Andersen (Glenn Hughes, Thundermother). Intense et percutant, JUNKYARD DRIVE montre une belle envie et beaucoup d’assurance, qui se ressentent jusque dans la composition de ses nouveaux titres. Entre modernité et tradition, ce nouvel opus amorce même un nouveau départ plein de promesses.
JUNKYARD DRIVE
« Look At Me Now »
(Mighty Music/Target Group)
L’air de rien, cela fait déjà dix ans que JUNKYARD DRIVE a pris la route et qu’il impose son Hard Rock musclé méticuleusement mis à jour. Les Danois sont toujours restés ancrés dans leur époque, même s’ils abordent sans détour un style qui a certainement baigné leur adolescence. Avec un œil neuf, ils empruntent le sentier très bien balisé par leurs aînés, à savoir Guns n’Roses, Skid Row et Audioslave entre autres, et ils y ont injecté un grain de folie qui rend leur patte très accrocheuse. Bardé de mélodies entêtantes et d’une fougue constante, « Look At Me Now » est leur quatrième album et il y a du neuf !
La première petite révolution du quintet est d’avoir entièrement renouvelé sa section guitare, ce qui n’est pas rien, notamment dans un style comme celui-ci où il constitue souvent l’identité sonore d’un groupe. Bienvenue donc à Oliver Hartmann et Kristoffer Kristensen, qui font beaucoup de bien à JUNKYARD DRIVE, non que leurs prédécesseurs ne fussent pas à la hauteur, loin de là. Mais il faut bien reconnaître que le sang neuf apporté au combo l’a complètement réoxygéné et revigoré. Les deux artilleurs s’entendent parfaitement et leur complicité est évidente, tant sur les riffs que sur le partage des solos.
Vocalement, Kristian Johansen semble même avoir gagné en vigueur et ose bien plus de choses que sur « Electric Love » (2022), pourtant très bon. Les Scandinaves ont fait le plein d’énergie et leur Hard Rock s’affirme de plus en plus. Très varié dans l’ensemble, « Look at Me Now » montre toute l’étendue musicale dont est capable JUNKYARD DRIVE. Bluesy, véloce, Heavy, épais et plus tendre sur les ballades, ce nouvel opus révèle une belle créativité à l’œuvre et techniquement, c’est irréprochable (« Somewhere To Hide », « Landslide », « Beauty Fool », « Blood Red Sky », « The Tide Is High »). Well done !
Qualifier BROTHER DEGE de musicien solaire est un doux euphémisme. Alors qu’il vient de nous quitter, son ultime témoignage vient malheureusement mettre un terme à une œuvre Southern où Blues et Folk s’entremêlent avec des sonorités Rock et Country. « Aurora » est le dernier grand cru livré par l’ouroboros du bayou. Le vide va être abyssal et son silence presqu’insupportable, mais ses disques et ses livres restent, eux, éternels et je vous invite à vous y plonger. Un désert de beaux mots.
BROTHER DEGE
« Aurora »
(Prophecy Productions)
Cela faisait déjà un petit moment que je me délectais de cette nouvelle réalisation de BROTHER DEGE Legge, lorsque j’ai soudainement appris sa mort survenue le 9 mars dernier, alors qu’il n’avait que 56 ans. Ce magnifique « Aurora » s’apprêtait à sortir et une tournée européenne était même prévue en avril. Il s’est éteint dans sa ville de Lafayette en Louisiane et laisse un héritage précieux. Et si son fougueux Southern Psychedelic Rock ne vous dit a priori rien, peut-être avez-vous en tête son morceau « Too Old To Die Young », qui figurait sur la B.O. de « Django Unchained » de Quentin Tarantino en 2012 ?
« Aurora » est le quatrième opus de BROTHER DEGE, après « How To Kill Horse » (2013), « Scorched Earth Policy » (2015) et « Farmer’s Almanac » (2018). Il est sans doute aussi le plus intime et le plus personnel. Au regard de sa carrière, y compris celle d’écrivain, on y trouve une espèce de synthèse de son long travail à travers ce parcours si atypique ancré dans le Sud des Etats-Unis qui l’a façonné et qu’il incarnait tellement. La discrétion et l’humilité de l’artiste révèlent sa force poétique, qu’elle soit dans les textes ou dans sa musique bercée par un dobro toujours aussi magnétique.
On pense bien sûr à Ry Cooder sur l’instrumental morceau-titre qui ouvre l’album, mais le songwriter fait rapidement rayonner sa touche si particulière. Cette fusion si singulière entre le slide du Delta Blues, la Folk et un Rock issu du Bayou rend BROTHER DEGE assez unique. Poignant et plein de sensibilité sur « Where The Black Flowers Grow » et « A Man Needs A Mommy », il accélère sur « Turn Of The Screw » pour se montrer très élégant sur « The Devil You Know » et sur l’énigmatique « The Longing » presque prophétique. La douce folie et l’approche de l’Américain vont terriblement manquer au monde de la musique.
Frontman iconique de Creed, puis d’Art Of Anarchy deux petites années, SCOTT STAPP mène également une carrière sous son nom depuis 2005 et cinq ans après « The Space Between The Shadows », son dernier fait d’armes, il signe « Higher Power » au moment-même où toutes les planètes sont alignées. Le Floridien démontre qu’il demeure un chanteur hors-norme, déterminé et toujours capable de livrer des lignes vocales imparables. Percutant, il combat ses tourments dans un disque très personnel et toujours fédérateur.
SCOTT STAPP
« Higher Power »
(Napalm Records)
Alors que Creed va enchaîner les concerts avec 3 Doors Down, Daughtry et quelques autres, puis avec Mammoth WVH en remplacement de ce dernier, son leader revient avec un nouvel album solo, son quatrième, comme pour mieux sonner la charge. Et ce cumul de bonnes nouvelles nous replonge à l’aube des années 2000, où l’Alternative Metal/Rock submergeait les Etats-Unis et un tout petit peu l’Europe aux côtés des inévitables Nickelback. Et l’autre bonne nouvelle est que SCOTT STAPP est en pleine forme.
Toujours marqué par les séquelles de son accident à Miami en 2006, le chanteur semble avoir mené à terme son combat contre la dépression et la dépendance. D’ailleurs, « Higher Power » vient clore en quelque sorte ce chapitre, même si les textes sont, pour l’essentiel, assez sombres et ténébreux. Mais SCOTT STAPP affiche beaucoup de détermination et celle-ci se traduit par une performance vocale puissante et toujours très mélodique. Certes, le virtuose Mark Tremonti n’est pas de la partie, mais d’autres ressources sont à l’œuvre.
Entouré d’une belle équipe de production, dont il fait partie, l’Américain surfe sur une sorte de Hard Rock moderne et accrocheur, pêchu et assez mid-tempo aussi sur la seconde partie de « Higher Power ». La présence du guitariste grec Yiannis Papadopoulos sur trois titres et le duo avec Dorothy Martin (« If These Walls Could Talk »), ainsi que la collaboration de Steve McEwan, faiseur de hits, à l’écriture donnent un souffle de fraîcheur à cette réalisation solo d’un SCOTT STAPP revigoré, entreprenant et qui se bonifie avec l’âge.
Si les nationalités se côtoient aussi naturellement chez les CINELLI BROTHERS, c’est probablement dû à un amour commun pour le Blues, bien sûr, mais cela va bien au-delà. Avec l’indépendance chevillée au corps, le quatuor italo-anglo-français livre déjà son quatrième album, « Almost Exactly », dont le titre parle de lui-même avec cet état d’esprit si particulier. S’ils échangent leurs instruments à l’envie, c’est avec une authenticité palpable que le groupe a imposé sa patte au fil des disques. Entretien avec Marco Cinelli (chant, guitare, claviers), principal compositeur et producteur, et à l’humour so british…
Photo : Anna Polewiak
– Tout d’abord, j’aimerais vous demander si la nationalité du groupe importe encore pour vous lorsque celui-ci se compose de deux Italiens, d’un Anglais et d’un Français ? Sachant en plus que vous êtes basés à Londres…
A ce stade, nous pouvons tous nous fondre dans la nationalité écossaise. Personne n’est écossais, mais l’Ecosse est un concept dans lequel chacun a des points communs les uns avec les autres.
– Est-ce que, finalement, ce n’est pas ce mélange de cultures qui fait que vous vous soyez retrouvés tous les quatre autour de la musique américaine si naturellement ?
Tu l’as dit. J’ai toujours pensé que le mélange de personnalités différentes, liées également à la différence de nos origines, rendait la soupe plus originale en goût. Comme le Blues.
– Vous venez de sortir « Almost Exactly », votre quatrième album, et vous êtes partis l’enregistrer aux Etats-Unis, à Woodstock, avec le grand Rich Pagano qui le co-produit également. Qu’est-ce qui vous a poussé à traverser l’Atlantique ? C’était une façon de vous rapprocher de vos racines musicales ?
C’était et c’est le rêve de nombreux jeunes groupes européens comme nous. Aller en Amérique – aller à Woodstock ! – dans un grand studio d’enregistrement, pour produire et sortir un album qui sent bon les étoiles et les sillons. Waouh ! C’était presque comme si même la réalité des faits ne pouvait saper la beauté de ce rêve innocent. Le fait est qu’en Amérique, il existe toujours un vif intérêt pour la production discographique. Je dirais en fait qu’en Europe, il existe un vif intérêt pour ce qui se passe en Amérique.
Photo : Anna Polewiak
– Malgré de multiples récompenses et de nombreuses tournées, vous n’êtes pas signés sur un label après quatre albums. Pourtant, j’imagine que les sollicitations ne doivent pas manquer. Vous souhaitez simplement garder votre indépendance et une certaine liberté, ou vous n’avez pas eu d’offres suffisamment intéressantes ?
Je dois malheureusement admettre que nous n’avons pas eu l’offre qui nous ferait arrêter de faire ce que nous faisons sans l’aide de qui que ce soit. Nous avons eu des histoires, nous avons fait des choix et le résultat est le groupe aujourd’hui. Nous ne regrettons rien et nous ne changerions rien au passé, non plus. Un jour, viendra l’offre que nous ne pouvons refuser. Nous nous préparons à ne pas l’accepter.
– Revenons à « Almost Exactly », vous avez co-écrit les chansons pour la première fois, et surtout on y décèle un côté plus Pop et peut-être plus roots aussi. Vous aviez des envies de changement, ou c’est une évolution assez naturelle de votre musique ?
Nous ne pensons jamais en termes de changement de musique. Quand nous composons, nous faisons simplement notre truc. Je dirais donc certainement que nous évoluons naturellement vers autre chose. Si c’est plus Pop, ou plus ‘vert’ plutôt que ‘bleu’, c’est à vous de décider. Je suis heureux quand les gens s’intéressent à notre musique et soulèvent toutes ces questions sur le changement de style, etc… Pour nous, cela n’a pas changé du tout depuis le début. PEUT-ÊTRE, juste un tout petit peu, OK !
Photo : Anna Polewiak
– Cela dit, cette authenticité très Blues est toujours autant alimentée de Soul et de R&B dans des couleurs fidèles aux 60’s et 70’s. Ca, c’est une chose qui ne changera jamais chez THE CINELLI BROTHERS ?
Ne jamais dire jamais. Quand les gens commenceront à exiger une musique type pour les CINELLI’S, j’essaierai sérieusement de comprendre pourquoi dans un premier temps, puis j’envisagerai la possibilité de changer le son dans ce sens. Nous avons un bluesman dans le groupe (Tom Julian Jones), un Rock Soul (Stephen Giry) et un jazzman (mon frère Alessandro). Les éléments peuvent être mélangés pour toujours et auront un son vintage pour certains et nouveau pour d’autres. L’harmonica est l’instrument du Blues, donc tant qu’il y en aura dans notre musique, le ‘facteur’ Blues sera toujours là, je pense. Moi, je ne suis qu’un clown, là au milieu…
– Par ailleurs, « Almost Exactly » contient des sonorités Southern et même Country Blues et Gospel. Est-ce à dire que vous considérez le Blues au sens large du terme comme un vaste terrain de jeu aux possibilités infinies ?
Le Blues n’est pas un genre, c’est une ambiance. C’est un style de vie, apparent ou réel. Une chose peut cependant paraître ‘bluesy’, si vous chantez la gamme pentatonique avec plus ou moins d’émotion. Je suppose que nous avons l’air bluesy, car il y a beaucoup de gammes pentatoniques dans ce que nous faisons. Nous nous inspirons de ces rythmes qui étaient populaires il y a un demi-siècle. Si une chose est plus Country, ou Gospel, cela dépend du contenu des paroles ou des sons. La délivrance est toujours la même. Mais le Blues porte l’ambiance, c’est sûr.
Photo : Anna Polewiak
– Prochainement, vous allez venir en France pour une belle série de concerts. En dehors de votre guitariste Stephen, est-ce que vous entretenez une relation particulière avec notre pays, qui est aussi une belle terre d’accueil pour le Blues ?
Bien sûr que nous le faisons. Il n’y a rien de plus gratifiant que d’entretenir une relation avec chaque pays dans lequel nous nous produisons. La France est un beau pays plein de gens enthousiastes. La nourriture et la vigne sont excellentes et les musiciens sont parmi les meilleurs. Elle nous a toujours très bien traités, nous ne pouvons que lui rendre la pareille en vous traitant également bien.
– Pour conclure, il n’y a pas que votre musique qui soit très soignée, votre look vintage l’est tout autant. Cela fait partie intégrale de l’univers de THE CINELLI BROTHERS, ou plus simplement de votre quotidien ?
Nous jouons un rôle dans le groupe. Nous sommes des artistes et il n’y a rien de mal à le dire. Quand le style que vous mettez sur scène vous va parfois bien dans la vraie vie, c’est là qu’on se fait ‘cinellier’. Personnellement, j’ai tendance à m’habiller très mal, trop coloré, hors-concours, criard et tout le reste. Tu imagines donc bien que le défi d’apporter un tel style dans le groupe et de convaincre les trois autres n’était pas si grand !
Le nouvel album de THE CINELLI BROTHERS, « Almost Exactly » (Inouie Distribution), est disponible sur le site du groupe avec toutes infos et notamment leurs concerts à venir :
Avec ce quatrième album, les trois Américains risquent de marquer les esprits, tant la lourdeur vibratoire qui enveloppe et s’étend sur l’ensemble de « Garden Creatures » a de quoi faire trembler la faille de San Andreas. Massifs et percutants, les morceaux de ce nouvel opus de DISASTROID prennent tous les chemins de traverse, via un flux où s’entrechoquent Stoner, Noise, Grunge et un soupçon de Psych. Une synthèse palpitante et insaisissable.
DISASTROID
« Garden Creatures »
(Heavy Psych Sounds)
A en croire le groupe, les recoins des maisons résidentielles de San Francisco ne sont pas si sûrs que ça et il s’y passe même des choses sinon terrifiantes, tout au moins lugubres. Au sein des jardins envahis de végétation, dans les caves pleines de secrets et au hasard des crimes et dans une solitude pesante, DISASTROID a imaginé et conçu un album assez obsessionnel, à l’épaisseur trouble et dans un registre où le Grunge et le Noise se fondent dans un Stoner Rock vrombissant et sérieusement Heavy.
Et l’un des grands artisans de l’atmosphère si spéciale de « Garden Creatures » est aussi Billy Anderson, connu pour ses collaborations avec Sleep, Melvins et Neurosis entre autres, qui a réalisé une incroyable production, que ce soit dans l’ambiance globale du disque que dans chaque détail. Si DISASTROID se sert du Stoner Rock comme socle principal et aussi comme fil conducteur, c’est pour mieux distiller un Grunge 90’s hyper-fuzz, d’où la voix d’Enver Koneya, également guitariste, s’envole dans une forme de songe vaporeux, mais appuyé.
Entre Noise et Heavy Rock, le power trio nous présente probablement la facette la moins glamour de San Francisco. De leur côté, Travis Williams (basse) et Braden McGaw (batterie) procèdent à un broyage en règle sur un groove dévastateur, flirtant même avec certains aspects Doom. Décidemment, DISASTROID n’est jamais à court d’idées, n’hésitant à mêler le son de la scène de Seattle du siècle dernier avec un Stoner moderne et pachydermique (« Garden Creatures », « Figurative Object », « 24 », « Light’Em Up, « Jack Londonin’ »). Une baffe !
On pourrait facilement énumérer les artistes qui ont forgé la culture musicale de LOUIS MEZZASOMA, c’est assez évident, mais ce serait sans compter sur l’originalité et la personnalité artistique à l’œuvre dans son répertoire. Toujours aussi variée et chaleureuse, cette quatrième réalisation du musicien du Forez l’élève un peu plus parmi les plus créatifs de l’hexagone. « Good Or Bad Time » s’écoute en boucle.
LOUIS MEZZASOMA
« Good Or Bad Time »
(Le Cri Du Charbon)
Le Stéphanois avait déjà attisé ma curiosité avec « Mercenary », son troisième album sorti en 2021. Très authentique et direct, LOUIS MEZZASOMA accueillait pour la première fois un batteur-percussionniste, alors qu’il évoluait jusqu’alors en one-man-band. Pour « Good Or Bad Time », c’est dans une formule en trio que le bluesman présente onze nouveaux titres. Alors, si son ‘Dirty Old Blues’ a pris du volume, l’intention est toujours la même, tout comme sa démarche qui reste d’une sincérité absolue.
Et ce nouveau line-up a même de quoi surprendre. Bien sûr, LOUIS MEZZASOMA est au chant, aux guitares, au banjo et joue de son Diddley Bow personnel, qui lui fait remonter aux origines du style. A ses côtés, pas moins de deux batteurs qui assurent aussi les chœurs : Arthur Parmentier et Hugo Etay Mora. Sur les textes du multi-cordiste, le groupe a composé ensemble les chansons sur lesquelles intervient également Brice Rivey au violon et au banjo. Un beau travail d’équipe où le songwriter semble s’épanouir.
Musicalement toujours aussi épuré, LOUIS MEZZASOMA navigue dans des atmosphères Southern, où il continue sa recherche du Blues originel qu’il parcourt pourtant avec talent. Traversant la Folk, la Country et le Rock, son jeu poursuit une même direction entre ballades et morceaux plus enlevés et électrisants, porté par un esprit roots à la fois serein et exacerbé (« Funny Boy », « Decent Man », « Lucky Tim », « Cloudy Day », « Corruption »). Aussi moderne qu’intemporel, « Good Or Bad Time » s’inscrit dans une belle tradition.
Retrouvez l’interview de LOUIS MEZZASOMA accordée à la sortie de « Mercenary » :
Déjà remis de « Molotov Rocktail » (2021), BOKASSA revient à la charge avec son cocktail de Metal HxC, de Stoner et de Punk. Entièrement confectionné par Tue Madsen, dont on connait le travail pour Meshuggah, The Haunted ou Halford, « All Out Of Dreams » dresse avec véhémence et pas mal de légèreté malgré tout, une sorte de possibilité très réelle du paysage sociopolitique actuel. Eprouvante et lourde, mais aussi dynamique et percutante, cette nouvelle réalisation montre un engagement poing levé très déterminé.
BOKASSA
« All Out Of Dreams »
(Indie Recordings)
Quatrième album en huit ans pour le power trio norvégien, qui avait tapé dans l’œil de Metallica il y a quelques années avant les suivre en tournée à l’invitation des Four Horsemen. Nous étions alors en 2019 et BOKASSA en avait bien sûr profité pour accroitre sa notoriété et faire connaître son Heavy Stoner Metal aux multiples facettes au monde entier et avait même signé chez Napalm dans la foulée. 2024 : retour aux fondamentaux et sur un label qui semble mieux respecter la nature et la démarche de nos furieux Scandinaves, difficiles à faire entrer dans le moule d’un système qu’ils ne cautionnent pas forcément.
Car il y a un côté Punk qui prend de la place chez BOKASSA et peut-être même encore un peu plus sur « All Out Of Dreams », qui est assez pessimiste dans le fond, malgré un humour noir constant. S’il se veut dystopique (c’est très en vogue actuellement), ce nouvel opus semble pourtant dépeindre une société dans laquelle nous vivons déjà. Fataliste mais vigoureux et la tête haute, le combo sort la sulfateuse à grand coup de riffs épais, avec un batteur au jeu musclé et un bassiste aux lignes véloces (« The Ending Starts Today », « Everyone Fails in The End », « Let’s Storm The Capitol »).
Jouant sur des ambiances très Metal ou carrément Hard-Core, des passages clairement Stoner et des aspects Punk californien estampillé 90’s, et un brin pénible, au niveau du chant et des chœurs, « All Out Of Dreams » a de quoi perturber par ses grands écarts. Mais peu importe finalement, car BOKASSA est avant tout une débauche d’énergie brute, une sorte de défouloir, mais bien joué ! A noter le chant de Lou Koller des légendaires Sick Of It All sur « Garden Of Heathen » et le soutien d’Aaron Beam de Red Fang sur « Bradford Death Squad ». Un disque qui va en faire transpirer plus d’un(e), à n’en pas douter !
Ce quatrième album de COLLINE HILL vient souligner toute la force d’une voix aussi légère que puissante, qui glisse avec harmonie dans un style qui va bien plus en profondeur que la simple Folk. En surface, la sobriété des chansons semble s’effacer derrière la narration. Or c’est justement cette belle complicité entre la guitare et le chant qui libère une lumière dans laquelle une certaine universalité du propos rejoint avec élégance notre quotidien. « In-Between » interroge et hypnotise avec beaucoup d’émotion.
COLLINE HILL
« In-Between »
(Hill & Lake Productions)
Elle aurait pu choisir l’art de la Gwerz de sa Bretagne natale, mais c’est vers l’Americana que COLLINE HILL s’est tournée pour conter ses histoires. Car dans ce style si spécifique à la culture américaine, le storytelling compte autant, sinon parfois plus, que la musique en elle-même. Majoritairement interprété en guitare/voix avec en héritage direct la Folk, la Country et le Blues, le registre va comme un gant à la chanteuse désormais installée en Belgique, après l’Irlande, un pays plus enclin à la culture musicale des Etats-Unis que la France.
Déjà présente et très bien mise en valeur sur « Shelter », son précédent mini-album sorti en 2019, c’est bel et bien la plume de COLLINE HILL qui nous guide. Soutenus par une guitare qui semble épurée de prime abord, ses textes nous transportent littéralement au cœur de cette Amérique oubliée et dont les récits résonnent tout au long de « In-Between ». La richesse de l’écriture réside justement dans cette apparente simplicité que seule l’Americana révèle au grand jour. Et la Morbihannaise en possède tous les codes.
Superbement réalisé par Géraldine Capart qui a parfaitement saisi l’univers et la musicalité de l’artiste, « In-Between » suit sur un chemin plein de poésie et si touchant de réalité. Parler d’authenticité ou de sincérité dans le chant et le jeu de COLLINE HILL est un doux euphémisme, tant la finesse et la délicatesse de sa voix captent toute l’attention (« What If », « Life’s A Ride », « Out Of The Blue », « Kate », « Mary Jane », « Winters »). Pourtant loin des Appalaches et du Midwest, la compositrice nous invite à un voyage dépaysant et si familier.
Depuis un petit moment, l’Hexagone s’est forgé une solide scène en termes de Metal extrême et on peut affirmer sans mal qu’il se taille la part du lion dans bien des registres. C’est ainsi le cas avec SYCOMORE et son Sludge Metal fracassant, dont « Antisweet » vient démontrer à la fois la force, mais aussi la capacité à puiser dans d’autres styles pour durcir le sien. Sans limite donc, mais non sans unité et une ligne musicale radicale et foudroyante.
SYCOMORE
« Antisweet »
(Source Atone Records)
T’as vu la sucette et t’es venu chercher un peu de douceur, c’est ça ? Alors, passe ton chemin, car le power trio n’a toujours pas l’intention de câliner son auditoire, mais plutôt de sévèrement le bousculer. Oppressant, rugueux et sauvage, ce quatrième album (et le premier chez Source Atone Records) va encore plus loin que ce à quoi SYCOMORE nous avait habitué jusqu’à présent. Non que le groupe ait réduit son champ d’action pour livrer de nouvelles compos d’un brutal nihilisme, ce serait même plutôt l’inverse.
Massif et fulgurant, le Sludge Metal des Amiénois se nourrit de ce que le monde d’aujourd’hui propose, à savoir de la colère et des frustrations qui émanent directement d’une atmosphère chaotique souvent étouffante. Pourtant, parmi les nombreuses déflagrations à l’œuvre sur « Antisweet », SYCOMORE laisse échapper quelques ambiances progressives et post-Metal, auxquelles se mêlent des sonorités Stoner bien sûr et plus étonnamment d’un Grunge très Noisy.
Ici, les dés ne sont pas pipés et dès « Eternal Watts », le combo ouvre sur l’une des rares éclaircies avant le déferlement musclé qui va suivre. La rythmique secoue et donne parfois le vertige, les riffs sont explosifs et épais, tandis que le duo vocal ne fait qu’un dans une énergie foudroyante. Agressif mais nuancé, SYCOMORE étend son travail de sape sur tout le disque (« Like Sulphur », « Drink Water », « Parallel Lines ») et livre même des instants Black Metal, avant de donner le coup de grâce avec « Captain Vitamin ». Rageur !